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STAIRS, JOHN FITZWILLIAM, industriel, financier et homme politique, né le 19 janvier 1848 à Halifax, deuxième enfant de William James Stairs et de Susan (Susanna) Duffus Morrow ; le 27 avril 1870, il épousa à Halifax Charlotte Jane Fogo, et ils eurent sept enfants, puis le 14 août 1895, à Almonte, Ontario, Helen Eliza Gaherty, née Bell, et de ce mariage naquit une fille ; décédé le 26 septembre 1904 à Toronto.

À la naissance de John Fitzwilliam Stairs, sa famille était sur le point d’occuper une place importante dans l’élite commerçante de Halifax. Son grand-père, William Machin Stairs*, était le fondateur et l’associé principal d’une entreprise de quincaillerie et d’approvisionnement de navires dont son père possédait une part. Après la mort de son fils aîné en 1860, William James Stairs reporta ses espoirs et ses ambitions sur John Fitzwilliam. Le jeune homme fit ses études à l’école du révérend James Woods, puis, de 1865 à 1867, il fréquenta « par intermittence » le Dalhousie College. Lorsqu’il atteignit la majorité en 1869, il s’associa à l’entreprise familiale, la William Stairs, Son and Morrow, et fut nommé directeur de la Dartmouth Rope Works. Cette usine d’envergure, fondée par son père cette année-là, fabriquait des cordages pour la section de l’entreprise qui équipait les navires et les bateaux de pêche.

Cette corderie était en fait un village industriel. Outre une fabrique d’étoupe, on y trouvait des logements pour les employés et un immeuble qui servait d’école la semaine et d’église le dimanche. La corderie proprement dite mesurait 1 200 pieds : c’était le bâtiment le plus long de la province. À l’une de ses extrémités s’élevait la maison du directeur, qui existe toujours. L’usine fit florès sous la houlette de Stairs ; vers 1875, elle formait, dit-on, le complexe manufacturier « le plus vaste et le plus complet » en son genre au pays. Elle approvisionnait le marché local et exportait abondamment en Grande-Bretagne et en Europe. De surcroît, elle était la plus grosse productrice de ficelle à lier de tout le continent. Après s’être dotée en 1883 d’une usine conçue exprès pour la fabrication de ficelle à lier, la Dartmouth Rope Works délaissa peu à peu les cordages pour ce produit, et elle en vint à exercer un quasi-monopole dans ce domaine au Canada. Le mérite d’avoir fait de la corderie l’entreprise la plus prospère du genre au Canada revient à Stairs. Cet exemple illustre à merveille ses talents de directeur industriel. En 1890, Stairs accéda à la présidence de la Consumers’ Cordage Company Limited, consortium dont le siège social était à Montréal et qui regroupait les sept plus grandes corderies du pays. La direction de la Dartmouth Rope Works passa alors à son frère George, qui était aussi au conseil d’administration de la Consumers’ Cordage Company Limited. La Dartmouth Rope Works demeura la propriété de l’entreprise familiale des Stairs jusqu’en 1892, année où la Consumers’ Cordage Company l’acheta.

Le succès de la corderie fut à l’origine du développement de l’extrémité nord de Dartmouth et, en plus, de la carrière de Stairs dans les affaires publiques. En 1877, Stairs fut élu échevin du quartier n3 de Dartmouth, qui englobait l’extrémité nord. Il exerça cette fonction pendant deux mandats d’un an et, au scrutin de 1879, perdit par deux voix seulement contre le préfet sortant. Conservateur comme son père et fervent partisan du tarif protecteur instauré dans le cadre de la Politique nationale [V. sir Samuel Leonard Tilley*], surtout en raison des avantages que cette politique pouvait rapporter à sa compagnie, Stairs accéda à la Chambre d’assemblée de la Nouvelle-Écosse à la suite d’une élection complémentaire tenue en novembre 1879 dans la circonscription de Halifax. Moins d’un mois après, il devenait ministre sans portefeuille dans le cabinet de Simon Hugh Holmes*. En mai 1882, le cabinet fut dissous par suite de la démission de Holmes. Stairs refusa alors de servir sous la direction du nouveau premier ministre, le procureur général John Sparrow David Thompson*. Proche collaborateur de Holmes, il choisit plutôt de tirer sa révérence comme lui. Peut-être aussi avait-il le pressentiment que le gouvernement serait battu aux élections de cette année-là. En 1883, il fut élu sans opposition préfet de Dartmouth. On lui confia un deuxième mandat d’un an en 1884, mais il ne se présenta pas en 1885.

Grâce à la corderie, Stairs avait du capital à investir dans d’autres entreprises manufacturières. La fabrication de l’acier fut son premier choix et, en l’occurrence, son choix le plus heureux. En 1882, Graham Fraser* et George Forrest McKay fondèrent la Nova Scotia Steel Company à New Glasgow. Stairs détenait près de 4 % des actions, et la William Stairs, Son and Morrow en avait autant. Pendant 22 ans, Stairs fut membre du conseil d’administration de la Nova Scotia Steel Company et des sociétés qui lui succédèrent. À ce titre, il fut l’instigateur des acquisitions, expansions, fusions et remaniements de capital qui aboutirent en 1901 à la création de la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited. En outre, son engagement dans la sidérurgie était, selon l’historien Thomas William Acheson, « l’un des rares exemples d’activité industrielle inter-communautaire [que l’on trouvait] durant cette période » dans les Maritimes.

Stairs entra en politique fédérale en 1883 sous l’aile de sir Charles Tupper*, chef des conservateurs fédéraux en Nouvelle-Écosse, qui tenait son père en haute estime. La nomination de Matthew Henry Richey au poste de lieutenant-gouverneur de la province avait libéré l’un des sièges de Halifax à la Chambre des communes. Stairs remporta l’investiture conservatrice. Comme les conservateurs avaient gagné les deux sièges de Halifax aux élections générales de l’année précédente, les libéraux ne prirent même pas la peine de présenter un candidat, et Stairs fut élu sans opposition. En tant que protégé de Tupper, il ne tarda pas à devenir un intime de sir John Alexander Macdonald* et à exercer de l’influence sur lui. En 1885, il persuada le premier ministre d’inviter Thompson à faire partie du cabinet après que lui-même, semble-t-il, eut refusé un poste. Stairs ne prenait pas souvent la parole en Chambre et ne se distinguait pas dans les débats, mais il excellait dans les comités.

Sur le terrain par contre, il était beaucoup moins dans son élément, comme on put le constater la première fois qu’il affronta l’électorat, au scrutin général de 1887. Assez peu connu des électeurs, il fit une piètre campagne. En plus, le programme des conservateurs – fondé sur la Politique nationale et muet sur les besoins des fermiers et pêcheurs de la circonscription – ne l’aida pas. Stairs perdit au profit du libéral Alfred Gilpin Jones, un de ses parents par alliance.

Stairs se présenta de nouveau dans Halifax au scrutin général de 1891, car Tupper était rentré de Grande-Bretagne, où il avait été haut commissaire du Canada. Les électeurs ruraux, craignant la réciprocité absolue que préconisaient les libéraux, oublièrent leur ressentiment à l’égard de la Politique nationale – avantageuse surtout pour les classes industrielles des villes – et accordèrent leurs suffrages à Stairs, qui l’emporta sur Jones par 927 voix. Toutefois, Stairs et son collègue, Thomas Edward Kenny, furent accusés de corruption et d’autres illégalités par Jones et son cocandidat, et, même si l’on conclut à leur innocence, l’élection fut annulée. Kenny et Stairs remportèrent l’élection complémentaire de février 1892, mais avec des majorités deux fois moindres.

Ce ne fut pas sous l’effet du hasard que Halifax devint peu à peu un centre de la finance industrielle au cours du deuxième mandat de Stairs aux Communes, car il exploitait à fond sa position pour faire avancer sa carrière d’homme d’affaires. Il avait travaillé en coulisse pour vaincre l’opposition de certains parlementaires à la formation de la Consumers’ Cordage Company. En 1893, il fit adopter une loi fédérale qui constituait l’Eastern Trust Company, société dont il était président et dont son père était le principal actionnaire. Mise sur pied avec l’appui de la Union Bank of Halifax, l’Eastern Trust Company était un intermédiaire financier d’un genre nouveau au Canada : une banque vouée au développement quasi industriel. Fait peu étonnant, elle contribua au remaniement de capital de la Nova Scotia Steel Company ; d’ailleurs, elle tenait le registre des obligataires de celle-ci et était leur fiduciaire. Stairs présenta également des projets de loi en vue de constituer de nouvelles sociétés manufacturières dans les Maritimes et de sanctionner des fusions régionales. Il usa de son influence pour que le gouvernement impose ou hausse de façon importante des droits de douane protégeant les sociétés manufacturières des Maritimes, surtout celles dans lesquelles il avait des intérêts. Dans l’espoir de permettre aux manufacturiers des Maritimes de mieux soutenir la concurrence sur les marchés centraux du pays, il tenta aussi de convaincre la Compagnie du chemin de fer Intercolonial de leur accorder des frais de transport préférentiels, mais il eut moins de succès de ce côté.

Stairs ne se porta pas candidat aux élections générales de 1896. Les motifs pour lesquels il s’éclipsa en faveur de Robert Laird Borden sont obscurs. Selon l’explication la plus couramment admise, il aurait eu l’intention de s’établir à Montréal pour affaires. Pourtant, son séjour dans cette ville fut bref et, dès l’année suivante, il retourna dans l’arène provinciale. Peut-être Borden était-il censé jouer le rôle de suppléant durant un mandat, mais à la fin de cette période, Stairs était bien trop engagé dans la politique provinciale pour retourner faire carrière à Ottawa, et Borden, lui, était devenu chef des conservateurs fédéraux.

Après la défaite des conservateurs fédéraux en 1896, Tupper se rendit en Nouvelle-Écosse pour réorganiser le parti provincial en prévision du prochain scrutin général. Une association libérale-conservatrice de type britannique fut formée en octobre ; Stairs en devint président et, dans les faits, chef du parti. Les élections de 1897 furent désastreuses pour les conservateurs : seulement trois de leurs candidats remportèrent la victoire, et Stairs finit cinquième sur six dans la circonscription de Halifax. Le Morning Chronicle, journal libéral de Halifax, l’avait accusé d’approuver les tarifs protecteurs par intérêt personnel ; sa réputation de monopoliste et de brasseur d’affaires lui avait certainement nui aussi.

Stairs continua crânement de diriger le parti, mais aux élections générales de 1901, le nombre de députés conservateurs provinciaux passa à deux. Lui-même, candidat dans la circonscription de Colchester, se classa bon dernier sur quatre, après une lutte très serrée cependant. Préoccupé d’augmenter ses chances de gagner, il n’avait pas pris la peine de publier un manifeste électoral et avait abandonné une bonne part de l’organisation de la campagne à l’un de ses proches associés en affaires, Charles Hazlitt Cahan*, ex-leader des conservateurs en Chambre. Malgré ses deux défaites consécutives, il n’abandonna pas la direction du parti, et il devint en mars 1904 président de la nouvelle Association libérale-conservatrice de la Nouvelle-Écosse. Toujours optimiste, il déclara à la presse que jamais il n’avait vu le parti aussi solidement implanté dans la province. En fait, les conservateurs se feraient écraser aux élections fédérales de novembre, mais Stairs serait alors décédé.

Le parti aurait-il fait meilleure figure si Stairs, qui le dirigeait depuis 1896, avait déployé plus d’efforts ? Cela est douteux. L’économie de la province allait bien, les libéraux s’étaient « très bien [acquittés] de leur tâche au gouvernement », et l’ancien premier ministre libéral de la province, William Stevens Fielding*, était ministre fédéral des Finances. Quoi qu’il en soit, malgré son échec relatif, Stairs était estimé dans le parti. Il était le seul des conservateurs néo-écossais de la fin du xixe siècle à avoir renoncé volontairement à une belle carrière à Ottawa pour s’aventurer dans l’arène provinciale. Certes, il n’avait pas réussi à redonner vie au parti provincial, mais il avait fait davantage : il avait aidé à lancer Thompson et Borden sur la scène fédérale.

À la fin des années 1890, la carrière politique de Stairs était donc sur son déclin, mais ses affaires, elles, marchaient mieux que jamais. Membre du conseil d’administration de la Nova Scotia Sugar Refinery Limited de Halifax depuis 1886, il organisa la fusion de cette raffinerie, de la Halifax Sugar Refinery Limited de Woodside (Dartmouth) [V. George Gordon Dustan] et de la Moncton Sugar Refining Company [V. John Leonard Harris*] au nom d’un syndicat écossais dont le dessein était d’unifier l’industrie de raffinage du sucre des Maritimes. C’est ainsi que naquit en août 1893 l’Acadia Sugar Refining Company Limited. Stairs devint président de ce nouveau cartel qui était enregistré en Angleterre parce qu’il n’avait pas pu le faire constituer juridiquement ni au Canada ni en Nouvelle-Écosse. L’Eastern Trust Company fut probablement fondée pour assurer le succès du lancement de l’Acadia Sugar Refining Company Limited, car l’actif de l’Acadia fut hypothéqué au profit de l’Eastern Trust Company en garantie de l’émission des premières obligations.

En 1895, Stairs devint vice-président de la Nova Scotia Iron and Steel Company, produit de la fusion de la Nova Scotia Steel and Forge Company, qui avait succédé à la Nova Scotia Steel Company, et de la New Glasgow Iron, Coal and Railway Company, au lancement de laquelle il avait contribué en 1891. Stairs était convaincu que ces entreprises se tailleraient une plus grosse part du marché en mettant leur actif en commun, en s’occupant de tous les aspects de la production et de la commercialisation et en exploitant la fragmentation des activités de leurs rivales. En 1897, il remplaça Graham Fraser à la présidence de la Nova Scotia Iron and Steel Company ; il devint ensuite président de la firme qui succéda à celle-ci en 1901, la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited. En partie grâce aux procédés novateurs de Stairs – par exemple, il agissait sur le marché des valeurs afin d’amasser du capital d’investissement –, la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited afficha la plus grosse production de la sidérurgie néo-écossaise au cours de l’exercice financier 1903–1904, dernière année complète où Stairs occupa la présidence.

Stairs se consacra également à d’autres entreprises manufacturières des Maritimes : la Robb Engineering Company Limited d’Amherst, en Nouvelle-Écosse, dont il fut l’un des administrateurs, et l’Alexander Gibson Railway and Manufacturing Company de Marysville (Fredericton) [V. Alexander Gibson*], qu’il tenta de réorganiser en 1902 et dont il devint aussi administrateur. Stairs n’investit dans aucune de ces deux compagnies. Peut-être leur prêta-t-il son concours parce que les autres membres des conseils d’administration croyaient que son nom, sur leur papier à en-tête, attirerait des investisseurs.

Dans les trois dernières années de sa vie, Stairs fit sentir sa présence dans un secteur nouveau pour lui, les affaires bancaires. Aucun financier de l’est du Canada n’était plus conscient que, si les banques des Maritimes étaient « absorbées par des établissements [du centre du pays, les] intérêts [des Maritimes] risqu[aient] d’être sacrifiés » et que le seul moyen de garder la mainmise sur les banques de la région était de les fusionner en un seul établissement capable de résister à l’absorption. Toutefois, Stairs ne prétendait pas qu’un tel établissement pourrait lutter à armes égales avec les banques du centre du pays. Ses principaux objectifs étaient de réduire la concurrence malsaine que se livraient les multiples banques des Maritimes et de créer une banque régionale de placement qui financerait les fusions de sociétés dans la région.

Pour réaliser cet audacieux projet, Stairs choisit de fusionner de petites banques avec la Union Bank of Halifax, dont les Stairs et leur entreprise familiale étaient les principaux actionnaires et dont la Nova Scotia Steel était le principal déposant. La première étape de ce programme d’acquisition fut franchie en 1902 : l’achat de la Commercial Bank of Windsor par la Union Bank. La vente fut négociée par un soi-disant promoteur, le jeune William Maxwell Aitken*. On ne connaît pas en détail les circonstances dans lesquelles les deux hommes se rencontrèrent, mais il semble qu’Aitken se présenta de but en blanc chez Stairs, qu’il lui demanda un emploi et que celui-ci fut assez impressionné pour lui en offrir un. Aitken devint bientôt le bras droit de Stairs, qui se mit à le traiter en fils adoptif.

Le transfert de propriété de la Commercial Bank rapporta 10 000 $ à Aitken, qui investit cette somme dans une nouvelle société, la Royal Securities Corporation Limited, premier détaillant d’actions et d’obligations installé à l’est de Montréal. Stairs en devint président, et Aitken, secrétaire et directeur général ; l’entreprise ouvrit ses portes au printemps de 1903. Exploitant un secteur où la concurrence était infiniment moindre que dans le domaine bancaire, la Royal Securities Corporation Limited devint bientôt une banque de placement qui contribuait au financement de l’industrie manufacturière des Maritimes et se spécialisait dans les sociétés de services publics en Amérique centrale et aux Antilles. La Trinidad Electric Company fut l’une des premières de ces sociétés et l’une des plus prospères. Elle avait été mise en exploitation en 1901, sous la présidence de Stairs, et son succès avait été l’un des facteurs qui avaient convaincu ce dernier de fonder la Royal Securities Corporation Limited.

Stairs concentra ensuite ses énergies sur la People’s Bank of Halifax. En avril 1903, lui-même et son « ami le plus intime », Robert Edward Harris*, avocat de Halifax spécialisé en droit commercial, achetèrent 18 % des actions de cette banque et en devinrent ainsi les plus gros actionnaires. La transaction fit passer le capital-actions de la banque de 700 000 $ à un million. Mais cette hausse était artificielle : les administrateurs (dont le président, John James Stewart) et le directeur général avaient camouflé une fraude qui aurait entraîné la faillite de la banque parce qu’ils tenaient à ce que Stairs devienne actionnaire, sachant que cela ferait grimper le capital-actions et conférerait du prestige à l’établissement. Si Aitken, Harris et la Royal Securities Corporation Limited n’avaient pas pris en charge la dette de Stairs au lendemain de son décès, sa succession personnelle relativement modeste – quelque 238 000 $ – aurait été réduite à néant à la découverte de la fraude.

En achetant des actions de la People’s Bank, Stairs avait nié vouloir mettre la main sur cette banque, mais en fait, son but était de la fusionner à la banque nationale qu’il était en train d’organiser. En juin 1903, un syndicat de Halifax qu’il dirigeait présenta au Parlement une pétition en faveur de l’adoption d’une loi qui constituerait l’Alliance Bank of Canada. La loi fut adoptée le 24 octobre. Pourvue d’un capital de 5 millions de dollars, la nouvelle banque fit, dit-on, « de grands progrès sur la voie de l’organisation », mais des difficultés financières l’empêchèrent de demander au Conseil du Trésor, avant la fin du délai réglementaire d’un an, un certificat l’autorisant à ouvrir ses portes. Stairs et les administrateurs temporaires de la banque demandèrent donc au Parlement de leur accorder par une loi une prolongation de neuf mois.

La loi en question fut adoptée le 10 août 1904. Une dizaine de jours plus tard, Stairs et Aitken se rendirent à Toronto. Officiellement, ils allaient organiser la souscription de la prochaine émission d’obligations de la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited. En fait, ils voulaient emprunter de l’argent pour financer l’achat de la People’s Bank par la Union Bank et pour lancer l’Alliance Bank. Stairs prit froid et fut hospitalisé le 9 septembre pour une pneumonie. On croyait qu’il se remettrait, mais 17 jours plus tard, une maladie cardiaque, compliquée par la pneumonie et par de l’insuffisance rénale, l’emporta. L’Alliance Bank s’éteignit avec lui, de même que tout espoir de voir Halifax demeurer le centre de la haute finance de l’est du Canada.

La mort de Stairs prit tout le monde par surprise, même s’il allait mal depuis quelque temps. Il souffrait d’un lumbago et de faiblesse générale ; ses collègues lui trouvaient une bien piètre mine. Sur ses dernières photographies, il est frêle et paraît plus que son âge ; lui-même avait admis avoir besoin de vacances prolongées. Sa dépouille fut transportée à Halifax, où eurent lieu des funérailles imposantes.

Stairs s’était acquis une réputation presque aussi grande dans la vie religieuse et communautaire de la province que dans le monde des affaires. Pilier de l’église presbytérienne Fort Massey de Halifax, il avait été surintendant de l’école du dimanche de 1888 à 1894, puis à compter de 1896. Il avait été élu conseiller presbytéral en 1903 et était président de la Sunday School Association de la Nouvelle-Écosse au moment de sa mort. Membre du conseil d’administration de la Dalhousie University à compter de 1893, il en avait été élu président en 1899. Stairs était un fervent partisan de la formation technique avancée, en laquelle il voyait un moyen de stopper l’exode des talents vers l’Ontario. Ce fut presque exclusivement grâce à lui que la Dalhousie University ouvrit en 1902 une école des mines. Après son décès, on proposa de donner son nom à une chaire de l’université. Cela ne se fit pas, mais sa veuve et ses enfants firent installer un vitrail à sa mémoire à l’église Fort Massey en 1909.

Parmi tous les intermédiaires financiers et promoteurs de fusions qu’il y eut en Nouvelle-Écosse à la fin du siècle, Stairs fut celui dont le succès fut le plus remarqué. En outre, il joua un rôle de premier plan dans la transition du capitalisme industriel au capitalisme financier, notamment en créant la Royal Securities Corporation Limited, société d’un genre alors inconnu au Canada. Principal financier d’entreprise des Maritimes, il était novateur et affrontait la concurrence avec détermination. C’était aussi un homme courageux, clairvoyant et optimiste. Il ne doutait pas que les industries manufacturières des Maritimes pourraient rivaliser efficacement avec celles des provinces centrales si elles avaient la même facilité d’accès aux marchés grâce à des liaisons ferroviaires et à des ports d’hiver. Habile à rassembler des capitaux et à jongler avec eux, il n’hésitait pas à faire appel à des investisseurs de Montréal, de Toronto et d’outre-mer. De plus, bien qu’il ait été un homme d’affaires avant d’être un homme politique, sa notoriété sur la scène politique régionale lui permit d’influer mieux que les simples hommes d’affaires sur un environnement économique potentiellement hostile.

John Fitzwilliam Stairs se maria deux fois. Sa première femme, Charlotte Jane Fogo, mourut de la diphtérie en 1886. En 1895, il épousa une veuve de 32 ans, Mme Helen Eliza Gaherty, dont il avait presque certainement fait la connaissance par l’entremise de son collègue le député fédéral Bennett Rosamond. Apparemment, il donna à l’unique enfant de son second mariage le prénom de la mère de Rosamond. Six de ses huit enfants lui survécurent, de même que sa veuve, qui mourut en 1963 dans sa centième année.

Barry Cahill

Nous remercions le Dr Gregory P. Marchildon, du Center of Canadian Studies à la Johns Hopkins Univ. School of Advanced International Studies, Washington, qui nous a permis de consulter le manuscrit de son article qui s’intitule « John F. Stairs, Max Aitken and the Scotia Group : finance and industrial decline in the Maritimes, 1890–1914 », et qui est maintenant publié dans Farm, factory and fortune : new studies in the economic history of the Maritime provinces, Kris Inwood, édit. (Fredericton, 1993), 197–218.

Bien qu’elles ne soient pas volumineuses, les archives sur John F. Stairs, actuellement gardées par sa fille, Mme Margaret Stairs Budden, de Toronto, sont précieuses. Elles comprennent un album de notices nécrologiques rassemblées par la veuve de Stairs, Mme Helen Bell Stairs. On trouve la correspondance de Stairs échangée avec sir John A. Macdonald, 1883–1891, sir John Joseph Caldwell Abbott*, 1891, sir John S. D. Thompson, 1880–1884, et sir Charles Tupper, 1887 et 1898–1899, dans les papiers de ces derniers aux AN (MG 26, A ; C ; D ; F). Les papiers Beaverbrook conservés au House of Lords Record Office, à Londres, ne contiennent aucune correspondance avec Stairs datant d’avant 1903 ; il semble que Beaverbrook ait détruit ses journaux personnels de 1904 et 1905, ainsi que toute la correspondance échangée avec Stairs en 1904.

Quatre lettres écrites par Stairs à sa mère au cours d’un voyage aux États-Unis en 1861, au début de la guerre de Sécession, ont paru sous le titre « A report from our man in Savannah », Atlantic Advocate, 54 (1963–1964), n5 : 59s. Les originaux de ces lettres, ainsi qu’une photographie de Stairs qui les accompagnent et datant de 1858, se trouvent parmi les archives conservées par Mme Budden.  [j. b. c.]

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, no 5974.— House of Lords Record Office, Beaverbrook papers, Ser. A 12–19 ; Ser. G1.— PANS, MG 1, 167–170 ; 3197–3200.— T. W. Acheson, « The National Policy and the industrialization of the Maritimes, 1880–1910 », Acadiensis (Fredericton), 1 (1971–1972), n2 : 1–28 ; « The social origins of Canadian industrialism : a study in the structure of entrepreneurship » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1971).— [W. M. Aitken, 1er baron] Beaverbrook, My early life (Fredericton, 1965).— Canada, Chambre des communes, Débats, 1884–1887, 1892–1896 ; Journaux, 1903–1904 ; Parlement, Doc. de la session, 1891–1905 ; Statuts, 1893–1904.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1901–1904.— Anne Chislom et Michael Davie, Beaverbrook : a life (Londres, 1992).— CPG, 1880–1896.— Dominion annual reg., 1879–1883.— J. D. Frost, « The business and political careers of John F. Stairs of Halifax, 1879–1891 » (mémoire de b.a. spécialisé, Dalhousie Univ., Halifax, 1976).— G. P. Marchildon, « Promotion finance and mergers in the Canadian manufacturing industry, 1885–1918 » (thèse de ph.d., London School of Economics and Political Science, Univ. of London, Londres, 1990).— N.-É., Statutes, 1888–1901.— Nova Scotia Steel Company, Reports of directors and financial statements, 1883–1910 (coll. conservée aux PANS, Library).— A. J. P. Taylor, Beaverbrook (Londres, 1972).— Waite, Man from Halifax.

Bibliographie générale

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Barry Cahill, « STAIRS, JOHN FITZWILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 29 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stairs_john_fitzwilliam_13F.html.

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Auteur de l'article:    Barry Cahill
Titre de l'article:    STAIRS, JOHN FITZWILLIAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    29 mars 2024