ELLICE, ALEXANDER, marchand, propriétaire de navires, propriétaire foncier et seigneur, baptisé le 28 mai 1743 dans la paroisse d’Auchterless (Kirktown of Auchterless, Écosse), fils aîné de William Ellice of Knockleith et de Mary Simpson of Gartly ; vers 1780, il épousa Ann (Anne) Russell ; décédé le 28 septembre 1805 à Bath, Angleterre, et enseveli le 5 octobre dans l’abbaye de Bath.

Fils d’un meunier prospère, Alexander Ellice étudia au Marischal College, à Aberdeen, en Écosse, et fut admis au barreau écossais. Prévoyant, semble-t-il, avoir peu de chances de succès dans sa profession et dans sa terre natale, il emmena en 1765 ses quatre frères à Schenectady, dans la colonie de New York. Au début de 1766, avec une mise de fonds de £714 11 shillings 10 pence, il s’associa au frère de son beau-frère, James Phyn, qui était peut-être aussi son cousin, et à John Duncan, en vue de se lancer dans la traite des fourrures et le commerce général dans le nord de la colonie de New York et la région des lacs Érié et Ontario. La firme, connue sous le nom de Phyn, Ellice and Company après le retrait de Duncan en 1767, prospéra et prit de l’expansion ; en 1768, un frère d’Ellice, Robert*, et, en 1769, un trafiquant de fourrures de Detroit, John Porteous, furent agréés comme associés. Afin de diversifier la source de ses revenus, la compagnie signa des contrats pour l’approvisionnement des postes militaires et pour la fourniture des présents utilisés par le département des Affaires indiennes, et elle se lança dans le commerce des grains. Ellice plaça sagement son argent dans des hypothèques et des terres, dans la partie nord de la colonie de New York, alors prospère, et en particulier dans un emplacement tout à fait propre à l’établissement d’un moulin, acquis de sir William Johnson*, à Little Falls. Grâce à ses excellentes relations, Ellice obtint en janvier 1770 une concession, par lettres patentes royales, de 40 000 acres près de Cooperstown.

Jusqu’en 1768, la Phyn, Ellice and Company vendit ses fourrures à New York ; mais, cette année-là, trouvant le marché de New York encombré, la compagnie les vendit à Londres. Au même moment, mécontente de ses fournisseurs new-yorkais, elle commença de commander des marchandises directement de Grande-Bretagne, d’abord de William et d’Alexander Forsyth, de Glasgow, amis des familles Phyn et Ellice, puis, après avoir découvert qu’il coûtait moins cher de faire affaire avec Londres, de la firme Neale and Pigou, qui y était installée. Mais l’embargo décrété, en 1768, par les marchands américains sur les importations britanniques empêcha la Phyn, Ellice and Company de livrer, l’année suivante, ses marchandises à l’intérieur du pays. Pour contourner la difficulté, la compagnie, en 1770, fit expédier ses importations à Québec, où elle obtint un permis l’autorisant à envoyer à son associé de Detroit, Porteous, des marchandises de traite évaluées à £6 000. En 1771 et 1772, Phyn, Ellice et Porteous élaborèrent un plan pour l’emporter sur leurs concurrents de Montréal en obtenant du gouvernement britannique un monopole de fait du ravitaillement des agents des Affaires indiennes à l’intérieur des terres, en Amérique du Nord. Ellice mena, à cet effet, des négociations à Londres, au printemps de 1772, mais le projet échoua.

À l’été de 1773, Porteous quitta la compagnie ; un an plus tard, celle-ci accueillit deux nouveaux associés, Alexander et William Macomb, de Detroit. En octobre 1774, les colonies américaines rompirent leurs relations commerciales avec la Grande-Bretagne, et la Phyn, Ellice and Company, qui faisait alors toutes ses affaires directement avec Londres, se trouva dans une situation difficile. De nouveau, la compagnie déjoua l’embargo en faisant venir ses marchandises par Montréal, où elle avait engagé un représentant, Isaac Todd ; mais, la mèche ayant été éventée, Ellice fut sévèrement réprimandé par le comité de correspondance de Schenectady. Phyn et Ellice en étaient déjà venus à la conclusion que leur avenir dans la traite des fourrures était du côté des Britanniques. À la fin de 1774, Phyn s’embarqua pour ouvrir un bureau à Londres ; l’été suivant, Ellice se rendit à Niagara (près de Youngstown, New York), sous le couvert d’un voyage d’affaires, mais, au lieu de retourner à Schenectady, en octobre 1775 il partit pour l’Angleterre. La plupart des biens de la compagnie à Schenectady furent liquidés, et le reste fut transféré au frère d’Ellice, James, entré dans la compagnie quelques années auparavant.

En 1776, Ellice vint à Montréal, où il mit sur pied l’Alexander Ellice and Company et commença de restaurer les affaires de la Phyn, Ellice and Company avec les pourvoyeurs de la traite des fourrures qu’elle avait naguère approvisionnés, quand elle était à Schenectady. La traite étant encore relativement peu structurée, il put aussi servir simultanément de fournisseur pour plusieurs gros trafiquants de Montréal, comme James McGill, Simon McTavish et George McBeath. En 1777, l’investissement d’Ellice dans la traite des fourrures – environ £42 300 – était de loin le plus élevé, par rapport à tout autre marchand qui avait son siège social dans la colonie. La même année, il fournit des garanties à d’autres trafiquants pour la somme de £84 500, et de £71 000 en 1778. En cette dernière année, Robert arriva à Montréal ; l’année suivante, lui et John Forsyth* y prirent les opérations en main sous le nom de Robert Ellice and Company, libérant Alexander, qui assurerait les communications entre les bureaux de Londres et de Montréal.

Pendant la guerre d’Indépendance américaine, la Robert Ellice and Company et la succursale de la Phyn, Ellice and Company à Schenectady fournirent du ravitaillement militaire et prirent en charge le service de messagers et d’officiers payeurs, l’une pour les Britanniques et l’autre pour les Américains. De 1778 à 1783, la compagnie montréalaise reçut £28 233 pour ses services aux forces britanniques. Après la guerre, la Phyn, Ellice and Company semble s’être lancée dans le commerce triangulaire entre l’Amérique du Nord, les Antilles et l’Europe. De 1786 à 1804, on enregistra, à Québec, 32 départs de navires au service de la compagnie ; si, dans la plupart des cas, ils avaient Londres pour destination, certains aussi partaient pour Terre-Neuve, Cadix ou les Antilles. À l’instar d’autres firmes de l’époque, la Phyn, Ellice and Company détenait probablement des actions dans au moins quelques-uns des vaisseaux qu’elle utilisait, afin de s’assurer une certaine maîtrise sur le transport de ses produits vers les marchés. De même, en temps de guerre, à moins qu’ils ne fussent capturés par des navires de course, qu’ils ne fussent coulés ou confisqués par la marine britannique, les vaisseaux constituaient de bons investissements d’ordre spéculatif. Des ententes formelles entre nombre de négociants concernant l’utilisation d’un vaisseau au cours d’un voyage, ou d’une série de voyages, permettaient à ceux-ci d’étaler les dépenses en cas de perte. Par suite de son commerce dans les Antilles, de même qu’avec les colonies américaines de l’Atlantique, Ellice acquit, pour dettes impayées, des plantations sucrières dans les premières et des biens fonciers dans les secondes.

Toutefois, c’est comme financier, approvisionneur et intermédiaire dans la traite des fourrures au Canada qu’Ellice réalisa la plus grande partie de sa fortune. De 1781 à 1783, il fournit des garanties à des trafiquants pour un montant évalué à £227 000, et, en 1789 et 1790, pour un montant total de £77 200. Au moyen de la Robert Ellice and Company, il faisait de grandes affaires dans la traite qui se pratiquait au sud et à l’ouest des Grands Lacs, mais les plus gros bénéfices provenaient de plus en plus du Nord-Ouest, où la traite se concentrait aux mains d’associations de firmes à la fois moins nombreuses et plus grandes. À partir de 1784, la Phyn, Ellice and Company fournit des marchandises de traite à McBeath et à Peter Pond, qui détenaient chacun un seizième des actions de la North West Company ; elle ravitaillait aussi la Gregory, MacLeod and Company [V. John Gregory], le plus gros concurrent, jusqu’en 1787, de la North West Company. À la suite de la formation de la McTavish, Frobisher and Company [V. Simon McTavish] en novembre 1787, la Phyn, Ellice and Company – connue, après s’être réorganisée en 1787, sous le nom de Phyn, Ellices, and Inglis – obtint un contrat pour la fourniture de la moitié des marchandises de la compagnie.

Depuis 1779, Ellice avait fait de fréquents voyages entre Montréal et Londres – ayant apparemment une résidence dans chacune de ces deux villes. Il semble avoir acquis la confiance de marchands des deux côtés de l’Atlantique et probablement avoir eu quelque influence sur eux. En 1778, il avait été nommé membre d’un comité d’importateurs montréalais chargé de trouver un moyen acceptable, tant aux marchands de Londres qu’à ceux de Montréal, pour disposer des marchandises endommagées par l’eau salée pendant le transport. L’année suivante, il fut au nombre des huit inspecteurs nommés pour surveiller la mise en pratique de la nouvelle procédure. En 1786, Ellice présida un dîner de gala offert par les marchands de Londres faisant affaire avec la province de Québec en l’honneur de lord Dorchester [Guy Carleton], récemment nommé gouverneur en chef de celle-ci, et de William Smith*, son nouveau juge en chef. Il était une fois de plus dans la colonie en octobre 1790, et signa une pétition pour la création d’une université non confessionnelle [V. Jean-François Hubert*]. Mais quand il se rembarqua pour Londres, quelques jours plus tard, en compagnie de McTavish, de James McGill et de John Richardson*, c’était apparemment pour s’établir en permanence dans la capitale de l’Empire. Il n’en retourna pas moins, occasionnellement, dans la province, où son activité commerciale ne ralentit pas. À la mort de Robert Ellice, en 1790, le bureau de Montréal fut réorganisé sous le nom de Forsyth, Richardson and Company, Ellice étant parent par alliance des deux principaux associés, John Forsyth et John Richardson. En 1798, la Forsyth, Richardson and Company s’associa à la New North West Company (appelée parfois la XY Company), fondée cette année-là pour faire concurrence à la North West Company, et la Phyn, Ellices, and Inglis se trouva en mesure d’être, des deux côtés, le principal fournisseur ; elle devint, en fait, la représentante à Londres de la New North West Company. En 1804, Ellice et son fils Edward*, censément au nom de la New North West Company, cherchèrent à acheter un intérêt majoritaire dans la Hudson’s Bay Company. S’ils échouèrent, leur offre de £103 000 est une saisissante démonstration de la puissance financière d’Alexander. Quand les firmes rivales de Montréal s’unirent dans la North West Company réorganisée cette même année, la Phyn, Ellices, and Inglis put conserver sa position de principal fournisseur de la nouvelle association. En 1857, Edward écrirait fièrement : « Mon père fournit une grande partie des capitaux grâce auxquels fut conduite toute la traite du Nord-Ouest. » De 1802 à 1807, le bureau londonien d’Ellice enregistra un surplus annuel brut de plus de £1 000 000.

Comme c’était son habitude, Ellice investit une partie de ses profits dans des propriétés foncières. Si ces investissements étaient essentiellement un moyen d’assurer sa sécurité financière, Ellice montra néanmoins un certain intérêt pour l’agriculture, car en 1794 il devint membre de la succursale montréalaise de la Société d’agriculture. En 1795, il acheta de Michel Chartier* de Lotbinière, au montant de £9 000, la seigneurie de Villechauve, communément appelée Beauharnois, qui mesurait 324 milles carrés. Il paraît évident qu’Ellice avait l’intention de s’y retirer un jour ; entre-temps, par l’intermédiaire d’un gestionnaire, il y fit construire un grand manoir, rebaptisa les arrière-fiefs de sa seigneurie destinés à des membres de sa famille et délimita certains secteurs à mettre en valeur. Pour agrandir sa seigneurie, il acquit la plus grande partie des cantons adjacents de Godmanchester et de Hinchinbrook. Il acquit d’autres terres en règlement de dettes : 16 000 acres dans le Haut-Canada, des trafiquants de fourrures Leith, Jameson and Company, par exemple. En 1803, on lui concéda, dans le Bas-Canada, 6 690 acres dans le canton de Clifton. La même année, il vendit sa seigneurie de Champlain, acquise de Joseph Drapeau en 1797, à Joseph Frobisher et à ses associés dans la Compagnie des forges de Batiscan.

En 1803, malade depuis quelque temps, Ellice se retira de la Phyn, Ellices, and Inglis. Il mourut deux ans plus tard, laissant une succession nette de plus de £450 000. Ses biens comprenaient près de 350 000 acres de terre dans l’état de New York et dans les deux Canadas, de même que des propriétés à l’Île-du-Prince-Édouard et en Grande-Bretagne, entre autres lieux, des actions dans les compagnies de Londres et de Montréal, des navires, un portefeuille de titres et des hypothèques. Ces biens furent divisés assez également entre sa veuve et ses dix enfants survivants – dont quelques-uns étaient nés au Canada, Ann ayant souvent accompagné son mari dans ses voyages d’affaires. Les carrières diverses et généralement fructueuses que suivit cette progéniture – dans l’armée, la marine, l’Église, les affaires, la propriété foncière – étaient la voie typique vers la prospérité qu’empruntaient les fils de la haute bourgeoisie montante ; aucun des héritiers d’Ellice, toutefois, ne tira meilleur parti du travail de son père, ni ne géra son héritage avec plus de finesse qu’Edward, qui fut véritablement le successeur de son père à la tête de l’empire Ellice.

Alexander Ellice a beaucoup contribué à l’économie des deux Canadas, qui dépendait si étroitement de la traite des fourrures, au cours des 40 années qu’il y fit affaire. Le rôle qu’il avait taillé à la famille Ellice dans les affaires coloniales allait durer, avec certaines modifications, jusqu’à ce que la seigneurie de Beauharnois passât à d’autres mains, en 1867.

James M. Colthart

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James M. Colthart, « ELLICE, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ellice_alexander_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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