SALTER, MALACHY (Malachi), marchand et fonctionnaire, né le 28 février 1715/1716 à Boston, Massachusetts, deuxième fils de Malachy Salter et de Sarah Holmes ; il y épousa le 26 juillet 1744 Susanna Mulberry, et ils eurent 11 enfants au moins ; décédé le 13 janvier 1781 à Halifax.

À la différence des autres entrepreneurs prospères de Halifax, Malachy Salter était né en Nouvelle-Angleterre et c’est avec cette région, plutôt qu’avec l’Angleterre, qu’il entretint des relations financières et affectives. Avant de s’installer à Halifax, peut-être dès 1749, il avait été tour à tour caboteur le long de la côte américaine, associé de ses oncles Nathaniel et George Holmes dans leur distillerie florissante de Boston, et principal associé d’une firme qui s’occupait de pêcheries et de commerce avec les Antilles. Selon une tradition bien ancrée, il venait souvent dans la baie de Chibouctou avant la fondation de Halifax en 1749.

Associé au début à John Kneeland, également de Boston, Salter s’établit comme « marchand général » à Halifax où le Debtors’ Act le mit à l’abri des réclamations des créanciers de la Nouvelle-Angleterre qu’il avait fuis. En tant qu’agent de ses anciens associés, il négociait la vente de leurs cargaisons et réclamait en justice l’exécution des obligations qui leur étaient dues. En son propre nom, il se lança dans le transport par bateaux ; il importait à la fois des articles nord-américains et des articles européens. Ses activités financières comportaient aussi des prêts, des poursuites contre les débiteurs, des règlements de succession et des achats de propriétés à Halifax, souvent à des pauvres déjà endettés. Nul doute que ses créanciers n’étaient pas les seuls à le trouver « un homme désagréable et chicanier » « qui les avait traités d’une façon cruelle et barbare ». En 1754, Salter agrandit son registre d’activités en pénétrant dans le champ rémunérateur des contrats gouvernementaux ; il prit à ferme les droits d’entrée et de vente du rhum au détail et acheta des marchandises en Nouvelle-Angleterre pour approvisionner les Allemands de Lunenburg [V. Benjamin Green]. Par la suite, le gouvernement eut recours à lui pour certaines évaluations commerciales, mais il ne réussit pas à se tailler une place, à la façon de Joshua Mauger et de Thomas Saul*, dans le domaine si lucratif des contrats d’approvisionnement.

Salter, qui avait été quelque temps constable et surintendant du marché à Boston, fut un des premiers membres du grand jury de Halifax, capitaine de milice (1761–1762), et directeur du Bureau de bienfaisance (1765–1766). En 1757, devant le refus persistant du gouverneur Charles Lawrence* de convoquer une assemblée représentative, il réagit en devenant un des leaders d’un comité de francs-tenanciers de Halifax. Ce comité s’attacha les services de l’avocat londonien Ferdinando John Paris pour déposer devant le Board of Trade les plaintes de la ville contre le gouverneur. Lorsque Lawrence fut forcé de convoquer une assemblée, en octobre 1758, Salter était un de ses 20 membres.

Cette Assemblée, où prédominaient les gens venus de la Nouvelle-Angleterre, voulut manifester sa force dès le départ : elle contrecarra donc les tentatives du Conseil exécutif en vue de limiter son pouvoir de favoritisme et nomma Salter et John Newton percepteurs des droits d’accise et des autres taxes ; ce poste procurait à ses titulaires une commission de 10 p. cent sur les sommes perçues. En 1759, comme autre faveur du gouvernement, Salter se vit accorder des terres près du fort Edward (Windsor) pour lui permettre d’y être électeur. Deux ans plus tard, il fut nommé juge de paix et percepteur des droits de phares, mais il perdit bientôt la première de ces charges incompatible avec ses autres postes, de l’avis général. Protégé au début par le lieutenant-gouverneur Jonathan Belcher, né au Massachusetts, Salter tomba en disgrâce quand il s’aligna en chambre avec la faction dite de la Nouvelle-Angleterre qui s’opposait à ce que Belcher convoque l’Assemblée vers la fin de 1761 et annule, comme il l’entendait, le Debtors’ Act. Il fut révoqué en septembre 1762. Réintégré à titre de percepteur des droits de phares et de juge de paix par Montagu Wilmot*, il semble n’avoir occupé le premier poste que peu de temps.

Salter siégea pendant 15 ans à la chambre d’Assemblée, représentant le canton de Halifax de 1759 à 1765 puis le canton d’Yarmouth de 1766 à 1772. Assidu en chambre jusqu’en 1769, il prit une part active à de nombreux comités d’importance. Par la suite, il ne participa qu’à une seule session, celle de 1772, à la fin de laquelle on déclara non valide son élection en 1770. Pour les gens venus de la Nouvelle-Angleterre, Salter fut à la fois un porte-parole en chambre et un avocat de leur congrégationalisme qui cherchait à s’implanter à Halifax comme à Boston [V. Benjamin Gerrish].

Pendant la guerre de Sept Ans, Salter fut propriétaire, conjointement avec d’autres entrepreneurs de Halifax, du bâtiment corsaire Lawrence. D’autre part, il mit sur pied une raffinerie de sucre à Halifax au milieu des années 1760 et ce faisant devint l’un des trois manufacturiers de la Nouvelle-Écosse avec Mauger et John Fillis. Sa raffinerie, son amitié avec Fillis et ses relations commerciales américaines lui permirent de réaliser des profits à cause de l’embargo sur les marchandises britanniques décrété par les Treize Colonies à la fin des années 1760. Cependant, malgré la variété prometteuse de ses intérêts et en dépit de nouveaux contrats gouvernementaux sous l’éphémère gouvernement de Michæl Francklin à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) en 1768, la situation financière de Salter à la fin de la décennie reflétait la stagnation économique ambiante après l’essor qu’avait connu la Nouvelle-Écosse. Salter avait toujours été en équilibre instable en affaires ; en 1768, il subit des pertes sérieuses, entre autres dans ses entreprises de transport maritime. Après avoir passé deux ans à régler ses dettes en Nouvelle-Écosse et en Nouvelle-Angleterre, il en fut réduit, au début des années 1770, à gérer lui-même sa raffinerie de sucre et, en 1773, à se faire construire un navire à Liverpool, Angleterre pour redevenir marin comme dans sa jeunesse et assurer la subsistance de sa famille.

Salter n’était pas homme à s’apitoyer sur son sort mais plutôt à se fier à « la Providence qui, disait-il, jusqu’à présent [l’avait] protégé et [l’avait] aidé ». Ses dernières années allaient durement éprouver sa foi. En 1776, comme il quittait Londres, on l’accusa de vouloir envoyer des marchandises anglaises à Boston plutôt qu’à leur destination apparente, Halifax ; au début de 1777, il fut jugé pour propos séditieux dans cette dernière ville, mais le jury conclut à l’absence de toute intention malveillante. Plus tard cette année-là, son brick, le Rising Sun, fut capturé par des corsaires de Salem et confisqué comme prise de guerre. Emprisonné en Nouvelle-Angleterre, Salter obtint la permission du gouvernement du Massachusetts d’y faire venir sa famille. Lorsqu’il retourna à Halifax plus tard dans l’année, on l’accusa d’avoir tenté de racheter des billets de la Trésorerie de la Nouvelle-Écosse au profit de ses associés de Boston et d’avoir entretenu une « correspondance secrète », de « nature dangereuse », avec les rebelles. Harcelé, il fit route vers l’Angleterre où il s’établit, afin de mettre de l’ordre dans ses affaires, du début de 1778 au début de 1780. Son absence fit suspendre les procédures judiciaires intentées contre lui mais, à partir de février 1778 jusqu’à sa mort, on reporta de session en session une caution personnelle engageant Salter à comparaître sous des accusations de délits mineurs. Les raisons pour lesquelles ces accusations ne furent pas maintenues après son retour d’Angleterre ne sont pas claires mais cette situation peut s’expliquer en partie par le fait que James Brenton*, son avocat en 1778–1779, était devenu procureur général en octobre 1779.

John Bartlet Brebner place Salter parmi les entrepreneurs les plus importants des débuts de Halifax ; selon lui, seuls Mauger et Saul le surpassèrent. Ce fut le cas au début de sa carrière en Nouvelle-Écosse, mais, à la longue, ses 75 transactions foncières ainsi que ses innombrables procès ne lui procurèrent ni gain de capital ni avoirs liquides de quelque importance. Son commerce maritime n’eut jamais l’ampleur de celui de Mauger, de Francklin ou de ses associés de la Nouvelle-Angleterre. Il ne fut que peu de temps ce fonctionnaire mentionné par Brebner car, dans une ville qui dépendait du gouvernement tant dans le domaine civil que dans le domaine militaire, il ne réussit pas à s’implanter dans ce réseau lucratif. Ses efforts pour faire de la Nouvelle-Écosse une autre Nouvelle-Angleterre ne permirent pas, en définitive, de donner une véritable assiette à « la mainmise de Boston » dans la province.

Les relations de Salter avec Mauger et ses associés furent ambiguës. De nombreuses preuves permettent de penser qu’il n’était pas libéré de ses liens économiques ou politiques avec eux. Partenaire commercial de Mauger dans les années 1750 et un de ses alliés politiques dans les années 1760, il participa à l’installation d’un gouvernement sur l’île Saint-Jean en 1768 avec le groupe de Mauger. De plus, ses deux amis intimes, Fillis et Jonathan Prescott, ainsi que son gendre Thomas Bridge, étaient des hommes de Mauger. Pourtant, dans les années 1770, parmi les créanciers les plus pressants de Salter se trouvaient les représentants de Mauger, John Butler et Brook Watson* ; poursuivi en justice pendant la Révolution américaine, Salter fut le seul notable de Halifax que les associés de Mauger ne défendirent pas. Si les affaires de Salter furent un temps sous la coupe de Mauger, son scepticisme à l’égard de ce dernier, sa clientèle américaine étendue et sa volonté d’autonomie semblent avoir assuré son indépendance.

S. Buggey

APC, MG 11, [CO 217] Nova Scotia A, 84, pp.18ss ; [CO 220] Nova Scotia B, 17, pp.116, 118, 121.— BL, Add. mss 19 069, pp.50–55 (copies aux APC).— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 1753–1789 (mfm aux PANS).— Harvard College Library, Harvard University (Cambridge, Mass.), fms AM 579, Bourn papers, I : 137, 144 ; VI : 8, 57.-Mass., Supreme Judicial Court (Boston), Records, 181, no 20 931 (dossiers de la cour de Suffolk, octobre 1727–décembre 1727) ; 310, no 47 231 (dossiers de la cour de Suffolk, juillet 1738–août 1738) ; 1 265, no 170 914 (dossiers de la cour de Suffolk, 1751/1752–1753).— PANS, MG 9, no 109 ; ms file, Malachy Salter, letters, 1766–1773 ; Salter family docs., 1759–1802 ; RG 1, 163–165 ; 342, nos 77–85 ; RG 37, Halifax County, 1752–1771 ; RG 39, C, 1–39 ; J, 1.— PRO, CO 142/15 (mfm aux Dalhousie University Archives, Halifax) ; 217/16–27 ; 221/28–31 (mfm aux APC).— Congregational churches in Nova Scotia, Mass. Hist. Soc., Proc., 2e sér., IV (1887–1889) : 67–73.— Perkins, Diary, 1766–80 (Innis).— Brebner, Neutral Yankees ; New, England’s outpost, 254–257.— W. J. Stairs, Family history, Stairs, Morrow ; including letters, diaries, essays, poems, etc. (Halifax, 1906), 209–259.

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S. Buggey, « SALTER, MALACHY (Malachi) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/salter_malachy_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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