ARNOUX, ANDRÉ, chirurgien, chirurgien-major, né à Saint-Paul-de-Vence (dép. des Alpes-Maritimes, France) et baptisé le 22 décembre 1720, fils d’Alexandre Arnoux, maître chirurgien, et de Lucresse Masson (Musson), décédé à Montréal le 20 août 1760.

André Arnoux était fils d’un chirurgien-major des « hopitaux du Roy » et il embrassa la même carrière que son père. Jusqu’en 1739, il servit dans différents hôpitaux ; par la suite, il remplit les fonctions de chirurgien sur les vaisseaux du roi, participant à 12 campagnes sur mer, pendant lesquelles il aurait amassé une petite fortune en achetant des drogues et des médicaments pour les revendre ensuite avec un bon profit, selon l’usage à cette époque. Le 17 juin 1743, il avait épousé Suzanne Levret à Saint-Louis de Toulon. En 1751, ayant été muté du port de Rochefort et nommé en Nouvelle-France, avec le titre de chirurgien en second, Arnoux s’installa à Québec.

Le 10 juillet 1755, il fut attaché au régiment de la Reine, cantonné à Québec. Ce régiment devait, le 29 juillet, se rendre par voie de terre à Montréal ; cependant, la mort accidentelle du chirurgien-major des troupes, Jean-Baptiste Polemond, qui se noya dans la rivière du Chêne le 18 juillet, modifia brusquement la carrière d’Arnoux. En effet, ce dernier qui était l’un des adjoints de Polemond lui succéda le 20 juillet, jour où fut inhumé le chirurgien-major à Deschambault. Le commissaire des guerres, André Doreil, justifia ce choix en écrivant à Machault, ministre de la Marine, qu’il avait jeté « les yeux sur le Sr Arnoux [...] dont les talens et la Sagesse [...] ne lui étaient pas inconnus ». En même temps que sa commission, signée par Doreil et contresignée par l’intendant François Bigot*, Arnoux reçut l’ordre de quitter Québec le 21 juillet pour se rendre « en toute diligence au lieu ou etoient les autres chirurgiens et de la a Montréal aux ordres de M. Le Baron de [Dieskau] ». Il était chargé d’établir des hôpitaux ambulants partout où il y avait rassemblement de troupes. Il participa à la bataille du 8 septembre 1755 au lac Saint-Sacrement (Lake George) [V. Dieskau], « y ayant été par lavenement exposé comme le soldat ».

Après la défaite de l’armée du baron, on retrouve Arnoux cantonné au fort Saint-Frédéric (Crown Point, N.Y.) « ou il acheve les cures des blessés » qui ne purent être transportés à Montréal. Selon les instructions reçues, il devait se déplacer avec les troupes ; mais il est bien difficile de suivre le chirurgien-major, puisque les documents officiels sont pratiquement muets sur ses activités. Le chirurgien, dans un mémoire daté d’octobre 1756, nous apprend que ses « talents on Eu moins d’occasion de s’exercer par rapport aux Blessés dont le nombre na pas Excédé 50 [...] que sur les maladies que les fatigues les aliments salles et les différents campements dans les Bois ont occasionné dans [la] petite armée ». Il ajoute que « les fièvres putrides Le Escorbut les dissenteries et inflammations au bas vantre ont fait monter le nombre [des] malades jusques a 500 a la fois ». En 1758, il était au fort Carillon (Ticonderoga, N.Y.) et participa à la bataille du 8 juillet. L’année suivante, il accompagna Bourlamaque chargé par Montcalm d’exécuter des travaux de défense pour barrer la route à l’ennemi, à la fois à Carillon, au fort Saint-Frédéric et sur l’île aux Noix. La preuve est faite qu’à la mort du général, le 13 septembre 1759, Arnoux se trouvait à l’île aux Noix. C’est l’un de ses deux fières, soit le chirurgien Blaise, soit l’apothicaire Joseph, qui soigna Montcalm et l’assista à sa mort.

Ayant suivi les régiments commandés par Bourlamaque jusqu’aux abords de Québec, Arnoux y demeura jusqu’au 28 juillet 1760. C’est durant ce temps qu’il subit de très lourdes pertes monétaires. Selon le témoignage de ses contemporains, le chirurgien-major, après la bataille de Sainte-Foy, le 28 avril 1760 [V. Lévis*], reçut l’ordre de demeurer à Québec et de fournir « les medicaments et la subsistance » à tous les blessés « tant Anglois que françois » soignés à l’Hôpital Général. « Le sieur Arnoux pourvût non seulement à la subsistance et aux medicamens nécessaires aux malades qui purent entrer dans Led. hopital, mais il Etablit des hopitaux ambulants à ses frais ; fit des achats considérables de toutes parts, à un prix Excessif, de toutes les provisions nécessaires et indispensables ; prit à ses gages des Garçons Chirurgiens et infirmiers ; paya des transports Chers, et Employa à cet Effet beaucoup au delà de sa fortune, pour apporter aux Malades, Les soulagements dont ils avoient besoin. » Arnoux se rendit à Montréal le 28 juillet où il mourut moins d’un mois plus tard, le 20 août, des suites d’une « fluxion de poitrine ».

Dans un rapport daté du 12 septembre 1760, le commissaire des guerres, Benoît-François Bernier*, rendit un hommage posthume au chirurgien-major : « Il est mort des suites et des fatigues du siège de Québec où il s’est dépensé sans compter à la grande admiration de tout le monde. Il a entretenu de ses deniers les malades et meurt sans ressource, laissant une veuve et des enfants en bas âge. L’opinion est unanime pour que le Roi s’intéresse à cette famille. Mais l’intendant Bigot ne veut rien faire pour elle. » Montcalm et Bourlamaque ont toujours parlé en termes très élogieux de la carrière d’Arnoux. Le commissaire des guerres Doreil a même écrit : « il a surpassé mes espérances ». Arnoux fut un ami de Montcalm ; ce dernier fut même parrain de l’un des enfants du chirurgien et il avait une entière confiance en l’habileté d’Arnoux. C’est ce qui a donné naissance à la légende voulant que le chirurgien-major l’ait assisté à ses derniers moments. Puisqu’il était également ami de Bigot, qui l’oublia vite, de Joseph-Michel Cadet* et de Michel-Jean-Hugues Péan*, qui refusèrent d’aider par leur témoignage la veuve Arnoux à récupérer les sommes avancées par son mari, on a soupçonné que le chirurgien-major aurait pu être incriminé dans l’affaire Bigot, n’eut été sa mort inopinée. Pierre-Georges Roy* insinue la chose sur la seule preuve qu’Arnoux aurait payé comptant, en mars 1752, la maison de Péan au prix de 30 000#. Aux dires des contemporains du chirurgien, Arnoux avait déjà « une fortune Etablie », lorsqu’il arriva en Nouvelle-France. C’est ce qui lui avait permis de faire, en 1759, des avances considérables pour l’achat, ordonné par Bigot, de médicaments devant servir à soigner les blessés d’une armée de 18 000 hommes. Ces médicaments, entreposés dans les caves voûtées de la maison de Montcalm, périrent lors de la prise de Québec.

Après son retour en France en 1760, la veuve Arnoux était justifiée, selon ses contemporains, de réclamer plus de « 1 727 839# » pour régler les dettes de son mari, garanties par la fortune personnelle du chirurgien et la promesse de remboursement faite par l’intendant Bigot. La veuve réclama en vain, durant plusieurs années, que le gouvernement paie les créanciers de son mari. Louis XV daigna seulement lui accorder, ainsi qu’à ses six enfants vivants, une pension de 3 000# plus un remboursement du quart de 30 970#, somme qu’elle put justifier en présentant quelques lettres de change sauvées lors de la perte de la colonie. Le sieur Arnoux était mort sans avoir eu le temps de mettre de l’ordre dans ses comptes.

Raymond Douville

AD, Alpes-Maritimes (Nice), État civil, Saint-Paul-de-Vence, 22 déc. 1720 ; Var (Draguignan), État civil, Saint-Louis de Toulon, 17 juin 1743.— AN, Col., B, 125, f.32 1/2 ; 127, f.223 1/2 ; 152, f.74 ; Col., E, 9 (dossier Arnoux) (copies aux APC).— ANQ, Inventaire analytique des Archives de la guerre concernant le Canada (17551760), compilé par Jehan-Éric Labignette et Louise Dechêne.— Journal du marquis de Montcalm (Casgrain).— Lettres de Doreil, RAPQ, 19441945, 25, 64, 67, 68, 83, 85, 124.— Lettres du marquis de Montcalm (Casgrain).— P.-G. Roy, Inv. contrats de mariage, I : 37 ; Bigot et sa bande, 304308 ; Hommes et choses du fort Saint-Frédéric.— Biographies canadiennes, BRH, XX (1914) : 373s.-P.-B. Casgrain, La maison d’Arnoux où Montcalm est mort, BRH, IX (1903) : 316, 3348, 6576.— Gabriel Nadeau, Les trois blessures de Montcalm, Le Canada Français, 2e sér., XXVII (19391940) : 639–642.

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Raymond Douville, « ARNOUX, ANDRÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/arnoux_andre_3F.html.

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Auteur de l'article:    Raymond Douville
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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