CORMIER, PIERRE, colon, né le 3 août 1734 à Rivière-des-Héberts (près de River Hebert, Nouvelle-Écosse), fils de Pierre Cormier et de Cécile Thibodeau (Thibaudeau) ; décédé le 24 mars 1818 à Memramcook, Nouveau-Brunswick.

Vers 1750, la famille de Pierre Cormier, ayant peut-être été séduite par les promesses de Jean-Louis Le Loutre*, alla s’installer du côté de l’isthme de Chignectou qui était sous l’autorité française ; en 1752, elle vivait à Aulac (Nouveau-Brunswick). Au début de 1755, Pierre épousa Anne Gaudet, fille d’Augustin Gaudet et d’Agnès Chiasson, de Tintemarre (Tantramar), situé non loin d’Aulac ; ils eurent cinq fils et deux filles. Comme Anne était souvent appelée Nannette, on finit par surnommer Pierre, Pierrot à Nannette.

Cormier doit sa réputation à la tradition, qui raconte de façon colorée comment il réussit à échapper aux Britanniques à la veille de la déportation des Acadiens de 1755 [V. Charles Lawrence*]. Il existe plus d’une version de ce récit, mais on peut accorder le plus de crédibilité à celle recueillie en 1877 par le généalogiste Placide Gaudet*, qui eut la chance de questionner un grand nombre des petits-enfants de Cormier. Selon Gaudet, Cormier, fait prisonnier avec ses frères à Jolicœur (Jolicure, Nouveau-Brunswick), fut mis à bord d’un navire de déportés à destination de la Caroline, mais s’enfuit en douce dans la nuit précédant. le départ. Se glissant dans les hautes herbes de la rive, il atteignit un aboiteau gardé par des soldats britanniques. Au moment où ceux-ci avaient le dos tourné, il grimpa sur une bille de bois placée en travers de l’aboiteau, puis, sautant de bille en bille, il réussit à traverser de l’autre côté sans être aperçu. Parvenu sur l’autre rive, il se glissa de nouveau à travers champs, jusqu’au bois. Après avoir évité de justesse une bande de soldats lancés à sa poursuite avec un chien, il arriva à une étendue d’eau qui le séparait d’un campement acadien. Aussitôt qu’on le reconnut, on le fit traverser. Des familles de l’endroit lui apprirent que les siens s’étaient enfuis la nuit précédente en direction de Québec ; il partit immédiatement à leur recherche. Les Cormier se retrouvèrent à Sainte-Anne (près de Fredericton, Nouveau-Brunswick), où ils demeurèrent jusqu’à ce que les raids de Robert Monckton* les eussent persuadés de partir, en 1758. Ils s’établirent à Kamouraska (Québec), vraisemblablement cette année-là.

Toujours d’après la tradition, Pierrot, Jacques et François Cormier faisaient partie de la milice lors de la chute de Québec en 1759. Par la suite, ils se joignirent à l’équipage d’une frégate française à Pointe-Lévy (Lauzon et Lévis), attirés avec d’autres Acadiens par la promesse de passer en France. Après un combat avec deux navires de guerre britanniques près des îlets Jacques-Cartier, la frégate s’échoua. Seulement 60 des 160 membres d’équipage purent atteindre la rive en nageant dans les eaux glacées d’avril. Les trois frères Cormier étaient du nombre. Ce récit prend vraisemblablement sa source dans le combat naval qui se déroula au large de Cap-Rouge entre Jean Vauquelin* et Robert Swanton*, en mai 1760.

Cormier et sa femme vécurent à L’Islet (Québec) de 1761 à 1764, puis, vers 1765, ils retournèrent à Sainte-Anne avec la mère et quatre frères de Pierre. En juillet 1783, ce dernier avait défriché 20 acres sur la terre qu’il occupait depuis 13 ans. Mais les Acadiens de Sainte-Anne n’avaient obtenu aucun titre de propriété et les concessions aux soldats licenciés et aux Loyalistes furent bientôt faites à même certaines portions de terre qu’ils considéraient comme les leurs. Ils jugèrent insuffisantes pour subvenir aux besoins de leurs familles les petites superficies qu’on leur réserva. Apprenant qu’il y avait des terres disponibles sur le côté ouest de la rivière Memramcook, 20 familles environ, dont celles de Cormier et de quatre de ses enfants mariés, allèrent s’y fixer de l’automne de 1786 à l’été de 1787. Entre-temps, Pierre Cormier avait perdu son épouse, et sa vieille mère mourut pendant le voyage.

La terre de Memramcook avait été concédée à Joseph Goreham*, puis vendue à Joseph Frederick Wallet DesBarres*. Le 5 juin 1792, les Cormier et d’autres habitants soumirent un mémoire au gouvernement du Nouveau-Brunswick, dans lequel ils se plaignaient des demandes « extravagantes » de la mandataire de DesBarres, Mary Cannon*, et ils alléguaient que cette terre devait être confisquée et leur être concédée, vu les améliorations considérables qu’ils y avaient apportées depuis qu’ils l’occupaient. Ces tentatives furent contrecarrées par DesBarres et ses mandataires, mais ce ne fut qu’après 1809 que ces Acadiens furent délogés et durent trouver de nouveaux endroits où vivre dans la vallée de la Memramcook.

Stephen A. White

AD, Charente-Maritime (La Rochelle), État civil, Beaubassin, 1712–1748 (mfm au CÉA).— AN, Section Outre-mer, G1, 466, no 30.— APNB, RG 10, RS108, Pétition de William Anderson, 1785 ; Pétition de Charles Bickle, 1785 ; Pétition des habitants français de Dorchester, 1809 ; Pétition de John Jouett, 1785 ; Pétition de John Ruso, 1785 ; Pétition de Joseph Sayre, 1786.— Arch. paroissiales, Saint-Thomas (Memramcook, N.-B.), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures (mfm au CÉA).— CÉA, Fonds Placide Gaudet, 1.28–6 ; 1.33–7 ; 1.64–24 ; « Notes généalogiques sur les familles acadiennes, c.1600–1900 », dossier Cormier-3.— PANS, RG 1, 409.— Tanguay, Dictionnaire, 3 : 129.— Clément Cormier, « La famille Cormier en Amérique », L’Évangéline (Moncton, N.-B.), 8 août 1951 : 4s. ; 10 août 1951 : 5.— Placide Gaudet, « La famille Cormier », Le Moniteur acadien (Shédiac, N.-B.), 22, 29 janv. 1885.

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Stephen A. White, « CORMIER, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cormier_pierre_5F.html.

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Auteur de l'article:    Stephen A. White
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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