JOSEPH, HENRY (connu également sous le prénom de Harry), homme d’affaires et officier de milice, né vers 1773 en Angleterre, fils de Naphtali Joseph et d’une des sœurs d’Aaron Hart* ; décédé le 21 juin 1832 à Berthier-en-Haut (Berthierville, Québec).

La famille Joseph quitta apparemment les Pays-Bas pour aller s’installer en Angleterre. Vers 1789, Henry Joseph et ses frères aînés, Abraham et Judah, immigrèrent dans la province de Québec sur les conseils de leur oncle, Aaron Hart, éminent marchand de Trois-Rivières. Il se peut que Henry ait travaillé quelque temps au commissariat militaire de William Henry (Sorel). Il eut tôt fait cependant de s’associer à ses frères, qui s’étaient établis comme marchands commissionnaires à Berthier-en-Haut. Ce village s’avérait un poste commercial avantageusement situé en face de l’embouchure du Richelieu, une des principales voies de communication avec les États-Unis. À Berthier-en-Haut, le 28 septembre 1803, Joseph épousa Rachel Solomons (Solomon), fille de Levy Solomons*, un important marchand et trafiquant de fourrures de Montréal qui était décédé en 1792 ; ils allaient avoir 12 enfants. Joseph acquit peu à peu des biens considérables à Berthier-en-Haut, notamment une grande maison de pierre où il gérait ses affaires en collaboration avec son frère Judah. Abraham, pour sa part, se trouvait à Londres en qualité de représentant de Moses Hart*. Henry et Judah étaient les représentants de Hart à Berthier et ils lui vendaient une grande variété de marchandises, y compris de la bière, des clous, des souliers et des chapeaux. Ils avaient aussi comme client Francis* ou James Badgley, dont les graves problèmes financiers, en 1803, mirent en danger leur propre entreprise.

Pendant la guerre de 1812, Joseph servit dans la milice. Après la fin des hostilités, il diversifia ses activités commerciales et en élargit le territoire. À l’été de 1815, il quitta Berthier-en-Haut pour parcourir les pays d’en haut. Il fournissait des, provisions et des articles de traite aux trafiquants de fourrures en société avec ses beaux-frères Benjamin Samuel Solomons (Solomon) et Jacob Franks*. De plus, il rapportait des fourrures des postes de l’Ouest dans ses propres canots pour les expédier ensuite en Grande-Bretagne. Il affréta au moins deux navires, le Rachel et l’Eweretta ; ce dernier devint fort populaire auprès des hommes d’affaires les plus importants de la colonie pour le transport des marchandises et des passagers. Joseph a été considéré comme un des fondateurs de la marine marchande canadienne, car il fut un des premiers hommes d’affaires à affréter des navires du Bas-Canada pour faire le transport en ligne directe vers l’Angleterre et servir exclusivement au commerce du Haut et du Bas-Canada. En 1817, il fut de ceux qui s’adressèrent à la chambre d’Assemblée afin d’obtenir une charte pour la Banque de Montréal.

Il semble que dès 1818 Henry et Judah menaient leurs affaires séparément à Berthier-en-Haut. Henry avait un magasin qui lui permettait d’approvisionner en produits manufacturés l’important marché agricole que constituaient les vallées du Saint-Laurent et du Richelieu. Cette année-là, il mit en vente 13 paires de meules de moulin en pierre meulière provenant de France, 4 moulins à bras pour le malt et les pigments de peinture, des poulies en fonte, des pics de moulin en acier coulé et « de l’Anti-Attrition, composition à patente pour l’usage des machines à vapeur et autres, moulins, voitures ». L’année suivante, il annonçait qu’il avait plus de 200 pierres meulières françaises à vendre.

En 1822, même si Joseph vivait toujours à Berthier-en-Haut, il était l’un des associés de la Benjamin Samuel Solomon and Company, firme montréalaise qui importait et préparait du tabac. En même temps, il continua certainement à faire le commerce des fourrures car, en décembre 1822, il annonça dans la Gazette de Québec qu’il se rendait dans cette ville avec un vaste assortiment d’articles de fourrure fabriqués à Montréal, notamment des « casques de dames, de chinchille, loup-marin, zibéline, genet, et martre, avec manchons et palannes pour assortir ; casques d’homme, de loutre, martre, loup marin de Russie, genet et fouine, avec gants et mittaines pour assortir ; Robes de cariole de racon, pêcheur, renard, buffle ». Ses diverses entreprises prospérèrent et, en janvier 1825, lors d’une vente judiciaire à Montréal, il offrit d’acheter un immeuble au prix de £3 000 si Moses Hart acceptait de lui prêter £1 000 ou £2 000. Hart refusa ; Joseph acheta néanmoins une grande propriété à Montréal, place Près-de-Ville. En 1826, il était considéré comme un résident de Montréal, mais il vivait encore une partie du temps à Berthier-en-Haut, où il était capitaine et officier payeur dans la milice et où son fils aîné, Samuel, dirigeait ses affaires. À une date inconnue, il ouvrit une filiale à Québec sous la raison sociale de Henry Joseph and Company.

En 1830, Joseph prit sa retraite à Montréal. Juif très engagé, il se montra actif au sein de la communauté juive de la ville, qui comptait moins de 100 personnes. À l’époque où il avait vécu à Berthier-en-Haut, isolé des autres Juifs, il avait préparé un calendrier religieux permettant à sa famille d’observer les fêtes juives et il avait appris à abattre selon le rituel les animaux destinés à l’alimentation. Avec Rachel, il avait enseigné à ses enfants à respecter les pratiques et les lois de sa religion.

Au début d’octobre 1831, à la suite du décès de Benjamin Samuel Solomons, Henry Joseph devint le tuteur des enfants mineurs de Solomons et, semble-t-il, l’unique propriétaire de la vaste entreprise de la rue La Gauchetière où l’on manufacturait le tabac et importait du tabac à priser. En juin 1832, Samuel Joseph attrapa le choléra, mal redoutable qui faisait des ravages à Berthier-en-Haut. Henry se précipita à son chevet mais, à son arrivée, son fils était déjà mort. Lui-même fut terrassé par la maladie et mourut le lendemain à l’âge de 59 ans. Le père et le fils furent immédiatement ensevelis dans le jardin familial ; plus tard, on les inhuma dans le cimetière de la congrégation Shearith Israel, à Montréal. Joseph laissait sa femme, quatre fils et quatre filles. Après sa mort, l’entreprise fut dirigée pendant quelque temps par Rachel et par un de ses fils, Jacob, qui ajouta le nom de Henry au sien en l’honneur de son père. En 1837, Abraham*, le deuxième des fils vivants de Henry, s’associa à son frère aîné, mais leur association dura peu, même si elle ne prit fin officiellement qu’en 1859. En 1836, on avait fait l’inventaire des biens que Henry et Rachel possédaient en communauté. Ce relevé montre que Henry avait probablement laissé les siens dans l’aisance : les effets de la maison furent évalués à £532 et le fonds de commerce à £3 650, tandis que les actions et les débentures s’élevaient à £900. Tous les enfants qui survécurent à Joseph se débrouillèrent bien. Sa fille aînée, Catharine, épousa un éminent médecin de Montréal, Aaron Hart David, et la plus jeune, Esther, se maria avec un leader de la religion juive, Abraham De Sola*. Parmi ses fils, Abraham épousa une des petites-filles d’Aaron Hart, Sophia David, et joua un rôle important comme marchand, banquier et homme politique sur la scène municipale de Québec ; Jesse devint un industriel en vue et un important promoteur de chemins de fer ; le plus jeune, Gershom, qui épousa une Française, Céline Lyons, en Californie, fut le premier Juif à être nommé conseiller de la reine au Canada.

Annette R. Wolff

Les responsables du DBC/DCB tiennent à remercier le professeur Robert Sweeny du Groupe de recherche sur l’histoire des milieux d’affaires de Montréal pour l’assistance qu’il a fournie.

ANQ-M, CN1-7, 6, 25 avril 1836 ; CN1-134, 20 sept. 1822, 7 oct. 1825, 3 mars 1826 ; CN1-187, 3 oct. 1831.— APC, MG 24, 161.— Arch. du séminaire de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), 0009.— AUM, P 58, U, J. et H. Joseph à James Reid, 22 mars 1803, 10 juin 1807, 8 déc. 1808, 5 déc. 1831.— Le Canadien, 27 juin 1832.— La Gazette de Montréal, 3 oct. 1803.— La Gazette de Québec, 2 sept. 1813, 17, 25 juin 1819, 16 déc. 1822.— The Jewish encyclopedia [...], Isidore Singer, édit (12 vol., New York et Londres, 1901–1906), 7 : 254.— M. G. Brown, « Jewish foundations in Canada : the Jews, the French, and the English to 1914 » (thèse de ph.d., State Univ. of New York, Buffalo, 1976), 87.— The Jew in Canada : a complete record of Canadian Jewry from the days of the French régime to the present time, A. D. Hart, édit. (Toronto et Montréal, 1926), 41.— History of the corporation of Spanish and Portuguese Jews « Shearith Israel » of Montreal, Canada (s.l., [1918]).— Martin Wolff, « The Jews of Canada », American Jewish Year Book (Philadelphie), 27 (1925–1926) :154–229.

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Annette R. Wolff, « JOSEPH, HENRY (Harry) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/joseph_henry_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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