ERMATINGER, CHARLES OAKES, trafiquant de fourrures, marchand, officier de milice et juge de paix, né le 1er février 1776 à Montréal, fils de Lawrence Ermatinger*, marchand, et de Jemima Oakes ; décédé le 4 septembre 1833 au même endroit.

C’est en 1795, semble-t-il, que Charles Oakes Ermatinger s’engagea dans le commerce des fourrures en qualité de commis de la North West Company. À la fin de 1798, il travaillait sur les bords de la Saskatchewan-du-Nord lorsqu’il se perdit dans cette immensité sauvage avec un autre trafiquant. Ermatinger retrouva son chemin au bout de 16 jours, mais son compagnon ne revint jamais. À l’été de 1799, Ermatinger se trouvait dans la région de Fond-du-Lac (Superior, Wisconsin) et, comme Alexander Mackenzie* de la North West Company le soupçonnait, il travaillait clandestinement pour John Ogilvy*, l’un des dirigeants d’une société fondée depuis peu, la New North West Company (appelée parfois la XY Company). En juillet 1800, toutefois, William McGillivray, de la North West Company, se réjouissait de ce que « l’attitude hautaine et dictatoriale d’Ogilvy » avait incité Ermatinger à rallier la plus ancienne des deux compagnies. Plus solide, celle-ci absorba sa rivale en novembre 1804. En vertu de l’entente conclue lors de cette transaction, la North West Company fut autorisée à désigner trois nouveaux associés hivernants après que la New North West Company en eut nommé six ; c’est ainsi qu’en juillet 1805 on promit à Ermatinger et à deux autres commis qu’ils obtiendraient chacun une action dans l’entreprise agrandie, à partir de la saison de traite de 1808, « pour les encourager à garder leur zèle et leur bonne conduite dans l’accomplissement de leur tâche » , En 1806, Ermatinger était commis au département du lac Ouinipique, sous la direction de William McKay.

En 1807, Ermatinger quitta la North West Company et, contre une somme de £600, il promit de ne pas se livrer avant sept ans à un commerce susceptible de nuire à cette société. Dès 1808 peut-être, mais plus vraisemblablement en 1810, il s’établit comme trafiquant indépendant et marchand à Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Ontario), en territoire britannique, sur la rive nord de la rivière Sainte-Marie ; quelques années plus tôt, il avait été le représentant de la North West Company dans un poste situé du côté américain. Son frère Frederick William devint son banquier et son fournisseur à Montréal. Durant la guerre de 1812, Charles Oakes fit partie, à titre de capitaine dans la milice, de l’expédition qui, sous la direction du capitaine Charles Roberts*, partit du fort Saint-Joseph (île St Joseph, Ontario) pour enlever Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan) aux Américains le 17 juillet 1812. En août 1814, Ermatinger possédait ce que Gabriel Franchère* appelait « un jolie établissement » et il venait de construire un moulin à vent « pour encourager l’agriculture, car les gens qui habit[aient] le Sault Ste Marie n’[étaient] pas fort adonés au travail » , Ermatinger lui-même cultivait du blé et d’autres céréales. En 1819, il développa son entreprise en achetant les biens que le marchand Jean-Baptiste Nolin possédait en territoire américain. Vers 1800, Ermatinger avait épousé à la façon du pays une jeune fille de la tribu des Sauteux, Charlotte Cattoonaluté, alors âgée de 15 ans. En 1815, le couple avait huit enfants ; en 1817, un des garçons fut mis aux études à Trois-Rivières, au Bas-Canada, et un autre fut envoyé à Montréal l’année suivante. Tous deux furent confiés à la garde de leur oncle Frederick William.

Comme Ermatinger jouissait d’un certain prestige à Sault-Sainte-Marie, il devint juge de paix en 1816. En juin de cette année-là, le gouverneur Robert Semple* et une vingtaine de colons de la Rivière-Rouge (Manitoba) furent massacrés par un groupe de Métis qui avaient des relations amicales avec la North West Company, et lord Selkirk [Douglas*] demanda à Ermatinger et à un autre juge de paix, John Askin, de l’accompagner au fort William (Thunder Bay, Ontario) afin d’arrêter les dirigeants de la compagnie. Les deux hommes refusèrent, soit parce qu’ils craignaient les représailles de la North West Company ou qu’ils estimaient que, dans les circonstances, Selkirk ne se conduisait pas d’une manière raisonnable. Même s’il avait de toute évidence déçu Selkirk, Ermatinger, qui expédiait des approvisionnements dans la colonie de la Rivière-Rouge depuis des années, sans nul doute malgré l’opposition de la North West Company, put continuer de le faire au moins jusqu’en 1821.

Durant cette période, Ermatinger était le seul à concurrencer sérieusement l’American Fur Company de John Jacob Astor sur le territoire américain avoisinant Sault-Sainte-Marie. Il se montra très habile à éluder les restrictions imposées par les Américains aux trafiquants d’origine britannique et à leurs articles de traite ; en 1817, par exemple, pour faire le commerce de marchandises britanniques provenant de Montréal, il les vendit à un trafiquant américain, puis il se fit engager par ce dernier comme représentant afin de pouvoir travailler sur la rive sud du lac Supérieur et dans la région située au delà de Fond-du-Lac. Finalement, l’American Fur Company persuada les autorités des États-Unis de retirer à Ermatinger et à ses hommes tous les permis qui leur avaient été accordés ; à la fin de 1819, celui-ci fut donc obligé de limiter le commerce qu’il faisait en terre américaine. Durant plusieurs années, toutefois, il continua de nuire à l’entreprise d’Astor par ses activités de trafiquant et de fournir des marchandises britanniques à d’autres commerçants de la région.

En 1822, l’armée expropria l’établissement qu’Ermatinger possédait dans la localité américaine de Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Michigan), probablement à l’ancien poste de Nolin, car on avait besoin de l’emplacement pour construire un fort, et ce fut seulement après une vive lutte qu’Ermatinger obtint des dédommagements. II ramena le siège de ses activités dans la localité britannique de Sault-Sainte-Marie et fit du commerce dans les environs, à l’île Drummond (Michigan) et ailleurs. Il construisit la première maison en pierre de la région, au coût énorme de £2 000. En mai 1823, le trafiquant de fourrures John Siveright* faisait observer à ce propos : « L’élégante maison neuve de M. Ermatinger est un véritable atout, alors que toutes les autres sont des constructions d’apparence médiocre [...] en outre, il a commencé deux tours en pierre de chaque côté de la maison, l’une devant abriter un moulin et l’autre une auberge, tout cela sur une grande échelle et témoignant largement de son bon goût. » La maison allait devenir un lieu de réunions sociales mais, comme le faisait remarquer Siveright, la mort de trois des fils d’Ermatinger à l’été et à l’automne de 1822 « limita les plaisirs habituels de l’hiver à une partie de whist de temps en temps ».

Après la mort de Frederick William en 1827, Ermatinger abandonna à l’American Fur Company les intérêts commerciaux qu’il possédait au lac Supérieur, tout en conservant son établissement de Sault-Sainte-Marie, et il se retira avec sa famille dans une ferme à Longue-Pointe (Montréal). À la fin de 1829, un groupe de marchands montréalais l’envoyèrent à Londres pour faire valoir leurs revendications contre une entreprise en faillite, la McGillivrays, Thain and Company. L’année suivante, il se vit offrir une charge de juge de paix pour le district de Montréal, mais des problèmes de santé le forcèrent à refuser le poste. Le 6 septembre 1832, Charlotte Cattoonaluté et lui se marièrent à la Christ Church de Montréal. Ils avaient eu 13 enfants, dont 4 ou 5 étaient morts en bas âge ; Charles Oakes, l’aîné des garçons, allait hériter de l’établissement de Sault-Sainte-Marie et servir comme officier de cavalerie à Montréal durant les rébellions de 1837–1838, tandis que Frederick William* allait occuper le poste de surintendant de la police de Montréal.

Charles Oakes Ermatinger mourut le 4 septembre 1833. Il s’était fait connaître par son hospitalité et par ses manières joviales, en particulier à Sault-Saint-Marie où il avait contribué à la prospérité de la région en se livrant à l’agriculture et au commerce. Au cours de sa vie, il avait assisté à la disparition des trafiquants de fourrures indépendants et à l’avènement d’une époque où les grandes compagnies exerçaient une influence décisive sur la vie économique des colonies.

Myron Momryk

La maison en pierre de Charles Oakes Ermatinger à Sault Ste Marie, Ontario, est maintenant un musée d’histoire locale et constitue un des rares rappels permanents de la contribution de la famille Ermatinger à l’histoire canadienne.  [m. m.]

ANQ-M, CE1-63, 3 févr. 1776, 6 sept. 1832, 4 sept. 1833 ; CN1-185, 16 juill. 1807 ; CN1-187, 12 mai 1815, 18 avril 1828.— APC, MG 19, A2, sér. 1, 1 ; 3 ; sér. 3, 28 ; 32 ; 35 ; 184 ; 186 ; 192–193 ; 201–203 ; sér. 4 ; E1, sér. 1, 1–2 (copies) ; MG 23, GII, 3, vol. 6, 21 sept. 1810 ; RG 4, A 1 41531 ; 332: 50.— Molson Company Arch. (Montréal), John Molson à Francis Perry, 6 févr. 1830.— Docs. relating to NWC (Wallace), 205, 220, 254, 438, 489.— Gabriel Franchère, Journal of a voyage on the north west coast of North America during the years 1811, 1812, 1813, and 1814, W. T. Lamb trad., introd. de W. K. Lamb (Toronto, 1969), 185, 319–320.— [James] Hargrave, The Hargrave correspondence, 1821–1843, G. P. de T. Glazebrook, édit. (Toronto, 1938), 4, 6.— HBRS, 2 (Rich et Fleming).— Mackenzie, Journals and letters (Lamb), 478, 495.— Canadian Courant (Montréal), 1807–1834.— Montreal Gazette, ler mars 1827, 5 sept. 1833.— E. H. Capp, The story of Baw-a-ting, being the annals of Sault Sainte Marie (Sault Ste Marie, 1904 ; réimpr., 1907).— D. [S.] Lavender, The fist in the wilderness (Garden City, N.Y., 1964), 187, 268–269, 275, 298, 460, 462.— C. [B.] Martin, Lord Selkirk’s work in Canada (Toronto, 1916), 119.— R. A. Pendergast, « The XY Company, 1798 to 1804 » (thèse de ph.d., univ. d’Ottawa, 1957), 142.— P. C. Phillips, The fur trade (2 vol., Norman, Okla., 1961), 2 : 369.— K. W. Porter, John Jacob Astor, business man (2 vol., Cambridge, Mass., 1931 ; réimpr., New York, 1966), 2 : 710.— Sylvia Van Kirk, « Many tender ties » : women in fur-trade society in western Canada, 1670–1870 (Winnipeg, [1980]).

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Myron Momryk, « ERMATINGER, CHARLES OAKES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ermatinger_charles_oakes_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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