ROBINSON, JOSEPH, juge, homme politique, officier de milice, auteur et avocat, né vers 1742 en Virginie ; il épousa une prénommée Lelia, et ils eurent au moins deux filles ; décédé le 24 août 1807 à Charlottetown.

Lorsque la Révolution américaine éclata, Joseph Robinson habitait la Caroline du Sud et était major de la milice du district de Camden. Le gouverneur, lord William Campbell*, lui ayant ordonné de marcher contre les rebelles dans le district Ninety-Six, il partit avec un détachement de soldats et rencontra les insurgés lors de la bataille de Ninety-Six Court-House en novembre 1775, qui ne fit aucun vainqueur. Mais, pendant ce temps, Campbell avait été contraint de quitter la colonie, et Robinson et ses hommes se retrouvèrent seuls à l’arrière dans l’ouest du pays, sans argent ni provisions. Sa tête ayant été mise à prix, il traversa la région des Cherokees et des Creeks jusqu’à la Floride-Orientale, qu’il atteignit en 1777 ; il fut rejoint là-bas par sa femme et ses filles, qui avaient été chassées de la plantation familiale par les rebelles. Robinson reçut une commission de lieutenant-colonel des South Carolina Royalists et combattit avec son régiment dans plusieurs petits engagements dans le Sud durant le reste du conflit. Mis à la demi-solde par l’armée britannique en 1783, il se rendit avec sa famille en Jamaïque l’année suivante, mais trouvant le climat peu propice, il s’établit au Nouveau-Brunswick en 1785. Finalement, en 1789, Robinson s’installa à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), à l’invitation du lieutenant-gouverneur Edmund Fanning, qui appréciait particulièrement la compagnie d’officiers loyalistes comme lui. Les deux filles de Robinson y trouvèrent d’excellents partis : Rébecca épousa Robert Hodgson et Matilda, le marchand Ralph Brecken.

En 1790, Robinson fut nommé au poste non rémunéré de juge adjoint du juge en chef Peter Stewart de la Cour suprême et fut élu à la chambre d’Assemblée, qui le choisit comme président. Respecté par la plupart des notables de l’île, il était, en 1793, l’un des trois arbitres désignés par les parties pour régler le litige commercial complexe entre le juge en chef de la Cour de l’échiquier d’Écosse, James William Montgomery, et son représentant dans l’île, David Lawson. La même année, il fut nommé l’un des représentants des Loyalistes de l’île et colonel de la milice du comté de Prince. Le refus des miliciens de répondre à son appel à plusieurs occasions était en grande partie une façon de protester contre le fait qu’il ne résidait pas dans le comté plutôt qu’une manifestation d’animosité dirigée contre lui. Bien qu’il habitât Charlottetown, Robinson loua dans le comté de Queens une ferme appartenant à Montgomery et située sur le lot no 34 ; il y fit des expériences en agriculture et apporta de nombreuses améliorations. En 1794, il démissionna de l’Assemblée pour accepter un poste au Conseil de l’île Saint-Jean.

Robinson fit sa plus importante contribution à la politique de l’île en 1796, en publiant sa brochure intitulée To the farmers in the Island of St. John, in the Gulf of St. Lawrence, qui fut largement diffusée par Hodgson. Cet écrit très court, qui ne comptait que quatre pages, traitait principalement des problèmes de sol et de climat rencontrés par les fermiers de l’île. Mais Robinson était également conscient du problème de la tenure des terres, ayant notamment lui-même un litige à régler avec un propriétaire (en l’occurrence, Montgomery) concernant des terres qu’il avait espéré acheter, mais qu’il était obligé de louer. Il croyait que le système existant de tenure à bail, qui était sous l’autorité de grands propriétaires, engendrait dans la population un « état d’abattement, beaucoup de privation, de misère et de détresse : un manque total d’enthousiasme », qui pourrait bien se transformer à la longue en « caricature des clans des Highlands ».

Robinson concluait sa brochure en réclamant une pétition au roi, de la part de la chambre d’Assemblée, lui demandant d’enquêter sur les concessions et de créer une cour d’escheat qui confisquerait les terres des propriétaires fautifs et laisserait les locataires payer les redevances à la couronne. « L’harmonie, le bonheur et la tranquillité devraient alors croître et succéder à la discorde, à la misère et à la détresse ! » Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard n’émigreraient plus vers les provinces « où les terres leur [étaient] concédées ainsi qu’à leurs descendants pour toujours, où ils [pouvaient] cultiver leurs champs en toute quiétude et jouir du fruit de leur labeur, et où les hommes ne craign[aient] que Dieu et le roi ». Connu de la plupart des historiens uniquement à travers les commentaires hostiles des adversaires de Robinson, To the farmers était loin d’être un écrit incendiaire. Les critiques de l’époque prétendaient qu’en soulevant et en popularisant le problème de l’escheat, Robinson n’était simplement que le porte-parole de la faction Fanning-Stewart ; il se peut que leur interprétation ait été fondée. Toutefois, Robinson ne préconisa pas, comme on l’en accusa souvent, un partage général des terres des propriétaires sur la base d’une possession en franche-tenure.

En 1797, Robinson démissionna de son poste de juge afin de devenir le seul attorney en exercice dans l’île, à l’exception de Peter Magowan. Cette décision permit la reprise des travaux de la Cour suprême, qui avaient presque cessé en l’absence d’avocats pour les parties adverses. Selon John Hill* et John MacDonald of Glenaladale, Robinson refusa cependant de plaider durant la session de la Trinité de 1800, car, en raison de l’emprise qu’exerçaient les Stewart sur la cour, il jugeait qu’il ne pourrait obtenir justice pour ses clients.

Joseph Robinson manifestait apparemment une grande curiosité intellectuelle. Dans sa requête à la commission chargée d’examiner les réclamations des Loyalistes, il mentionna « une riche bibliothèque d’ouvrages de latin, grec, hébreu, mathématiques, théologie [et] un grand nombre de textes de loi d’Angleterre », ces derniers remplissant 60 volumes. Son petit-fils, Robert Hodgson*, qui parcourut attentivement ses papiers, le décrivit à Egerton Ryerson* en 1861 comme « un homme doué d’un esprit raffiné, un excellent humaniste, ayant un goût marqué pour l’astronomie et faisant montre d’un talent peu ordinaire pour cette science, qui sembl[ait] avoir diverti et occupé son esprit dans ses dernières années ». Robinson garda manifestement un intérêt pour l’agriculture toute sa vie, car en 1803 il fut l’un de ceux qui jouèrent un rôle décisif dans la mise sur pied d’une société d’agriculture dans l’île. Il mourut en 1807 après quelques années de maladie.

J. M. Bumsted

Les PAPEI conservent un exemplaire de To the farmers in the Island of St. John, in the Gulf of St. Lawrence (s.l., [1796]) (Acc. 2702, Smith-Alley coll.) ; vraisemblablement, il s’agit du seul exemplaire existant. Dans SRO, GD293/2/19/6 (James Douglas à James William Montgomery, 26 avril 1798), on reconnaît la paternité de cet ouvrage à Joseph Robinson.

APC, MG 11, [CO 226] Prince Edward Island A, 17 : 430s.— PAPEI, Acc. 2702, Smith-Alley coll., « Proposal to have meeting of persons interested in farming on the Island an association like the Board of Agriculture in England » ; RG 6, Supreme Court records.— PRO, AO 12/49 : 332–339 ; AO 13/92 : 317–322.— SRO, GD293/2/19/6, 9 ; 293/2/78/12 ; 293/2/81/2.— Documentary history of the American revolution : consisting of letters and papers relating to the contest for liberty, chiefly in South Carolina [...], R. W. Gibbes, édit. (2 vol., New York, 1855–1857), 1 : 214–219.— Loyalists in East Florida, 1774–1785 [...], W. H. Siebert, édit. (2 vol., Deland, Fla., 1929).— Royal Gazette and Miscellany of the Island of Saint John (Charlottetown), 30 janv. 1793.— Egerton Ryerson, The loyalists of America and their times : from 1620 to 1816 (2e éd., 2 vol., Toronto, 1880), 2 : 213–216.

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J. M. Bumsted, « ROBINSON, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/robinson_joseph_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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