LANGHORN, JOHN, ministre de l’Église d’Angleterre, né vers 1744 au pays de Galles, fils d’un ministre du culte ; décédé célibataire le 15 mai 1817 à Natland, près de Kendal, Angleterre.
John Langhorn étudia à la St Bees School, dans le comté de Cumberland, puis, par la suite, il fut vicaire à Harthill, dans le Cheshire, pendant 19 ans. En 1787, fortement appuyé par deux évêques anglicans bien connus, il fut accepté par la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts pour desservir, à titre de missionnaire, les établissements loyalistes situés dans l’ouest de la province de Québec. Sa paroisse couvrait les cantons no 2 (canton d’Ernestown) et no 3 (canton de North Fredericksburgh and South Fredericksburgh), qui avaient été ouverts à la colonisation trois ans plus tôt par des soldats licenciés du King’s Royal Régiment of New York. Après un voyage de quatre mois, Langhorn arriva le 5 octobre 1787.
Mises à part les rares visites qu’y fit John Stuart, de Cataraqui (Kingston, Ontario), les quelque 1 500 habitants de la paroisse de Langhorn n’avaient encore bénéficié des services d’aucun ministre. Le travail qui attendait Langhorn était immense ; il se mit immédiatement à la tâche. Il adopta vite des habitudes auxquelles il dérogerait peu pendant un quart de siècle. Il présidait l’office religieux pour ses ouailles en alternant : un dimanche pour la congrégation de St John, en face du canton d’Ernestown, le dimanche suivant pour la congrégation de St Paul, en face du canton no 3. Puis, les autres jours, été comme hiver, son surplis et ses livres dans un sac à dos, il traversait à pied le territoire sous sa juridiction, suivant systématiquement tout un réseau de points de prédication. Les noms qu’il choisit pour ces petites congrégations étaient soit appropriés à son travail apostolique, soit un souvenir de son diocèse de Cheshire. À l’occasion, il sortait de sa paroisse pour visiter des communautés voisines. Où qu’il allât, et sans parler des offices réguliers de l’Église, Langhorn célébra des baptêmes, des mariages et des funérailles.
Le travail était dur, les conditions rigoureuses, et les consolations peu nombreuses, en particulier du fait que la région n’était guère prometteuse pour un missionnaire de l’Église d’Angleterre. Les gens y étaient loyalistes et – reflet de leur origine américaine – peu d’entre eux, un dixième peut-être, étaient anglicans. Langhorn ne tarda pas à découvrir que la population des deux cantons était composée, en grande majorité, de presbytériens, de congrégationalistes, de luthériens et de méthodistes. En 1787, Stuart et lui étaient les deux seuls ministres à l’extrémité orientale du lac Ontario. Mais, en quelques années, des maîtres d’école et des prédicateurs dissidents commencèrent à s’installer avec détermination dans cette région, si bien qu’au milieu des années 1790 le pluralisme religieux y régnait sur une base permanente. Les diverses dénominations, en concurrence avec l’Église d’Angleterre, exerçaient une pression sur elle, tant sur le plan de la congrégation locale que sur celui du gouvernement.
La réaction de Langhorn à cette pression fut sans équivoque. Il respectait profondément les doctrines et les rites distinctifs de son Eglise. Homme obstiné mais à la conscience délicate, il était mû par un sens très aigu du devoir. Aussi, en quelque circonstance que ce fût, refusa-t-il toute concession aux dissidents. S’il s’agissait d’une dérogation au rituel anglican du mariage ou du baptême, de l’approbation tacite d’un prédicateur dissident en partageant avec lui la même chaire, de la reconnaissance de l’ordination dans les autres sectes, ou du port du surplis pendant les cérémonies de l’Église, dans tous ces cas, Langhorn exigeait, selon les mots d’Ernest Hawkins*, « la stricte observance des règles de l’Église ». Le village d’Ernestown (Bath), comme Langhorn l’écrivait à la Society for the Propagation of the Gospel, était « douloureusement réfractaire [...] à l’Église d’Angleterre », et ses habitants lui demandaient de se conduire comme si toutes les dénominations et tous les ministres du culte – nonobstant leurs « bredouillements absurdes » – fussent égaux et tous aussi à l’abri de la critique. Mais, pour Langhorn, cela était impensable : les ministres dissidents étaient schismatiques, et il ne doutait pas que Dieu leur préparât un rude traitement dans l’autre monde.
Quand aucun principe de l’Église n’était en cause, Langhorn était plein de charité. Il était bien connu pour ses fréquents gestes de bonté, lesquels ne tenaient pas compte des divergences religieuses. Mais il était inflexible devant les empiétements des dissidents, tellement qu’il se querellait presque constamment et qu’il fut fréquemment l’objet de critiques. On a prétendu que son attitude empêcha des conversions, et qu’en particulier elle détourna un grand nombre de gens vers les communautés des enthousiastes prédicateurs méthodistes. C’est Stuart qui fit cette critique avec le plus de véhémence et d’insistance ; lui-même produit de l’anglicanisme apologétique des Treize Colonies, il était disposé à certaines concessions auxquelles se refusait Langhorn.
Stuart était vicaire général de l’évêque et, à ce titre, devait s’occuper des problèmes soulevés par le ministère de Langhorn. Les conceptions et les attitudes pastorales différentes des deux ministres rendaient cette tâche difficile. Sans compter que certaines autres caractéristiques de Langhorn vinrent encore compliquer les choses. Ce n’était point, tout d’abord, un universitaire – grave défaut, aux yeux de l’évêque Charles Inglis, par exemple, qui concevait la religion, la science et la littérature comme interdépendantes et d’une égale importance. De même, la façon de s’exprimer de Langhorn n’avait pas ce raffinement, ni son comportement cet aspect caractéristique de ceux qui d’habitude s’associaient aux classes supérieures de la société anglo-américaine. Si l’on en croit Inglis, Langhorn était « grossier et peu fait aux usages du monde » (s’entend bien sûr, du beau monde). Et, finalement, il semble indubitable, à en juger par ses manières et son apparence, qu’il était l’un des spécimens les plus curieux, parmi les membres du clergé, à avoir jamais traversé l’océan. Stuart remarqua que Langhorn avait « tant d’excentricité dans ses manières et sa façon de s’habiller que les vrais amis de [leur] Église, et qui en pren[aient] les intérêts, [avaient] souvent souhaité qu’il fût de nouveau en Angleterre ».
Tout compte fait, pour Stuart, Langhorn était une cible facile et tentante, bien sûr ! Plus d’une fois, dérouté et frustré dans ses rapports avec cet homme étrange et intraitable, Stuart succomba à la tentation et traita Langhorn d’une façon peu équitable. Le cas le plus important survint en 1804. Langhorn était engagé dans un débat public avec Robert McDowall*, ministre presbytérien local, sur l’ordination des prêtres par les évêques. Au même moment, il était « invectivé et injurié » par les méthodistes du village d’Ernestown. Il réagit finalement aux pressions des méthodistes en composant une ou deux pièces de vers ou chansons licencieuses, au moyen desquelles il fit part à la communauté alarmée de « la sorte de clameur vide et insignifiante que [faisaient] ces individus ». En rapportant cet incident à l’évêque Jacob Mountain* et aux savants docteurs de la Society for the Propagation of the Gospel, Stuart décrivit Langhorn comme un homme « ignorant, incapable d’apprendre et incorrigible », qui, si on lui permettait « de se mêler de questions qui le dépassaient » (allusion au débat avec McDowall) ferait grand tort aux progrès de l’Église.
La réaction de Stuart était injuste et exagérée. Si le type de réponse que fit Langhorn à ses adversaires méthodistes n’était pas de celle qu’on recommande généralement, elle n’était pas non plus si choquante ni si déplacée. Quant au débat avec McDowall, Langhorn argumenta publiquement parce qu’il n’était pas disposé à ce que la position de l’Eglise sur une matière de première importance tombât faute d’appui. La défense de la position juridique de l’Église dans les deux Canadas ne pouvait reposer uniquement sur des arguments de droit. Il fallait faire ressortir le mieux possible les caractéristiques distinctes, sur le plan théologique et historique, de l’Église d’Angleterre, et l’argumentation reposerait en grande partie sur l’établissement et le maintien de la différence entre l’évêque et le prêtre, et, partant, la nécessité de l’ordination des prêtres par les évêques. Si cela n’était pas démontré – si l’Église d’Angleterre ne se distinguait pas clairement du protestantisme, d’une part, et du catholicisme, d’autre part –, sa position juridique en serait sérieusement minée.
Bien qu’il fût presque rappelé, Langhorn survécut à cette crise, comme à bien d’autres, pour une raison fondamentale. Peu importe à quel point les observateurs différaient d’opinion avec lui (ou, en l’occurrence, ils étaient abasourdis par lui), tous étaient unanimes sur un point vital : Langhorn était un homme simple et honnête, d’une humeur agréable, et d’un extérieur bonhomme et bienveillant. Stuart même, du moins quand il était calme, partageait cet avis, à l’instar d’Inglis et de Mountain. Et cet aspect de Langhorn fut reconnu, plus tard, par Hawkins dans son histoire du diocèse de Toronto.
Assez ironiquement, toutefois, c’est justement l’honnêteté et la simplicité de cet homme qui furent la source des conflits qui surgissaient autour de lui. Ces qualités forcèrent Langhorn à identifier et à affronter des problèmes dont d’autres ne tenaient pas compte ou ne s’occupaient pas suffisamment. À cet égard, Langhorn était un anachronisme vivant. Il était ce qu’une future génération connaîtrait familièrement sous le nom d’adhérent à la high church, et il se fût trouvé plus à l’aise avec la manière animée et dynamique du Church, journal du milieu du xixe siècle, qu’il ne l’était avec la manière mièvre de son temps.
À la veille de la guerre de 1812, John Langhorn approchait de ses 70 ans. Sa santé commençait à s’altérer. Gestionnaire prudent, il avait épargné assez d’argent pour pourvoir à ses besoins, et il était, par conséquent, tenté de se retirer. À l’été de 1813, surmontant sa crainte d’être fait prisonnier et de finir ses jours en France, il s’embarqua pour l’Angleterre. Il y mourut quatre ans plus tard.
La source la plus importante concernant John Langhorn est sans contredit sa correspondance avec William Morice, le secrétaire de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts. Langhorn écrivait habituellement deux rapports par année sur l’évolution de sa mission. Morice préparait des résumés de ces lettres qui étaient présentés à l’assemblée de la société puis intégrés dans ses journaux. Les lettres et résumés se trouvent à l’USPG, C/CAN/folder 439 et Journal of SPG, 24–30. Ces deux sources sont disponibles sur microfilm à l’Église épiscopale du Canada, General Synod Arch. (Toronto), la dernière sous la référence ancienne de Box IVa/38.
Tous ces documents furent publiés. En 1926, A. H. Young reproduisit les références à Langhorn qu’il découvrit dans les journaux de la société, incluant les résumés de Morice, sous le titre de « Entries in the journals of the Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts relating to the Revd. John Langhorn », OH, 23 (1926) 534–560. À cette époque, les lettres de Langhorn passaient pour avoir été détruites, mais, peu de temps après, quelques-unes furent découvertes dans les archives de la société. Ces lettres furent alors éditées par Young dans « More Langhorn letters », OH, 29 (1933) : 47–71. [h. e. t.]
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H. E. Turner, « LANGHORN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/langhorn_john_5F.html.
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Auteur de l'article: | H. E. Turner |
Titre de l'article: | LANGHORN, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 7 déc. 2024 |