JARVIS, WILLIAM, fonctionnaire et officier de milice, né le 11 septembre 1756 à Stamford, Connecticut, cinquième fils de Samuel Jarvis et de Martha Seymour ; le 12 décembre 1785, il épousa à Londres Hannah Peters*, et ils eurent trois fils et quatre filles ; décédé le 13 août 1817 à York (Toronto).

En 1777, William Jarvis s’enrôla dans les Queen’s Rangers de Simcoe. Il fut blessé à la bataille de Spencer’s Tavern (près de Williamsburg, Virginie) le 26 juin 1781 et reçut une commission de cornette le 25 décembre 1782. Mis à la demi-solde à la fin de la guerre d’Indépendance américaine, il retourna au Connecticut. Les sentiments hostiles qu’on y entretenait contre les Loyalistes tournaient souvent à la violence, et, à un moment donné, Jarvis fut blessé. En 1784 ou en 1785, il se rendit en Angleterre, où il s’acquit la protection de Simcoe. En 1791, ce dernier le recommanda à Henry Dundas, secrétaire d’État à l’Intérieur, pour les postes de secrétaire provincial et de greffier du Conseil exécutif de la province, récemment créée, du Haut-Canada. S’il n’obtint pas d’être nommé greffier du conseil, Jarvis obtint néanmoins le poste, plus important, plus prestigieux et plus lucratif, de secrétaire et greffier de la province. Il arriva dans le Haut-Canada à l’été de 1792, comme membre de la suite de Simcoe. Peu après, il s’établit dans la capitale, Newark (Niagara-on-the-Lake).

Peu avant de quitter l’Angleterre, Jarvis avait été créé grand maître provincial de la Masonic Lodge of Upper Canada, nouvellement créée. Son importance au sein de la société locale lui valut d’être nommé lieutenant adjoint du comté d’York, en 1794. Simcoe concevait les lieutenants de comté comme le noyau d’une aristocratie indigène et le fondement de la milice locale [V. Hazelton Spencer]. Jarvis resta lié à la milice et à sa mort il avait le grade de colonel. Nommé magistrat en 1800, il présida la Cour des sessions trimestrielles, de 1801 à 1806.

Dès le début, Jarvis fit partie du petit groupe qui gouvernait la province, à Newark d’abord, puis à York après 1798. Sa carrière subit l’influence des querelles exterminatrices qui caractérisaient ce groupe, dont les membres luttaient pour consolider leur position et pour assurer des places à leurs enfants. Bien que son salaire fût de £300, Jarvis touchait aussi des vacations. En 1794, il se trouva en conflit avec le procureur général John White* au sujet du partage, entre eux, des lucratives vacations provenant des lettres patentes foncières. Jarvis rédigeait et enregistrait tous les documents légaux, en plus de devoir payer lui-même le parchemin et la cire. Toujours à la recherche de revenus supplémentaires, White réclama la moitié des vacations de Jarvis, sous prétexte que le procureur général était responsable des affaires juridiques concernant la couronne. Il parvint à ses fins, Jarvis devant néanmoins continuer d’assumer seul le fardeau des dépenses. Au vrai, par la suite, chaque nouvelle concession de terre lui fit perdre de l’argent, et c’est en vain que, jusqu’en 1815, il signa pétition sur pétition pour obtenir une compensation quelconque ; il reçut alors une gratification de £1 000. Mais ses problèmes financiers n’étaient pas entièrement imputables à White ou à un conseil exécutif inattentif. De temps à autre, les modifications apportées aux règlements touchant les terres venaient invalider son travail, et, souvent, il était lui-même peu efficace et peu soigneux. En 1800, le lieutenant-gouverneur Peter Hunter découvrit que beaucoup d’actes préparés par Jarvis contenaient des irrégularités – ratures et corrections – ou étaient rédigés sur des feuilles de papier plutôt que sur du parchemin. Hunter le rappela à l’ordre et donna des directives strictes pour la préparation des documents – directives qui rendirent caducs un nombre d’actes dont Jarvis évalua le coût de la rédaction à £475.

À cause de son tempérament, Jarvis se heurta souvent à ses pairs. À Newark, en 1795, il fut mêlé à « une petite cause célèbre » au sujet de la paternité d’une satire, qu’on disait de sa main et qui diffamait plusieurs familles éminentes. Insulté qu’on le soupçonnât, Jarvis provoqua en duel quatre individus et en affronta un avant que le receveur général Peter Russell le forçât à jurer de ne pas troubler l’ordre public. Jarvis avoua une fois à son beau-père que, désireux de devenir membre du Conseil exécutif, il était néanmoins « trop fier pour demander [aux conseillers] de [le] recommander ». On peut comprendre les tensions sociales que subissait Jarvis au sein de l’administration civile, par ce commentaire de Mme Jarvis qui affirmait que White et le juge en chef John Elmsley « pens[aient] qu’un Américain ne sa[vait] pas parler ». La conduite parfois imprévisible de Jarvis fut peut-être influencée en partie par sa femme, qui ne mâchait pas ses mots et qui, un jour, expliquait la carrière sans promotion de son mari en alléguant que Simcoe était entouré d’« un lot de souteneurs, de délateurs et de menteurs ».

Jarvis vivait bien, voire au-dessus de ses moyens, dans un parc de 100 acres, en banlieue d’York. À l’instar de tant de ces premières familles de fonctionnaires, il chercha à dénicher de bonnes situations pour sa progéniture en profitant de la période de développement que connaissaient alors York et le Haut-Canada. Son aîné, Samuel Peters Jarvis*, devint adjoint au secrétaire de la province Duncan Cameron* en 1817 et, plus tard, surintendant en chef des Affaires indiennes. Deux de ses filles épousèrent George* et Alexander* Hamilton, fils de Robert, riche marchand de Queenston (maintenant partie de Niagara-on-the-Lake), et une autre épousa William Benjamin Robinson*.

William Jarvis n’était pas une figure de premier plan au sein de l’élite d’York. Si, en 1800, il disputa la victoire à Samuel Heron, Henry Allcock et John Small* dans la circonscription de Durham, Simcoe, and East Riding of York, et si, pendant une brève période, il accorda son appui au juge Robert Thorpe* en 1806, Jarvis n’était pas particulièrement intéressé à la politique, ni particulièrement actif en ce domaine. Il fut un membre éminent de la petite administration provinciale, et sa carrière illustre bien certains des problèmes avec lesquels le Haut-Canada était aux prises en ses débuts.

Robert J. Burns

MTL, William Jarvis papers.— APC, MG 23, HI, 3, vol. 1–2.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 1 : 45–47 ; 2 : 288, n.1 ; 3 : 29 ; 4 : 10s.— « Minutes of Court of General Quarter Sessions, Home District », AO Report, 1932.— Town of York, 1793–1815 (Firth), lxxxi.— Wallace, Macmillan dict. Burns, « First elite of Toronto », 289–293.— The Jarvis family ; or, the descendants of the first settlers of that name in Massachusetts and Long Island, and those who have more recently settled in other parts of the United States and British America, G. A. Jarvis et al., compil. (Hartford, Conn., 1879).— W. R. Riddell, The life of John Graves Simcoe, first lieutenant-governor of the province of Upper Canada, 1792–96 (Toronto, [1926]), 453s.— G. C. Patterson, « Land settlement in Upper Canada, 1783–1840 », AO Report, 1920 : 52s., 82s., 90s., 117s.

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Robert J. Burns, « JARVIS, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jarvis_william_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
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