Titre original :  Edith Mary Peckham Sheppard (1900-34), lawyer; Archives of the Law Society of Upper Canada 
Photograph of Edith Mary Peckham Sheppard (1900-1934)
Date: 1924
Photographer: Frederick William Lyonde and his sons 
Source: https://www.flickr.com/photos/lsuc_archives/12680718885

Provenance : Lien

SHEPPARD, EDITH MARY PECKHAM (Revell), avocate, née le 3 août 1900 à Toronto, fille de Charles Henry Sheppard et d’Ellen Frances Stocking ; le 14 juin 1929, elle épousa à Bombay (Mumbai, Inde) le capitaine Alfred John Revell, et ils eurent deux enfants ; décédée le 16 novembre 1934 à Bangalore, Inde.

Le grand-père d’Edith Mary Peckham Sheppard, William Joseph Sheppard, bâtit la fortune familiale en occupant les postes de directeur général et de président de la Georgian Bay Lumber Company of Ontario, l’entreprise la plus importante dans le commerce du bois de pin de la baie Georgienne en Ontario, qui connaissait alors l’apogée de sa prospérité. Après une réorientation de l’industrie, la société ferma en 1920 sa dernière fabrique, sise à son siège social de Waubaushene ; elle continua toutefois d’exister de nom pendant un certain nombre d’années. Des investissements diversifiés enrichirent considérablement la famille, notamment le père d’Edith Mary Peckham, Charles Henry, qui avait dirigé la firme avec son père et ses frères, puis s’était retiré à Aurora au ralentissement des affaires.

Les Sheppard croyaient fermement à l’éducation des femmes : « Mon père […], observa Mlle Sheppard dans une lettre à son futur fiancé, pense que les parents qui laissent leurs filles grandir en ne sachant rien faire font preuve de négligence criminelle. » Après une enfance passée à Waubaushene et dans des camps de bûcherons de la compagnie, Mlle Sheppard étudia au Havergal College de Toronto, où, à la remise des diplômes en 1918, elle reçut en plus la médaille d’or pour aptitudes générales. En 1921, elle obtint une licence ès arts de la University of Toronto. Dans l’annuaire de son université, on la décrivit comme « absolument prête à tout ». Elle fit partie de la vague de femmes qui embrassèrent le droit à partir de la Première Guerre mondiale. Entre 1897 et 1918, 11 femmes étaient devenues avocates en Ontario [V. Clara Brett Martin*] ; en 1933, année où la province comptait quelque 2 500 avocats en exercice, le barreau avait déjà admis 66 femmes de plus. La Law Society of Upper Canada, à l’Osgoode Hall de Toronto [V. Newman Wright Hoyles*], accepta Mlle Sheppard dans son programme de trois ans. Simultanément, elle effectua son stage auprès de Leighton Goldie McCarthy* (associé principal de McCarthy and McCarthy de 1916 jusque dans les années 1940). Reçue au barreau avec distinction en janvier 1925, la quarante-troisième avocate de l’Ontario demeura au cabinet à titre de salariée. Elle devenait ainsi l’une des premières femmes à exercer sa profession au sein d’une firme prestigieuse spécialisée en droit des sociétés dans une grande ville canadienne.

À l’instar de nombreux condisciples masculins, Mlle Sheppard avait trouvé son emploi par l’entremise de sa famille et de ses relations d’affaires : depuis sa constitution en 1871, la Georgian Bay Lumber Company of Ontario utilisait les services de McCarthy. La jeune femme profita également de l’attitude libérale de Leighton Goldie McCarthy. À une époque où la plupart des cabinets canadiens ne comptaient aucune avocate, ce dernier engagea Mlle Sheppard et accueillerait plusieurs autres femmes en qualité d’avocates et de clercs stagiaires ; parmi ces dernières figurait Gretta Jean Wong, première Sino-Canadienne reçue au barreau. En 1928, McCarthy aurait décrit Mlle Sheppard comme « la meilleure étudiante [que le cabinet ait] eue ».

Même si son père lui avait suggéré d’ouvrir son propre bureau, Mlle Sheppard avait conclu, à titre de femme exerçant seule, que « jusqu’à la fin des temps, elle ne trouverait jamais de client », tandis qu’au cabinet de McCarthy, elle pouvait accomplir des tâches stimulantes qui lui plaisaient beaucoup, malgré la réaction de certains clients (« de vieilles badernes »), stupéfaits de tomber sur une avocate. Elle travaillait surtout pour le principal client de la firme, la Compagnie d’assurance du Canada sur la vie, dont McCarthy était le vice-président et l’avocat général. Elle s’occupait aussi des affaires juridiques des entreprises des Sheppard.

En 1925, Mlle Sheppard disait travailler avec sept avocats, quatre étudiants en droit et dix autres employés. Elle put observer la hiérarchie établie au sein du cabinet : majoritairement des hommes du côté des avocats et des étudiants, majoritairement des femmes du côté des sténographes, qu’elle décrivit comme n’étant « pas de jeunes délurées, mais plutôt des filles de bonne famille qui avaient perdu leur père et devaient subvenir elles-mêmes à leurs besoins ». La firme de McCarthy menait d’importantes affaires politiques et commerciales ; notamment, elle facilitait les projets de développement industriel de l’américain Arthur Vining Davis, magnat de l’aluminium, à Arvida (Saguenay), au Québec. (« Ils s’apprêtent à bâtir une ville de quarante ou cinquante mille habitants, commenta Mlle Sheppard. Quelle scène étrange ce sera de voir une telle industrie jaillir d’une forêt isolée. ») L’associé et cousin de Leighton Goldie, D’Alton Lally McCarthy*, avocat plaidant principal du cabinet, rapportait à Mlle Sheppard les rumeurs entendues à la cour et alimentait ses doutes sur l’impartialité des tribunaux de l’Ontario. Elle trouva Salter Adrian Hayden, futur associé principal (et sénateur), « très imbu de lui-même ». Sous la direction de ce dernier, dans les années 1940 et au début des années 1950, aucune femme ne travaillerait comme avocate chez McCarthy and McCarthy.

Mlle Sheppard faisait partie de la Women’s Law Association of Ontario. De plus, à l’instar de sa sœur, Ellen Margaret Buchanan, chimiste au Banting Institute, et de Vera Lillian Parsons*, ancienne camarade d’université et l’une des premières avocates à pratiquer le droit criminel au Canada, elle comptait parmi les membres actives d’une communauté de jeunes professionnelles torontoises. Comme maintes personnes de son entourage, Mlle Sheppard reconnaissait que, pour les femmes, le mariage et le travail demeuraient essentiellement incompatibles. En 1927, un sondage de la Women’s Law Association of Ontario révéla qu’environ la moitié des avocates ontariennes, pour la plupart admises au barreau après 1918, avaient abandonné la profession « pour se marier ». En 1928, Mlle Sheppard renonça à sa carrière et se fiança à un Anglais rencontré pendant un séjour en Europe. Elle quitta McCarthy and McCarthy au printemps de 1929 et ne renouvela pas son adhésion à la Law Society of Upper Canada.

En mai 1929, Edith Mary Peckham Sheppard s’embarqua pour l’Inde. Son fiancé, Alfred John Revell, était capitaine dans le 1st Madras Pioneers de l’armée indienne. Le couple se maria à Bombay en juin et s’installa à Bangalore, lieu de l’affectation d’Alfred John. Dans ce pays, Mme Revell eut deux enfants, une fille et un fils, qui mèneraient des carrières universitaires au Canada. Des ennuis de santé qui l’avaient obligée à prendre plusieurs congés de maladie quand elle travaillait à Toronto réapparurent en Inde. Elle mourut à Bangalore en 1934, à la suite d’une appendicectomie.

Christopher Moore

Nous remercions sincèrement Elizabeth Revell, fille du sujet, ainsi que son frère et sa belle-sœur, feu le professeur Ernest John et Ann Margaret Revell, d’avoir partagé avec nous des documents et de l’information sur Edith Mary Peckham Sheppard (Revell), et de nous avoir donné la permission de citer des extraits de sa correspondance.

Law Soc. of Ontario Arch. (Toronto), « Crossing the bar » exhibition reference files ; Edith Sheppard membership information (OBBRP record) ; PF58 (Women’s Law Association of Ontario fonds), scrapbook 1919–1934.— McCarthy Tétrault LLP, arch. (Toronto), Sheppard, Edith file (contient des copies d’extraits de lettres et de journaux personnels inédits d’Edith Sheppard, 1925–1929, dont les originaux appartiennent à la famille Revell) ; Partnership agreements - 001, articles of partnership – Leighton, Lally, et Frank McCarthy, 31 mai 1928 ; Video cassettes - 002, interview with Beverley Mathews by J. H. C. Clarry, 24 août 1995.— UTARMS, A1973-0026 (Univ. of Toronto, dept. of graduate records), box 412.— Globe, 6 août 1900 : 10, 18 juin 1918 : 4, 16 janv. 1925 : 13.— J. T. Angus, A Deo victoria : the story of the Georgian Bay Lumber Company, 1871–1942 (Thunder Bay, Ontario, 1990).— Constance Backhouse, « Gretta Wong Grant : Canada’s first Chinese-Canadian female lawyer », Recueil annuel de Windsor d’accès à la justice (Windsor, Ontario), 15 (1996) : 3–46.— Abby Bushby, « The early years : sources of an enduring tradition : the Women’s Law Association of Ontario, 1919–1950 » (article préparé pour le 80e anniversaire de la WLAO, Toronto, 2000).— Curtis Cole, « A developmental market : growth rates, competition and professional standards in the Ontario legal profession, 1881–1936 », Canada–United States Law Journal (Cleveland, Ohio), 6 (1983) : 125–139 (un ajout à cet article a paru dans le même périodique, vol. 7 (1984) : 231–245).— Christopher Moore, McCarthy Tétrault : la création d’un grand cabinet, 1855-2005, Michel Saint-Germain et Élise de Bellefeuille, trad. (Montréal, 2005).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Christopher Moore, « SHEPPARD, EDITH MARY PECKHAM (Revell) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sheppard_edith_mary_peckham_16F.html.

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Auteur de l'article:    Christopher Moore
Titre de l'article:    SHEPPARD, EDITH MARY PECKHAM (Revell)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2023
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    3 déc. 2024