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BOURGEOYS, MARGUERITE, dite du Saint-Sacrement, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame de Montréal, née à Troyes, en Champagne (France), le 17 avril 1620, décédée et inhumée à Montréal, le 12 janvier 1700, béatifiée le 12 novembre 1950 et canonisée le 31 octobre 1982.

Marguerite Bourgeoys naît en France au siècle de la guerre de Trente Ans et de la Fronde, au temps des puissantes et méthodiques réalisations de Richelieu et de Colbert, au temps des grands mystiques de l’école française, Jean-Jacques Olier, Pierre de Bérulle, Charles de Condren. Marquée par son milieu et son temps, Marguerite Bourgeoys sera à la fois grande réaliste et profonde mystique. Elle y prendra aussi figure d’avant-garde.

Par son père, Abraham Bourgeoys, maître chandelier et monnayeur en la Monnaie de Troyes, ainsi que par sa mère, Guillemette Garnier, Marguerite appartient à la bourgeoisie française du xviie siècle. L’inventaire détaillé des propriétés et des bijoux de Mme Bourgeoys et une étude de la famille Garnier prouvent la qualité des relations sociales qu’entretenaient ses parents et l’aisance dans laquelle ils vivaient.

Jusqu’en 1950, les biographes de Marguerite Bourgeoys répétaient que, orpheline à 12 ans, elle avait dès lors été chargée de la tenue de la maison et de l’éducation de ses frères et sœurs. Des documents récemment découverts prouvent au contraire que Marguerite, sixième des 12 enfants Bourgeoys, avait 19 ans à la mort de sa mère, et qu’elle avait une sœur aînée, Anne, encore à la maison en 1639.

C’est en 1640 – Marguerite est alors âgée de 20 ans – que se situe le premier jalon de l’étonnante odyssée qui l’amènera jusqu’en Nouvelle-France.

La congrégation de Notre-Dame, fondée en 1598 par Alix Leclerc, sous l’instigation de l’abbé Pierre Fourier, avait un couvent à Troyes. Ces religieuses cloîtrées, qui ne pouvaient sortir pour exercer leur apostolat en dehors du monastère, avaient recours à un moyen terme : une congrégation dite externe, groupe de jeunes filles qui se réunissaient au monastère pour des instructions pieuses et des leçons de pédagogie.

« Quelques sollicitations qu’on lui en fît », Marguerite Bourgeoys avait toujours refusé d’entrer dans la congrégation externe, par crainte de « passer pour bigote ». Mais en 1640, lors de la procession du Rosaire, un brusque coup de barre change sa destinée. « On repassa, écrit-elle, devant le portail [de l’abbaye de] Notre Dame ou il y a au-desus de la porte une image de pierre [de la Vierge] et en jetant la veue pour la regarder je la trouvay très belle et en mesme temps je me trouvai si touchée et si changée que je ne me connoissest plus et retournant à la maison cela paroissoit à tous et comme jetes for legère jetes la bien venue avec les autres filles. »

La première démarche de Marguerite Bourgeoys est d’entrer dans la congrégation externe. La directrice des congréganistes est alors mère Louise de Chomedey de Sainte-Marie, sœur de Paul de Chomedey de Maisonneuve, gouverneur de Ville-Marie. Par elle, Marguerite entend parler du Canada, puis est présentée à Maisonneuve, de passage à Troyes en 1652. Sœur Louise de Chomedey et quelques compagnes supplient Maisonneuve de les amener à Montréal. Mais il refuse, disant que, dans les conditions actuelles, une communauté religieuse ne pourrait subsister à Ville-Marie. Marguerite Bourgeoys, alors âgée de 33 ans, s’offre à y aller, et Maisonneuve l’accepte.

D’étranges refus d’admission au Carmel et à d’autres communautés contemplatives l’avaient laissée disponible pour Ville-Marie. En février 1653, elle quitte Troyes pour ne débarquer à Québec, après bien des difficultés, que le 22 septembre.

À son arrivée à Ville-Marie, Marguerite Bourgeoys ne trouve pas d’enfants d’âge scolaire, à cause de la mortalité infantile : « On a été environ 8 ans que Ion ne pouvoit point élevé danfants ». En attendant, elle se fait la grande sœur des colons. Déjà, sur le bateau, sa présence leur a valu une prédication, presque une conversion, car à leur arrivée, « ils étoient changés comme le linge quon met à la licive ». En 1657, elle semble les avoir gagnés bien gracieusement à une corvée pour la construction de la chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours (première église de pierre bâtie dans l’île de Montréal) qui, avec bien des transformations, s’élève encore aujourd’hui au même endroit. Les témoignages de ses contemporains assurent qu’en toutes circonstances on recourait à Marguerite, véritable assistante sociale avant la lettre.

Mais la mission à laquelle ses goûts et ses dispositions naturelles la poussent, c’est l’enseignement. Le 30 avril 1658, Marguerite Bourgeoys peut enfin accueillir ses premiers écoliers, dans une étable que, faute de mieux, lui a donnée Maisonneuve. L’acte de concession dit que c’est « un bâtiment de pierre de trent-six pieds de long sur dix-huit de large, situé à Ville-Marie, proche de l’Hôpital Saint-Joseph ».

Marguerite voit cependant plus loin et plus grand car, dès cette même année 1658, elle retourne en France « dans le desain d’amener quelque filles pour maider a recorder les enfants ». Elle en ramène trois bonnes bourgeoises, Edmée Châtel, Marie Raisin, Anne Hiou, ainsi qu’une jeune « fille forte » pour les grosses besognes. Grâce à l’aide de ses compagnes, Marguerite Bourgeoys pourra bientôt recevoir les filles du roi, ces jeunes orphelines que Louis XIV envoie en Nouvelle-France « pour faire des familles ». Elle va les « quérir au bor de leau », les prépare à leur rôle futur. C’est chez elle que les colons de Ville-Marie viennent chercher femme, non sans subir un sévère examen. Ils semblent d’ailleurs apprécier cette exceptionnelle agence matrimoniale ainsi que l’enseignement donné aux enfants à l’école de Marguerite Bourgeoys, car en 1667, dans une « assemblée d’habitants », ils prennent la résolution de demander au roi des lettres patentes pour les « filles de la Congrégation », nom que déjà, à Ville-Marie, on donnait à « Sœur Bourgeoys » et à ses compagnes.

De son côté, Mgr de Laval*, vicaire apostolique de la Nouvelle-France, lors de sa visite en 1669, approuve par l’autorité d’une ordonnance les institutrices de Ville-Marie pour l’île de Montréal et tous les autres lieux du Canada qui les demanderaient.

Marguerite Bourgeoys décide donc, en 1670, d’aller « demander des lettres patentes au roi » pour assurer l’existence de sa communauté. Ce voyage est peut-être le plus étonnant de tous. Marguerite part, seule de son sexe, avec dix sols dans sa poche. Arrivée à Paris, « sans argant sans hardes et sans connaissances », elle atteint Louis XIV. Talon avait signalé à Colbert, dans son rapport du 10 novembre 1670, les services rendus au pays par cette « espèce de Congrégation pour enseigner à la jeunesse, avec les lettres et l’écriture, les petits ouvrages de mains ». Et Colbert avait écrit en marge : « Il faut s’employer à cet établissement ». Le terrain est donc bien préparé, et Marguerite Bourgeoys obtient du roi, en mai 1671, les lettres patentes demandées. « Non seulement, écrit le roi, elle a fait l’exercice de maîtresse d’école en montrant gratuitement aux jeunes filles tous les métiers qui les rendent capables de gagner leur vie, mais, loin d’être à charge du pays, elle a fait construire des corps de logis, défriché des concessions, aménagé une métairie ».

Marguerite Bourgeoys ramène de France trois de ses nièces : Marguerite, Catherine et Louise Sommillard. Marguerite et Catherine deviendront plus tard sœurs de la Congrégation, et Louise, la femme d’un colon nommé Fortin.

À cette époque (1672), Marguerite Bourgeoys commence à vivre l’âge d’or de son œuvre en Nouvelle-France, une décennie de grande expansion.

À la demande des familles nobles et bourgeoises qui, jusqu’alors, envoyaient leurs filles à Québec, Marguerite Bourgeoys ouvre un pensionnat à Ville-Marie, en 1676.

Mais les préférences de Marguerite Bourgeoys vont aux fillettes moins fortunées. Pour elles, elle crée la première école ménagère au pays, l’ouvroir de la Providence, à la pointe Saint-Charles. De plus, à toutes celles qui ne peuvent venir au pensionnat, elle envoie ses sœurs. Ainsi se fondent de petites écoles à Lachine, à la Pointe-aux-Trembles de Montréal, à Batiscan, à Champlain. Les petites sauvagesses ont toujours large part dans ses prédilections. Depuis son arrivée à Ville-Marie, Marguerite Bourgeoys en a attiré et recueilli quelques-unes à son école. Vers 1678, elle établit une mission au village sauvage de la Montagne. Les sœurs enseignent dans des cabanes d’écorce. Ce n’est qu’à la fin du siècle qu’elles habiteront dans les tours du fort construit par M. Vachon* de Belmont, tours qu’on voit encore aujourd’hui sur le terrain du grand séminaire de Montréal.

Devant les proportions, imprévisibles au départ, que prend son œuvre, Marguerite Bourgeoys s’inquiète de l’avenir. Avant de les envoyer en mission, elle a bien formé ses compagnes à une pédagogie et surtout à une règle de vie de communauté séculière qu’elle a élaborée pour imiter la vie voyagère de Notre-Dame. Déjà, il est vrai, Mgr de Laval et Louis XIV ont approuvé un essai de ce genre de vie et, depuis longtemps, les colons leur donnent le nom de « sœurs ». Mais Marguerite Bourgeoys et ses compagnes ne peuvent faire que des promesses avec contrat civil, la hiérarchie officielle de l’Église n’ayant pas donné un règlement écrit, approuvé.

À cette fin, Marguerite Bourgeoys entreprend, en 1680, un troisième voyage en France, cette fois en compagnie de Mme François-Marie Perrot, femme du gouverneur de Montréal. Mgr de Laval, qui est à Paris, accablé de soucis, la reçoit froidement et lui interdit même toute tentative de recrutement.

Ce voyage n’est pourtant pas inutile. Marguerite Bourgeoys rencontre Mme de Miramion qui, hier célèbre à la cour, vit retirée et dirige un groupe de jeunes filles dans des œuvres de charité – une « Mère de l’Église », selon l’expression de Mme de Sévigné. Marguerite revient riche d’une précieuse observation sur la vie religieuse en France et mieux préparée à soutenir les difficultés qui vont bientôt assaillir sa jeune communauté.

En décembre 1683, sœur Bourgeoys se propose de donner sa démission et de procéder à l’élection d’une nouvelle supérieure. Mais voilà que, dans la nuit du 6 au 7 décembre, un incendie détruit la maison-mère et fait périr les deux candidates à l’élection, Marguerite Sommillard et Geneviève Durosoy.

Sœur Bourgeoys reprend alors la charge avec courage. Les années qui suivent rappellent celles des grandes fondations ; c’est l’ère québécoise qui s’ouvre. En 1685, Mgr de Saint-Vallier [La Croix*], successeur de Mgr de Laval, fait venir des sœurs de la Congrégation dans la paroisse Sainte-Famille de l’île d’Orléans. Sœur Mayrand et sœur Marie Barbier* de l’Assomption, seront les héroïnes de cette difficile fondation. Quelques mois plus tard, enchanté de l’œuvre de sœur Bourgeoys à l’ouvroir de la Providence, l’évêque décide d’en faire une réplique à Québec. À cette fin, il achète « une maison proche de la grand’place Notre-Dame, vis-à-vis la clôture des Révérends Pères Jésuites », puis il y fait venir de l’île d’Orléans sœur Barbier, qui reçoit bientôt une compagne de Montréal, sœur Marie-Catherine Charly*. C’est dans cette même maison de la Providence que Mgr de Saint-Vallier va ouvrir son Hôpital Général en 1689, créant infirmières, pour le soin des vieillards, deux sœurs de la Congrégation.

Dès 1692, tout l’établissement de la congrégation à Québec est modifié. À la demande du curé de Québec et au grand bonheur de sœur Bourgeoys, les sœurs de la Congrégation ouvrent une école pour les petites filles pauvres de la basse ville.

Quant à l’œuvre de l’Hôpital Général, Mgr de Saint-Vallier l’établit dans l’ancien couvent des Récollets, sur la rivière Saint-Charles, et la confie dorénavant aux Hospitalières.

À Montréal, en 1693, on accepte enfin la démission de sœur Bourgeoys : sœur Barbier est élue supérieure générale. À 73 ans, Marguerite ne connaîtra pourtant pas encore, dans la retraite à l’infirmerie, la quiétude de l’œuvre achevée. Mgr de Saint-Vallier va remettre en question l’essence et l’existence même de la congrégation en voulant assimiler les sœurs aux Ursulines ou leur imposer le cloître et une règle de sa propre composition. Mais enfin, avec l’aide de M. Tronson, supérieur des Sulpiciens à Paris, et soutenue par la lucide volonté de la fondatrice, sœur Barbier réussira à faire modifier cette règle selon les exigences « de filles séculières ». Le 1er juillet 1698, veille de la Visitation, en présence de Mgr de Saint-Vallier, Marguerite Bourgeoys et ses compagnes font des vœux simples, à la congrégation de Notre-Dame canoniquement érigée en communauté. Marguerite Bourgeoys s’appellera désormais sœur du Saint-Sacrement, nom qui résume les deux dernières années de sa vie, deux années de solitude et de prière. Depuis 1695, la maison-mère de la congrégation possédait enfin une chapelle, grâce aux dons de Jeanne Le Ber* qui avait demandé, en retour, d’y vivre en recluse toute sa vie.

La mort de Marguerite Bourgeoys sera, à l’image de sa vie, réaliste et mystique. Sœur Catherine Charly est mourante ; pour sauver la vie de cette jeune sœur, Marguerite Bourgeoys offre la sienne : « Mon Dieu, prie-t-elle, que ne me prenez-vous plutôt, moi qui suis inutile et qui ne sers à rien ! » Le soir même de ce jour, au dire de Glandelet, qui rapporte à ce sujet des lettres de témoins du fait, sœur Charly est sauvée et sœur Bourgeoys, jusque-là bien portante, est saisie d’une forte fièvre. Elle meurt quelques jours plus tard, le 12 janvier 1700.

Pour mesurer la taille du personnage que fut Marguerite Bourgeoys aux yeux de ses contemporains, il n’est rien de plus révélateur que leurs témoignages d’estime et de vénération à l’occasion de sa mort. 250 ans avant sa béatification, l’admiration populaire l’avait déjà canonisée : on considérait comme des reliques les objets qu’on fit toucher à ses mains l’après-midi où elle fut exposée au public, dans la chapelle de la congrégation. L’unanimité des éloges qu’on lui adresse ne peut être fausse. Témoignage d’estime encore que le débat au sujet de la possession de ses restes, qui dut d’ailleurs se régler par un compromis : la paroisse de Ville-Marie garda son corps et la congrégation de Notre-Dame, son cœur.

On retrouve dans la pédagogie de Marguerite Bourgeoys les grands principes scolaires de la France au xviie siècle, et plus précisément, ceux de l’excellent éducateur que fut Pierre Fourier ; par la congrégation externe, à Troyes, Marguerite Bourgeoys avait été formée à son école. Mais elle adapte ces emprunts aux cadres de la Nouvelle-France. En un siècle où l’on se demandait encore en France si l’instruction était nécessaire aux filles du peuple, elle tient à ce que l’école soit gratuite : « Pour pouvoir instruire gratis, les Sœurs se contentent de peu, se privent de tout et vivent partout pauvrement. »

La compétence des professeurs semble une exigence toute nouvelle de notre siècle. Et pourtant Marguerite Bourgeoys la demande avec une étonnante perspicacité : « Les Sœurs doivent prandre peine de se randre savante et abille en toute sortes douvrages. Les filles de la Congrégation abandonne leur santé, leur satisfaction et leur repos pour l’instruction des filles ».

À une époque où l’on faisait encore largement usage du martinet, mère Bourgeoys recommande de n’user de la correction que « très rarement, toujours avec prudence et extrême modération, se souvenant qu’on est en la présence de Dieu. »

Grâce à cette bonté, qui est comme le sceau de sa pédagogie, Marguerite Bourgeoys réussit à apprivoiser les petites Indiennes et à former les deux premières religieuses originaires des races de l’Amérique, une Algonquine, Marie-Thérèse Gannensagouas, et une Iroquoise, Marie-Barbe Atontinon*.

C’est surtout dans la fondation de sa communauté, la congrégation de Notre-Dame, que Marguerite Bourgeoys nous paraît moderne, qu’elle prend figure de proue par ses adaptations merveilleuses et ses créations magnifiques. Elle fonde, en Nouvelle-France, au xviie siècle, une communauté de sœurs non cloîtrées, innovation extraordinaire à cette époque, car on ne connaissait alors pour les femmes que la clôture. Elle n’y parvient pas sans difficultés. À deux reprises, elle doit même opposer une respectueuse résistance au désir de son évêque de rattacher la congrégation aux Ursulines de Québec pour ne pas multiplier les ordres religieux dans une colonie pauvre et ne pas s’exposer aux risques d’une innovation hardie.

Marguerite Bourgeoys a trouvé une formule merveilleusement adaptée au nouveau pays. Ses filles font des vœux, mais elles sont « séculières », c’est-à-dire qu’elles « ne sont point cloitrée », à l’instar de Notre-Dame : « La Ste Vierge na point été cloitrée mais elle a gardé la solitude intérieure partout, elle na jamais refusée de se trouver ou la charité ou la nécessité avait besoin de secours ». C’est ainsi que les premières religieuses s’en allèrent à cheval, en canot ou à pied, faire le catéchisme dans les habitations disséminées le long des côtes du Saint-Laurent. Et « pour n’estre a charge à personne », elles devaient travailler à leur propre subsistance.

Le costume uniforme que Marguerite Bourgeoys donne à ses filles ne semble pas très adapté dira-t-on, à cette vie laborieuse. Mais si compliqué et encombrant qu’il puisse paraître aujourd’hui, il faut bien reconnaître qu’il était, à cette époque, assez « à la mode » du temps, semblable à celui que les femmes portaient alors : robe longue, fichu et coiffe « en toile de Rouen ».

Les filles de Marguerite Bourgeoys sont, dans leur âme, profondément religieuses. Marguerite Bourgeoys dote sa communauté d’une forte spiritualité. À l’imitation de Marie, les sœurs de la Congrégation seront « vagabondes et non cloîtrées ».

Dans ce style tout à fait original, Marguerite Bourgeoys a édifié une œuvre dont la survie est certainement la plus convaincante preuve de son réalisme mystique. Elle ne promettait à ses filles que « du pain et du potage ». La perspective n’engageait guère à l’entrée dans sa communauté. Et pourtant à sa mort, en 1700, elles étaient 40 pour continuer son œuvre. En 1961, sa communauté aura compté 6 644 religieuses. Dans 262 maisons, au Canada, aux États-Unis et au Japon, la congrégation de Notre-Dame atteint, en cette même année, par l’enseignement, près de 100 000 élèves, rayonnement apostolique qui prolonge dans le temps et dans l’espace la présence de Marguerite Bourgeoys.

Marguerite Bourgeoys, à l’âge de 78 ans, écrivit ses mémoires. Inquiétée par les adoucissements qu’on apportait à l’austérité des premières années, la fondatrice, bien lucide, consigne par écrit ses avertissements, ses vues sur l’esprit de la communauté et des souvenirs personnels qui expliquent la fondation de la congrégation de Notre-Dame. Ce point de vue, cet état d’âme justifient le style, le ton des mémoires et le choix des souvenirs. Plusieurs des manuscrits de Marguerite Bourgeoys ont péri dans l’incendie de la maison-mère en 1768. Ceux qui échappèrent à la destruction furent copiés lors du procès informatif de la cause de béatification en 1867, et les copies furent conservées à l’archevêché de Montréal. L’original, gardé à la congrégation de Notre-Dame, devint presque entièrement la proie des flammes dans l’incendie de 1893. La même année 1893, des sœurs se rendirent à l’archevêché pour copier la transcription des Écrits faite en 1867 pour la cause. On trouve aujourd’hui aux archives de la maison-mère, à Montréal, outre cette copie de 1893, le microfilm de la première copie de l’archevêché, de la copie envoyée au Vatican en 1868 et les photostats reliés de ces deux copies.

Hélène Bernier

ACND, mss Ml ; V1 ; V2, Écrits autographes de sœur Marguerite Bourgeois.— [Marguerite Bourgeoys], Marguerite Bourgeoys, éd. Hélène Bernier (« Classiques canadiens », III, Montréal et Paris, 1958). On a beaucoup écrit sur Marguerite Bourgeoys. Ses principales biographies, suivant l’ordre chronologique, sont : Charles Glandelet, Le Vray Esprit de Marguerite Bourgeoys et de l’Institut des Sœurs Séculières de la Congrégation de Notre-Dame établie à Ville-Marie en lIsle de Montréal en Canada, 1701. Cet ouvrage ne fut pas publié, mais des copies faites sur le manuscrit sont conservées aux ACND ; biographie très précieuse parce que l’auteur, directeur spirituel de Marguerite Bourgeoys, la composa quelques mois seulement après la mort de la fondatrice et utilisa les témoignages et les souvenirs des contemporains de Marguerite Bourgeoys.— [Étienne Montgolfier], La Vie de la Vénérable Marguerite Bourgeoys dite du Saint-Sacrement (Ville-Marie [Montréal], 1818), connue sous le nom de Vie de 1818, et la première imprimée au Canada.— [Étienne-Michel Faillon], Vie de la Sœur Bourgeoys fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame de Villemarle en Canada, suivie de lHistoire de cet institut jusquà ce jour (2 vol., Villemarie [Montréal], 1853).— Sister Saint Ignatius Doyle, Marguerite Bourgeoys and her Congregation (Gardenvale, P.Q. 1940).— Albert Jamet, Marguerite Bourgeoys, 1620–1700 (2 vol., Montréal, 1942).— Yvon Charron, Mère Bourgeoys (1620–1700) ([Montréal], 1950).— L.-P. Desrosiers, Les Dialogues de Marthe et de Marie (Montréal et Paris, 1957).

Bibliographie générale

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Hélène Bernier, « BOURGEOYS, MARGUERITE, dite du Saint-Sacrement », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 avril 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bourgeoys_marguerite_1F.html.

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Auteur de l'article:    Hélène Bernier
Titre de l'article:    BOURGEOYS, MARGUERITE, dite du Saint-Sacrement
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    19 avril 2024