BLAKE, CHARLES, officier, chirurgien, apothicaire, propriétaire foncier, fonctionnaire et homme d’affaires, né le 13 août 1746 à Bath. Angleterre, fils de John Blake ; le 12 avril 1783, il épousa à Montréal Mary Sunderland, puis le 31 mars 1804, au même endroit, Harriet Antill, et de ce mariage naquirent deux filles ; décédé le 22 avril 1810 à Montréal.

On ne connaît rien des premières années de la vie de Charles Blake. Le 3 juin 1770, il est nommé chirurgien du 54e d’infanterie, régiment britannique stationné en Irlande. Le 15 mai 1772, il passe au 34e d’infanterie, également cantonné en Irlande, et continue d’y exercer la même fonction. Il arrive dans la province de Québec au printemps de 1776 avec les troupes du major général John Burgoyne* qui viennent combattre les Américains. Ses premières expériences en Amérique du Nord seront décevantes. Agissant comme chirurgien principal lors de l’expédition contre le fort Stanwix (Rome, New York) en 1777, sous les ordres du lieutenant-colonel Barrimore Matthew St Leger*, il perd ses bagages et ses instruments de chirurgie au moment de la retraite des Britanniques. À son retour dans la province, on l’assigne temporairement au poste de chirurgien de Sa Majesté à l’Hôpital Général de Montréal. Le 12 octobre 1779, il reçoit la commission de chirurgien de la garnison de Montréal, où il pratiquera sa profession jusqu’en décembre 1783, après la fin de la guerre d’Indépendance américaine.

En janvier de l’année suivante, immédiatement après être mis à la demi-solde, Blake s’associe au docteur Henry Nicholas Christopher Loedel* pour pratiquer la médecine et faire le commerce de produits pharmaceutiques. Cette société, dans laquelle Blake avance les deux tiers du capital, s’avère lucrative ; d’ailleurs, elle débordera rapidement son cadre initial pour effectuer une percée dans le domaine des transactions immobilières. Au départ, les deux partenaires possèdent une pharmacie ayant pignon sur la rue de la Grande-Parade. Non seulement ils importent des médicaments d’un apothicaire de Bristol, en Angleterre, mais ils en préparent aussi avec l’aide d’assistants. En tant qu’apothicaires, leur clientèle se recrute chez les médecins de Montréal et chez des médecins de régions aussi éloignées que Niagara ; par ailleurs, parmi leurs patients, on retrouve surtout des notables. À l’occasion, les associés enseignent à des débutants les rudiments de leur profession. Ainsi, Peter Diehl commence avec eux, dès 1800, un stage de sept ans ; Blake le considère presque comme son fils et l’envoie se perfectionner dans les écoles de médecine anglaises. De même, John Horatio Ferris, qui travaille sous l’autorité de Blake et de Loedel à la préparation de médicaments, les accompagne pendant trois mois au chevet des malades, se faisant expliquer chaque cas. Il a libre accès aux livres de pharmacie et de chirurgie de leur bibliothèque.

Blake joue un rôle important dans l’élaboration d’une loi qui devait permettre d’exercer dès 1788 une certaine surveillance de la profession médicale dans la province de Québec. La dernière initiative dans ce domaine remontait à une ordonnance promulguée par l’intendant François Bigot* en 1750. Ainsi, Blake, qui avait déjà été mandaté au mois de septembre 1782 pour enquêter sur la maladie de Baie-Saint-Paul [V. Philippe-Louis-François Badelard ; James Bowman*] présente en 1787, avec quelques collègues, un mémoire au comité du Conseil législatif concernant la population, l’agriculture et la colonisation des terres de la couronne, lequel avait été mis sur pied l’année précédente par lord Dorchester [Guy Carleton]. Dans son plaidoyer, il propose un traitement pour juguler la maladie de Baie-Saint-Paul et en profite pour critiquer durement la pratique de la profession médicale au pays ; il va même jusqu’à dire que certains médecins ont tué plus de sujets de Sa Majesté que la dernière guerre contre les Américains. Pour remédier à cette situation, il propose l’établissement de bureaux d’examinateurs, à Montréal et à Québec, qui auraient le pouvoir de décerner des licences ad practicandum aux aspirants à la profession. Une ordonnance de 1788 donnera suite aux recommandations de Blake, et celui-ci sera nommé membre du premier Bureau des examinateurs en médecine de Montréal, poste qu’il conservera jusqu’à sa mort.

Entre-temps, les affaires de Blake prospèrent ; vers 1800, il fait l’acquisition d’une maison en pierre de deux étages, rue Notre-Dame, qui deviendra sa résidence. Il possède également deux autres maisons, rue Capitale, et une ferme avec un verger au faubourg Saint-Laurent. Ayant obtenu en 1803 l’octroi d’une terre de la couronne de 1 797 acres dans le canton de Clifton, au Bas-Canada, il achète par la suite des lots dans plusieurs cantons du Haut-Canada. Il partage certaines de ces propriétés avec le docteur Loedel. Sur le plan social, sa situation est très enviable ; ses relations avec les membres les plus éminents de la profession médicale, les officiers de l’armée, les avocats et les marchands témoignent de son importance. Il prête de grosses sommes d’argent à des bourgeois de Montréal et des environs au taux courant de 6 p. cent ; en 1794, au moment où il avait renouvelé le contrat qui le liait à Loedel, les créances de la société s’établissaient à £2 681. Plusieurs citoyens le choisissent comme tuteur, procureur ou administrateur de leurs biens, probablement en raison de la notoriété qu’il s’est acquise comme juge de paix du district de Montréal de 1796 à 1810.

Figure marquante de la petite bourgeoisie au tournant du xixe siècle, Charles Blake réussit à s’attirer la reconnaissance et certaines faveurs des membres de la bureaucratie coloniale. En se lançant dans de nouveaux domaines d’activité, comme le commerce au détail, l’investissement foncier, le crédit et même l’achat d’esclaves, il est, à la fin de sa vie, en pleine ascension sociale.

Gilles Janson

ANQ-M, CE1-63, 12 avril 1783, 31 mars 1804, 1er mars 1806, 8 août 1809, 24 avril 1810 ; CN1-16, 13 févr. 1804 ; CN1-29, 22 févr. 1786, 22 févr., 30 avril, 9 juill. 1787, 14 nov. 1788, 3 juin 1790, 26 juill. 1792, 23 sept. 1793, 16 mai 1794, 1er oct., 2 déc. 1795, 31 mars 1796, 18 janv., 13 mars 1797, 27 févr. 1798, 29 nov. 1799, 5 févr., 17 nov. 1800, 29 mai, 6 sept. 1802, 28 janv., 20 oct., 12 déc. 1803, 7 janv., 5 oct. 1804 ; CN1-74, 3 mai 1803 ; CN1-185, 31 janv. 1797, 29 juin 1799, 15, 22 oct. 1802, 11 mai 1803, 8, 21 mars, 30 avril, 28 mai 1804, 16 août 1805, 20 mars, 1er août 1806, 19 févr., 12 oct. 1807, 19 févr., 2 juill., 20 août 1808, 23 févr. 1809, 15 mars, 15 mai 1810 ; CN1-254, 19 janv. 1785.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 27–2 : 497–554.— AUM, P 58, G2, 1801–1809.— BL, Add. mss 21721 : 61, 158 ; 21722 : 312 ; 21735/1 : 60 ; 21740 : 120, 186, 201, 213 ; 21742 : 104 ; 21744 : 45 ; 21772 : 81 ; 21790 : 107 ; 21796 : 43 ; 21799 : 4, 6, 26 ; 21821 : 50, 81 ; 21873 : 8, 256 (copies aux APC).— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), 2 : 569, 917s.— « Une correspondance médicale : Blake à Davidson », P.-A. Fiset, édit., Laval médical (Québec), 23 (1957) : 419–448.La Gazette de Québec, 3 nov. 1785, 15 mai 1788, 16 juill. 1789, 19 juill. 1792, 25 juill. 1799, 22 mars 1804, 16 juill. 1809, 26 avril, 22 nov. 1810, 26 mars 1818.— Almanach de Québec, 1788–1810.— Langelier, Liste des terrains concédés, 1175.— Abbott, Hist. of medicine.— M.-J. et G. Ahern, Notes pour l’hist. de la médecine, 52–55.— William Canniff, The medical profession in Upper Canada, 1783–1850 [...] (Toronto, 1894 ; réimpr., 1980).— J. J. Heagerty, Four centuries of medical history in Canada and a sketch of the medical history of Newfoundland (2 vol., Toronto, 1928), 1.— Louis Richard, « La famille Loedel », BRH, 56 (1950) : 78–89.

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Gilles Janson, « BLAKE, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blake_charles_5F.html.

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Auteur de l'article:    Gilles Janson
Titre de l'article:    BLAKE, CHARLES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    12 déc. 2024