PRESCOTT, ROBERT, officier et administrateur colonial, né vers 1726 dans le Lancashire, Angleterre, fils de Richard Prescott, officier de cavalerie ; il se maria et eut au moins deux filles ; décédé le 21 décembre 1815 à Rose Green (West Sussex, Angleterre).

Robert Prescott commença sa carrière dans l’armée britannique le 22 juin 1745, jour où il devint enseigne dans le 15e d’infanterie. Trois ans plus tard, il obtint le grade de lieutenant, puis, le 22 janvier 1755, celui de capitaine. En 1757, au début de la guerre de Sept Ans, il participa à une expédition contre Rochefort, en France. L’année suivante, sous les ordres du major général Amherst*, qui était aussi colonel de son régiment, il prit part à la capture de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton). Le 5 mai 1759, Prescott reçut la nomination prestigieuse d’aide de camp d’Amherst. Au début d’août, on le dépêcha en Angleterre pour annoncer la prise du fort Niagara (près de Youngstown, New York). En 1760, il accompagna Amherst lors de l’avance sur Montréal puis, à la fin d’août, on l’envoya de nouveau en Angleterre pour communiquer la nouvelle de la chute du fort Lévis (à l’est de Prescott, Ontario). Le 22 mars 1761, il devint major du 95e d’infanterie. En 1762, son régiment partit pour la Martinique où il arriva peu après la capture de l’île survenue en février, et, en mai, il poursuivit sa route vers Cuba. Prescott fut muté au 27e d’infanterie en juillet et, le 10 novembre, reçut le grade de lieutenant-colonel du 72e d’infanterie, succédant à Guy Carleton. Pendant les dix ans qui suivirent la fin de la guerre, il ne fit partie d’aucun régiment et demeura probablement en Grande-Bretagne.

À la suite de l’éclatement de la Révolution américaine, la nomination de Prescott au grade de lieutenant-colonel du 28e d’infanterie parut le 8 septembre 1775 dans le journal officiel. Au cours de l’année, il fit campagne autour de New York, participant à la bataille de l’île Long, à des engagements dans le comté de Westchester, et à l’assaut du fort Washington (maintenant partie de New York) en novembre. En août 1777, il obtint le grade de colonel honoraire, et, affecté à l’expédition menée contre Philadelphie, il livra bataille à Brandy-wine le 11 septembre. Il se trouvait avec l’armée d’occupation à Philadelphie pendant l’hiver de 1777–1778, puis se retira avec elle et participa, en juin 1778, à la bataille de Monmouth, au New Jersey. En novembre suivant, il commandait la 1re brigade du corps expéditionnaire britannique qui partit de New York pour attaquer Sainte-Lucie, dans les Antilles, puis, du mois d’août 1779 jusqu’au début de 1780, les troupes britanniques dans les îles Leeward. Le 13 octobre 1780, il fut promu colonel du 94e d’infanterie et, un an plus tard, il parvint au rang de major général. Après la signature du traité de paix en 1783 et le licenciement du 94e d’infanterie au cours de l’année, il retourna probablement en Angleterre et fut mis à la demi-solde ; le 6 juillet 1789, il devint colonel du 28e d’infanterie.

La guerre qui éclata entre la Grande-Bretagne et la France révolutionnaire mit fin à cet intermède sans incidents. En octobre 1793, Prescott fut promu lieutenant général et reçut l’ordre d’aller à la Barbade pour y prendre le commandement. En février suivant, les Britanniques attaquèrent la Martinique ; Prescott, affecté à l’expédition à la demande du commandant de l’armée, le lieutenant général sir Charles Grey, dirigea la 1re brigade et, le 6 du même mois, fit débarquer 2 484 hommes près de Sainte-Luce. Après la capture de l’île., il s’embarqua avec les troupes de Grey pour la Guadeloupe, qui fut prise également ; en décembre 1794, il y était le commandant quand les Britanniques durent se replier sur la Martinique. Nommé gouverneur civil de cette île, il se montra ferme mais conciliant au cours de son mandat, donnant toute satisfaction aux planteurs français jusqu’à ce que sa mauvaise santé le contraignit à retourner en Angleterre en 1795.

Cette fois, Prescott resta peu de temps chez lui. Le 21 janvier 1796, on le nommait lieutenant-gouverneur du Bas-Canada, comme successeur de lord Dorchester [Carleton], puis, le 15 décembre, une commission révisée le faisait gouverneur en chef des deux Canadas, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ainsi que commandant des troupes britanniques en Amérique du Nord. À son arrivée à Québec en juin 1796, il se préoccupa vivement de la sécurité de la colonie. Pour se protéger contre l’invasion et contre la subversion intérieure, celle-ci ne disposait que d’une petite garnison de troupes britanniques à laquelle s’ajoutait une milice douteuse. Prescott trouva les fortifications inadéquates ou délabrées et constata qu’il fallait d’urgence de nouvelles casernes pour éviter de cantonner les soldats chez l’habitant, peu favorable à cet usage condamnable ; or, les contraintes financières du temps de guerre le gênèrent dans ses projets plus ambitieux concernant des travaux et des bâtiments militaires.

L’amélioration des relations anglo-américaines, grâce à la conclusion du traité Jay de 1794, et le fait que les Britanniques avaient enfin évacué en 1796 les postes frontières cédés aux États-Unis n’empêchèrent pas la colonie de s’agiter au cours des années 1796 et 1797, à la suite de rumeurs d’invasions françaises imminentes par la vallée du Mississippi [V. Wabakinine*] et par le Saint-Laurent [V. sir Howard Douglas*] ; la province semblait aussi foisonner d’espions français et d’agitateurs américains insaisissables. Dans ces circonstances, Prescott s’alarma surtout de la désaffection apparente des Canadiens qu’il soupçonnait de vouloir revenir sous la domination des Français. Aux élections de 1796, les seigneurs, qui dans l’ensemble appuyaient le gouvernement, se virent éliminés en tant que force politique ; la même année, des troubles secouèrent différentes régions du Bas-Canada, mais surtout Montréal où la mise en vigueur d’une nouvelle loi sur les routes causa, en octobre, de graves manifestations de violence. Selon des membres de l’élite britannique, dont le juge en chef William Osgoode*, le procureur général Jonathan Sewell* et les députés John Richardson* et John Young, ces émeutes avaient été orchestrées par le ministre de France aux États-Unis ; en cas de réussite, ces notables étaient persuadés que la population britannique aurait été vouée au massacre. Prescott passa un hiver agité, craignant une conspiration séditieuse que laissait présager le nombre de réunions secrètes et de déclarations incendiaires. Pourtant, à la suite de quelques arrestations sommaires et de l’exécution exemplaire, en juillet 1797, d’un intrigant américain actif, David McLane*, et du recul de la menace d’une invasion française, l’atmosphère de crise se détendit.

La méfiance de Prescott à l’égard des Canadiens en cette période de tensions le contraignit à surveiller étroitement l’Église catholique. Il arrêta l’immigration des prêtres français réfugiés, entreprise par Mgr Hubert* avec l’autorisation de Dorchester, de peur qu’ils n’entretinssent chez les habitants le tendre souvenir du Régime français. Prescott redoutait qu’un afflux d’ecclésiastiques étrangers ne mécontentât peut-être davantage les habitants de la colonie, privant les Canadiens de perspectives d’avancement dans la hiérarchie ecclésiastique. Il se défiait surtout des sulpiciens, car leur communauté insistait pour demeurer française ; c’est pourquoi, en 1798, il s’opposa à ce que le Français Jean-Henri-Auguste Roux* fût élu leur supérieur et, l’année suivante, il suggéra que le gouvernement prît possession des biens de cette congrégation.

Pourtant, Prescott n’était pas hostile à l’Église catholique, car il désirait exploiter l’influence qu’elle exerçait sur la population pour soutenir le gouvernement. Ainsi, lorsque Hubert, désireux de prendre sa retraite, présenta, en 1797, Plessis* comme coadjuteur de Denault, successeur désigné d’Hubert, Prescott l’accepta après s’être assuré de la valeur morale de Plessis et de son loyalisme. Par la suite, il défendit fermement sa décision devant les protestations du prince Edward Augustus qui aurait voulu que le poste allât à un favori personnel, Pierre-Simon Renaud, curé de Beauport. Puisqu’il avait accepté Plessis, Prescott réclamait en contrepartie à Denaut qu’il lui fit tous les ans rapport des postes vacants et des changements d’affectation au sein du clergé. En agissant ainsi, Prescott pensait probablement davantage à se protéger contre l’irritation du prince Edward Augustus en manifestant le désir « de faire valoir la suprématie du roi » qu’à exercer une surveillance royale sur les droits de présentation ecclésiastiques ; en fait, il s’immisça rarement par la suite dans les nominations au sein du clergé. Pour des raisons de sécurité et afin d’éviter de provoquer les Canadiens, il était bien décidé à ne pas empiéter sur les droits dont l’Église catholique avait joui jusque-là. Or, cette attitude l’amena en conflit avec l’évêque de l’Église d’Angleterre à Québec, Jacob Mountain*, qui ne poursuivait d’autre objectif que de renforcer son Église en augmentant ses privilèges et en diminuant la puissance et l’indépendance de sa rivale catholique. Prescott finit par se lasser des récriminations de Mountain ; de toute façon, il aurait compris, vu la situation politique précaire du Bas-Canada, qu’il fallait définir, quoique avec une extrême circonspection, l’autorité ecclésiastique de l’évêque protestant. Tout ce que Prescott pouvait faire pour l’Église d’Angleterre, c’était d’empêcher les particuliers de s’emparer des terres réservées au clergé protestant – s’il pouvait assurer cette protection sans ennuis ou sans frais excessifs.

À son arrivée dans la colonie, Prescott avait trouvé la concession des terres dans le chaos le plus complet. En 1792, le gouvernement avait invité des groupes d’associés à lui adresser des demandes de concessions de canton, mais il avait fait traîner les mesures administratives qu’il lui fallait prendre pour s’occuper de l’avalanche de requêtes qui s’ensuivit. Il eut beau être libéral dans les émissions des permis d’arpentage, qui devait être terminé moins de six mois après, pour 150 cantons comportant quelque sept millions d’acres, on ne put entreprendre aucun levé avant que le gouvernement n’eût nommé des commissaires pour faire prêter le serment d’allégeance, et qu’il n’eût désigné les terres réservées pour la couronne et le clergé protestant ; ces préliminaires allaient durer jusqu’en 1794. Pendant que 1 200 demandes ou plus attendaient une décision du Bureau des terres, de nombreux colons retournèrent aux États-Unis, mécontents ou ruinés financièrement ; d’autres, par optimisme ou désespoir, se mirent à cultiver les terres dont ils n’avaient pas obtenu les titres de propriété, et à y faire des dépenses. Puis, en 1794, après une douloureuse attente, les requérants apprirent que le Conseil exécutif avait décidé de renier ses engagements passés et d’ouvrir toutes grandes, à de nouveaux postulants, les terres pour lesquelles les premiers candidats n’avaient pas rempli les conditions expresses. Jusque-là, le bureau n’avait accordé les titres de propriété que pour un seul canton ; il s’agissait donc d’une déchéance en bloc des droits de possession. Cette opération suscita à la fois un déluge de nouvelles demandes et, de la part des premiers candidats, un tollé contre les retards administratifs et les violations de promesses.

Prescott assuma la responsabilité peu enviable de démêler cette confusion et il imagina un stratagème permettant de départager les colons de bonne foi et les simples spéculateurs en proportionnant la superficie des concessions de canton aux dépenses que les requérants avaient encourues pour les exploiter. Ce projet, que la majorité des candidats acceptait, ne donna pas satisfaction aux spéculateurs fonciers parmi lesquels se trouvaient des membres du Conseil exécutif. Dès le début de son enquête, Prescott avait soupçonné que, de connivence avec Osgoode, certains conseillers, surtout Hugh Finlay, président du comité des terres, et John Young, avaient tiré parti de leur poste officiel pour acquérir de grandes étendues de terre. Selon Prescott, la mesure peu judicieuse qu’avait prise le conseil en 1794 était un complot délibéré d’accapareurs avides de s’emparer des cantons véritablement établis et mis en valeur grâce au travail et aux dépenses des premiers candidats. Lorsque le conseil condamna son plan de règlement des requêtes en 1798, Prescott réagit vivement. Irrité par l’hypocrisie et n’ayant pas l’habitude d’une opposition qu’il tenait pour de l’insubordination, il accusa ouvertement ses conseillers de maquignonnage, de spéculation foncière et de malversations. Par la suite, les relations entre le gouverneur et le conseil se détériorèrent rapidement à mesure que l’échange d’accusations et de récriminations devenait de plus en plus acrimonieux.

À Londres, les autorités devinrent vite ennuyées puis alarmées par ces altercations malséantes. Après qu’un rappel à la cordialité fut resté manifestement sans réponse, le gouvernement britannique estima que ses intérêts dans le Bas-Canada étaient, à un moment critique, dangereusement compromis et, en avril 1799, il rappela Prescott en Angleterre pour consultations. Dépêché comme lieutenant-gouverneur pour apaiser les esprits, Robert Shore Milnes* y réussit en permettant aux conseillers d’acquérir les concessions de terre considérables qu’ils convoitaient.

Pendant qu’il était encore dans le Bas-Canada, Robert Prescott avait reçu le grade de général le 1er janvier 1798. Vers cette époque, il avait fait la connaissance de l’officier britannique George Thomas Landmann* qui, plus tard, se souvint de lui : « le général était de petite taille, ne dépassant pas cinq pieds quatre ou cinq pouces, très svelte et n’ayant certainement pas plus de quatre-vingts ans ; il était néanmoins actif, bon officier, mais excessivement irascible ». Ce fut peut-être ce dernier trait de caractère qui, en définitive, entraîna le rappel de Prescott. En tant que gouverneur, il s’était révélé intègre et doué d’un jugement indépendant, prêt à prendre des décisions désagréables en cas de besoin. Cependant, vieux militaire, il était aussi sincère à l’excès, intolérant à l’égard de l’opposition, obstiné et malhabile dans les délicates questions de la politique coloniale. De retour en Angleterre, il souffrit amèrement à l’idée du blâme que son rappel sous-entendait ; pendant un certain temps, il tenta, mais en vain, que l’on fît enquête sur sa conduite pour se disculper des déclarations fausses et malveillantes d’une clique d’intéressés. Prescott garda le titre de gouverneur et jouit de ses émoluments jusqu’en 1807, mais il ne revint jamais dans le Bas-Canada. Sa mort, à l’âge de 89 ans environ, en décembre 1815, passa presque inaperçue dans la colonie.

Peter Burroughs

Selon une entrée dans le catalogue de la BL, Robert Prescott est peut-être l’auteur de Letter from a veteran to the officers of the army encamped at Boston (s.l., 1774).

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Peter Burroughs, « PRESCOTT, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/prescott_robert_5F.html.

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Auteur de l'article:    Peter Burroughs
Titre de l'article:    PRESCOTT, ROBERT
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    7 déc. 2024