CLARK (Clarke), THOMAS, homme d’affaires, officier de milice, juge de paix, fonctionnaire et homme politique, né en Ecosse, probablement dans le Dumfriesshire, fils de Samuel Clark ; le 30 mars 1809, il épousa Mary Margaret Kerr, fille de Robert Kerr, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 6 octobre 1835 à Niagara Falls, Haut-Canada.
Thomas Clark arriva dans le Haut-Canada en 1791 afin de travailler pour son cousin Robert Hamilton*. Impressionné par son jeune protégé, le magnat de Queenston écrivait en 1792 au père de celui-ci : « Je constate qu’il s’occupe de mes affaires avec attention et assiduité, et je suis convaincu que, grâce à ses aptitudes et à ses qualités, il connaîtra la réussite dès qu’il jugera bon de s’établir à son propre compte. Il n’existe peut-être au monde aucun pays qui offre plus d’avenir aux jeunes gens ayant des opinions modérées que celui dans lequel nous sommes présentement. » En 1794, armé des recommandations de son employeur, Clark se rendit à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan) « pour voir », mais la traite des fourrures du Nord-Ouest, alors sur son déclin, lui sembla peu intéressante. Deux ans plus tard, il ouvrit un magasin à Queenston et, peu après, il s’associa à Samuel Street*. Hamilton, qui avait le monopole du portage des marchandises de l’armée et des trafiquants de fourrures autour des chutes du Niagara, assura la prospérité des nouveaux associés en partageant avec eux une partie de ses contrats.
Au début de 1799, Clark demanda aux autorités militaires britanniques la permission d’ériger des installations d’entreposage et de portage le long du Niagara. La même année, il construisit à Queenston un quai et un entrepôt qui lui coûtèrent la somme énorme de 3 000 $. Il possédait aussi des installations semblables à Chippawa et à Fort Erie. Street ayant quitté la compagnie à la fin de l’année, Clark en fonda une nouvelle en 1800, la Thomas Clark and Company, avec Robert Nichol, qu’il avait aussi connu outre-Atlantique et qui appartenait au réseau de Hamilton. Durant les années 1802 et 1803, les associés firent du négoce de farine et d’autres marchandises notamment avec John Askin*, de Detroit. Le 22 octobre 1803, Nichol annonça à ce dernier que l’entreprise « n’avait été profitable » ni à Clark ni à lui-même, et qu’elle avait été dissoute ; cependant, les deux hommes s’étaient quittés en bons termes.
Comparativement à certains de ses parents, Hamilton surtout, Clark n’était pas un gros spéculateur foncier. En 1806, il acheta le bloc 4 des terres des Six-Nations sur la rivière Grand. Deux ans plus tard, il vendit la partie la plus au sud à Robert Addison, et le reste durant les années 1830. En 1809, il possédait déjà 1 900 acres dans la presqu’île du Niagara. En 1811, il acheta le bloc 1, à titre d’associé de son cousin William Dickson* ; en 1816, il lui transféra officiellement ces terres.
Vers 1808 ou 1809, Clark fonda une nouvelle société avec Street. Abandonnant le commerce transitaire, les deux associés mirent en valeur deux grands complexes de meunerie sur le Niagara : d’abord Falls Mills, que Street avait acheté en 1807, puis Bridgewater Mille. Après la mort de Hamilton en 1809, Clark, à titre d’exécuteur testamentaire, veilla de près à la sécurité financière des enfants de son cousin et à l’administration de sa succession. La même année, il conclut une entente avec le comte de Selkirk [Douglas*], en vertu de laquelle il devint son agent d’affaires dans le malheureux établissement de Baldoon, dans le canton de Dover. Sa plus grande difficulté consistait à rectifier les erreurs financières de l’administrateur Alexander McDonell* (Collachie). Quand il assuma sa nouvelle fonction en 1810, il ne put guère que suggérer de vendre du bétail dans l’espoir de recouvrer une partie de l’investissement.
La guerre de 1812 marqua une interruption dans les activités commerciales de Clark. En 1816, une fois le conflit terminé, il disait de son cousin Robert Dickson : « [Il] a fait beaucoup de bruit et semé beaucoup d’horreur dans le pays [... ] mais a oublié l’argent – qui est une assise bien plus solide que les coups d’éclat ou la gloire. » Pourtant Clark lui-même, sans pour autant négliger ses intérêts financiers, s’était distingué comme lieutenant-colonel du 2nd Lincoln Militia. Étant l’un des principaux commandants de milice à la frontière du Niagara, il assista à la bataille de Queenston Heights le 13 octobre 1812 puis à celle du ruisseau Frenchman le mois suivant. Les deux fois, son nom fut mentionné dans les dépêches. En juin 1813, il assista à la reddition des Américains à Beaver Dams (Thorold) et, en juillet, il prit part aux raids menés contre le fort Schlosser (Niagara Falls, New York), et contre Black Rock (Buffalo). En partie à cause d’une légère blessure reçue lors de ce dernier engagement, il s’embarqua à la fin de 1813 pour l’Écosse, d’où il revint au milieu de 1814. Après les hostilités, il fut l’un des commissaires chargés d’évaluer les dommages de guerre dans le district de Niagara. Il fut aussi l’un des commissaires choisis pour ériger un monument à la mémoire du major général sir Isaac Brock* à Queenston Heights.
En juillet 1814, les Américains avaient incendié les deux moulins de Clark et de Street. Même si par la suite ils ne reconstruisirent que Falls Mills, ils demeurèrent les plus grands meuniers de la région. Leurs profits étaient réinvestis dans l’achat d’actions, de débentures et de terres. Le prêt de petites et de grosses sommes était l’une de leurs activités les plus lucratives. Ainsi en 1821, leur société prêta £20 000 au gouvernement pour le remboursement des arrérages sur les pensions des miliciens qui avaient fait la guerre. En 1832, le receveur général John Henry Dunn* détenait en faveur de Clark deux obligations d’une valeur totale de £10 000. Clark ne faisait guère de spéculation foncière à titre personnel puisque, apparemment, il ne possédait qu’environ 5 000 acres de terre ; par contre, il avait acheté en copropriété avec Street 55 000 autres acres.
Parallèlement à son association avec Street, Clark avait aussi ses propres activités commerciales. Par exemple, il participa à une entente quadripartite à long terme avec John Jacob Astor, de New York, et certains de ses associés dans le but de vendre et d’expédier de la farine. Les ventes se faisaient à Montréal, à New York et à la Jamaïque ; en une occasion, Clark récolta l’imposant bénéfice de 15 500 $. Toujours lié à Selkirk, il donna des conseils en vue de l’expédition à la rivière Rouge en 1816, puis l’équipa, et vendit les terres de Selkirk à la rivière Grand.
Clark était un sceptique qui avait une vision claire, quoique étroite, de ses desseins dans la vie. À propos de la politique, il écrivait : « Depuis mon arrivée dans le Haut-Canada, je n’ai connu que du désordre et des problèmes, je veux dire avec les affaires publiques, — [la politique] est une tâche difficile qui ne rapporte aucune rémunération. C’est une occupation honorable, mais je souhaiterais en être débarrassé car j’ai à m’occuper de bien des affaires personnelles qui ont plus d’importance pour moi. » Contrairement à son associé, Clark accepta pourtant, sans grand enthousiasme il est vrai, de participer à la vie politique après la guerre. Auparavant, il avait occupé des postes mineurs : il était juge de paix depuis 1800 et administrateur de la grammar school du district depuis 1808. Le 16 novembre 1815, il fut nommé au Conseil législatif ; cette nomination visait à le récompenser de ses faits d’armes et à reconnaître en quelque sorte sa richesse et son importance. Comme le conseil était l’un des bastions des grands propriétaires terriens et marchands, il n’est pas surprenant que ce furent souvent des questions susceptibles de toucher ses propriétés foncières ou ses activités commerciales qui l’amenèrent à intervenir avec le plus de force.
La décision du gouvernement d’empêcher les Américains de posséder des terres mécontenta l’élite de la presqu’île du Niagara et fut l’un des premiers grands sujets de querelle. Cette décision suscita l’opposition vigoureuse de Clark et de Dickson au conseil et de Nichol à l’Assemblée. La question fut reprise par Robert Gourlay*, cousin de la femme de Clark qui était venu dans la province en 1817 dans l’espoir de refaire fortune. Il escomptait emprunter de l’argent à Clark, mais fut déçu lorsque celui-ci lui expliqua que ses richesses étaient investies dans des terres et que le marché foncier avait subi une dépréciation depuis que le gouvernement excluait les colons américains. Clark réagit favorablement à l’exposé dans lequel Gourlay posait 31 questions aux propriétaires terriens qui résidaient dans le Haut-Canada et ajouta en novembre 1817 sa signature à celles des notables qui demandaient une assemblée de canton pour répondre à ces questions. Cependant, quand Gourlay tomba en disgrâce l’année suivante pour avoir attaqué le gouvernement dans son deuxième exposé, Clark prit rapidement ses distances par rapport à lui. Le 20 avril, il lut devant les habitants du canton de Stamford un discours dans lequel il accusait Gourlay d’être un éternel mécontent et d’avoir mal interprété ses propres récriminations contre le gouvernement (Gourlay avait prétendu que son deuxième exposé avait été non seulement inspiré mais approuvé par Clark et Dickson).
Une question connexe, la politique de taxation foncière, souleva également des dissensions peu après l’agitation provoquée par Gourlay. Déjà, à plusieurs reprises, des conseillers législatifs intéressés avaient empêché l’imposition des terres inexploitées de la province, qui appartenaient d’ordinaire à des spéculateurs résidant souvent ailleurs que dans le district où se trouvaient ces terres. Mais en 1819, puis de nouveau cinq ans plus tard, le conseil dut accepter de nouvelles lois qui avaient été adoptées par la chambre d’Assemblée, appuyées par le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* et approuvées par le secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst. Les spéculateurs comme Clark devaient payer les taxes prévues, faute de quoi leurs terres seraient mises aux enchères dès qu’ils auraient accumulé des arrérages de huit ans. Quand l’Assemblée envisagea de réviser la loi, en 1828, Clark ne fut pas le seul à faire désespérément pression pour être exempté. Lui-même allégua fermement, devant un comité de la chambre, qu’il était injuste de taxer toutes les terres également, sans tenir compte de leur valeur ou de leur emplacement. Malgré la vigueur de cette opposition, la loi ne fut pas abrogée et seule sa formulation fut quelque peu modifiée pour apaiser les critiques. Les premières ventes de terres appartenant à des propriétaires délinquants eurent lieu en 1830, et de gros spéculateurs sautèrent sur cette nouvelle occasion d’investir. Contrairement au dessein des législateurs, les terres ne furent donc pas mises en culture, mais rachetées par des hommes comme Clark, Dickson et Street.
Si Clark s’exposait à la défaveur des autorités en s’opposant avec persistance aux politiques qui, selon lui, nuisaient à ses affaires, il fit par contre œuvre utile dans les cas où la politique gouvernementale allait dans le sens de ses intérêts. En 1821 par exemple, il fut l’un des commissaires chargés de négocier avec le Bas-Canada une nouvelle entente sur le partage des revenus. Au conseil, il se préoccupait surtout du développement des transports : sans doute comprenait-il qu’à long terme l’amélioration de la navigation entre le Haut et le Bas-Canada profiterait aux gros marchands. En 1818, il siégea, notamment avec James Crooks*, au comité mixte des deux provinces qui étudiait l’amélioration de la navigation le long du Saint-Laurent : les commissaires réclamèrent un réseau de canaux et d’écluses de dimensions égales à ceux de l’état de New York. Plusieurs années plus tard, il fut membre de la commission qui surveilla la construction d’un canal entre la baie de Burlington (port de Hamilton) et le lac Ontario. En 1825, il présida une réunion convoquée pour financer des levés qui permettraient de déterminer le meilleur trajet à suivre pour creuser un canal entre Montréal et Prescott ; il fallait en effet que cette voie soit assez profonde et large pour les navires des Grands Lacs. Il s’intéressa en outre à des entreprises plus locales comme la Grand River Navigation Company et l’Erie and Ontario Railroad.
Lorsque Thomas Clark avait commencé sa carrière dans le Haut-Canada, son seul atout était d’être le parent d’un homme originaire du Dumfriesshire, Robert Hamilton. Il dut sa réussite à son travail acharné, à sa détermination, à sa persévérance, à sa prévoyance, et à son sens aigu des affaires. Ces qualités firent de lui l’un des marchands les plus importants et les plus riches du Haut-Canada ; à sa mort, William Lyon Mackenzie* évalua sa succession à £100 000. Sa correspondance révèle qu’il recourut constamment aux réseaux de sa famille pendant les années 1830. Il vivait comme un gentleman avec sa femme et leurs domestiques dans sa résidence de 40 pièces, Clark Hill (qui devint par la suite la propriété de sir Harry Oakes*), sur un domaine surplombant les chutes du Niagara et, dans ses moments de loisir, il aimait jouer aux cartes avec d’autres membres de l’élite du Haut-Canada.
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Bruce A. Parker et Bruce G. Wilson, « CLARK (Clarke), THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/clark_thomas_6F.html.
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Auteur de l'article: | Bruce A. Parker et Bruce G. Wilson |
Titre de l'article: | CLARK (Clarke), THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 3 déc. 2024 |