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OSBORN, MARY (London), reconnue coupable de meurtre, née vers 1773 à Bedford, Pennsylvanie ; elle épousa Bartholomew London et eut un enfant dont il était peut-être le père ; décédée le 17 août 1801 à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario).
Dans les premières années de la colonisation du Haut-Canada, les crimes de première grandeur étaient peu fréquents et les causes aboutissant à la peine capitale étaient rares. Le procureur général John White* se plaignait au voyageur français La Rochefoucault-Liancourt*, en 1795, que si une ou deux personnes avaient subi leur procès pour meurtre dans chaque district de la province, « elles avaient toutes été acquittées par le jury, bien que la preuve fût fortement contre elles ». De fait, il n’était pas facile d’obtenir des condamnations. Mise à part l’attitude réservée des jurys à cet égard, il y eut néanmoins, du mois d’août 1792 au mois de septembre 1800, six causes qui se terminèrent par une condamnation à la peine capitale : quatre pour vol, une pour faux et une pour meurtre. Trois de ces procès furent intentés à des esclaves noirs, dont Jack York* ; la première exécution dans l’histoire du Haut-Canada fut celle de l’esclave noir Josiah Cuttan (Cutten), en 1792. La première exécution pour meurtre et la première exécution d’une femme eurent lieu en 1801.
À la fin de l’été de cette année-là, l’attention de toute la presqu’île du Niagara était rivée sur le procès de Mary London et de George Nemiers (Nemire) pour le meurtre du mari de Mary. Ce procès avait tout l’attrait du sensationnel : adultère de jeunes amants, trahison d’un vieil époux, rôle des complices et des confidents anonymes, et voyages clandestins pour se procurer du poison. En outre, le goût de la population locale pour le scandale fut stimulé par le fait que la presse couvrait pour la première fois un procès criminel dans la province. Pour des raisons qu’on ne peut expliquer, l’imprimeur et rédacteur en chef du Niagara Herald, Silvester Tiffany, rendit compte du procès et de l’exécution avec un luxe de détails extraordinaire pour une époque où les nouvelles locales et provinciales étaient généralement vite expédiées. Le récit qui suit est en grande partie fondé sur ses comptes rendus.
La ligne des événements qui conduisirent au procès semble claire. En 1789, Bartholomew London, petit fermier du New Jersey qui affirmait avoir été emprisonné pendant la Révolution américaine pour sa loyauté envers les Britanniques, arriva dans le Haut-Canada avec quatre enfants et quatre petits-enfants. Disposant de l’appui d’un compatriote originaire du New Jersey et fonctionnaire local, Nathaniel Pettit, il obtint une concession de 200 acres dans le canton de Saltfleet. Assez âgé, il semble qu’il était veuf à son arrivée dans la colonie. À un moment donné, il épousa la jeune Mary Osborn, immigrante de la Pennsylvanie, où sa famille vivait encore en 1801. On ne sait pas comment ils se rencontrèrent ; mais, quel que fût le scénario, l’apparition de George Nemiers compliqua les choses. Âgé d’environ 28 ans et originaire de Carlisle, en Pennsylvanie, Nemiers travaillait vraisemblablement comme manœuvre dans la ferme de London. En décembre 1800, Mary London et Nemiers étaient amants. À la mort de Bartholomew London, le 17 février 1801, Mary, alors enceinte d’environ quatre mois, et Nemiers furent arrêtés et accusés de meurtre.
Le procès commença le matin du 14 août devant le juge Henry Allcock et les juges assesseurs de l’endroit, Robert Hamilton et William Dickson*. Parmi les membres du jury se trouvaient James Crooks* et John Dun, marchands de Niagara ; et parmi les 14 témoins, Tiffany et son frère Oliver, le docteur Robert Kerr* et Robert Nelles*. Le procureur général Thomas Scott* ouvrit le procès par une adresse au jury qui, selon Tiffany, « fit couler bien des larmes et gagna bien des cœurs ». Huit heures furent ensuite consacrées à questionner les témoins. Le coroner et les hommes de l’art établirent que la mort de London avait été provoquée par le poison et non par une fracture du crâne. Le reste des témoignages portaient apparemment sur des preuves indirectes, mais Tiffany, lui-même témoin, rapporta que, même s’il manquait une « preuve manifeste quant à la personne ou aux personnes qui administrèrent le poison », « les faits et de nombreuses circonstances ne laissaient point de place au doute ». Après que le jury eut rendu son verdict de culpabilité, Allcock, « qui avait « jugé avec pitié » du début à la fin », prononça la « terrible sentence » : le matin du 17 août, les amants devaient être pendus « jusqu’à ce que mort s’ensuive, après quoi leurs cadavres seraient disséqués ».
L’intervalle de deux jours donna à Tiffany le temps de s’entretenir avec les condamnés. Nemiers, « repenti et parfaitement résigné », dégageait de toute responsabilité ses « honnêtes parents [...] qui [avaient] accompli leur devoir en lui apprenant à observer strictement le dimanche et à remplir ses obligations envers Dieu et les hommes [...] et ne jetait le blâme sur personne, sinon sur sa coupable complice [...] qui l’[avait] incité à une intimité et à une relation illégales il y a[vait] environ neuf mois, et [l’avait fait passer] du péché de l’adultère à celui du meurtre ». Elle avait d’abord suggéré d’« abattre le vieil homme d’une balle » ; ensuite, elle évoqua la possibilité du poison que Nemiers tenta d’obtenir à Ancaster, mais « il éprouva alors quelques remords de conscience ». Plus tard, une fois son inquiétude morale apaisée, il se procura deux onces d’arsenic et une once d’opium chez un « gentilhomme de la profession médicale », à Canadaigua, dans l’état de New York (où habita Tiffany après son départ de la province, en 1803). Insistant pour dire que « ce n’était pas les biens qu’il voulait mais la femme », et qu’une troisième personne était impliquée dans ce crime, Nemiers avoua avoir fracturé le crâne de London avec un marteau de cordonnier.
Mais c’est l’indifférence apparente de Mary London face à la situation dans laquelle elle se trouvait qui intrigua Tiffany. Peut-être parce que c’était une femme, Tiffany s’était attendu à des aveux complets. Au contraire, tout ce qu’elle avait consenti à dire pendant le procès ne constituait qu’ « une confession partielle [...] arrangée pour l’innocenter, elle, et pour incriminer Nemiers ». Quand ce dernier parla à Tiffany d’un troisième coupable, elle l’« arrêta » en disant : « que deux de nous meurent pour cette affaire, c’est bien assez ». Mais, par la suite, elle confirma qu’une autre personne avait suggéré le meurtre de London, pour « se débarrasser du vieux coquin ». Elle nia avoir administré à son mari autre chose que de l’opium, en indiquant que le complice anonyme était le coupable. Mais des contradictions dans son histoire et sa tendance à mentir amenèrent Tiffany à ne tenir aucun compte de ses affirmations et à cacher les noms des personnes qu’elle avait impliquées. Une fois seulement sa froide réserve lui fit-elle défaut. En retournant vers sa cellule après avoir entendu la sentence, elle avait dit en criant : « Je suis coupable, j’ai donné le poison, et je le savais. » À Tiffany, elle confia plus tard qu’elle ignorait qui était le père de son enfant, Catherine, alors âgée de quelques jours seulement et baptisée par Robert Addison* la veille de l’exécution. Tout comme Nemiers, elle ne jetait pas le blâme sur ses parents, coupables « d’aucune négligence ». Tiffany crut que Mary London prit pour la première fois conscience de son sort dans la chambre préparatoire, le matin du 17 « Quand elle sortit et vint prendre sa place, elle dit « Que cela vous soit un avertissement à tous », et elle pria Dieu d’avoir pitié de son âme. »
Un « grand concours de gens » assista à l’exécution, laquelle fut troublée momentanément par « une femme (il est regrettable que ce fût une personne de ce sexe) » qui se moqua des pleurs et des gestes de Mary London. Selon la coutume anglaise, les corps furent envoyés à des médecins aux fins de dissection – premier exemple dans le Haut-Canada d’une façon de faire qui se continua au moins jusqu’à l’exécution de William Kain*, en 1830. Comme c’était souvent le cas dans les procès criminels à cette époque, les condamnés furent vite oubliés, tant dans les écrits que, peut-être, dans la mémoire populaire. Tiffany vit dans ce cas un enseignement moral : « Visible dans toute cette affaire, [il y a] la main de la Providence poursuivant les pécheurs de sa vengeance, même en cette vie ; car nous y voyons punis l’adultère, le mépris des promesses du mariage et le meurtre ; et à ceux qui se permettent les deux premiers [péchés], cela peut être une leçon propre à instruire [de constater] que, de ceux-là au dernier, il n’y a qu’un pas. »
AO, RG 1, A-II-1, 1 : 143s. ; C-IV, Saltfleet Township, concession 3, lots 18–19 ; RG 22, ser. 134, 3 : 22, 45, 80, 88, 94, 102, 131.— APC, RG 1, L3, 283 : L1/5, 20, 68.— Hamilton Public Library (Hamilton, Ontario), Buchanan papers, ledger of an early doctor of Barton and Ancaster, 1098.— Wentworth Land Registry Office (Hamilton), Abstract index to deeds, Saltfleet Township : ff.124–127 (mfm aux AO, GS 1627).— York North Land Registry Office (Newmarket, Ontario), Abstract index to deeds, King Township : 149 (mfm aux AO, GS 5840).— « Early records of Niagara » (Carnochan), OH, 3 : 18.— [F.-A.-F. de La Rochefoucauld-Liancourt], « La Rochefoucault-Liancourt’s travels in Canada, 1795, [translated by Henry Neuman].with annotations and strictures by Sir David William Smith [...] », W. R. Riddell, édit., AO Report, 1916 : 40.— Niagara Herald (Niagara [Niagara-on-the-Lake, Ontario]), 15, 22 août 1801.— W. R. Riddell, « The first legal execution for crime in Upper Canada », OH, 27 (1931) : 514–516.
Robert L. Fraser, « OSBORN, MARY (London) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/osborn_mary_5F.html.
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Auteur de l'article: | Robert L. Fraser |
Titre de l'article: | OSBORN, MARY (London) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 7 déc. 2024 |