JONES, JAMES, prêtre, capucin et supérieur des missions de l’Est, né en 1742, à Dunshaughlin (république d’Irlande) ; décédé le ou vers le 18 juin 1805, vraisemblablement en Irlande.
James Jones fut le premier prêtre catholique en Nouvelle-Écosse dont la langue maternelle était l’anglais. On ne sait à peu près rien de ses débuts dans la vie, bien qu’un de ses adversaires, le révérend William Phelan, d’Arichat, en Nouvelle-Écosse, affirmât qu’il avait été apprenti « chez un tanneur et gantier, [qu’]il avait exercé son métier et avait été un tenant de la foi presbytérienne jusqu’à l’âge de 28 ans ». Il passa quelque temps au monastère capucin de Bar-sur-Aube, en France, et, plus tard, il fit du ministère dans le diocèse de Cork (république d’Irlande) pendant huit ans. À cette époque, il fut l’un des premiers à prononcer le serment d’allégeance imposé aux prêtres s’ils ne voulaient pas encourir les rigueurs du code pénal.
En 1785, à la demande pressante des catholiques de Halifax, Mgr Louis-Philippe Mariauchau* d’Esgly, évêque de Québec, organisa le déplacement de Jones, de Cork à la Nouvelle-Écosse, où la population croissante d’Irlandais et de Loyalistes catholiques exigeait la présence de prêtres de langue anglaise. Arrivé à Halifax en août de la même année, Jones s’acquit immédiatement le respect du vicaire général Joseph-Mathurin Bourg*, qui écrivait à son sujet : « c’est un très bon prêtre, un homme sçavent remplie de zèle et de piété et fort bon prédicateur en la langue anglaise en fin un homme pour le quel j’ai d’autant plus destime que je le connois d’avantage ». Sur la recommandation de Bourg, Jones obtint en octobre 1787 le poste de supérieur des missions de la Nouvelle-Écosse, de l’île du Cap-Breton, des îles de la Madeleine, de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) et d’une partie du Nouveau-Brunswick.
Jones affronta de nombreux problèmes dans l’exercice de ses nouvelles fonctions. En plus d’avoir à écrire à ses supérieurs en français, ce qui ne lui était pas facile, il dut se tirer d’affaire avec un revenu minime et faire face à de piètres moyens de communication, à des prêtres faibles ou récalcitrants, et, à Halifax, à des fidèles qui réclamaient obstinément de jouer un rôle important dans l’administration paroissiale. Mais, à son avis, le plus grave problème auquel il se heurta provenait du fait que l’Église catholique de sa région, dépourvue d’un nombre suffisant de prêtres, était presque à court de moyens pour empêcher que ses fidèles ne fussent détournés de leur foi par des « méthodistes fanatiques », des « calvinistes écossais » et le clergé de l’Église établie d’Angleterre. En avril 1792, Jones rapportait que les Acadiens, les Écossais et les Irlandais de sa juridiction n’étaient desservis que par une poignée de prêtres, dont Thomas-François Le Roux*, Angus Bernard MacEachern* et Thomas Grace*, connu sous le nom de père James. Heureusement, l’arrivée de prêtres réfugiés, chassés par la Révolution française que Jones dénonçait pour sa « voyoucratie » et ses « massacres de prêtres et de personnes de sang royal », renforça la position de l’Église catholique dans les Maritimes. À la fin de l’été de 1792, Jean-Baptiste Allain et François Lejamtel*, deux prêtres des îles Saint-Pierre et Miquelon qui avaient refusé de prêter le serment d’allégeance à la Constitution civile du clergé, s’enfuirent aux îles de la Madeleine et offrirent leurs services à Jones. D’autres prêtres réfugiés vinrent dans la région au cours des années suivantes, parmi lesquels Amable Pichard, Gabriel Champion et Jean-Mandé Sigogne*.
La vie de Jones ne fut en rien facilitée par la conduite d’un de ses prêtres, William Phelan. Diplômé de l’Irish College de Rome, Phelan œuvra en Irlande pendant 17 ans avant d’immigrer en Nouvelle-Écosse en 1786. Nommé à Arichat, mission qui recouvrait toute l’île du Cap-Breton, Phelan se plaignit bientôt de ses fidèles, pour la plupart micmacs et acadiens, les jugeant « grossiers et ignorants », et « totalement étrangers à quelque forme de retenue ou de subordination » que ce fût. Cette affirmation contrastait vivement avec la conviction de Jones que les catholiques de cette région étaient « rangés et disciplinés » sur le plan de la pratique religieuse. Jaloux, apparemment, de la nomination de Jones comme supérieur des missions, Phelan ne perdait point une occasion de s’opposer à lui, en affectant en particulier de ne tenir aucun compte de son autorité et de s’en rapporter directement à l’évêque de Québec, mais aussi en entreprenant sans autorisation des tournées missionnaires et en refusant sa collaboration au projet de création d’un fonds pour le financement de la mission de Halifax. À la longue, irrité de ce que Phelan parlait « tellement d’argent », Jones en vint à perdre patience. En avril 1792, il le démit de ses fonctions et informa les catholiques de la mission d’Arichat qu’ils devaient « se comporter comme s’il n’y avait pas de prêtre, sauf en danger de mort ». Phelan resta toutefois à son poste jusqu’à ce que, au début de 1793, le vicaire général de Québec, Henri-François Gravé de la Rive, l’avisât de se soumettre.
La santé de Jones se détériora après 1790, en partie à cause d’une chute de cheval. Souffrant d’hydropisie, il sollicita son retour en Irlande, faisant valoir qu’« on avait besoin [en Nouvelle-Écosse] d’un homme jeune, habitué aux usages d’ici ». Finalement, en août 1800, il prit passage sur un bateau à destination de l’Irlande ; il était entendu qu’il devait revenir en Nouvelle-Écosse aussitôt que son état de santé le lui permettrait. Il eut pour successeur, à Halifax, un dominicain irlandais, Edmund Burke (circa 1785–1801), qui, à son tour, fut remplacé un an plus tard par un autre prêtre du même nom. En octobre de la même année, Jones était à Londres, où il tenta de recruter des prêtres pour les missions de la Nouvelle-Écosse. Il passa ensuite quelques mois à Bath, en Angleterre, à prendre les eaux ; durant son séjour dans cette ville, il rencontra plusieurs personnalités de la Nouvelle-Écosse. Il continua de manifester son intention de revenir dans la colonie, mais il ne le fit jamais, probablement à cause de sa santé qui se détériorait. De Bath, en mars 1801, Jones informa Mgr Plessis*, coadjuteur de Québec, qu’il était sur le point de se rendre à Dublin pour y visiter sa parenté. On le perd ensuite de vue jusqu’au 30 juillet 1805, jour où l’archevêque de Dublin parlait de sa mort.
Forte personnalité, apparemment, le père James Jones était un dur travailleur et un prédicateur éloquent, bien que son efficacité ait pu souffrir de sa sévérité et de son inflexibilité, comme aussi de sa consternation à l’endroit de l’esprit « démocratique niveleur » de la population coloniale. Il semble qu’il fut un administrateur compétent, mais sa gestion des finances de l’Église soulève certaines questions non encore élucidées. Pendant tout son séjour en Nouvelle-Écosse, Jones se plaignit à ses supérieurs d’avoir à vivre dans la pauvreté, avec un revenu insuffisant. Après 1796, toutefois, il obtint du gouvernement un traitement annuel de £50 et, avant de quitter la colonie, il fut en mesure de déposer, dans une banque de Philadelphie, au moins £2 000 destinées à aider les missions de l’Est. Cet argent provenait de fonds personnels, en Irlande, de dons de la communauté catholique de Halifax et d’un legs de Mgr Charles-François Bailly* de Messein, de Québec, à l’Église des Maritimes. Curieusement, à la mort de Jones en 1805, les missions de l’Est ne reçurent rien de l’argent qu’il avait accumulé. Dans son testament, il laissa £1 300 au Royal College of St Patrick, de Maynooth, dans le comté de Kildare (république d’Irlande), £500 à un certain nombre d’institutions charitables de Dublin et le reste de ses biens à sa parenté.
AAQ, 12 A, H : ff.199v.–200v. ; 20 A, II : 17 ; III : 181, 186 ; 210 A, I : f.214 ; II : ff.25, 125, 136, 141, 150, 166, 179, 209 ; III : ff.171, 191 ; IV : ff.42, 52, 83, 159, 208 ; VIII : ff.184, 543 ; 22 A, V : f.219 ; 1 CB, II : 10 ; 10 CM, III : 130 ; 90 CM, I : 18–20 ; 30 CN, I : 20, 23 ; 312 CN, I-III (copies aux Arch. of the Archdiocese of Halifax).— Arch. of the Archdiocese of Halifax, Edmund Burke papers.— Johnston, Hist. of Catholic Church in eastern N.S.— K. E. Stokes, « The character and administration of Governor John Wentworth » (thèse de m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1934).— Terrence Murphy, « James Jones and the establishment of Roman Catholic Church government in the Maritime provinces », SCHÉC Study sessions, 48 (1981) : 26–42.— Père Pacifique [de Valigny] [H.-J.-L. Buisson], « Le premier missionnaire de langue anglaise en Nouvelle-Écosse », Soc. de géographie de Québec, Bull. (Québec), 26 (1932) : 46–62.
A. Anthony Mackenzie, « JONES, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jones_james_5F.html.
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Auteur de l'article: | A. Anthony Mackenzie |
Titre de l'article: | JONES, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 7 nov. 2024 |