MOORE, WILLIAM, acteur, imprimeur et journaliste ; il épousa Agnes McKay le 11 mars 1790 à Québec ; circa 1779–1798.

William Moore commença sa carrière d’acteur en Angleterre, se produisant au Liverpool Theatre Royal durant les années 1779 et 1780. Dès 1781, il se trouvait en Jamaïque avec l’American Company, troupe anglaise dirigée par Lewis Hallam qui s’y était réfugié pendant la Révolution américaine. En juillet 1782, Moore imprima sur les presses de la Royal Gazette un petit ouvrage intitulé The elements of free-masonry delineated, premier livre sur la franc-maçonnerie publié en Jamaïque. Après la guerre, les membres de l’American Company retournèrent peu à peu dans la nouvelle république. En 1785, Moore fit une tournée en Amérique du Nord britannique avec son spectacle individuel, Fashionable raillery, soit une série d’interprétations artistiques. En mai et en juin, il joua en Nouvelle-Écosse, d’abord à Shelburne puis à Halifax où son spectacle fut si bien reçu qu’il donna une représentation commandée par le gouverneur John Parr.

En juillet 1785, Moore avait rejoint Hallam qui était alors à Philadelphie à la tête d’une petite compagnie ; en août, ils ouvrirent le John Street Theatre à New York. Le 20 septembre, jour où les bénéfices de la représentation revenaient à Moore, la compagnie présentait la comédie d’Arthur Murphy, The citizen, première pièce jouée à New York après la révolution. Moore termina la soirée par son Eulogy on freemasonry. En novembre, Moore et Edward Allen formèrent leur propre compagnie et se mirent en route pour le Canada, passant par Albany où ils demeurèrent jusqu’au milieu de février 1786. La saison théâtrale de Montréal s’ouvrit dans la salle de réunions de M. Levy le 16 mars avec une représentation de She stoops to conquer. Le 7 juillet, la compagnie partit pour Québec après qu’Alleu et Moore eurent pris des dispositions pour y louer une salle dans l’auberge que possédait un francmaçon de marque, Miles Prentice. Cette salle d’environ 300 places fut convertie en un théâtre flanqué de loges et de deux galeries. Le premier spectacle à Québec eut lieu le 21 juillet. La disparition, après quelques semaines, de la publicité détaillée parue dans la Gazette de Québec s’explique probablement par son coût mais aussi par l’influence de l’Église catholique et celle du puritanisme de certains des protestants de la Nouvelle-Angleterre récemment établis à Québec. Au début de 1787, la plus grande partie de la compagnie retourna à Montréal pour quelques mois, mais Moore resta à Québec où il s’associa à une troupe des États-Unis. La compagnie Allen-Moore fit une deuxième saison d’été complète à Québec en 1787 et donna une représentation de She stoops to conquer en août, commandée par le prince William Henry. Dès novembre, les acteurs étaient de retour à Montréal pour leur dernière saison ensemble ; jouant dans la salle de Basile Proulx, ils reprirent leur programme de Québec. La première représentation eut lieu sous le patronage de lord Dorchester [Carleton*].

À Québec, tout comme en Jamaïque, Moore combina sa carrière théâtrale et son intérêt pour l’imprimerie. En décembre 1786, au terme de la première saison de sa compagnie dans cette ville, il avait essayé de trouver 40 souscripteurs pour publier ses Elements of free-masonry mais, apparemment, il n’eut pas de succès. Deux ans plus tard, en octobre, il annonça l’ouverture de son imprimerie, et le premier numéro de son Quebec Herald and Universal Miscellany parut le 24 novembre 1788. Le journal, un hebdomadaire, était imprimé in quarto et utilisait des caractères nouveaux achetés chez William Caslon, fils, de Londres ; on annonçait qu’« à l’expiration des douze mois, une page de titre et un index seraient ajoutés gratuitement pour former un volume annuel ». Le journal se vendait une guinée par an, à régler chaque semestre. L’édition française, le Courier de Québec ou Héraut françois, cessa après trois numéros seulement, « les abonnés n’étant pas en nombre suffisant pour payer le papier ». Moore continua de publier le Herald pendant plus de quatre ans, à une époque de changements constitutionnels importants au Canada, de guerre et de révolution ailleurs. Pour le contenu des nouvelles, il se fondait sur les journaux américains et européens de même que sur ceux des Antilles et des provinces Maritimes. Politiquement, son journal représentait les nouveaux idéaux qui inondaient alors le monde occidental : liberté de la presse, gouvernement démocratique et opposition à toute forme d’autorité arbitraire. Pour Moore, au Canada, ces idéaux s’exprimaient en une opposition aux seigneurs français et anglais, aux « réserves » du clergé et à toute tentative de censure, qu’elle vînt de l’Église ou de l’État. La Gazette de Montréal [V. Fleury Mesplet] et le Herald avaient beaucoup de choses en commun en matière de politique, et les deux journaux échangeaient souvent des articles. En novembre 1789, Moore décida d’imprimer le journal deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, sous le titre de Quebec Herald, Miscellany and Advertiser. Quoique l’édition du jeudi ne se poursuivît pour constituer que deux volumes, l’autre continua jusqu’au début de 1793.

Outre son journal, Moore publia un grand nombre d’ouvrages d’un très grand intérêt. Son beau-père, Hugh McKay, marshal de la Cour de vice-amirauté, inspecteur intérimaire des cheminées et constable en chef, avait été délégué par le gouvernement pour recenser les habitants mâles de Québec ; en août 1790, il faisait imprimer sur les presses de Moore le premier annuaire d’une ville canadienne. Le deuxième, pour l’année 1791, donnait la liste de 1 347 chefs de famille, mais cette entreprise cessa faute de demande suffisante. En 1791, Moore imprima The paper read at the bar of the House of Commons [...] d’Adam Lymburner*, qui donnait les arguments des marchands de Montréal et de Québec en faveur d’une assemblée élue. À la fin de cette année, il imprimait le texte de l’Acte constitutionnel.

À cause de graves difficultés financières, Moore se vit forcé d’arrêter la publication régulière du Herald après juillet 1792. Il y notait qu’il avait été « déçu de la recette des publications diverses » et qu’une « grande quantité d’abonnements » au journal n’avaient pas été payés. En juin 1793, ses biens furent saisis pour défaut de paiement de dettes. Il partit immédiatement pour New York où il reprit ses activités théâtrales. Plus tard, il se joignit à la Harpes Rhode Island Company à Newport et, le 3 octobre 1793, jour où les bénéfices de la représentation lui revenaient, il prononça de nouveau son Eulogy on freemasonry qui fut imprimée dans le Newport Mercury.

L’on ne sait rien de précis sur les activités de Moore pendant les quatre années suivantes. En 1798, John Durang, membre du cirque de Rickett, indiquait dans son journal intime qu’il avait rencontré Moore à Québec. Il se peut qu’il soit retourné à Québec en juillet de cette année-là à cause du décès de Hugh McKay, mais on ignore ce qu’il devint par la suite.

William Moore fut un des pionniers dans le domaine de l’imprimerie au Canada. Plusieurs brochures, qui demeurent encore précieuses du point de vue historique, sortirent de ses presses. Contrairement à la Gazette de Québec de William Brown, qui contient peu de nouvelles d’intérêt local, son Quebec Herald donne des renseignements sur la vie politique et l’activité sociale dans la province. La colonne de son journal consacrée au courrier des lecteurs est pleine de vie et particulièrement intéressante. Moore fut le premier acteur canadien à diriger une troupe, et même si celle-ci peut, avec raison, être qualifiée de second ordre, il n’en reste pas moins que, pendant deux ans, elle se produisit tantôt à Montréal tantôt à Québec pendant les saisons théâtrales. De plus, il était franc-maçon, membre de la Société du feu de Québec et l’un des fondateurs de la Société bienveillante de Québec. Pendant son bref séjour de sept ans au Québec, Moore s’intégra parfaitement, d’une part, à la vie politique de la ville en tant qu’imprimeur et, d’autre part, à la vie sociale par ses représentations théâtrales et sa participation à différentes associations.

Dorothy E. Ryder

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Dorothy E. Ryder, « MOORE, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/moore_william_4F.html.

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Année de la publication:    1980
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