WARREN, sir PETER, officier de marine, commandant de l’escadre britannique à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), en 1745, né en 1703 ou 1704, fils de Michael Warren de Warrenstown (comté de Meath, république d’Irlande) et de lady Catherine Aylmer Plunket, tous deux issus de vieilles familles anglo-irlandaises, décédé le 29 juillet 1752 à Dublin, Irlande.

Peter Warren entra dans la marine à Dublin, en 1716, comme simple matelot, grâce à la protection de son oncle maternel, l’amiral Matthew Aylmer. Il devint midshipman en 1719, lieutenant en 1723 et capitaine de vaisseau en 1727. Au début, son avancement fut accéléré grâce à la protection du gendre d’Aylmer, l’amiral sir John Norris, sous les ordres duquel il servit en plusieurs occasions. Warren navigua d’abord sur la mer d’Irlande, mais à partir de 1718 sa carrière se déroula presque entièrement sur les côtes de l’Amérique du Nord ou dans les Antilles. Avant la guerre avec l’Espagne, en 1739, il commanda les navires en station à Boston, New York et Charleston (C.S.), et acquit une bonne connaissance du littoral jusqu’à Canseau (Canso, N.-É.) ; il se familiarisa avec la politique coloniale, se découvrit un appétit pour les placements fonciers en terre coloniale et un goût pour le commerce clandestin avec les Français de Louisbourg. C’est la fondation d’un établissement sur la frontière du pays des Agniers (près de ce qui est aujourd’hui Amsterdam, N.Y.) qui constitua son placement le plus ambitieux. Il confia d’abord la direction du poste à son neveu irlandais, William Johnson* (il deviendra sir William) qu’il avait amené en Amérique en 1738. En juillet 1731, Warren avait épousé, à New York, Susannah, fille du huguenot Stephen DeLancey, et sœur de James, juge en chef et lieutenant-gouverneur de New York.

Warren prit part à la guerre pour la première fois lors du siège avorté de San Augustin, Floride, en 1740, qu’il décrivit comme « mal concerté et encore plus mal dirigé ». De Floride il se rendit à la Jamaïque où il servit pour une courte période sous les ordres de l’amiral Edward Vernon qui le jugea « un officier compétent et actif ». En août 1742, l’Amirauté se rendit à sa suggestion d’utiliser aux Antilles, au cours de l’hiver, quelques-uns des vaisseaux stationnés en Amérique du Nord ; on le nomma commandant d’une petite escadre ayant son port d’attache à Antigua. Cette escadre connut ses plus grands succès en 1744, quand éclata la guerre avec la France ; elle réussit alors la capture de nombreux navires français, capture dont les conséquences furent une désorganisation temporaire de l’ennemi et, pour Warren, un accroissement important de sa fortune ainsi qu’une publicité personnelle dans son pays.

Warren atteignit le point culminant de sa carrière en 1745. La General Court du Massachusetts, aiguillonnée par le gouverneur William Shirley, décida d’attaquer l’imposante forteresse française de Louisbourg et, en janvier, on demanda à Warren, bien qu’il fût à Antigua, l’appui de ses forces navales. Au début celui-ci ne se crut pas en mesure d’aller aider Shirley, mais en mars il reçut de nouvelles instructions de l’Amirauté lui ordonnant d’assumer le commandement de tous les vaisseaux le long des côtes de l’Amérique, au nord de la Virginie ; il mit alors le cap sur la Nouvelle-Angleterre.

Warren connaissait le commandant des forces de la Nouvelle-Angleterre, William Pepperrell, depuis 1736 au moins ; à cette époque Warren était en poste à Boston pour une première fois. En 1741 il était demeuré pendant plusieurs semaines à Kittery (Maine) avec Pepperrell, et ensemble ils avaient discuté de l’idée de commander conjointement une attaque sur Louisbourg. La prise « du Canada et du Cap-Breton, avait dit Warren à l’Amirauté en 1743, aurait de plus grandes conséquences pour la Grande-Bretagne que toute autre conquête que nous pourrions espérer faire au cours d’une guerre contre l’Espagne ou la France ». Son plan était alors d’investir la forteresse avec les troupes régulières anglaises soutenues par une artillerie convenable et appuyées par les troupes levées dans les colonies, le tout protégé par une escadre bien armée.

L’expédition qu’il avait maintenant l’ordre explicite d’appuyer était bien en deçà de son attente, et il entretenait de sérieux doutes quant à ses chances de réussite. L’armée formée de coloniaux comptait 3 000 hommes de troupe indisciplinés et sans formation militaire, munis d’armes mais sans artillerie. L’escadre qui les appuyait et dont Warren avait le commandement était composée de ses quatre navires (un vaisseau de ligne et trois frégates) et d’une douzaine de petits vaisseaux armés, sloops et brigantins, dont le plus gros était armé de 24 canons. Les troupes de la Nouvelle-Angleterre se rendirent à Canseau, convoyées par leurs propres bâtiments d’escorte. C’est là que Warren les rencontra vers la fin d’avril 1745 ; avec une partie de son escadre, il aida à les escorter jusqu’à Louisbourg.

Warren estimait que son principal objectif était le blocus de la forteresse par mer, tâche qui n’était pas facile sur un littoral renommé pour ses brumes. Mais la crainte le dominait que les Français, avec une escadre plus considérable que celle qu’il commandait, puissent tenter de les forcer à lever le siège. Il avait pour deuxième objectif de coopérer avec les troupes de la Nouvelle-Angleterre afin d’établir un plan d’attaque susceptible de réussir. Il ne faisait pas officiellement partie du conseil de guerre de Pepperrell, lequel se réunissait à peu près quotidiennement à terre alors que lui-même restait presque invariablement en mer, au large de l’entrée du port de Louisbourg. Néanmoins, il sollicita puis accueillit favorablement les suggestions de Pepperrell sur la disposition des unités navales ; il s’estimait libre de proposer au conseil des tactiques pour accélérer la prise d’assaut. Pendant les sept semaines que dura le siège, il soumit effectivement quatre plans d’attaque ; tous consistaient en opérations menées à la fois par mer et par terre mais on n’en exécuta aucun. Vers la fin de mai, le conseil de Pepperrell ayant rejeté le troisième projet, Warren protesta auprès de Pepperrell. « Je regrette, lui dit-il, qu’aucun de mes plans, même s’ils ont été approuvés par tous mes capitaines, n’aient eu l’heur de recevoir votre assentiment ou n’aient eu quelque poids à vos yeux. En m’appuyant sur les humbles connaissances en matière militiaire que je me suis efforcé d’acquérir, je me flattais que mon simple avis aurait pu exercer quelque influence dans la conduite de cette expédition. » Il parla avec irritation de l’indolence des officiers coloniaux, mais en réalité c’est leur inexpérience qui mettait sa patience à l’épreuve. Son sentiment de frustration n’en devait être que plus profond à mesure qu’il se rendait compte de la faiblesse de sa propre escadre.

Vers la fin de mai, cependant, même si le moral et la résistance des troupes coloniales étaient à la baisse, la position de Warren se trouva grandement affermie. Dans la nuit du 19 au 20 mai (ancien style), sa petite escadre s’empara du Vigilant, armé de 64 canons, qui avait tenté de porter secours à la forteresse [V. Alexandre de La Maisonfort]. Deux jours plus tard, les renforts commencèrent à arriver d’Angleterre et, le 10 juin, Warren avait sous ses ordres six vaisseaux de ligne et cinq frégates, transportant en tout 554 canons et un effectif de 3 585 officiers, matelots et hommes d’infanterie de marine. Dès lors, Warren eut la conviction que l’attaque réussirait et persuada le conseil de guerre de Pepperrell d’accepter de mettre en application une version modifiée de son troisième plan d’assaut. Le 15 juin, la veille de l’offensive projetée, Warren s’adressa aux troupes de la Nouvelle-Angleterre et leur dit qu’ « il aimerait mieux laisser sa vie à Louisbourg plutôt que de ne pas réussir à prendre la ville ». Mais les Français demandèrent la paix au moment même où l’armée et la marine se préparaient à livrer combat.

Ensemble, Warren et Pepperrell négocièrent les conditions de la capitulation avec le commandant français, Louis Du Pont* Duchambon. Ils acceptèrent que tous les Français qui habitaient la ville et les territoires soumis à la juridiction du gouverneur de Louisbourg « aient la garantie de conserver leurs biens personnels et qu’ils aient la liberté, emportant ces dits biens avec eux, de se rendre dans n’importe quel endroit des possessions du roi de France en Europe ». Warren informa l’Amirauté que malgré la requête des Français demandant que tout citoyen qui en exprimerait le désir puisse être autorisé à demeurer à Louisbourg, on ne devrait y consentir sous aucun prétexte : « nous avons à Annapolis, écrivait-il, un exemple des conséquences désastreuses de la présence de Français parmi nous ». Il n’avait pas confiance en l’aptitude des colons français à vivre en bon et paisible voisinage avec les familles anglaises. Il expédia en France la plus grande partie de la population du Cap-Breton, en 1745, et projetait de rapatrier, l’été suivant, les colons de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), qui étaient aussi concernés par les clauses de la capitulation. Il suggéra à plusieurs reprises que les Acadiens soient réinstallés dans les colonies plus populeuses du sud, car il croyait qu’aussi longtemps que le Canada serait sous la domination française, on ne pouvait s’attendre à ce que les Acadiens restent des fidèles sujets britanniques, qu’ils aient ou non prêté le serment d’allégeance.

La reddition de la forteresse de Louisbourg fut à l’origine d’une courte mais vive dispute entre Warren et Pepperrell ; certains historiens ont accusé Warren d’avoir essayé, à ce stade, d’accaparer la gloire qui revenait aux hommes de la Nouvelle-Angleterre. Le différend surgit lorsque, par suite d’habiles manœuvres, Warren réussit à se faire remettre les clefs de la ville par le gouverneur français et stationna ses troupes de marine à l’intérieur de Louisbourg avant que les troupes de la Nouvelle-Angleterre n’y pénètrent. Ce n’était pas tellement pour lui une question de prestige, quoiqu’elle eût son importance incontestable, mais il s’agissait principalement d’assurer que le transfert des pouvoirs se fasse en ordre. Il craignait que les coloniaux, à qui on avait refusé la part de butin sur laquelle ils avaient misé au moment de s’enrôler, ne veuillent mettre la ville à sac. Cette brouille, qu’on a interprétée comme une tentative délibérée de la part de Warren d’assumer le commandement unique de la garnison, n’a toutefois pas porté atteinte aux bonnes relations qu’il entretenait avec Pepperrell. Leur amitié était solide et vraie comme en fait largement état la volumineuse correspondance qu’ils ont échangée.

Lorsque la nouvelle de la chute de Louisbourg parvint en Angleterre, Warren fut promu contre-amiral, et il fut question de lui accorder le titre de baronnet, mais il déclina l’honneur alléguant qu’il n’avait pas de fils pour lui succéder. À sa grande consternation, on le nomma également premier gouverneur anglais du Cap-Breton, le 1er septembre 1745. Il ne désirait aucunement être isolé dans la forteresse et demanda sur-le-champ d’être relevé de sa charge, préférant continuer à servir en mer. On se rendit à sa requête, et le commodore Charles Knowles fut envoyé, en mai 1746, pour prendre sa succession. Warren espérait voir un « gouvernement civil » s’installer à l’île du Cap-Breton dès la fin des hostilités, car il était d’avis que peu de colons viendraient s’y établir, aussi longtemps qu’un gouvernement militaire serait en place. Seuls un établissement considérable et une garnison convenable pourraient protéger l’île contre les Français. Warren recommanda instamment que les terres concédées soient libres de redevances, que l’industrie de la pêche soit encouragée comme principale source de richesse et que Louisbourg soit déclaré port franc afin de stimuler le commerce. Tant que persisterait l’état de guerre, Warren voulait également que Louisbourg serve de point de ralliement pour tous les navires de commerce anglais revenant du continent américain et des Antilles afin qu’ils puissent ensuite continuer leur route vers l’Angleterre, convoyés par des vaisseaux de guerre.

Dans les lettres que Warren adressait en Angleterre, il parlait souvent de Louisbourg simplement comme du premier jalon de la conquête du Canada ; cette conquête assurerait à la seule Angleterre « tout le commerce des fourrures et de la pêche [...] une source d’immenses richesses ». Au début, il croyait qu’une attaque sur Québec pourrait être déclenchée dès le printemps de 1746, mais après en avoir discuté avec Shirley, qui avait séjourné à Louisbourg d’août à décembre 1745, il fut convaincu que le projet ne pourrait être mis à exécution qu’en 1747, car un tel projet supposait la participation de troupes provenant non seulement d’Angleterre mais aussi de toutes les colonies, même celles qui étaient aussi loin vers le sud que la Caroline du Nord. Le gouvernement, toutefois, s’en tint à la première suggestion de Warren et décida d’attaquer Québec à l’été de 1746. Cette décision exaspéra Warren au plus haut point. Il redoutait un échec et entrevoyait sa carrière s’achevant dans la ruine, les colonies et l’Angleterre grevées de lourdes dettes, simplement parce que le projet, quoique d’une stratégie solide, aurait été exécuté une année trop tôt.

Par suite des ordres gouvernementaux, Warren et Pepperrell décidèrent de retarder le rapatriement des colons français de l’île Saint-Jean. Le 6 juin 1746, Warren partit pour Boston avec un seul navire sous son commandement, le Chester. Au cours de son séjour à Boston, il travailla de concert avec Shirley à la coordination des plans de l’attaque sur Québec et confia au Chester une double mission : aller en éclaireur repérer une flotte française dont on attendait l’arrivée imminente dans les eaux d’Amérique du Nord et puis se rendre assurer la protection d’Annapolis, qui serait vraisemblablement une cible toute désignée advenant une attaque française. À la fin d’août, on avait déjà recruté 7 000 hommes pour l’expédition, mais Warren estimait que c’était insuffisant, même avec l’appui de l’armée régulière anglaise. Les semaines passaient et les renforts anglais n’arrivaient toujours pas ; Warren fut confirmé dans son idée qu’il faudrait retarder l’expédition jusqu’au printemps de 1747. De concert avec Shirley il proposa un plan de rechange pour l’automne et les mois d’hiver : une attaque contre le fort français de Saint-Frédéric (Crown Point, N.Y.), sur la rive ouest du lac Champlain ; ce fort était devenu le point de départ d’incursions contre les postes frontaliers de la Nouvelle-Angleterre et de New York. La prise de ce fort fournirait un tremplin qui se révélerait aussi utile à une expédition contre Montréal, en 1747, que Louisbourg l’était pour attaquer Québec. Tous ces projets s’écroulèrent quand parvint à Boston et à Louisbourg, en septembre 1746, la nouvelle que la flotte française, commandée par le duc d’Anville [La Rochefoucauld] et dépêchée pour empêcher l’attaque de Québec, reprendre Louisbourg, attaquer Placentia et Annapolis, se trouvait maintenant sur les côtes de la Nouvelle-Écosse. Shirley expédia en toute hâte des renforts à Annapolis, et Warren s’attendit à un engagement naval d’importance. Il demeura à Boston dans un état de tension extrême jusqu’en octobre. On porta alors à sa connaissance le récit complet des infortunes qu’avaient connues les Français : décimés par la maladie et la famine, ceux-ci avaient inhumé leurs morts puis avaient regagné la France. À cette nouvelle, Warren décida de retourner en Angleterre et s’embarqua le 28 novembre 1746.

En janvier 1747, Warren fut appelé à comparaître devant le Conseil privé pour éclairer celui-ci sur la situation en Amérique. L’ambition qu’il avait caressée d’une rapide conquête du Canada s’était maintenant évanouie, puisque le gouvernement tenait à réserver toutes ses ressources pour la guerre qui se livrait en Europe. Warren se contenta de souligner la nécessité d’envoyer des colons au Cap-Breton et en Nouvelle-Écosse. Il conseilla au gouvernement, comme il l’avait souvent fait auparavant, d’instaurer une politique de conciliation avec les Indiens de la Nouvelle-Écosse. Il suggéra d’établir des fortifications à Canso, à Plancentia, et sur la baie de Chibouctou où il espérait voir grandir un établissement permanent ; il conseilla de laisser à Louisbourg une solide escadre aussi longtemps que dureraient les hostilités. En mars 1747, on lui confia justement le commandement d’une telle escadre, mais il ne s’embarqua jamais pour l’Amérique. Lorsque l’Amirauté apprit que la France se préparait à envoyer une autre flotte à Louisbourg, on décida qu’il fallait renforcer la flotte d’Angleterre avec les vaisseaux qui étaient alors sous le commandement de Warren. L’amiral George Anson fut envoyé, avec Warren sous ses ordres, rejoindre l’escadre de l’ouest ; le 3 mai, ils mirent les Français hors de combat lors d’un important engagement au large du cap Ortegal, en Espagne [V. Taffanel de La Jonquière]. En récompense, Warren fut créé chevalier compagnon de l’ordre du Bain et, deux mois plus tard, il reçut le grade de vice-amiral. Il prit de nouveau la mer au cours de ce même été et fit de nombreuses captures avant de regagner le port, en août. La maladie l’empêcha de reprendre le commandement de l’escadre cette année-là, mais l’amiral Edward Hawke, que Warren avait désigné pour le remplacer, remporta une victoire encore plus écrasante contre la France, en octobre. La maîtrise des mers par l’Angleterre était si totale qu’en 1748 ni la France ni l’Espagne ne furent en mesure d’organiser une contre-attaque de quelque efficacité. Ayant repris le commandement de l’escadre de l’ouest, Warren n’eut plus de batailles navales d’importance à livrer. Les préliminaires de la paix mirent un terme aux hostilités, et Warren amena ses couleurs pour la dernière fois le 4 août 1748.

Dès lors Warren consacra beaucoup de son temps à la politique. Déjà en 1742, il n’avait pas caché son ambition de devenir gouverneur de New York et, à la mort de Lewis Morris, en 1746, il avait aussi fait des démarches afin d’être nommé gouverneur du New Jersey. Il ne limita pas à l’Amérique ses ambitions politiques et, en 1746, il avoua qu’il avait un vague espoir d’entrer au parlement. Peu après la victoire du cap Ortegal, le parlement fut soudainement dissous et Warren, qui, plus tôt, avait accepté d’appuyer le gouvernement, se porta candidat pour la ville de Westminster, laquelle « invariablement élisait les hommes du plus haut prestige social ». La victoire fut facile même s’il lui en coûta £7 000. Il chercha à obtenir un poste dans le gouvernement de Henry et Thomas Pelham (duc de Newcastle) ; c’est pourquoi en décembre 1748 il sollicita un siège devenu vacant au conseil de l’Amirauté. Malgré l’appui d’Anson, on repoussa sa demande. Lorsqu’une nouvelle vacance se produisit, six mois plus tard, il ne fut même pas question de Warren, car il s’était aliéné ses amis politiques en prenant la tête du mouvement d’opposition suscité par de nombreux officiers de marine contre certaines dispositions du projet de loi sur la réforme de la marine. Warren gravita vers le comte d’Egmont et d’autres partisans du prince de Galles, et son nom figurait comme commissaire de l’Amirauté dans l’administration qu’on se proposait de mettre en place dès l’accession au trône du prince, mais celui-ci mourut en mars 1751. Malgré les échecs qu’il connut auprès des Pelham, Warren n’appuya pas moins chaudement le système d’alliances européennes préconisé par Newcastle afin de contrebalancer la puissance de la France dont la politique lui semblait toujours dangereusement suspecte. Il se fit aussi l’avocat d’une marine forte, instrument capital de la politique britannique. Au parlement il était l’un des mieux au fait des affaires d’Amérique, car il s’occupait activement des questions relatives au commerce avec les colonies, aux devises, aux querelles de frontières et aux pêcheries.

Les captures de guerre rapportèrent à Warren au moins £126 000, dont pas moins de £53 000 lui venaient du butin rapporté de Louisbourg. Mise à part la fortune d’Anson, celle que Warren retira de ses captures de guerre fut sans doute la plus considérable qui ait été accumulée avant la guerre de Sept Ans. Il investit ses capitaux en propriétés foncières et en prêts dans différentes colonies d’Amérique, particulièrement à New York, et aussi en Angleterre et en Irlande. Il investit considérablement dans les obligations du gouvernement, particulièrement lors de l’emprunt de 1745, et aussi dans les valeurs des grandes compagnies de commerce et d’assurances.

Warren était une sorte de philanthrope mais sa philanthropie se distinguait plus par son champ d’action que par son ampleur. Il souscrivit de l’argent pour aider à la construction d’églises en Amérique ; en Angleterre, c’est aux hôpitaux qu’il destinait ses libéralités. Il était probablement catholique de naissance et d’éducation mais plus tard il se fit un ardent défenseur de l’Église d’Angleterre. En 1749, on lui accorda une commission de £900 pour avoir aidé les gouvernements de la Nouvelle-Angleterre à obtenir du parlement le remboursement d’une partie des dépenses engagées en 1745 et 1746 ; il déposa la presque totalité de cette somme en fiducie pour l’instruction d’enfants indiens. À ses yeux c’était le parfait mariage de la religion et du réalisme politique, car, de cette façon, les Indiens seraient amenés à une « connaissance du [...] Glorieux Rédempteur du monde » et seraient gagnés aux « intérêts britanniques ». Il comptait lancer une souscription afin d’augmenter ce fonds, mais il mourut avant que le projet ne prenne forme.

Warren mourut subitement à Dublin, le 29 juillet 1752, « d’une fièvre extrêmement violente », à un moment où il semblait que sa capacité d’action ne faisait que commencer à s’exercer. Au cours de sa carrière de marin, carrière distinguée par ailleurs, il n’avait rien accompli d’absolument mémorable, et sa brève incursion en politique n’a dû que le décevoir ainsi que ses amis. Sa renommée et sa fortune le portèrent aux portes du pouvoir, mais la faiblesse de ses alliés politiques de même que son propre esprit d’indépendance favorisé par son immense fortune ne tardèrent pas à l’éloigner du centre de la vie politique. Les oeuvres les plus durables qu’il a laissées sont, chose étonnante, ses commentaires remarquablement perspicaces sur l’orientation que prendraient, en Amérique, dans l’avenir, les relations avec l’Angleterre et aussi sa grande fortune dont on peut retrouver des traces encore de nos jours, par suite des mariages de ses filles dans l’aristocratie anglaise.

Warren fut inhumé en Irlande, dans sa paroisse natale, mais l’endroit précis de sa sépulture n’est pas indiqué. Il y a une grande et disgracieuse statue de lui dans le transept est de l’abbaye de Westminster, sculptée par Louis-François Roubillac.

Julian Gwyn

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Julian Gwyn, « WARREN, sir PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/warren_peter_3F.html.

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Auteur de l'article:    Julian Gwyn
Titre de l'article:    WARREN, sir PETER
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
Date de consultation:    12 déc. 2024