GARDEN, GEORGE, homme d’affaires, officier de milice, homme politique et juge de paix, né vers 1772 en Écosse ; il épousa Euphemia Forbes, et ils eurent deux fils ; décédé le 15 octobre 1828 à Montréal.

Parti de Glasgow, George Garden débarqua à Québec en juillet 1793. Pendant la première décennie du xixe siècle, il fut à l’occasion exécuteur testamentaire et administrateur de successions à Montréal. En 1806, des biens qu’il administrait furent saisis à la suite d’un procès pour dettes intenté par Alexander Auldjo et William Maitland. Or, dès juin 1812, Garden était l’associé de ces deux hommes au sein de l’Auldjo, Maitland and Company, société montréalaise de gros qui vendait des marchandises importées aux commerçants du Haut-Canada et qui exportait de la cendre, du bois et du blé. En 1813, Alexander Auldjo partit pour l’Angleterre, puis son neveu George Auldjo* s’associa à la compagnie qui devint alors la Maitland, Garden, and Auldjo. En 1815, la compagnie s’occupait déjà des intérêts commerciaux de lord Selkirk [Douglas*], dont Garden et sa femme devinrent des amis intimes. Quand, au printemps de cette année-là, Selkirk craignit que la colonie qu’il avait fondée peu de temps auparavant à la rivière Rouge ne soit attaquée par les trafiquants de fourrures de la puissante North West Company de Montréal, ce fut la Maitland, Garden, and Auldjo qui transmit ses pressantes demandes d’aide militaire à l’administrateur du Bas-Canada, sir Gordon Drummond*. En outre, il semble que dès 1822 Garden et George Auldjo étaient associés dans une entreprise ayant son siège social sur le quai Goudie, à Québec, la Garden, Auldjo and Company.

Dès 1818, Garden était devenu, avec Auldjo, représentant d’une société londonienne d’assurances contre l’incendie qui faisait affaire au Canada par l’entremise d’une agence qu’Alexander Auldjo avait ouverte à Montréal en 1804. Cette société, la Phoenix Assurance Company, avait soulevé l’ire des marchands de Québec en 1808 en annulant la plupart des polices pour les bâtiments de la basse ville, alléguant que ce secteur était très exposé aux incendies. La compagnie était revenue sur sa décision et avait amélioré son service, en offrant notamment en 1816 des polices couvrant jusqu’à £10 000 par risque et des indemnités payables sans délai dans la colonie, mais cela n’avait pas étouffé toutes les rancœurs. La même année, un groupe d’hommes d’affaires avait fondé la Compagnie d’assurance de Québec contre les accidents du feu, ce qui avait donné naissance à une rude concurrence. Puis, en 1818, la Phoenix décida de contester une réclamation venue de Québec, et Garden et Auldjo se trouvèrent mêlés à une vive querelle avec la nouvelle compagnie, qui tentait de profiter de cette décision. Menacée par la création d’une autre société, la Compagnie d’assurance de Montréal contre les accidents du feu, la Phoenix tenta en septembre de regagner son monopole en autorisant Garden et Auldjo à offrir des polices dont les primes étaient inférieures de 10% à celles de tous ses concurrents, sauf lorsqu’il s’agissait de moulins et d’édifices en bois construits très près les uns des autres, lesquels avaient « toujours été sources de pertes importantes » pour Garden et Auldjo.

En 1817, Garden avait commencé à participer à la mise sur pied d’un autre secteur financier dans le Bas-Canada, les banques. Avec d’autres associés et au nom de la Maitland, Garden, and Auldjo, il avait signé les statuts de la Banque de Montréal et présenté une requête en vue de sa reconnaissance juridique. À titre de simple administrateur de 1817 à 1826, et de vice-président de 1818 à 1822, il se révéla un gestionnaire énergique. Il fut membre du comité qui choisit un terrain pour la banque, rue Saint-Jacques ; en fait, il semble que le premier édifice de la banque fut construit selon le modèle de l’austère immeuble géorgien qui abritait la Maitland, Garden, and Auldjo rue Saint-Paul et qui était l’œuvre d’un architecte anglais que Garden avait lui-même engagé. De même, Garden fit partie d’un comité qui étudia la possibilité d’implanter la Banque de Montréal à Québec [V. Daniel Sutherland] et dans le Haut-Canada. Il siégea aussi au conseil d’administration de la Banque d’épargne de Montréal, qui fut fondée en 1819.

Les intérêts commerciaux que la Maitland, Garden, and Auldjo avait dans le Haut-Canada poussèrent Garden à promouvoir l’amélioration des communications avec cette colonie et l’élargissement des marchés aux produits haut-canadiens. En mai 1817, il devint commissaire chargé d’améliorer et de réparer la route entre Montréal et Lachine et, en août 1818, commissaire chargé d’améliorer les communications entre le Haut et le Bas-Canada par le Saint-Laurent et la rivière des Outaouais. Comme les rapides de Lachine étaient le principal obstacle au transport par eau vers le Haut-Canada, un groupe d’hommes d’affaires importants de Montréal, dont Garden, fondèrent la Compagnie des propriétaires du canal de Lachine, qui obtint sa charte en mars 1819 [V. François Desrivières]. Après la faillite de la compagnie en 1821, Garden fut nommé membre d’une commission formée avec l’autorisation du Parlement du Bas-Canada pour terminer les travaux, qui durèrent finalement cinq ans et qui coûtèrent £107 000. La chambre d’Assemblée ayant momentanément retiré son appui financier en 1823, Garden et le président de la commission, John Richardson, obtinrent de la Banque de Montréal des emprunts totalisant £8 000. En août 1821, les deux hommes avaient fait partie d’un comité regroupant d’importants marchands de la ville, dont le but était d’exercer des pressions sur le gouvernement impérial ; en effet, ils voulaient qu’il ouvre les marchés britanniques et antillais sans imposer de restrictions sur le blé et la farine provenant du Canada, car l’agriculture et le commerce de la colonie étaient « dans un tel état de dépression et de misère que ceux qui y [étaient] engagés risqu[aient] la ruine si des secours ne leur parv[enaient] pas rapidement ».

L’ascension croissante de Garden dans le monde des affaires se reflétait dans sa vie sociale. En 1807, il participa à la fondation du Montreal Curling Club. Enseigne dans la British Militia of the Town and Banlieu of Montreal en 1799, il était, dès 1812, capitaine dans une unité britannique, le 1er bataillon de milice de la ville de Montréal ; il servit aussi comme capitaine dans les Montreal Incorporated Volunteers en 1812–813. Membre en vue de la congrégation Scotch Presbyterian (connue plus, tard sous le nom de St Gabriel Street), il fit partie de son comité des affaires temporelles – à titre de président en 1812 – et fut ordonné conseiller presbytéral en 1819. Il siégea également au conseil d’administration du Montreal General Hospital, qui fut fondé en 1819 [V. William Caldwell]. Député de Montréal-Ouest de 1820 à 1824, avec Louis-Joseph Papineau*, il agit souvent à l’Assemblée comme porte-parole du milieu des affaires. Juge de paix à Montréal à compter du 28 juin 1821, il fut également président d’un jury d’accusation qui, en mai 1823, dénonça l’ingérence du Conseil exécutif dans l’administration de la justice. Au nom de l’austérité, le conseil avait discrètement réduit les fonds affectés aux dépenses des témoins comparaissant lors de procès au criminel et restreint le rôle de jurés aux habitants de la ville. En 1824 et 1827, Garden reçut une commission d’audition et de jugement des causes criminelles et d’audition générale des délits commis par les personnes emprisonnées.

Au début des années 1820, c’est-à-dire en pleine période de resserrement du marché monétaire britannique, la Maitland, Garden, and Auldjo se trouva dans une situation financière de plus en plus précaire, parce qu’elle avait contracté de lourds emprunts en Grande-Bretagne. Vers juillet 1825, pour répondre aux exigences de ses créanciers britanniques, elle obtint de la Banque de Montréal, par l’entremise de son président, Samuel Gerrard*, des avances dont le total dépassait de beaucoup la limite de £10 000 par client, telle que le stipulaient les règlements de la banque. En conséquence, Gerrard fut accusé de favoritisme par un administrateur de la banque, George Moffatt*, et le conseil d’administration se scinda en deux camps, Garden soutenant Gerrard. La faillite fracassante de la Maitland, Garden, and Auldjo en 1826 [V. George Auldjo] ébranla le milieu des affaires montréalais, qui était déjà affaibli par une dépression économique. À la suite de cet événement et de la faillite de deux autres grandes compagnies, Gerrard perdit son poste de président de la Banque de Montréal.

En 1825, George Garden était parti pour la Grande-Bretagne, où il avait déjà séjourné en 1809–1810 et en 1821–1822. Il revint à Montréal en 1827, probablement dans l’espoir de se refaire une situation en remettant sur pied sa compagnie, mais il échoua et mourut ruiné, en octobre 1828, à l’âge de 56 ans environ. L’inventaire de sa succession, qui révélait un actif de £375 seulement et des dettes de £698 11 s 11 d, conclut tristement la carrière de celui qui avait été l’un des premiers à faire fortune dans le commerce à Montréal.

Gérald J. J. Tulchinsky

ANQ-M, CN1-187, 16 mars 1829.— APC, RG 4, B46 : 19–23, 31–32, 1400–1404 ; RG 43, CIII, 1, vol 2453, 31 juill. 1819 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 96, 196, 212, 349.— B.-C., Statuts, 1820–1821, chap. 6.— La Gazette de Québec, 23 juill. 1799, 22 déc. 1803, 9 janv. 1806, 4 juin 1812, 22 mai 1817, 25 juin, 17 sept., 5 déc. 1818, ler avril 1819, 20 mars, 20 avril, 18 mai, 3, 20 juill., 2 nov. 1820.— Almanach de Québec, 1800 : 104 ; 1805 : 47 ; 1815 : 90.— F.-J. Audet, les Députés de Montréal, 228–229.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », ANQ Rapport, 1927–1928 : 141.— Officers of British forces in Canada (Irving), 164.— R. Campbell, Hist. of Scotch Presbyterian Church, 318–319.— Denison, Canada’s first bank, 1 : 72–73, 84–85, 103–104, 117–120, 122, 132, 161–163, 171, 188, 193, 207–208, 215, 219–220, 225, 228, 238.— J. M. Gray, Lord Selkirk of Red River (Toronto, 1963), 122, 180, 195 248–249.— Tulchinsky, « Construction of first Lachine Canal », 37.

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Gérald J. J. Tulchinsky, « GARDEN, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/garden_george_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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