GAULTIER DE VARENNES, JACQUES-RENÉ, (il signait DeVarennes), officier dans les troupes de la Marine, baptisé le 2 octobre 1677, second fils de René Gaultier* de Varennes, gouverneur de Trois-Rivières, et de Marie Boucher ; il épousa Marie-Jeanne, fille de Jacques Le Moyne* de Sainte-Hélène, le 7 août 1712 ; inhumé le 28 juillet 1757 à Montréal.

Jacques-René Gaultier de Varennes entra dans la carrière des armes à l’âge de 13 ans, en qualité de cadet pour la défense de Québec, lors de l’attaque de William Phips*, en 1690. Par la suite, il servit avec distinction au Canada pendant les guerres de la Ligue d’Augsbourg et de la Succession d’Espagne ; il fut nommé enseigne en 1704 et lieutenant en 1710. En 1726, l’oncle de sa femme, Charles Le Moyne*, baron de Longueuil, gouverneur intérimaire de la Nouvelle-France, le nomma pour trois ans commandant de Kaministiquia (Thunder Bay, Ont.) sur le lac Supérieur. Pendant qu’il s’y trouvait, à 51 ans, il prit part à sa dernière campagne militaire, sous les ordres de Constant Le Marchand* de Lignery, contre les Renards, en 1728.

En 1709 Varennes avait promis à Marie-Marguerite-Renée Robinau de Bécancour de l’épouser « quand ses affaires luy permettront et qu’il aura la permission de monsieur le gouverneur général et de madame sa mère » ou de lui verser 6 000# à défaut de remplir sa promesse. L’année suivante, il reprit sa parole alléguant le refus de sa mère et du gouverneur, Philippe de Rigaud* de Vaudreuil, de lui accorder leur consentement. Pierre Robinau* de Bécancour, père de Marguerite, obtint une injonction de la cour de Montréal enjoignant à Jacques-René de tenir sa promesse. Celui-ci en appela au Conseil supérieur en 1712, se fondant sur le motif que l’engagement n’était pas réciproque ; il obtint un jugement atténué et eut à verser seulement 3 000# à Robinau. Quelques jours après le prononcé du jugement, il épousait Marie-Jeanne Le Moyne de Sainte-Hélène.

Jacques-René, qui avait pris rang d’aîné à la suite de la mort de son frère Louis en 1706 ou 1707, accepta de concert avec ses autres frères la responsabilité d’une partie des dettes de sa mère, veuve. Celle-ci devait subvenir aux besoins de ses trois filles, qui avaient perdu leurs maris, ainsi que de leurs enfants. Les domaines seigneuriaux de la famille n’étaient pas considérables, et même si Jacques-René en avait reçu la plus grande partie en héritage, le rendement en était vraisemblablement modeste, même aux derniers jours du régime français.

Le commerce des fourrures auquel il se livra à Kaministiquia fut probablement beaucoup plus rentable. C’était le privilège officieux du commandant d’un poste d’avoir le monopole de la traite sur son territoire, et, de 1726 à 1728, Jacques-René s’associa à plusieurs gros négociants de Montréal. Le fait qu’il dut contracter des emprunts pour financer ses entreprises indique son peu de fortune, mais le commerce, selon toute apparence, fut normal durant les trois années que dura son commandement. En 1727, on réorganisa les participations et son frère plus jeune, Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye, entra dans l’association ; ainsi débutait sa carrière dans l’Ouest consacrée à l’entreprise et à l’exploration.

Lorsque Jacques-René quitta Kaministiquia, il réintégra la garnison de Montréal. Il fut promu capitaine à l’âge de 60 ans, en 1736. Gentilhomme aux états de service enviables, à la droiture morale digne d’éloges et d’un grand dévouement au service du roi, Jacques-René eût été en droit d’aspirer à une retraite honorable. Or, il fut déchu de son commandement en 1743, lorsqu’en qualité de capitaine de la garde à Montréal il refusa de fournir les troupes qu’avaient requises les huissiers pour procéder à l’arrestation de son beau-frère, Timothy Sullivan, dit Timothée Silvain, chirurgien du roi, à la suite d’une action intentée par Jacques-Joseph Guiton de Monrepos, lieutenant général de la juridiction de Montréal. Monrepos, par sa façon arrogante de revendiquer certains honneurs pour lui-même, depuis son arrivée deux ans plus tôt, avait attisé l’animosité traditionnelle entre les autorités militaires et civiles et s’était attiré le mépris des corps d’officiers de la ville. L’obstruction au cours normal de la justice dont s’était rendu coupable Jacques-René avait reçu l’approbation d’un bon nombre d’officiers de la garnison et reflétait vraisemblablement le ressentiment que tous nourrissaient à l’endroit de Monrepos.

La qualité des rapports de Sullivan avec Jacques-René est plus difficile à juger. Il est notoire que la famille Varennes avait désapprouvé le mariage de Sullivan et de Marie-Renée Gaultier de Varennes. On lui reprochait, entre autres torts, de battre sa femme, et en 1738 la famille Varennes lui avait intenté une action en séparation de corps. Mais il se peut qu’en 1743, lorsque Jacques-René protégea Sullivan, ce fut un sentiment de loyauté envers la famille qui dicta son geste. L’intendant Gilles Hocquart*, était d’avis que Monrepos avait été insensé de poursuivre un homme dont la femme avait de si puissantes attaches partout dans la colonie.

Le ministre de la Marine, Maurepas, était décidé à faire un exemple du cas de Jacques-René, afin d’enrayer ce qu’il croyait être un esprit d’insubordination par trop répandu parmi les officiers canadiens. C’est en vain que le gouverneur Beauharnois, l’intendant Hocquart et Mgr de Pontbriand [Dubreil] plaidèrent en faveur de Jacques-René et firent état des circonstances atténuantes. Le principe de la punition exemplaire reposait sur les prémisses que plus la notoriété du sujet puni était grande, plus grande serait la portée de la sanction. L’avènement d’un nouveau gouverneur, La Jonquière [Taffanel], et d’un nouveau ministre, Rouillé, ne changea rien à l’affaire et Jacques-René ne réussit pas à se faire réintégrer. Il eut à souffrir de la pauvreté et de la misère mais semble avoir été davantage affligé par sa disgrâce qui le ravalait « au niveau des simples particuliers de la colonie ». Il mourut le 27 juillet 1757 et, dix jours plus tard, sa femme le suivait dans la tombe.

Deux des fils de Jacques-René servirent dans les troupes de la Marine. Jean-Hippolyte (né le 7 septembre 1717) épousa Charlotte-Louise-Angélique Sarrazin en 1746 ; il combattit pendant la guerre de Sept Ans et mourut au cours de la traversée en France, lors du naufrage de l’Auguste, le 15 novembre 1761. René (né le 27 avril 1720) servit à l’île Royale (île du Cap-Breton) comme enseigne, de 1750 à 1757, puis retourna au Canada. Il fut blessé à la bataille de Sainte-Foy et mourut le jour suivant, le 29 avril 1760.

S. Dale Standen

AN, Col., B, 78, ff.313–314, 319–319v., 344–344v. ; 81, ff.281–281v., 293–293v., 300, 307 ; Col., C11A, 79, ff.222–223v., 296v.–298 ; 80, f.293 ; 81, ff.329v.–339v. ; 82, ff.326–326v. 93, ff.121–122, 124–125 ; 120/2, p. 117 (copie aux APC) Col., D2C, 47/2/4, pp. 365, 395 (copies aux APC) ; Col., D2D, I ; Section Outre-Mer, G2, 213, 21.— ANQ, Greffe de C.-H. Du Laurent, 1er févr. 1746 ; AP, René Gaultier de Varennes (fils).— APC, MG 7, IA, 3, 9286, f.38 ; MG 8, A14.— Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1946–1947, 417.— Jug. et délib., VI : 451–455.— La « foi et hommage » sous le régime seigneurial, RAPQ, 1925–1926, 342.— LeJeune, Dictionnaire.— É.-Z. Massicotte, Congés et permis déposés ou enregistrés à Montréal sous le régime français, RAPQ, 1921–1922, 214.— A. Roy, Inv. greffes not., XIX : 402 ; XXI : 32.— Tanguay, Dictionnaire.— Champagne, Les La Vérendrye.— Harris, The seigneurial system, 47–50.— Ivanhoë Caron, La famille Gaultier de Varennes, BRH, XXVI (1920) : 14–21, 78–89.

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S. Dale Standen, « GAULTIER DE VARENNES (DeVarennes), JACQUES-RENÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gaultier_de_varennes_jacques_rene_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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