SALES LATERRIÈRE, PIERRE-JEAN DE, médecin, officier de milice, juge de paix et auteur, né le 1er juillet 1789 à Baie-du-Febvre (Baieville, Québec), fils aîné de Pierre de Sales* Laterrière et de Marie-Catherine Delezenne ; le 16 août 1815, il épousa à Londres Mary Ann Bulmer, et ils eurent au moins cinq enfants ; décédé le 15 décembre 1834 aux Éboulements, Bas-Canada.
Pierre-Jean de Sales Laterrière passa son enfance à Baie-du-Febvre. En 1799, soucieux d’assurer une bonne éducation à ses enfants, son père décida de s’établir à Québec où il ouvrit une boutique d’apothicaire tout en continuant de pratiquer la médecine. Laterrière entra alors au petit séminaire de Québec où il étudia, entre autres, avec Louis-Joseph Papineau*, Joseph Painchaud* ainsi que Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé avec qui il se lia d’une solide amitié. En 1807, ses études terminées, Laterrière commença son apprentissage en médecine auprès de son père. De juillet 1807 à juin 1808, pendant un voyage de ce dernier en Europe, Laterrière géra seul la boutique paternelle. Peu après le retour de son père, il partit à son tour pour l’Angleterre. Il étudia la médecine à l’hôpital St Thomas de Londres, sous la direction d’un célèbre chirurgien de cette époque, Astley Paston Cooper. Devenu membre du Royal College of Surgeons en 1809, Laterrière fit ensuite un stage dans un hôpital militaire, à Ramsgate.
À son retour à Québec, en 1810, Laterrière succéda à son père et prit en main sa boutique d’apothicaire et sa clientèle. Au début de 1812, il s’associa avec son frère cadet Marc-Pascal*, qui rentrait d’un séjour aux États-Unis où il avait étudié, lui aussi, la médecine. À ce moment-là, de tous les chirurgiens originaires du Bas-Canada, Laterrière était sûrement l’un des rares, sinon le seul, à posséder une certaine expérience des hôpitaux militaires. Aussi, le 24 avril 1812, fut-il nommé chirurgien des Voltigeurs canadiens, commandés par Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry. Relativement à l’aise sur le plan financier, il loua une maison près du fort Chambly où cantonnait son régiment, et il acheta même un cheval au capitaine Jacques Viger* qui était incapable de faire face à une telle dépense. Laterrière accompagna son régiment jusqu’au 6 octobre 1814. Il reçut alors une lettre de son père qui le priait de se rendre en France afin d’y régler une affaire de famille. Il demanda aussitôt un billet d’absence pour six mois et, présumant une réponse favorable, rentra à Québec en vue de s’embarquer pour l’Europe. Sa demande fut refusée, et Laterrière tenta alors d’intervenir auprès du gouverneur en chef, mais en vain. Début novembre, il résigna donc sa charge au sein des Voltigeurs canadiens et partit pour la France, où il devait récupérer un héritage important destiné à son père.
Lorsque Laterrière arriva à Bordeaux dans les premiers mois de 1815, la guerre sévissait à nouveau, à la suite du retour de Napoléon de l’île d’Elbe. Sujet britannique, Laterrière, sur les conseils d’Henri-Antoine Mézière*, se réfugia à Londres en attendant que la situation se rétablisse. Puis le 24 juillet, il écrivit à son frère Marc-Pascal : « Je viens d’ajouter 10,000 Sterling de plus à notre fortune Commune Sans Compter les avantages qui en résulteront. » Il s’agissait de la dot que lui apporterait sa jeune épouse. D’ailleurs, à la veille de son mariage, il écrivit à son frère : « Demain a neuf heures est le Jour de mon enchainement [...] J’ai Consulté mes interets à venir et la nécessité m’y a forcé Seulement. » Et, en parlant de sa femme, il ajoutait : « Elle n’est point belle mais elle a de L’esprit et Je Suis persuadé qu’elle me rendra heureux Car elle m’aime au dernier degré. »
Ayant appris peu après la nouvelle du décès de son père, Laterrière décida de rentrer au Bas-Canada. Auparavant, il avait entrepris une série de démarches pour être réadmis parmi les officiers des Voltigeurs canadiens afin de pouvoir toucher une demi-solde. Malgré des lettres de recommandation en sa faveur signées par le lieutenant-colonel Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry et par le major Jean-Baptiste Juchereau Duchesnay, et malgré aussi le fait que son régiment n’avait pris part à aucun autre engagement après son départ, il essuya refus sur refus.
À son retour à Québec, en juin 1816, Laterrière partagea avec son frère Marc-Pascal l’héritage de leur père. Le premier se réserva les propriétés situées à Québec tandis que le second obtint la seigneurie des Éboulements. Puis Laterrière ouvrit une nouvelle boutique d’apothicaire dans la haute ville de Québec et se remit à la pratique de son art. Pendant les six années qui suivirent, il joua un rôle en vue parmi le groupe des médecins canadiens de la ville. Ainsi en 1818, il s’associa avec, entre autres, les docteurs Charles-Norbert Perrault et Anthony von Iffland* pour fonder le dispensaire de Québec dans le but de fournir gratuitement des soins aux indigents et de donner les premiers cours de médecine qui seraient dispensés à Québec. En outre, au printemps de 1820, il fut choisi pour faire partie du comité fondateur d’une filiale québécoise de la Royal Humane Society of London for the Recovery of the Apparently Drowned or Dead.
Par ailleurs, Laterrière s’engagea sur le plan socio-politique. En 1819, il devint l’un des administrateurs de la Société du feu de Québec, en même temps que ses collègues les docteurs Augustin Mercier, Joseph Morrin* et Perrault. Aux élections générales de l’année suivante, il se présenta comme candidat dans la circonscription de Northumberland. Après quatre jours de scrutin cependant, tirant de l’arrière sur les deux autres candidats en lice, Étienne-Claude Lagueux et Philippe Panet*, il se retira de la course. En 1821, il fut nommé juge de paix du district de Québec. Parallèlement à ces activités, Laterrière brassa aussi des affaires. Il acheta, pour les louer ou les revendre, un certain nombre de propriétés dans la ville et les faubourgs. Il investit également, avec un groupe d’associés, dans la construction et l’exploitation d’un pont à péage sur la rivière Chaudière, à Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce (Sainte-Marie). En 1821, avec, entre autres, Joseph-Rémi Vallières* de Saint-Réal, il prit aussi en main la gestion des biens de Joseph Bouchette* qui, à cette époque, achetait et revendait des propriétés pour son compte et celui d’autrui.
Au printemps de 1823, Laterrière partit pour Londres afin d’y retrouver son beau-père, gravement malade. L’année suivante, après le décès de ce dernier, il hérita d’une rente annuelle de £3 000. Il acquit alors une propriété dans le Middlesex, où il s’établit avec sa famille. Il entreprit dès lors une seconde mais courte carrière. En effet, à partir de ce moment-là, il se consacra à la gestion de l’imposante fortune léguée par son beau-père. Il mit ses nombreux temps libres à profit en effectuant notamment plusieurs voyages tant en Europe qu’en Amérique du Nord. En outre, il commença à fréquenter les milieux politiques réformistes et devint l’ami intime de John Arthur Roebuck*, futur agent de la chambre d’Assemblée du Bas-Canada à Londres. Laterrière accueillait et renseignait les délégués canadiens à Londres, et surveillait étroitement les projets de loi impériaux qui pouvaient avoir une influence sur le Bas-Canada. Ce fut incidemment dans le but de sensibiliser l’opinion publique anglaise à la situation vexatoire faite à ses propres compatriotes par le gouvernement impérial que Laterrière publia en 1830, sous le pseudonyme de A Canadian, l’ouvrage intitulé, Political and historical account of Lower Canada ; with remarks [...]. Et « Canadien », Laterrière le demeura jusqu’à sa mort. Malgré son train de vie quasi princier, il nourrit constamment une profonde nostalgie pour son pays d’origine. Il tenta même à quelques reprises de revenir y habiter en permanence mais sa femme s’y opposait. En 1827, il s’adressa à Robert John Wilmot-Horton, du ministère des Colonies, pour qu’on lui octroie une seigneurie à même le territoire situé sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent à l’est du Saguenay. Il offrait d’investir le capital requis pour y établir environ 200 jeunes gens déjà prêts à s’y installer. Peu après, Laterrière envisagea aussi la possibilité de racheter la seigneurie Deschambault. En fait, il ne parvint jamais à revenir s’installer à demeure au Bas-Canada. Il mourut au cours d’une visite qu’il effectuait aux Éboulements en 1834, victime du diabète.
Moins d’un an après sa mort, en novembre 1835, Pierre-Jean de Sales Laterrière fut la cause d’un duel au pistolet entre son frère et l’avocat Elzéar Bédard*, qui avait donné en cour un exemple montrant que Pierre-Jean avait été un usurier. Ce fut probablement un des derniers duels à avoir eu lieu à Québec. Cependant, Laterrière ne laissa pas qu’un souvenir controversé. Son ami Aubert de Gaspé, dans Mémoires, en fit un vibrant éloge. De plus, ses contemporains se souvinrent de lui comme d’un brillant médecin, malgré sa brève carrière. Même en octobre 1846, lors d’un banquet qui suivit une assemblée générale des médecins du Bas-Canada, le docteur Joseph Painchaud évoqua les talents et le mérite de Laterrière.
Pierre-Jean de Sales Laterrière est l’auteur de : Political and historical account of Lower Canada ; with remarks [...] (Londres, 1830).
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Pierre Dufour, « SALES LATERRIÈRE, PIERRE-JEAN DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sales_laterriere_pierre_jean_de_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/sales_laterriere_pierre_jean_de_6F.html |
Auteur de l'article: | Pierre Dufour |
Titre de l'article: | SALES LATERRIÈRE, PIERRE-JEAN DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |