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MOLSON, JOHN, homme d’affaires, officier de milice, fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 3 octobre 1787 à Montréal, fils aîné de John Molson* l’ancien et de Sarah Insley Vaughan ; le 12 octobre 1816, il épousa à Québec Mary Ann Elizabeth Molson, et ils eurent cinq fils ; décédé le 12 juillet 1860 dans sa ville natale.
C’est au début des années 1800 que l’on fait mention pour la première fois de John Molson l’aîné. Au cours de cette décennie, il s’initia aux affaires en travaillant dans la brasserie que son père avait acquise à Montréal dès 1785. Il s’intéressa particulièrement aux techniques de production de la bière, si bien qu’en 1810 son père lui confia la direction de l’entreprise pendant son voyage en Angleterre. Toutefois, ses connaissances les plus précieuses furent acquises auprès du mécanicien John Jackson qui lui enseigna les principes et les applications de la « puissance à vapeur » ; ce dernier avait été en fait l’associé de John Molson l’ancien et de John Bruce, constructeur de navires, dans l’entreprise qui avait abouti en 1809 au lancement de l’Accommodation, premier navire à vapeur construit dans la colonie.
Il est fort probable que les talents d’ingénieur de John l’aîné furent rapidement mis à contribution au sein de l’entreprise de navigation que dirigeait son père, d’autant plus qu’en 1812 et 1814 deux nouveaux bateaux à vapeur, le Swiftsure et le Malsham, s’ajoutèrent au capital de la firme Molson. Munis de moteurs puissants fabriqués en Angleterre dans les ateliers de Matthew Boulton et de James Watt, ces navires assuraient la liaison entre Montréal et Québec en beaucoup moins de temps que leur prédécesseur, l’Accommodation, même s’ils devaient eux aussi faire de nombreuses escales pour approvisionner les moteurs à vapeur en bois de chauffage. Les deux bâtiments avaient été mis en service dans le contexte de la guerre anglo-américaine, en vue d’honorer les contrats de l’armée pour le transport et le ravitaillement des troupes dans la colonie.
Pendant la guerre de 1812, John l’aîné fut nommé cornette dans la Royal Montreal Cavalry, grade qu’il conserva jusqu’en 1821 ; cette année-là, il fut promu lieutenant dans le même régiment de cavalerie. À la fin des hostilités en 1815, il s’installa à Québec afin de surveiller la réception des marchandises à partir du quai et de l’entrepôt que l’entreprise de navigation possédait au pied du cap Diamant. La même année, il se rendit en Angleterre pour régler censément une affaire relative à la construction du Lady Sherbrooke et du New Swiftsure, lancés respectivement en 1816 et 1817. Au cours de ce voyage, il aurait rencontré Mary Ann Elizabeth Molson, sa cousine germaine ; la sœur de celle-ci, Martha, épousa Thomas Molson*, frère de John l’aîné, en Angleterre en avril 1816. Mary Ann Elizabeth arriva à Québec en mai 1816 et se maria le 12 octobre suivant avec John l’aîné. En décembre de la même année, ce dernier s’associa à son père et à ses deux frères, William* et Thomas, sous la raison sociale de John Molson and Sons. La nouvelle firme, créée pour une durée de sept ans, devait gérer l’ensemble des capitaux de la famille (brasserie, navires, quais, entrepôts et hôtel), dont l’actif de £69 550 provenait surtout du père, John l’ancien. Grâce à la John Molson and Sons, John l’aîné prit de l’ascendant au sein de l’entreprise de navigation, d’autant plus que sa part de £6 000 dans la société était constituée par le Swiftsure que son père lui avait donné peu de temps auparavant. Malgré la crise économique qui sévissait alors dans la colonie, il semble avoir retiré des bénéfices de la navigation sur le Saint-Laurent et des autres activités de la société familiale, puisqu’en 1819 sa part était passée à £16 783.
Cette année-là, John l’aîné revint à Montréal. Il dut alors faire face au problème de la concurrence engendrée par un surinvestissement dans la navigation ; en effet, des firmes rivales avaient déjà lancé plusieurs autres navires à vapeur sur le Saint-Laurent. La diminution du taux de profit de l’entreprise de navigation affectait la rentabilité générale de la John Molson and Sons. On décida donc de transférer l’actif de l’entreprise dans une société par actions, peut-être à responsabilité limitée, où la famille Molson était majoritaire. C’est ainsi qu’en 1822 fut fondée la St Lawrence Steamboat Company [V. William Molson] dans laquelle la John Molson and Sons détenait 26 des 44 actions, d’une valeur de £1 000 chacune ; cette dernière apportait ses trois navires à l’actif de la nouvelle compagnie et recevait le mandat de la gérer. De ce réaménagement, John l’aîné émergeait avec un pouvoir accru et une liberté plus grande dans l’administration de l’activité maritime.
Les années 1820 annonçaient une ère de prospérité pour la St Lawrence Steamboat Company ; le développement du mouvement d’immigration et l’accroissement de la demande en bois de construction dans les villes de Québec et de Montréal, tout comme la croissance de l’activité économique générale, eurent pour effet de relancer le trafic maritime sur le Saint-Laurent. De leur côté, les forces armées britanniques firent régulièrement appel aux services de la compagnie pour le transport de la pierre de taille destinée aux travaux de fortification qui avaient été entrepris durant la décennie à William Henry (Sorel), à l’île aux Noix, sur le Richelieu, et à l’île Sainte-Hélène, sur le Saint-Laurent. Dotée de contrats lucratifs, la St Lawrence Steamboat Company parvint à établir en 1827 un service de remorquage de navires et de barges, puis à étendre son rayon d’action sur l’Outaouais, le lac Saint-François et le Richelieu. Vers 1830, la St Lawrence Steamboat Company, alors en pleine expansion, acheta la majorité des actions de l’Ottawa Steamboat Company, qui allait devenir peu après l’Ottawa and Rideau Forwarding Company ; la firme des Molson s’assurait ainsi la mainmise de la navigation sur l’Outaouais et sur le canal Rideau, voie d’eau conduisant au lac Ontario. La St Lawrence Steamboat Company conclut par ailleurs une entente sur les horaires et les tarifs avec John Torrance*, propriétaire de la St Lawrence Steam Tow Boat Company (mieux connue sous le nom de Montreal Tow Boat Company), afin de conserver le quasi-monopole de la navigation sur le Richelieu ; ces deux compagnies construisirent même des navires conjointement. En 1827, la St Lawrence Steamboat Company avait aussi lancé le John Molson, le remorqueur le plus puissant de tous.
En 1824, au moment du départ de Thomas Molson pour Kingston, dans le Haut-Canada, un nouveau contrat réunit John Molson l’ancien et ses deux fils, John l’aîné et William, sous la même raison sociale : John Molson and Sons. En 1828, une partie des entreprises de la famille (brasserie, hôtel et quais) passa de la John Molson and Sons à la John and William Molson, qui avait été créée la même année et au sein de laquelle William jouait un rôle de premier plan. Déçu par la tournure des événements, John l’aîné se retira de la nouvelle société au bout d’un an pour se lancer presque aussitôt dans le commerce d’import-export. Le 1er mai 1829, il s’associa aux frères Davies, George et George Crew, marchands de Québec, sous le nom de Molson, Davies and Company. Malgré les velléités d’indépendance de John l’aîné à l’endroit de l’entreprise familiale, la Molson, Davies and Company demeurait largement financée par le père, John l’ancien, comme en témoignent les nombreuses créances (dont une de £2 000) que ce dernier détenait sur la nouvelle société. De plus, en 1834, John l’ancien consentit à donner à son fils aîné deux de ses magasins en échange de propriétés qu’il lui avait déjà cédées. Très tôt, la Molson, Davies and Company se spécialisa dans le commerce de spiritueux, de denrées, d’articles de quincaillerie et de matériel de navires (câbles, ancres, toiles et voiles). Pour leur part, William et Thomas Molson faisaient parfois appel à la firme pour combler les besoins de la brasserie et de la distillerie en matières premières ; ainsi, en 1836, à la suite de récoltes désastreuses dans le Bas-Canada, la Molson, Davies and Company se vit octroyer le contrat pour acheter sur le marché européen les grains nécessaires à la brasserie et à la distillerie. À cette époque, la Molson, Davies and Company faisait affaire avec un important agent londonien, Henry Bliss*, mandataire des principaux négociants du Bas-Canada. Le 7 septembre 1838, John l’aîné mit fin à la Molson, Davies and Company en achetant la part de ses associés, évaluée à £10 000. Pour des raisons qui demeurent obscures, il prit la décision de faire cavalier seul, à partir de cette date, dans le domaine du commerce.
Dans le prolongement de son activité de négociant-armateur, John Molson l’aîné s’intéressa au secteur financier qui connaissait un essor remarquable grâce à l’apparition des premiers établissements de crédit dans la colonie. En 1822, il acheta 30 actions de la Banque de Montréal, d’une valeur de £50 chacune. Élu au conseil d’administration de l’établissement en 1826, il prit parti en faveur de la faction représentée par George Moffatt*, qui critiquait les irrégularités de la gestion du président Samuel Gerrard. En juin, l’un des administrateurs, Frederick William Ermatinger*, démissionna pour permettre à John Molson l’ancien d’accéder au conseil où celui-ci parvint peu après à occuper le poste de président. Toutefois, lorsque John Molson l’aîné démissionna le même mois, il fut remplacé par Ermatinger que l’on avait persuadé de revenir au conseil. Ce n’est qu’en 1836, à la mort de son père, que John Molson l’aîné reprendra son siège à la direction de la Banque de Montréal. Entre-temps, il avait participé en 1831, avec John Frothingham*, William Ritchie, Stanley Bagg, William Lyman et quelques actionnaires de l’état de New York, à la fondation de la Banque de la cité (à Montréal), qui constituait une sorte d’enclave au monopole de la Banque de Montréal. Les activités financières de John l’aîné ne se limitaient pas uniquement au milieu bancaire ; ainsi, en 1842, il était le plus grand détenteur d’obligations à Montréal et en tirait un revenu de £719 par année.
Mêlé de près aux transformations du milieu urbain, John l’aîné contribua notamment à l’implantation de nouveaux services publics. En 1836, il fut nommé président de la Compagnie de l’éclairage par le gaz de Montréal, société par actions nouvellement créée dont le capital s’élevait à £36 000. Dès l’année suivante, les principales artères de la ville étaient dotées d’un réseau de lampadaires alimentés au gaz. Cependant, à la suite de déficits financiers, la firme fut absorbée en 1848 par la Nouvelle Compagnie du gaz de la cité de Montréal, fondée un an auparavant par Thomas et William Molson. Devenu actionnaire minoritaire, John perdit peu à peu l’intérêt qu’il avait pour ce domaine et se retira de la nouvelle société vers 1851.
En 1831, un groupe d’hommes d’affaires de Montréal élabora le projet de relier Laprairie (La Prairie) à Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu), soit une distance de 20 milles, au moyen d’un chemin de rails en bois (recouverts d’un ruban de fer). Dans l’esprit de ses promoteurs, une telle voie offrait deux avantages majeurs : raccourcir et accélérer la liaison avec New York et favoriser le développement du commerce avec les états du Vermont et de New York. Ces hommes d’affaires, réunis autour des deux John Molson (l’aîné et l’ancien), de Peter McCutcheon McGill et de George Moffatt, mirent sur pied la Compagnie des propriétaires du chemin à lisses de Champlain et du Saint-Laurent, avec un capital de £50 000. Les travaux de construction de la voie entraînèrent des coûts imprévus, si bien que les administrateurs de la compagnie durent hypothéquer leurs propriétés personnelles. En 1836, année de l’inauguration du chemin à lisses, John l’aîné fut nommé président de la compagnie ; son père, mort le 11 janvier de la même année, lui avait cédé les £9 000 d’actions qu’il avait investies dans le projet. Malgré la fragilité des rails et la faible puissance de la première locomotive, le Dorchester, importée de Newcastle upon Tyne, en Angleterre, la compagnie transporta, de 1836 à 1840 inclusivement, plus de 35 000 tonnes de marchandises et quelque 111 000 passagers. Soucieux de bénéficier des avantages de ce nouveau moyen de transport, les Molson avaient fait construire une jetée et un entrepôt à Laprairie, à proximité du chemin à lisses.
Jusqu’en 1846, cette compagnie était la seule à exploiter le transport par rails de bois dans la région de Montréal et dans la colonie. Toutefois, avec la venue d’un nouveau concurrent, la Compagnie du chemin à rails de Montréal et de Lachine (qui deviendra la Compagnie du chemin de fer de Montréal et New York quatre ans plus tard), il fallut apporter des améliorations à la voie entre Laprairie et Dorchester, de façon à ne pas perdre une trop grande partie du trafic terrestre sur la rive sud. Ainsi, de 1848 à 1851, les rails de bois furent remplacés par des rails de fer et la voie fut prolongée jusqu’à Rouses Point, dans l’état de New York, où passait la ligne reliant Boston à Ogdensburg, dans l’état de New York, sur le haut Saint-Laurent. Cet effort de modernisation requit un investissement global de £141 560, ce qui augmenta la dette de la compagnie, notamment à l’endroit de la Banque de Montréal. Néanmoins, John Molson l’aîné demeurait encore un important bailleur de fonds de la voie ferrée reliant le lac Champlain au fleuve Saint-Laurent ; en 1851, il possédait 179 actions (sur un total de 2 000) de £50 chacune et se classait au deuxième rang pour sa mise de fonds.
Depuis le début des années 1820, la métallurgie montréalaise avait connu des changements technologiques grâce à l’apport d’ingénieurs américains et britanniques qui avaient voulu profiter du boom de la construction des premiers navires à vapeur dans la colonie. Malgré le caractère artisanal de son mode d’organisation du travail, cette industrie avait atteint un certain niveau de compétence et une souplesse qui lui permettaient de reconvertir facilement ses installations au gré de la demande en biens d’équipement. C’est dans ce contexte que John Molson l’aîné devint propriétaire de la St Mary’s Foundry qu’il reçut en héritage à la mort de son père en 1836. Dès l’année précédente, il avait commencé à diriger l’établissement qui comprenait une forge et un atelier où s’effectuait le montage des moteurs à vapeur. Les livres de comptes de la fonderie révèlent que pas plus de sept ouvriers salariés (un ingénieur, un mécanicien, trois fondeurs et deux apprentis) y travaillaient. On peut présumer que l’expérience de John l’aîné en matière d’application du principe de la vapeur et plus généralement dans le domaine de la mécanique le préparèrent à diriger en toute autonomie l’ensemble des opérations de production. De 1835 à 1840, la St Mary’s Foundry fabriqua des moteurs à vapeur non seulement pour des navires, mais aussi pour une scierie, une distillerie et un aqueduc. Les prix des moteurs s’échelonnaient entre £875 et £3 200, selon la puissance ou la dimension désirée par le client, et les délais de livraison variaient de trois à neuf mois.
En 1840, John l’aîné s’associa à William Parkyn, ingénieur civil, sous le nom de St Mary’s Foundry Company. Pour des raisons que l’on ignore, la société fut dissoute en 1845 et les installations de la fonderie (immeubles et équipements) furent louées à Parkyn pour £500 par année. Après un intermède de cinq ans, John l’aîné reprit la gérance de l’établissement et entreprit de fabriquer des roues de wagons pour les compagnies de chemin de fer, selon une technique particulière. À l’issue d’un procès instruit par suite d’une contestation judiciaire, la propriété du brevet de cette invention fut toutefois attribuée à Samuel Bonner, entrepreneur d’origine américaine. C’est probablement pour cette raison que John l’aîné confia en 1852 la St Mary’s Foundry aux deux contremaîtres de l’établissement, Warden King et George Rogers, et qu’il la vendit cinq ans plus tard à son neveu John Henry Robinson Molson. Durant les années où il fut engagé dans le domaine de la métallurgie, John l’aîné joua le rôle d’un entrepreneur tantôt actif, tantôt effacé, selon les fluctuations de la demande.
La mainmise des Molson sur la richesse sociale du Bas-Canada les associait à une « oligarchie de l’argent » contre laquelle le parti patriote avait décidé de mener la lutte au cours des années 1830. John l’aîné prit part à la vie politique en s’affiliant d’abord aux organisations tories de Montréal. Membre de l’Association constitutionnelle, il présida l’assemblée qui condamna le conseil municipal de Montréal pour avoir appuyé les Quatre-vingt-douze Résolutions en 1834. Durant les années suivantes, il se fit également le promoteur, auprès des marchands bas-canadiens, de l’union du Bas et du Haut-Canada en vue de former la nouvelle province du Canada. Élevé au rang de colonel de milice, il participa à la répression militaire de la rébellion de 1837 ; on raconte d’ailleurs qu’il fut blessé sur le chemin de Chambly. Sa loyauté à l’endroit de l’Empire britannique lui valut de recevoir une commission de juge de paix en 1838 et d’être nommé au sein du Conseil spécial dès sa création la même année. Solidaire des volontés de la métropole, il vota l’année suivante en faveur du projet d’union. Au cours de ses trois années d’existence, le Conseil spécial édicta plusieurs ordonnances, dont celle qui suspendait l’habeas corpus, celle qui supprimait la liberté de la presse, celle qui affectait d’autorité £47 344 aux dépenses civiles et celle qui veillait au remboursement d’une somme de £107 000 avancée par la Grande-Bretagne. L’expérience de John l’aîné dans les affaires fut également mise à profit lorsqu’il défendit l’ordonnance qui renouvelait la charte de la Banque de Montréal. À la même époque, quelques groupes financiers, dont le groupe de ses frères Thomas et William, se virent refuser le statut juridique de banque privée. Plus tard, en 1849, John l’aîné joua de nouveau un rôle politique au moment de l’agitation conduisant à la rédaction du Manifeste annexionniste [V. James Bruce*]. Comme les autres signataires, il fut l’objet des sanctions du gouvernement britannique qui lui retira notamment ses commissions de juge de paix et de colonel de milice.
Au début des années 1840, John l’aîné reprit en main l’entreprise de navigation des Molson qui avait connu quelques difficultés au cours du long ralentissement de l’activité économique des années 1830. Toutefois, les règles du jeu avaient changé ; depuis la mort de son père, John l’aîné était obligé de partager son pouvoir de gérance avec ses deux frères. Il perdit alors le goût de travailler à l’essor de la compagnie, d’autant plus que les démêlés entourant la succession du père avaient refroidi ses relations avec la famille [V. William Molson]. Il préféra mener des activités parallèles à la firme de navigation en s’associant à des individus comme David Vaughan, marin, en 1841, et Augustin Saint-Louis, marchand, en 1842 et 1844, dans des entreprises reliées au transport maritime. La correspondance de James Macaulay Higginson*, secrétaire privé du gouverneur en chef sir Charles Theophilus Metcalfe*, révèle que John l’aîné avait également mis sur pied un chantier de construction navale dans la région de Montréal.
Sans doute en raison des intérêts qu’il possédait dans le domaine de la navigation, John l’aîné fut nommé en 1832 et 1838 au poste de syndic de la Maison de la Trinité de Montréal, dont le mandat était de réglementer la circulation maritime. À titre de membre de cet organisme, il s’intéressa aux efforts d’aménagement du Saint-Laurent. Ainsi, en 1839, il commanda à David Vaughan la construction d’un navire à vapeur (au coût de £1 975) spécialement équipé pour le dragage du fleuve. Il fut également choisi comme membre d’un comité chargé de faire enquête sur la grève des terrassiers du canal de Lachine, survenue en 1843. Dans leur rapport, les commissaires attribuèrent les troubles à des agitateurs et conclurent à l’absence d’un pouvoir civil satisfaisant capable d’imposer le respect à un corps considérable d’ouvriers.
Entre-temps, la St Lawrence Steamboat Company (dans laquelle John l’aîné avait conservé ses actions) vendit ou loua un certain nombre de ses navires. Par ailleurs, de 1846 à 1854, John l’aîné se départit de la plupart des navires qu’il exploitait séparément. Même s’il accusait des pertes dans un champ donné d’investissement, il pouvait facilement refinancer ses dettes en s’appuyant sur un patrimoine foncier qu’il avait constitué au fil des années. Ses propriétés comprenaient, entre autres, un immense lot longeant la côte à Baron, qu’il avait acquis d’Andrew Torrance en 1832, une résidence luxueuse, le Belmont Hall, située au coin des rues Sherbrooke et Saint-Laurent, plusieurs terrains hérités de son père, dans le faubourg Sainte-Marie, à Montréal, un domaine sur la côte de la Visitation, dans l’île de Montréal, et les îles Saint-Jean et Sainte-Marguerite, à Boucherville, formant une vaste exploitation agricole. À ces biens s’ajoutaient des édifices commerciaux, rues Saint-Pierre et Saint-Paul, à Montréal.
Le début des années 1850 fut marqué par une réconciliation au sein de la famille Molson. Le 3 décembre 1853, John l’aîné et William fondèrent la Banque Molson en vertu de la loi sur les banques privées, adoptée trois ans auparavant. Au départ, la Banque Molson s’appliqua à recueillir les dépôts des épargnants tout en pratiquant l’escompte commercial à court terme et en émettant de la monnaie. À ce dernier chapitre, John l’aîné et William, avec la participation de leur frère Thomas, se servirent des transactions commerciales qu’ils effectuaient avec les marchands du Haut et du Bas-Canada pour mettre leur propre monnaie en circulation. Malgré tout, les deux financiers eurent à affronter la concurrence de la Banque de Montréal, dont la principale stratégie consistait à accumuler pendant plusieurs jours les billets de la Banque Molson de façon à exiger soudainement de cette dernière une reconversion métallique, créant chez elle des difficultés de liquidités. En 1855, la Banque Molson se dota d’une nouvelle structure en se faisant reconnaître juridiquement comme banque privilégiée par une loi de l’Assemblée législative de la province du Canada, Le montant autorisé de son capital-actions était haussé à £250 000 et la valeur des billets émis devait être fonction de la mise de fonds de ses sociétaires. Le 22 octobre, l’assemblée des actionnaires désigna un conseil d’administration de cinq membres, parmi lesquels figuraient John l’aîné, William et Thomas Molson ; le lendemain, à la première réunion du conseil, John fut élu vice-président et William, président.
Arrivé à la fin de sa vie, John l’aîné se retira graduellement du monde des affaires où il travaillait depuis plus d’une quarantaine d’années. En 1856, ses actions dans la Banque Molson valaient £35 000 et lui procuraient des dividendes de 8 p. cent. Dans le testament qu’il rédigea le 20 avril 1860, moins de trois mois avant sa mort, John l’aîné dotait sa femme et chacun de ses cinq enfants (John, George Elsdale, Alexander, Samuel Elsdale et Joseph Dinham) d’une rente substantielle, en plus de l’usufruit de certaines propriétés comme le Belmont Hall et le domaine de la côte de la Visitation. Toutefois, aucun héritier ne pouvait contester le testament sous peine de perdre tous ses droits. Le reste de sa fortune (estimé à environ £200 000 par ses contemporains) était laissé en fidéicommis à son frère William jusqu’à ce que ses petits-fils, principaux bénéficiaires, aient atteint la majorité.
Deux aspects particuliers donnent du relief à la vie de John Molson l’aîné : la fragilité de l’association familiale de capitaux et la polyvalence des activités de l’entrepreneur. Ces deux facteurs caractérisent la société coloniale lors de l’apparition du capitalisme. Il faut reconnaître d’abord que le cadre familial joue encore un rôle prépondérant à cette époque où la mobilisation du capital commence à peine à s’effectuer sous des formes juridiques différentes, comme la société par actions négociables et à responsabilité limitée. Au sein de la famille Molson, il subsiste cependant une confusion des fonctions qui est aggravée par les prétentions de John l’aîné à vouloir affirmer une autorité particulière sur les cadets récalcitrants ; cette situation risque sans cesse de provoquer des ruptures tant économiques et financières qu’affectives. En second lieu, on peut dire que John Molson l’aîné fut mêlé, en quelque sorte, à toutes les activités importantes de la vie économique : brasserie, navigation à vapeur, métallurgie, chemins de fer, éclairage au gaz des rues de Montréal, commerce d’import-export, investissement foncier, assurances et banques. On ne peut passer sous silence non plus son rôle politique et ses préoccupations culturelles et sociales, comme en témoignent ses donations au Montreal General Hospital vers 1829 et au McGill College en 1857. La plupart du temps, on le retrouve en compagnie des mêmes personnes, les Torrance, les McGill, les Moffatt, les Gerrard, entre autres, comme si l’ensemble des activités de cette petite société coloniale était pris en charge collectivement par un groupe d’individus qui s’attribuent la responsabilité de son développement ; nul caractère profond ne les distingue vraiment les uns des autres et des solidarités étroites cimentent leur cohésion. Celle-ci apparaît nettement dans les choix relatifs à la question nationale, dans la tension entre l’appartenance à l’Empire et l’attachement au continent nord-américain, dans leur adhésion à un parti politique et dans leur politique en matière de développement économique ; nulle trace, pour le moment, de sphères de spécialisation entre le capital commercial, le capital foncier, le capital industriel et le capital bancaire, si tant est qu’il doive jamais y en avoir.
La source de renseignements la plus importante concernant John Molson l’aîné est sans contredit les archives de la Brasserie Molson qui sont déposées aux APC, sous la cote MG 28, III57.
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Alfred Dubuc et Robert Tremblay, « MOLSON, JOHN (1787-1860) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/molson_john_1787_1860_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/molson_john_1787_1860_8F.html |
Auteur de l'article: | Alfred Dubuc et Robert Tremblay |
Titre de l'article: | MOLSON, JOHN (1787-1860) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 10 oct. 2024 |