LANOULLIER DE BOISCLERC, NICOLAS, agent pour la Compagnie du Castor et la Compagnie des Indes, agent des trésoriers généraux de la Marine, contrôleur du Domaine du roi et membre du Conseil supérieur, né vers 1679 à Paris, fils de Jean Lanoullier, bourgeois, et de Marie Tollet (Taudet) de la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris, décédé le 6 janvier 1756 à Québec.
Nicolas Lanoullier de Boisclerc, avocat au parlement de Paris, arriva à Québec en 1712 en qualité d’agent pour Louis-François Aubert, Jean-Baptiste Néret et Jean-Baptiste Gayot, directeurs de la Compagnie du Castor, qui détenaient le monopole de la traite du castor au Canada. Il avait mission d’inspecter les opérations commerciales de la compagnie au Canada, voir à en abaisser les coûts et effectuer les changements de personnel qui s’imposaient. En 1716, Jean-François Martin* de Lino se prétendit, mais sans succès, l’agent de la Compagnie du Castor ; les autorités de la colonie ne voulurent pas reconnaître sa commission à cause d’un vice de forme, et Lanoullier conserva le poste jusqu’en 1717. La Compagnie du Castor n’avait pu honorer ses lettres de change en 1715 et, le printemps suivant, elle faillit à tous ses payements. En 1716, elle conclut des marchés afin de recevoir tout le castor canadien par l’intermédiaire d’Antoine Pascaud* et Jacques Le Clerc, marchands de La Rochelle, et s’engagea à honorer ses lettres de change canadiennes au fur et à mesure de la vente des pelleteries. Les marchands canadiens y virent une machination de Pascaud, Le Clerc et la compagnie à leurs dépens et, malgré le contrat de 1706, ils refusèrent de livrer leurs fourrures aux entrepôts de la compagnie à Québec sans avoir l’assurance d’être payés en entier. Lanoullier s’efforça de contraindre les Canadiens, sachant par ailleurs que la compagnie ne pourrait faire face à ses engagements dans certains cas. Le monopole de Néret et Gayot expira en 1717 et l’engagement de Lanoullier prit fin en même temps. Plus tard, de 1726 à 1732, il agira comme agent pour la Compagnie des Indes et administrera ses affaires au Canada.
Les années 1720 furent des années actives pour Lanoullier ; elles débutèrent avec sa nomination au poste d’agent des trésoriers généraux de la Marine à Québec où il succédait à Jean Petit*. Voyant sa situation assurée pour le moment, il épousa, le 4 janvier 1721, Jeanne, fille de Pierre André de Leigne, lieutenant général civil et criminel de la Prévôté de Québec. Elle mourut le 12 mars 1722, six jours après avoir donné naissance à une fille, Marie-Germaine-Eustache. Le 23 février 1726, pendant qu’il était à Paris où il passait un an pour raisons professionnelles et familiales, il épousa Marie-Jeanne Bocquet.
En 1721, on accorda à Lanoullier, pour 20 ans, le monopole du service postal entre Québec, Trois-Rivières et Montréal, mais il n’enregistra jamais son brevet auprès du Conseil supérieur. L’année suivante, il obtint le permis exclusif d’installer dans la région de Québec des moulins sur bateau pour moudre le grain, mais ce projet ne vit jamais le jour.
La première des charges royales de Lanoullier au Canada débuta le 10 février 1722 lorsqu’il fut nommé membre du Conseil supérieur. À la mort du procureur général Mathieu-Benoît Collet* en mars 1727, l’intendant Dupuy* désigna Lanoullier pour lui succéder par intérim. Pendant qu’il occupait cette charge, Dupuy et le conseil s’engagèrent dans une querelle avec le chapitre de la cathédrale et le gouverneur Charles de Beauharnois, au sujet des obsèques de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] et de l’autorité de l’évêque [V. Étienne Boullard* ; Eustache Chartier de Lotbinière]. En sa qualité de procureur général, Lanoullier devait obéissance à son supérieur hiérarchique, l’intendant. De plus, le premier beau-père de Lanoullier, Pierre André de Leigne, était un des plus chauds partisans de Dupuy. En 1728, par suite du rappel de Dupuy, tombé en disgrâce, la position de Lanoullier devint précaire, mais il réussit apparemment à convaincre Beauharnois qu’il s’était contenté d’obéir aux ordres de Dupuy. Peut-être Beauharnois fut-il favorablement impressionné par la saisie impitoyable que le demi-frère de Lanoullier, Jean-Eustache, contrôleur de la Marine, fit des biens personnels de Dupuy pour garantir ses dettes dans la colonie. Un autre de ses demi-frères, Paul-Antoine-François Lanoullier Des Granges, était attaché à la maison du gouverneur.
L’affaire avait encore des remous en 1729 lorsque le roi ordonna une enquête sur la gestion de Lanoullier en tant qu’agent des trésoriers généraux [V. Georges Regnard* Duplessis ; Jacques Imbert]. Peu après son entrée en fonction en 1720, on commença à formuler des plaintes à son sujet. Il passait des marchandises au prix de détail en vigueur à Québec à de nombreux hauts fonctionnaires canadiens, sous prétexte que ces prêts constituaient des avances officielles sur leurs traitements. Il faisait alors parvenir à Paris, sous forme de lettres de change tirées sur les trésoriers généraux, les fonds royaux destinés à payer ces salaires et, avec ces fonds, Lanoullier, père, achetait au prix de gros, des marchandises pour son fils à Québec. L’utilisation des fonds royaux pour réaliser des bénéfices personnels était une pratique courante à l’époque, et les trésoriers généraux eux-mêmes s’y adonnaient. Ce groupe de financiers était engagé par contrat pour gérer les revenus du ministère de la Marine, et leur agent, Lanoullier, n’était pas un fonctionnaire royal, mais plutôt un banquier privé s’occupant des affaires du roi. Il acceptait des dépôts pour le compte du roi, mais il devait engager des dépenses, pour lesquelles il était personnellement responsable, seulement sur autorisation de l’intendant. Son erreur fut de faire trop largement crédit à un trop grand nombre de débiteurs d’une solvabilité douteuse, à un moment où les trésoriers généraux et le ministre de la Marine comptaient qu’il y avait amplement de fonds pour couvrir les dépenses.
Les intendants Bégon et Dupuy furent parmi les plus gros débiteurs de Lanoullier ; ils lui devaient respectivement 69 000# et 11 000#. Il n’est donc pas surprenant de les voir se précipiter pour prendre sa défense. Mais même Hocquart*, qui avait autorisé la mise en arrestation de Lanoullier et la saisie de sa propriété en 1730, en arriva à la conclusion que celui-ci s’était tout au plus rendu coupable d’un excès de générosité en consentant des avances de traitements. Lanoullier ne passa que trois jours en prison mais fut consigné à sa maison jusqu’à ce que lui et un marchand de Montréal, Pierre de Lestage, déposent une caution de 55 000ª. Il consacra le reste de sa vie à essayer de rembourser ses dettes lesquelles, aux yeux du roi, étaient des dettes à régler entre lui et les trésoriers généraux. En 1730, les livres de Lanoullier accusaient un déficit de 300 000# mais, l’année suivante, Maurepas l’estimait à 180 000#. Une bonne partie de ce montant amoindri consistait encore en déficits légitimes accumulés depuis 1716 dans le budget de la colonie. Après que Lanoullier se fut rendu en France pour négocier, en 1732 et en 1736, et après qu’on lui eut fait des concessions, entre autres, une augmentation de traitement rétroactive, il était encore redevable aux trésoriers généraux de la somme de 45 000ª, qu’il acquitta finalement en leur transférant la créance de 44 000# que lui devait encore Bégon.
Personnellement, Lanoullier avait toutefois encore des dettes écrasantes envers les marchands métropolitains. Dès 1731, Maurepas avait été d’accord avec Bégon, Dupuy et Hocquart pour reconnaître que Lanoullier n’avait pas été de mauvaise foi. Beauharnois avait aussi fait appel au ministre en faveur de Lanoullier. Thomas-Jacques Taschereau le remplaça en 1732 à la charge d’agent des trésoriers généraux et, l’année suivante, Lanoullier était nommé contrôleur du Domaine du roi au traitement de 1 800# ; il occupa ce poste jusqu’à ce que son gendre, Michel Bénard, lui succède en 1752. Il remplaça Michel Sarrazin* en 1735 à la fonction de gardien des sceaux du Conseil supérieur et, en 1736, le roi lui accorda une gratification de 3 900# en compensation de créances irrécouvrables consenties à des officiers. Les faveurs spéciales que Maurepas, Beauharnois et Hocquart lui procurèrent l’aidèrent plus encore. En 1733 et 1736, Lanoullier demanda le privilège d’exploiter le poste de traite de Tadoussac ; mais Hocquart, qui réservait cet avantage pour François-Étienne Cugnet, suggéra plutôt de lui céder, sans charges, le fermage du poste de Témiscamingue. La question était délicate, car Témiscamingue et les postes de l’Ouest étaient l’apanage du gouverneur, et Beauharnois rétorqua à la proposition de Hocquart en donnant à entendre à Maurepas que Cugnet et l’intendant avaient présenté sous un faux jour le commerce de Tadoussac afin d’augmenter les bénéfices de Cugnet. Beauharnois octroya 3 000# à Lanoullier sur les sommes retirées des congés et, à compter de 1741, il lui accorda chaque année, jusqu’en 1746, les 3 000# qui provenaient de la location du poste de Témiscamingue. En 1747, on lui accorda une somme finale de 1 500#. Sa belle-sœur, Mme Mercier, qui avait été la nourrice de Louis XV, contribua probablement, grâce à son influence, à lui obtenir ces faveurs particulières.
En 1747, Lanoullier devait encore aux marchands métropolitains plus de 27 000# et, de nouveau, il traversa en France afin d’essayer d’en venir à un règlement. C’est là que mourut sa deuxième femme. Les biens de Lanoullier comprenaient une maison sur la rue des Remparts à Québec évaluée à 14 500ª, la seigneurie inexploitée du lac Métis, des terrains à Saint-Roch, de petits lopins de terre près de Québec, une concession de pêche au cap Charles, sur la côte du Labrador, d’un rendement annuel de 200#, et quelques petites rentes. Il avait acquis presque tous ces biens dans les années 20.
Il mourut, encore endetté, le 6 janvier 1756 chez son gendre ; il avait dû vendre sa propre maison et une grande partie de ses terres.
AN, Col., B, 34, f.78v. ; 45, ff.810–824, 859–860 ; 48, ff.824–826, 877, 880–883 ; 49, ff.632–633v., 691v.s. ; 50, ff 527–528 ; 53, ff.34v., 491–492, 495s., 498–504v. ; 54, ff.410–411 ; 55, ff.476, 528v.–531 ; 57, f.603v. ; 61, ff.553v.s. ; 64, ff.448–449 ; 68, f.273v. ; 70, ff.347s. ; 72, f.339 ; 74, f.457 ; 81, ff.302s. ; 85, ff.208s. ; 95, ff.46s. ; Col., C11A, 36, pp.316–341, 342–353 (copies aux APC) ; 47, ff.49–57 ; 49, ff.45–47v., 365–370v., 412–423v. ; 50, ff.291–303 ; 51, ff.221–224 ; 53, ff.130–149, 198v., 234–271, 275–278 ; 55, ff.101–104, 159–163 ; 58, f.92 ; 59, ff.41s. ; 60, ff.62–67v. ; 61, ff.235–236, 270–275v. ; 62, ff.300–301v. ; 66, ff.119–120v. ; 74, ff.40–41 ; 75, ff.182–186v. ; 89, ff.305–307 ; Col., D2D, 1 ; Col., E, 253 ; Col., F3, 11, ff.333–334, 335–337 ; Section Outre-Mer, G2, 213, pp.38–84 ; 215, pp.1–62 (copies aux APC).— ANQ, Greffe de Jacques Barbel, 26 déc. 1720 ; Greffe de Louis Chambalon, 11 nov. 1712 ; Greffe de J.-B. Decharny, 28 janv. 1756 ; Greffe de C.-H. Du Laurent, 16 nov. 1741, 20 sept. 1747 ; Greffe d’Henry Hiché, 19 oct. 1730, 13 janv. 1735 ; Greffe de J.-C. Louet, 1er oct. 1726 ; NF, Coll. de pièces jud. et not., 1 115, 1 547, 1 846.— ASQ, Lettres, O, 102, 103, 104 ; Registre B, pp.30–33, 35–39 ; Seigneuries, VII : 8 ; Séminaire, XXIX : 64.— Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt), I : 357–359, 507–509, passim.— Le Jeune, Dictionnaire.— P.-G. Roy, Inv. concessions, IV : 63s. ; La famille Lanoullier (Lévis, 1935).— J. F. Bosher, Government and private interests in New France, Canadian Public Administration (Toronto), X (1967) : 244–257.
S. Dale Standen, « LANOULLIER DE BOISCLERC, NICOLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lanoullier_de_boisclerc_nicolas_3F.html.
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Auteur de l'article: | S. Dale Standen |
Titre de l'article: | LANOULLIER DE BOISCLERC, NICOLAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |