Isaac Willoughby (circa 1760–1834), Noir réduit en esclavage, acheta sa liberté vers 1796 et parvint, entre cette année-là et 1815, à faire de même pour son frère. En tant qu’homme libre, Isaac pratiqua l’agriculture et l’élevage, mais des pertes financières et les pressions pour subvenir aux besoins de sa femme et de leurs enfants ainsi qu’à ceux de sa mère le mirent dans une situation difficile. En 1822, il soumit une première demande d’aide au gouverneur de la Nouvelle-Écosse, puis une deuxième à la Chambre d’assemblée de la colonie en 1833. Les deux documents donnent un aperçu de la vie d’un Noir affranchi dans les Maritimes à l’époque de la colonisation.
Titre original :  Petition of Isaac Willoughby - 26 Mar 1822 – Chipman Family Nova Scotia Archives MG 1 volume 189 number 360.

Provenance : Lien

WILLOUGHBY, ISAAC, esclave noir et agriculteur, né vers 1760, probablement dans le Rhode Island ; décédé après 1834.

Demande d’aide

Isaac Willoughby, ancien esclave qui vivait dans le canton de Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, et travaillait probablement dans de petites fermes, soumit en 1822, au gouverneur de la colonie, sir James Kempt*, une demande d’aide financière, rédigée par les hommes politiques William Allen Chipman* et John Wells. Une deuxième demande, plus courte que la première, fut présentée à la Chambre d’assemblée de la colonie en décembre 1833, année où le gouvernement britannique mit fin à l’esclavage dans tout l’Empire. Le Slavery Abolition Act prévoyait une compensation généreuse pour les propriétaires d’esclaves, mais pas pour les esclaves. Willoughby croyait peut-être qu’en tant qu’ancien esclave, il avait droit à une forme de compensation pour des « circonstances particulières de détresse », comme l’indique sa deuxième requête. Les deux demandes d’Isaac se révèlent précieuses, car elles dévoilent des aspects de la vie d’un esclave à travers son propre témoignage, ce qui est très rare dans la documentation relative aux Maritimes de l’époque de la colonisation.

Achat de la liberté

Selon sa première demande, Isaac Willoughby « était né esclave » dans la colonie du Rhode Island et demeura la propriété de son maître, David Willoughby, jusqu’à ce qu’il achète sa liberté pour 20 £ à l’âge de 36 ans. Pour y parvenir, Isaac avait sans doute épargné de l’argent en travaillant comme un ouvrier qualifié qui louait ses services. À un certain moment avant 1815, il acheta aussi la liberté de son frère pour 40 £, à l’aide de ses « propres revenus durement gagnés ». À sa libération, son frère « s’engagea à le rembourser », mais fut vite enrôlé dans la marine royale, privant Isaac des fonds promis.

Difficultés financières

Après l’obtention de l’affranchissement de son frère, Willoughby « pendant un temps considérable […] prospéra dans ses entreprises licites » en pratiquant l’agriculture, incluant l’élevage ainsi que l’achat et la vente du bétail. Puis, vinrent des pertes. Sa demande de 1822 fait état de revers qui lui coûtèrent environ 100 £ – notamment l’« échec de ceux à qui il avait confié ses biens ». Ces difficultés s’aggravèrent lorsque sa mère de 80 ans fut « laissée sans ressources » à la suite de la mort de son maître, ce qui la rendit dépendante de son fils, lui-même âgé de 62 ans. Propriétaire d’une maison qui n’était « pas […] encore entièrement payée » et n’étant plus « capable de travailler autant qu’auparavant », il lui fallait de l’aide pour subvenir aux besoins de sa femme et de leurs deux enfants. Dans sa requête de 1833, il déplorait le fait que sa famille était « un fardeau trop lourd pour son âge avancé » et d’en être ainsi « réduit à la nécessité » de faire appel à la Chambre d’assemblée de la colonie.

La demande de Willoughby en 1833 fut appuyée par William Campbell, H. Harrington et Elisha DeWolf, en plus de Chipman et de Wells qui avaient signé sa première demande 11 ans plus tôt. Ceux-ci décrivirent Willoughby comme « un homme sobre et travailleur ». Malgré leur soutien, Willoughby retira sa deuxième requête, pour des raisons inconnues.

Dans les années 1810 et 1820, les journaux néo-écossais publiaient de nombreux commentaires racistes sur les Noirs, évoquant leur aspect négligé et leur manque d’initiative. Le prédécesseur de Kempt, le comte de Dalhousie [Ramsay*], partageait ce point de vue. Il affirmait que les Noirs libres, dont « l’idée de la liberté était l’oisiveté », ne travailleraient pas sans la menace du fouet. La vie d’Isaac Willoughby contredit fortement de tels préjugés. Rarement oisif pendant qu’il était esclave au Rhode Island et en Nouvelle-Écosse, Willoughby économisa suffisamment au cours de cette période pour se libérer de la servitude. Une fois affranchi, il continua de travailler dur : il acheta la liberté de son frère, gagna assez d’argent pour exploiter une ferme, effectua des paiements sur une maison et s’efforça de subvenir aux besoins de sa femme et de leurs enfants, ainsi que de sa mère âgée. Son histoire révèle la détermination et l’éthique du travail dont il dut faire preuve pour relever les défis auxquels les Noirs étaient confrontés après leur affranchissement dans les Maritimes à l’époque de la colonisation.

Harvey Amani Whitfield

N.S. Arch. (Halifax), MG 1, vol. 189, no 360 (Chipman family papers, petition of Isaac Willoughby, 26 mars 1822 ; version numérisée disponible à archives.novascotia.ca/chipman/archives/?ID=3476) ; RG 5, sér. P (Nova Scotia House of Assembly fonds, petitions), Isaac Willoughby, 8 févr. 1834.— Black slavery in the Maritimes : a history in documents, H. A. Whitfield, édit. (Peterborough, Ontario, 2018).

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Harvey Amani Whitfield, « WILLOUGHBY, ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/willoughby_isaac_6F.html.

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Auteur de l'article:    Harvey Amani Whitfield
Titre de l'article:    WILLOUGHBY, ISAAC
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2024
Année de la révision:    2024
Date de consultation:    13 déc. 2024