McCARTHY, JEREMIAH, arpenteur, né vers 1758, fils de Calahan McCarthy et de Catherine O’Brian, du comté de Cork (république d’Irlande) ; le 5 juin 1780, il épousa dans la paroisse Saint-Thomas (à Montmagny, Québec) Marie-Magdelaine Dubergès, et ils eurent six enfants ; décédé le 29 juin 1828 à Saint-Hyacinthe, Bas-Canada.

Du 29 octobre 1777 au 26 février 1778, le nom de Jeremiah McCarthy figure à quatre reprises sur les listes d’inspection du Prince of Wales’s American Regiment, unité formée de loyalistes recrutés dans l’état de New York. Le 6 novembre 1779, McCarthy était installé dans la province de Québec, à Saint-Thomas, et il était propriétaire d’une ferme. Mais la guerre était loin d’être terminée même si aucune opération militaire ne se déroulait en sol canadien. La Grande-Bretagne maintenait toujours dans la vallée du Saint-Laurent d’importantes forces armées qu’elle dispersait dans plusieurs paroisses à des fins stratégiques, mais aussi pour faire partager l’effort de guerre par le plus grand nombre d’habitants. McCarthy logea dans sa ferme des soldats du régiment allemand d’Anhalt-Zerbst, arrivé à Québec à la fin de mai 1778 et cantonné à Saint-Thomas du 6 novembre 1779 au 30 juin 1780. McCarthy ne sembla guère apprécier l’expérience, puisque le 21 juillet 1780 il s’adressa au gouverneur Frederick Haldimand* afin d’obtenir un dédommagement parce que la maison de son fermier avait servi de corps de garde, ce qui l’avait obligé à loger dans sa résidence la famille du fermier. À la fin de décembre 1779, le commissariat, qui s’occupait d’acquérir, d’entreposer et de distribuer les provisions de bouche de l’armée et les matériaux de construction, ouvrit un dépôt à Saint-Thomas. À partir du 24 janvier 1781, McCarthy y remplit la fonction de sous-commissaire général jusqu’à la fermeture du dépôt en juin 1783 à la suite de la réduction des effectifs militaires.

Pendant que McCarthy travaillait au commissariat, il avait exécuté quelques levés comme en témoigne le premier procès-verbal retrouvé dans son greffe et daté du 6 juin 1781. Toutefois, sa carrière d’arpenteur débuta véritablement en 1783 et, jusqu’en 1792, il arpenta toute la région de la Côte-du-Sud. Sa clientèle se retrouvait essentiellement dans les paroisses de Kamouraska, de L’Islet, de Montmagny, de Lévis et de Bellechasse. Il se rendit jusque dans la seigneurie de l’Îlet-du-Portage (1790) ou encore dans la région de la Beauce (1784). À cette époque, un arpenteur accomplissait diverses tâches : le chaînage, le bornage, l’alignement de terrains, de terres et de concessions entières, l’établissement ou la vérification de lignes entre des propriétés ou des seigneuries, la vérification d’arpentage, la préparation de procès-verbaux et de plans à la suite d’une vente, d’un ordre de la cour ou d’un partage successoral. Cependant, la carrière d’arpenteur n’apportait pas toutes les satisfactions qu’en attendait le jeune Irlandais établi dans une région largement francophone. Dans un mémoire adressé au Conseil exécutif en date du 25 mars 1784, il exprimait sa grande déception des conditions de vie des arpenteurs. Ses faibles émoluments ne lui permettaient pas de vivre de sa profession, car, disait-il, ils avaient été établis en fonction des « tireurs de ligne » et non des arpenteurs qui, comme lui, étaient capables d’arpenter de grandes étendues de terre. Il demanda que ses émoluments soient doublés. Malgré sa prétendue supériorité sur les « arpenteurs communs », McCarthy dut accomplir pendant plusieurs années des tâches qu’il dédaignait. Il était aussi affligé de nombreux problèmes de santé qui le retenaient chez lui durant de longues périodes. Il fut ainsi réduit à l’inactivité pendant plus d’un mois en 1786. Dans une lettre adressée au receveur général adjoint intérimaire Henry Caldwell* le 27 novembre 1786, il mentionnait que sa santé était très chancelante et qu’il craignait de ne pouvoir exercer longtemps son métier d’arpenteur.

Les requêtes de McCarthy en vue de faire reconnaître sa compétence ne furent pas vaines. En effet, il fut appelé à participer aux grands travaux d’arpentage que le gouvernement entreprit afin de favoriser l’établissement des loyalistes et d’accélérer le peuplement. En 1785 et 1787, il arpenta le canton d’Augusta (Ontario) en compagnie d’Edward Jessup. Il travailla toutefois davantage dans le Bas-Canada. En 1791, l’Acte constitutionnel contenait des dispositions relatives à la tenure des terres et au mode de concession qui eurent des résultats spectaculaires sur la colonisation et qui s’avérèrent aussi une véritable manne pour les arpenteurs. McCarthy fut un de ceux qui en profitèrent, puisqu’il eut à arpenter des cantons et à participer aux travaux qui devaient établir de façon précise les limites des régions qu’il fallait mettre en valeur et déterminer celles qui avaient été concédées selon le système seigneurial. Au cours de l’année 1792, il arpenta successivement les cantons d’Armagh, de Stoneham et de Tewkesbury. La même année, il fit le levé de la rivière Chaudière jusqu’au lac Mégantic. En 1793, il établit deux lignes de base en explorant tout le territoire compris entre la baronnie de Longueuil et la rivière Chaudière ainsi que celui qui est compris entre les rivières Saint-François et Yamaska jusqu’au canton de Dunham. Par ailleurs, en compagnie d’autres arpenteurs, il participa au levé du fleuve Saint-Laurent qui commença à l’hiver de 1792 et se poursuivit en 1793, 1794 et 1795. Cette tâche ne fut pas facile : les levés du fleuve faits en 1792 ne concordèrent pas, de telle sorte que le travail dut être repris l’année suivante par McCarthy et Benjamin Ecuyer. Samuel Gale et Jean-Baptiste Duberger utilisèrent ces données pour dresser leur carte en 1794 et 1795. Après avoir été considérées d’une assez grande exactitude, les distances mesurées par McCarthy lors de l’établissement des lignes de base s’avérèrent beaucoup moins précises que prévues, limitant de ce fait l’utilité de la carte de Gale et de Duberger.

Entre 1795 et 1800, les lenteurs administratives et les tergiversations politiques concernant la distribution des terres ralentirent considérablement l’arpentage des nouveaux cantons. À part l’arpentage des cantons de Milton et de Granby en 1796, McCarthy travailla presque exclusivement pour des seigneurs et des particuliers pendant cette période. Depuis qu’il s’était installé à Québec en 1791, il s’était bâti une importante clientèle dans la région tout en continuant à desservir la Côte-du-Sud à l’occasion.

Vers 1800, à la suite des règlements établis pour l’octroi des terres dans les cantons, le bureau de l’arpenteur général reçut de nombreuses demandes pour qu’on fasse l’arpentage de cantons. Encore une fois, McCarthy put en profiter ; en 1800, il arpenta le canton de Thetford, en 1801, ceux de Shenley, de Simpson, de Stoke et de Windsor, en 1802, les cantons de Tring, de Somerset, de Newton, de Nelson, de Farnham et de Buckland et, en 1803, celui d’Aston. Pendant la même période, il vérifia les limites de plusieurs seigneuries.

Avec l’arpentage du canton d’Aston, limitrophe à la seigneurie de Nicolet, les choses commencèrent à mal tourner pour McCarthy. Le 18 juin 1802, il avait reçu instructions de l’arpenteur général intérimaire Joseph Bouchette* d’arpenter et de subdiviser ce canton ; il devait aussi vérifier auprès des seigneurs concernés que les limites de leurs propriétés étaient clairement établies. En se basant sur le plan du canton d’Aston dressé par McCarthy, le seigneur de Nicolet, Pierre-Michel Cressé*, entreprit le développement de deux concessions de 120 lots sur un terrain situé en réalité dans le canton d’Aston. Lorsqu’en 1821 Kenelm Conor Chandler* acquit la seigneurie, l’affaire était loin d’être réglée et opposa le nouveau propriétaire à l’agent des terres du canton d’Aston. Ce dernier obtint gain de cause vers 1832 en s’appuyant sur les remarques de Bouchette qui invalidaient pratiquement le levé de McCarthy en le qualifiant d’erroné, d’inadmissible et de contraire à ses instructions.

L’arpentage du canton de Farnham et de la seigneurie de Saint-Hyacinthe, que McCarthy effectua également en 1802, fut encore plus lourd de conséquences. Il permit aux propriétaires de la seigneurie de récupérer 17 000 acres sur les seigneuries avoisinantes, dont celle de Monnoir qui appartenait à sir John Johnson. Une fois de plus, Bouchette se montra insatisfait du travail de McCarthy, mais ce ne fut pas suffisant pour faire rejeter le procès-verbal de ce dernier.

À partir de 1802, la correspondance entre McCarthy et Bouchette fait état de sérieux écarts de conduite de la part de McCarthy, au point où Bouchette, après l’avoir réprimandé par écrit le 16 décembre 1802, dut le convoquer à Québec le 30 mai 1803. Discret, Bouchette ne décrivit pas la conduite de McCarthy, mais il fit état d’une « collection de lettres » à son sujet. Bouchette décida de ne plus faire appel aux services de McCarthy, qui vit alors sa carrière décliner. On le sollicita de plus en plus rarement pour faire de l’arpentage, au point qu’il dut quitter le Bas-Canada de 1806 à 1814 et travailler dans le Haut-Canada où il fit, entre autres, des levés dans le village de Williamstown en 1813, pour le compte de sir John Johnson.

McCarthy s’installa de nouveau à Québec en 1814, mais il exerça dans les seigneuries et les paroisses du bas du fleuve, soit Trois-Pistoles, L’Îsle-Verte, Bic et Rimouski, au cours des deux années suivantes. McCarthy souffrait d’alcoolisme, ce qui le rendit progressivement inapte à exercer sa profession. Il trouva refuge auprès de Marie-Rosalie Papineau, femme de Jean Dessaulles, à Saint-Hyacinthe, où il mourut le 29 juin 1828.

Si McCarthy termina sa carrière d’arpenteur de façon plutôt lamentable, il n’eut guère plus de succès en affaires. Il s’intéressa uniquement à l’acquisition de propriétés foncières. En 1786, en compagnie de Duncan McDonald, il acheta les seigneuries de Ristigouche et de Port-Daniel en Gaspésie. Mais, la même année, la vente était révoquée et, dix ans plus tard, les deux seigneuries furent rattachées aux terres de la couronne. Le Conseil exécutif accepta de rembourser McCarthy des sommes qu’il avait investies dans l’aventure. En 1793, avec le capitaine T. A. Wetherall, McCarthy réclama le canton de Buckland. Les choses traînèrent en longueur, Wetherall n’ayant pu assurer le financement nécessaire pour développer le canton, de telle sorte qu’en 1800 McCarthy réclama pour lui-même et sa famille 1 200 acres dans le canton de Barford. Rien n’indique qu’il les ait obtenues.

La contribution de McCarthy à l’enseignement mérite d’être soulignée. En 1789, il publia une annonce dans la Gazette de Québec, avisant la population qu’« il enseignera[it] à une petit nombre de jeunes Messieurs (n’excédant pas six à la fois) [...] les Elemens d’Euclide, ou la Géométrie, la Trigonométrie, les Sections Coniques, la Géographie, l’usage des Globes et des Cartes, le Mesurage, le Jeaugeage, la Canonerie, la Fortification, l’Architecture, la Gnomonique, les Mechaniques, la Navigation, l’Arpentage dans toutes ses branches, tant en théorie qu’en pratique ». Après s’être installé à Québec en 1791, il ouvrit une école de mathématiques dans sa résidence située rue des Carrières. Ses cours qui étaient offerts en français ou en anglais contribuèrent à la formation d’un nombre respectable d’arpenteurs. Il transmit sa science à son fils Jeremiah, qui reçut une commission d’arpenteur en 1797 et travailla presque exclusivement avec lui, et à l’arpenteur Louis Charland*.

Après s’être annoncée des plus prometteuses, la carrière de Jeremiah McCarthy apparaît comme une interminable suite d’échecs. On pourrait être tenté de tout expliquer par l’alcoolisme, ce qui peut être valable en partie. Toutefois, les conséquences de son travail dans les cantons d’Aston et de Farnham ont tout autant terni sa réputation, peu importe l’exactitude de ses levés. S’il ne fut pas chanceux dans ses tentatives de devenir seigneur et d’obtenir des terres dans certains cantons, rien n’indique qu’il y perdit des sommes considérables. Il ne semble avoir eu aucun appui auprès des membres des classes dirigeantes, et ce qu’il obtint fut loin d’être à la hauteur de ses ambitions.

Gilles Langelier

Les procès-verbaux de l’arpenteur Jeremiah McCarthy couvrant les années 1781 à 1817, sont conservés aux ANQ-Q, sous la cote CA1-45.

ANQ-Q, CE2-7, 5 juin, 13 sept. 1780, 22 oct. 1781, 29 déc. 1782, 10 nov. 1784, 7 avril 1786, 1er août 1787 ; CN1-92, 1er mars 1793 ; E21/357, 21 janv., 16 févr., 3 mai, 1er juill., 12 août, 7 oct. 1802, 5 sept. 1803, 20 août 1804 ; P–239 : 72.— APC, Coll. nationale des cartes et plans, NMC-26878 ; NMC-57718 ; MG 9, D4, vol. 8, sect. A& : 517 (mfm) ; MG 23, GII, 10, vol. 3 : 916–924, 935–941 ; MG 30, D1, 20 ; RG 1, L3L : 29331–29445, 36132–36168, 62080, 62103–62108, 63521–63531, 63554, 64102–64114 ; RG 4, A1, 26 : 8681–8683 ; 62 : 20007–20008, 20011, 20015, 20019, 20024, 20028 ; RG 4, B33, 18 ; RG 8, I (C sér.), 1895 : 1, 19, 25, 32.— BL, Add. mss 21853 : 36–37, 64–126 ; 21877 :124, 127–128.— Québec, Ministère de l’Énergie et Ressources, Service d’arpentage, carnet d’arpenteur, A22, A22A, A22G, B33, F3B, M27A, N2, N6D, S10A, S17A, S24A, T8, T14, W16 ; Surveyor general office, letter-books, vol. 2, 16 déc. 1802, 30 mai 1803.— « Surveyors’ letters, notes, instructions, etc., from 1788 to 1791 », AO Report, 1905 : 418–419.— La Gazette de Québec, 7 août 1783, 5 févr. 1789, 24 nov. 1791, 16 mars 1814, 7 juill. 1828.— Maurice Saint-Yves, Atlas de géographie historique du Canada (Boucherville, Québec, 1982).— Jules Bélanger et al., Histoire de la Gaspésie (Montréal, 1981), 164.— Caron, la Colonisation de la prov. de Québec.— C.-P. Choquette, Histoire de la ville de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, Québec, 1930), 86.— V. E. DeMarce, The settlement of former German auxiliary troops in Canada after the American revolution (Arlington, Va., 1984).

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Gilles Langelier, « McCARTHY, JEREMIAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mccarthy_jeremiah_6F.html.

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Auteur de l'article:    Gilles Langelier
Titre de l'article:    McCARTHY, JEREMIAH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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