CLAUDE (Glaude), Joseph, chef principal des Micmacs de Restigouche, décédé dans son village de Restigouche (Pointe de la Mission, Québec), avant le 18 mai 1796, date à laquelle son successeur, Jacques (Joseph) Gagnon, entra en fonction.

Les Indiens de Restigouche, dont les terres comprenaient toute la côte, depuis la baie de Cascapédia (Québec) jusqu’à la rivière Miramichi (Nouveau-Brunswick), et tout le territoire baigné par les rivières situées entre les deux endroits, étaient les descendants d’une branche de la nation micmaque, demeurant en Gaspésie. On ne sait pas avec certitude si c’est Joseph Claude ou son père qui fut nommé chef du village de Restigouche par le gouverneur Beauharnois*, le 8 avril 1730. En 1760, toutefois, Joseph y était certainement le chef. À cette époque, selon une évaluation faite par les Britanniques, le village comptait 100 âmes, population qu’un recensement contemporain d’origine française portait à 350. Le premier chiffre est probablement plus près de la réalité, car, d’après un dénombrement de 1765, 87 membres de la bande vivaient alors à Restigouche.

À l’époque de la capitulation de Montréal, en 1760, le village de Claude reçut plus de 1000 réfugiés acadiens de diverses régions de la Nouvelle-Écosse, et servit de base à environ 200 militaires français sous le commandement de François-Gabriel d’Angeac. Français et Indiens firent séparément la paix avec les Britanniques en octobre, et Claude reçut quelques « couvertes » et des provisions pour les membres de sa tribu. L’affluence des Acadiens constituait une menace pour la petite bande. Écrivant, en janvier 1761, à Roderick MacKenzie, commandant britannique de Restigouche, Claude se plaignit de ce que les Acadiens traitaient ses gens comme des chiens, les empêchaient de pêcher et se préparaient à prendre la mer avec le contenu des magasins du roi dès que les glaces seraient rompues.

Les Acadiens furent déportés [V. Joseph Dugas] ais des pêcheurs et des colons blancs revinrent s’installer dans la région de la baie des Chaleurs pendant les années 1770. Campbellton (Nouveau-Brunswick) fut fondée en 1773 et, au cours des dix années qui suivirent, quelques Acadiens revinrent dans la région. Quand, en 1778, le vice-amiral français Jean-Baptiste-Charles d’Estaing, au nom du roi de France, invita les Canadiens à prendre les armes avec les Américains rebelles et à combattre les Britanniques, le missionnaire Joseph-Mathurin Bourg réussit, en intervenant auprès des gens de Claude, à les maintenir en paix. Après la Révolution américaine, l’affluence des Blancs continua. À la recherche de nouveaux emplacements pour les arrivants loyalistes, en juin 1783, Justus Sherwood* notait que la terre située à l’embouchure de la rivière Restigouche était de bonne qualité et rendrait plusieurs centaines de milliers de tonnes de foin – mais elle était « revendiquée par les Indiens de Restigouche ». Bien que les Indiens eussent accordé aux colons le privilège de couper le foin moyennant un droit d’un dollar par année, les disputes entre eux et les colons étaient inévitables avec l’arrivée d’autres Acadiens et d’autres Loyalistes en provenance du Nouveau-Brunswick.

En 1786, désireux d’apaiser les Indiens, de manière que le peuplement blanc pût se poursuivre sans interruption, le gouvernement de Québec nomma une commission chargée d’examiner leurs revendications et leurs griefs. Les commissaires – Nicholas Cox, lieutenant-gouverneur de Gaspé, John Collins, arpenteur général adjoint de Québec, et l’abbé Bourg – séjournèrent au village de Restigouche du 29 juin au 1er juillet. Le 30 juin, ils entendirent Claude, qui réclama pour les siens les terrains de chasse du côté nord de la Restigouche et un droit exclusif à la pêche du saumon. Il produisit, comme preuve de son autorité, la nomination signée par Beauharnois en 1730.

Les gens de Claude s’arrêtèrent particulièrement aux revendications foncières d’Edward Isaac Mann, un loyaliste du Massachusetts, et à l’utilisation irréfléchie de seines par un autre colon, Robert Adams. Cox prétendit, cependant, que les terres occupées par les Indiens de Restigouche ne leur appartenaient pas, qu’elles étaient en fait des seigneuries françaises, et que, en vertu du droit de retrait, elles appartenaient dès lors à la couronne britannique. En conséquence, le roi attendait de ses Indiens qu’ils fassent de la place à « ses autres enfants les Anglais et les Acadiens, qu[‘ils] devaient considérer comme des frères ». Les commissaires promirent aux Indiens une compensation en retour de l’abandon de leurs « prétentions » sur les terres et d’une « concession peu importante » entre la rivière Nouvelle (Québec) et la pointe Macquache (probablement Pointe à la Croix, Québec) jusqu’à une ligne frontière qui serait tirée pour délimiter les possessions des Indiens et celles des Blancs. Quant à la pêche du saumon, « [leurs] réclamations, comme gens originaires de ce pays », feraient l’objet d’un rapport favorable au gouverneur lord Dorchester [Carleton*]. Les trois chefs de la bande, Claude, Gagnon et François Est*, dit Coundo, signèrent cette entente.

Les problèmes des Indiens de Restigouche ne finirent pas avec la signature de cet accord. Claude, par exemple, qui se sentit apparemment assez sûr de son fait pour louer, en 1787, six arpents de terre situés à la pointe Bourdon (probablement Pointe à Bourdeau, Québec), et qu’il affirmait être sa propriété, ne put jamais rentrer en leur possession. On procéda à deux arpentages distincts des terres concédées par les Indiens au gouvernement par l’entente de 1786. Le premier, mené par William Vondenvelden* en octobre 1787, trancha profondément dans le territoire que les Indiens s’étaient réservé. John Collins le modifia dans le courant de l’année suivante. Malheureusement, le Conseil législatif de Québec approuva les deux arpentages, en 1790, et la confusion qui en résulta dura longtemps après la mort de Claude. Un certain nombre de protestations furent faites. pendant la première partie du xixe siècle, qui amenèrent un examen détaillé de la situation, en 1840, par Duncan Campbell Napier*, lequel, à titre de secrétaire militaire du Bas-Canada, avait la responsabilité des affaires indiennes. Il recommanda que des terres de la couronne, limitrophes du village, fussent concédées aux Indiens, comme compensation pour leurs pertes passées, mais rien ne fut fait. En 1865, la question se posa de nouveau et, à ce moment-là, William Prosperous Spragge, surintendant général adjoint des Affaires indiennes, admit que la procédure suivie par la commission de 1786 dans ses négociations avec Claude avait violé le principe « universellement reconnu que la couronne ne prend en charge aucun territoire indien tant qu’un acte de cession et de remise n’a pas été exécuté de la part des Indiens et qu’on ne s’est pas de part et d’autre entendu sur une compensation ».

L. F. S. Upton

PANB, RG 2, RS8, Indians (William Spragge au commissaire des terres de la couronne, 12 avril 1865).— Canada, prov. du, Assemblée législative, Appendix to the journals, 1847, app.T ; app.96.— Papiers Amherst (1760–1763) concernant les Acadiens, R. S. Brun, édit., Soc. historique acadienne, Cahier (Moncton, N.-B.), III (1968–1971) : 273, 284, 288.— Recensement des gouvernements de Montréal et de Trois-Rivières, 1765, 116.— Justus Sherwood, Extracts from my journal of my voyage from Quebec to Gaspy, Bay Chaleurs, and Merimishi, APC Report, 1891, 21–23.— P. K. Bock, The Micmac Indians of Restigouche : history and contemporary description (Ottawa, 1966), 14–21.— Père Pacifique [de Valigny] [H.-J.-L. Buisson], Ristigouche : métropole des Micmacs, théâtre du « dernier effort de la France au Canada », Soc. de géographie de Québec, Bull. (Québec), 19 (1925) : 129–162 ; 20 (1926) : 95–110, 171–185.— L. F. S. Upton, Indian affairs in colonial New Brunswick, Acadiensis, III (1973–1974), no 2 : 3–26.

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L. F. S. Upton, « CLAUDE (Glaude), Joseph », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/claude_joseph_4F.html.

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