DU PONT DUCHAMBON, LOUIS, officier dans les troupes de la Marine, lieutenant de roi et marchand, baptisé le 1er janvier 1680 à Sérignac (dép. de la Charente, France), sixième fils de Hugues Du Pont Duvivier et de Marie Hérauld de Gourville ; il épousa, le 11 février 1709 à Port-Royal (Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse), Jeanne Mius d’Entremont de Pobomcoup, petite-fille de Philippe Mius* d’Entremont, baron de Pobomcoup ; décédé le 22 août 1775 en la paroisse de Curat (dép. de la Charente).

Louis Du Pont Duchambon arriva en Acadie en 1702, en qualité d’enseigne dans une nouvelle compagnie au sein de laquelle ses frères, François Du Pont* Duvivier et Michel Du Pont* de Renon, servaient avec les grades respectifs de capitaine et de lieutenant. Il fut promu lieutenant en 1704. Duchambon et ses deux aînés déménagèrent à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), après sa fondation en 1713. Même après la mort prématurée de Duvivier, le plus âgé des trois frères, en 1714, la famille Du Pont resta solidement établie dans le corps des officiers de la garnison. Cette même année, Renon devint aide-major et, en 1717, les fils de Duvivier étaient devenus officiers. À la mort de Renon, en 1719, l’autorité familiale passa à Duchambon ; sous son égide furent jetées les bases qui allaient permettre aux Du Pont de devenir la famille militaire la plus importante de la colonie.

Duchambon passa en bonne partie les premières années de sa carrière à l’île Royale, à l’avant-poste de Port-Dauphin (Englishtown, Nouvelle-Écosse). Stationné là avec le grade de lieutenant dans la compagnie de Renon, il fut promu capitaine en 1720 et nommé commandant en 1723. On employa sa femme comme interprète en langue indienne, jusqu’à ce que les autorités françaises reconnaissent, au début des années 1720, que « les sauvages n’aiment pas à donner connoissance de leurs traités et de leurs affaires aux femmes ». Son poste se résumant à peu de chose, Duchambon demanda son rappel à Louisbourg en 1731, bien que Port-Dauphin demeurât presque le fief personnel des Du Pont jusqu’aux années 1740. Ses fils, François Du Pont Duchambon, dit Duchambon l’aîné, et Louis Du Pont Duchambon de Vergor, et ses neveux, François Du Pont Duvivier et Philippe-Michel Du Pont de Renon, y servirent ou y commandèrent à différents moments au cours de ces années. Les avant-postes de Louisbourg, tels celui de Port-Dauphin, ou ceux de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), permettaient aux officiers la poursuite d’affaires commerciales hors de la vue des administrateurs de Louisbourg ; aussi n’est-il pas surprenant que Vergor et Duvivier aient été parmi les officiers de la colonie les plus adonnés à la traite.

Après un congé en France, en 1728, Duchambon retourna à l’île Royale et devint major de Louisbourg en 1733, année qui suivit la promotion de son neveu Duvivier au grade d’aide-major. Respectivement troisième et quatrième officier dans l’état-major de l’île, les deux hommes se trouvaient chargés de la discipline quotidienne de l’armée et de la vie de la garnison, tout en exerçant les fonctions de police dans la ville ; ils n’avaient toutefois pas la responsabilité des approvisionnements militaires, aux mains des fonctionnaires civils. Duchambon et son neveu étaient également bien placés pour faciliter à leurs parents l’accès aux premiers échelons de la hiérarchie militaire. La plupart des fils de Duchambon – il en avait au moins sept – se lancèrent jeunes dans des carrières militaires à l’île Royale. En 1734, quatre des 16 premiers garçons choisis comme cadets appartenaient à la famille Du Pont.

Officier sans éclat, Duchambon obtint néanmoins des promotions grâce à l’ancienneté et aussi à son amitié avec le gouverneur Saint-Ovide [Monbeton*]. En 1730, il fut fait chevalier de Saint-Louis et, en 1737, nommé lieutenant de roi à l’île Saint-Jean, en remplacement de Jacques d’Espiet* de Pensens. Vergor, plusieurs de ses autres fils et, plus tard, un neveu, Joseph Du Pont Duvivier, rejoignirent Duchambon au cours de son commandement sans histoire dans cette île. Là comme à Louisbourg, l’activité commerciale personnelle de Duchambon paraît avoir été restreinte. Avec François Du Pont Duvivier et André Carrerot*, il avait vendu en 1732 la goélette Union aux marchands français Girard de La Saudrais, de Saint-Malo, et Charles Maccarty, de La Rochelle. À l’île Saint-Jean, il avait une ferme et y élevait du bétail, et, en 1741, il acheta un navire au prix de 3 000#. C’est probablement ce navire qu’il dépêcha contre Canseau (Canso, Nouvelle-Écosse), en 1744, avec l’expédition de François Du Pont Duvivier.

Puis, en avril 1744, vint, comme un hommage symbolique à une famille qui avait pris racine en Acadie, la nomination de Duchambon au poste de lieutenant de roi à l’île Royale, en remplacement de François Le Coutre* de Bourville. C’était le plus haut rang qu’un officier pouvait atteindre à Louisbourg et qui lui valait ex officio un siège au Conseil supérieur. En octobre, le sort plaça Duchambon à la tête de la colonie, quand le commandant Jean-Baptiste-Louis Le Prévost* Duquesnel mourut subitement. Même s’il désirait être gouverneur, Duchambon n’était pas apte, à cause de son âge et de son tempérament, à prendre le commandement, même intérimaire, de la colonie à un moment où la France et la Grande-Bretagne étaient en guerre. Il conserva néanmoins ce commandement vu l’incapacité d’Antoine-Alexis Perier de Salvert, remplaçant de Duquesnel, de se rendre à Louisbourg.

Aussitôt qu’il prit le commandement, Duchambon fit des préparatifs en vue de défendre la forteresse contre une attaque des Anglo-Américains ; en effet, Joannis-Galand d’Olabaratz l’avait amené à croire que l’offensive se produirait le printemps suivant. Croyant la Nouvelle-Angleterre plus forte qu’au cours de la précédente guerre, Duchambon se montra plus pessimiste que ses prédécesseurs en avertissant les autorités françaises que Louisbourg ne pouvait tenir avec si peu d’hommes, de canons et de munitions. Avec le commissaire ordonnateur Bigot, il envoya à la cour un plan visant à prendre Annapolis Royal et Placentia (Terre-Neuve) en 1745, grâce au concours d’une escadre française et de troupes de renfort venant de France.

En décembre 1744, toutefois, presque toute la garnison de Louisbourg, excitée par les soldats du régiment de Karrer, se mutina et mit les officiers à la rançon. Les troupes de la Marine entretenaient de sérieux griefs : exploitation de la part des officiers, légumes pourris, pauvres rations et le fait que Duquesnel n’avait pas, plus tôt dans l’année, distribué le butin provenant de la capture de Canseau. Visiblement ébranlé et craignant un autre soulèvement, Duchambon ne pouvait guère faire autre chose que d’accéder aux demandes des soldats et de leur remettre les approvisionnements exigés. Une fois les soldats apaisés, Louisbourg rentra dans sa tranquille hibernation.

En dépit de ses avertissements alarmistes destinés à secouer les autorités françaises, Duchambon paraît avoir été peu troublé par la perspective d’une attaque contre Louisbourg. Faisant sienne la théorie traditionnelle selon laquelle les moyens de défense de la forteresse étaient suffisants pour faire face à une attaque par mer, il ne tint aucun compte de la possibilité d’une descente de l’ennemi à l’ouest de Louisbourg et d’un siège de la forteresse effectué du côté le plus vulnérable, celui de la terre ferme. C’est exactement ce qui devait arriver. Au cours du mois d’avril 1745, des navires de guerre britanniques, sous les ordres du commodore Peter Warren*, arrivèrent pour faire le blocus de Louisbourg pendant que des navires de transport s’assemblaient à la baie de Gabarus. Le 11 mai au matin, des troupes provinciales américaines sous le commandement de William Pepperrell* commencèrent à descendre, sans opposition, à la pointe Platte (pointe Simon), un mille à l’ouest de Louisbourg.

À l’intérieur de la forteresse, un Duchambon ébranlé entreprit son premier commandement militaire avec un corps d’officiers entièrement démoralisés. Indécis à l’extrême, il regardait, des remparts, les Américains en train de débarquer ; il dépêcha finalement un petit détachement, sous la conduite du fameux corsaire Pierre Morpain*, contre les troupes de la Nouvelle-Angleterre. L’indécision de Duchambon, sur le plan tactique, fut grave de conséquences : ayant perdu l’initiative en n’affectant pas assez d’hommes pour faire nettement échec dès le début au débarquement des troupes néo-anglaises, il fut forcé de combattre dans les conditions gênantes d’un long siège mené dans les règles. La faiblesse de Louisbourg, particulièrement du côté de la terre ferme, devint tristement évidente. Le sol, quoique marécageux, se révéla un obstacle peu sérieux à l’avance de l’ennemi, qui atteignit les hauteurs dominant la forteresse sur trois côtés. Au moment où les troupes de la Nouvelle-Angleterre commencèrent leurs travaux de siège, Duchambon ordonna d’abandonner la batterie Royale, dont on disait grand bien mais qui était vulnérable [V. François-Nicolas de Chassin* de Thierry], de détruire des constructions situées à l’extérieur des murs de la forteresse et de saborder des navires de manière à bloquer l’entrée du port. Le 14 mai, les assiégeants ouvrirent le feu contre la forteresse et, après avoir remis en état de service l’artillerie abandonnée par les Français, ils tournèrent même les canons de la batterie Royale contre la ville.

Malgré la faiblesse de Duchambon et les avantages acquis dès le début par les attaquants, le siège dura près de sept semaines. Le manque de discipline des soldats irréguliers américains et leur aversion pour les dures réalités du combat empêchèrent une attaque de front contre la forteresse. Finalement, les dommages causés par l’artillerie ennemie forcèrent les Français à se rendre. Les canons français avaient riposté vigoureusement tant que durèrent les munitions ; néanmoins, la ville avait été très endommagée. En fin de compte, les exigences de la situation militaire, décrites avec précision dans les rapports de Philippe-Joseph d’Allard de Sainte-Marie, commandant d’artillerie, et d’Étienne Verrier*, ingénieur en chef, alliées à la forte pression des marchands de Louisbourg, poussèrent Duchambon à capituler le 28 juin. Ceci le dispensa de rendre la forteresse pour des raisons uniquement militaires et de porter seul la responsabilité de la défaite française. Même si Duchambon y contribua par son indécision, des situations indépendantes de sa volonté déterminèrent de façon définitive l’issue du siège. Des erreurs dans le plan des fortifications, le piètre moral de la garnison, une artillerie et des munitions insuffisantes, la prise de conscience tardive du ministère de la Marine – en avril 1745 – du danger d’une attaque anglo-américaine, les ressources restreintes de la marine française, les malchances qui privèrent Louisbourg d’un appui naval suffisant et aussi le fait que Paul Marin* de La Malgue et son détachement de Canadiens et d’Indiens ne portèrent pas secours à temps aux assiégés contribuèrent à la victoire anglo-américaine.

Lors de la capitulation de Louisbourg, Duchambon obtint des conditions avantageuses, y compris les honneurs de la guerre, et il protesta vigoureusement quand, par la suite, les vainqueurs violèrent les articles de la capitulation. Il voulait partir le dernier, mais fut forcé de s’embarquer le 15 juillet 1745. Il arriva en France quatre semaines plus tard. Le procès des mutins s’ouvrit peu après à Rochefort ; on y révéla la mauvaise conduite des officiers, et les soldats affirmèrent que, le 1er janvier 1745, Duchambon leur avait promis une amnistie générale. Ayant reçu du ministre l’ordre de rester à Rochefort avec Bigot et de rédiger un récit détaillé du siège, ce qui apparemment ne fut jamais fait, il obtint, à la fin de septembre, la permission de se rendre à Versailles. Lors de l’exposé des événements entourant la mutinerie, Bigot couvrit Duchambon en faisant porter sur d’autres ses accusations, et, en mars 1746, Duchambon prit sa retraite avec une pension de 1 000# et une gratification de 1 200#.

Duchambon passa ses dernières années à Chalais, dans sa Saintonge natale, où il vécut de sa pension et d’un petit revenu provenant de biens fonciers. Sa famille, cependant, continuait de progresser dans la société coloniale. En 1758, au siège de Louisbourg, un officier des troupes de la Marine sur dix, dont cinq capitaines de compagnie, était un Du Pont. Le sixième fils de Duchambon, Mathieu Du Pont Duchambon Dumaine, devint aide-major en 1758. Bien que lancés tôt dans la carrière militaire, ses fils acquirent une situation sociale et économique importante, grâce à leur activité commerciale et à des mariages avantageux. Vergor fit instantanément fortune par son association avec Bigot ; Duchambon, l’aîné, possédait un navire et une goélette officiellement affectés au service du roi en 1745, et il s’engagea par contrat, en 1750, à fournir du bois pour les corps de garde de Louisbourg ; vers 1750, Dumaine arma deux chaloupes de pêche de concert avec un autre officier et avec Jean-Pierre-Michel Roma. Les filles de Duchambon épousèrent des officiers, mais ses fils se marièrent dans la bourgeoisie : Anne Du Pont Duchambon de Mézillac, par exemple, se maria à Louis de Coux, un lieutenant, plus tard capitaine ; Vergor à Marie-Joseph, fille de Joseph Riverin* ; Jean-Baptiste-Ange Du Pont Duchambon à Marie-Anne, fille de Jean-Pierre Roma* ; Dumaine à Barbe-Blanche, fille d’André Carrerot ; et Charles-François-Ferdinand Du Pont Duchambon à Marguerite-Josephte, fille de Michel Rodrigue. Officier sans inspiration, Duchambon fut néanmoins un patriarche à la tête d’une famille entreprenante qui se tailla une place de choix dans la société coloniale.

T. A. Crowley et Bernard Pothier

AD, Charente (Angoulême), État civil, Curat, 23 août 1775.— AN, Col., B, 23, f.106v. ; 36, f.433 ; 54, f.503v. ; 65, f.482 1/2 ; 81, f.338 ; 82, ff.11, 145 ; 189, f.142 ; C11A, 88, ff.150–152 ; C11B, 5, f.398 ; 11, f.220 ; 26, f.77 ; 27, ff.34, 55–58v., 177v. ; D2C, 47, 49 ; E, 143 (dossier Du Pont Duchambon) ; Section Outre-mer, Dépôt des fortifications des colonies, Am. sept., nos 137, 216–218 ; G2, 188, f.367 ; 194, f.79 ; G3, 2 038/2, 9 déc. 1733 ; 2 046/1, 22 août 1737 ; 2 046/2, 5 oct. 1741 ; 2 047/1, 15 juin 1751.— ANQ-Q, AP-P-659.— PANS, RG 1, 26 (mfm aux APC).— Louisbourg in 1745 : the anonymous « Lettre d’un habitant de Louisbourg » (Cape Breton), containing a narrative by an eye-witness of the siege in 1745, G. M. Wrong, trad. et édit. (Toronto, 1897 ; réimpr., 1901).— Frégault, François Bigot.— McLennan, Louisbourg.— Rawlyk, Yankees at Louisbourg.— Ægidius Fauteux, Les Du Pont de l’Acadie, BRH, XLVI (1940) : 225–237, 257–271.

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T. A. Crowley et Bernard Pothier, « DU PONT DUCHAMBON, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/du_pont_duchambon_louis_4F.html.

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Auteur de l'article:    T. A. Crowley et Bernard Pothier
Titre de l'article:    DU PONT DUCHAMBON, LOUIS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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