BELCHER, ANDREW, marchand, juge de paix et homme politique, né le 22 juillet 1763 à Halifax, fils de Jonathan Belcher* et d’Abigail Allen ; le 6 septembre 1792, il épousa à Boston Mary Ann Geyer, et ils eurent 11 enfants ; décédé le 17 novembre 1841 à Boulogne-sur-Mer, France.

L’homme qui marqua le plus Andrew Belcher dans sa jeunesse ne fut pas son père, juge en chef de la Nouvelle-Écosse de 1754 à sa mort en 1776, mais Alexander Brymer*, entrepreneur d’origine écossaise qui domina le milieu haligonien des affaires durant le dernier quart du xviiie siècle. Comme Jonathan Belcher était mort criblé de dettes, Andrew n’aurait pas eu d’aussi vastes perspectives d’avenir si Brymer ne l’avait guidé en affaires. C’était bien là le protecteur idéal. À ce que l’on croit, Brymer débarqua à Halifax dans les années 1770 avec une somme de £4 000 et en repartit 25 ans plus tard riche de £250 000, fortune amassée surtout grâce à des contrats d’approvisionnement avec la marine royale. Formé au rôle de gentleman-marchand, Belcher se lança en affaires en 1784 avec un neveu de Brymer. Leur association prit fin en 1795, lorsque Belcher devint le principal représentant haligonien de l’empire commercial de Brymer, dont le siège était à Londres. De 1792 à 1810, les entreprises de Brymer livrèrent à Halifax plus de £140 000 en marchandises, ce qui dénote leur importance. Les contemporains de Belcher, on ne s’en surprendra pas, le considéraient comme « l’un des marchands les plus éminents » de la Nouvelle-Écosse.

Avec la richesse, toute une série de distinctions vinrent à Belcher. Dans les 20 premières années de sa carrière, il devint juge de paix, marguillier de l’église anglicane St Paul, président du conseil de la grammar school locale, grand officier dans la franc-maçonnerie, membre du Committee of Trade de Halifax [V. William Sabatier*] et administrateur de la Shubenacadie Canal Company (qui allait connaître un sort malheureux) ; il participa aussi à la fondation de la Fire Insurance Association of Halifax. Candidat dans le canton de Halifax aux élections législatives de 1799, il parvint, après sa défaite, à faire annuler le scrutin dans sa circonscription. Il gagna ensuite l’élection partielle : le candidat adverse, un député de la vieille garde, ne put rivaliser avec un marchand aussi influent. Cependant, sa présence à l’Assemblée fut de courte durée. En 1801, grâce en partie au lieutenant-gouverneur sir John Wentworth*, il remplaçait Brymer au sein du Conseil de la Nouvelle-Écosse.

Devenu de ce fait membre à part entière de l’oligarchie haligonienne, Belcher menait la grande vie : il avait une maison à la ville et une autre à la campagne, de grandes propriétés foncières, et il fit peindre son portrait par le célèbre Robert Field*. Cependant, ses dissensions avec d’autres membres de l’élite néo-écossaise le contrariaient. À plusieurs reprises, le trésorier de la province, Michael Wallace*, contesta sa prétention à la préséance au sein du conseil et donc au privilège de diriger l’administration en l’absence du lieutenant-gouverneur. Mais le marchand eut beaucoup plus de fil à retordre avec Alexander Croke, Anglais envoyé en Nouvelle-Écosse pour siéger à titre de juge à la Cour de vice-amirauté. Enclin à déprécier tous les coloniaux, le conseiller Croke avait une dent contre Belcher, qu’il accusait d’ailleurs de se livrer à la contrebande. Son attaque la plus vive survint en 1805 sous la forme d’une épopée satirique intitulée The Inquisition [...], dans laquelle on pouvait facilement identifier les personnages, même s’ils portaient des pseudonymes classiques. La femme de Belcher y était accusée d’avoir commis l’adultère plusieurs fois avec des officiers et des fonctionnaires, dont le fils de Wentworth. Ce document largement diffusé dut certainement blesser Belcher, dépeint par Croke comme un « cocu content » qui ne pouvait savoir au juste qui était le père de ses enfants, mais il ne répliqua pas, vraisemblablement parce que sa femme n’était pas au-dessus de tout reproche. Toutefois, Croke était si impopulaire que les Belcher ne subirent pas l’ostracisme.

Parti pour l’Angleterre en 1811, Belcher établit dans la banlieue londonienne une résidence qui devint une retraite à la mode pour les Néo-Écossais en voyage. Dans les années suivantes, pour montrer son attachement à ce qu’il appelait son « pays natal », il donna des cloches à l’église St Paul, contribua à une campagne de souscription du King’s Collège et fournit des livres à la toute nouvelle bibliothèque de Halifax. Qui plus est, il continua de faire affaire dans la capitale néo-écossaise. Associé tour à tour à Alexander Wright, Stephen Newton Binney et Mather Byles Almon*, il demeurait membre de la communauté marchande de Halifax, mais en qualité de non-résident. Il s’intéressa aussi quelque peu à la New Brunswick and Nova Scotia Land Company, entreprise de spéculation qui visait à promouvoir le peuplement et la mise en valeur des richesses naturelles. S’il ne s’était pas ravisé à la dernière minute, il serait devenu associé du premier établissement bancaire de la province, la Halifax Banking Company, fondée en 1825 [V. Henry Hezekiah Cogswell*].

Apparemment en raison de multiples investissements douteux, et peut-être d’un train de vie excessif, Belcher souffrit durement de la grave récession commerciale de 1826. Harcelé par ses créanciers, il abandonna sa maison de Londres pour s’installer à Cheltenham, station thermale du Gloucestershire, où lui et sa femme purent reprendre des forces et retrouver quelque tranquillité d’esprit. Cependant, les choses empirèrent encore lorsque, en 1828, Belcher perdit ses contrats d’approvisionnement à Halifax et aux Bermudes. Décidé à tout tenter pour éviter la faillite, il supplia ses amis néo-écossais de prolonger son crédit et de l’aider à obtenir un poste, celui de représentant de la province à Londres ou de trésorier, à la place de Michael Wallace. Finalement, en désespoir de cause, il rentra à Halifax au début de 1829 pour veiller lui-même aux intérêts qu’il avait encore.

À la faveur du nouveau cycle d’expansion dans lequel entrait le commerce haligonien, Belcher s’employa à remonter la pente. Il avait conservé assez d’influence pour qu’on le nomme, à Halifax, représentant de la Général Mining Association, compagnie britannique qui se lançait alors dans l’exportation massive de charbon néo-écossais vers les États-Unis. Outre ce poste lucratif, il obtint un siège à la commission chargée d’émettre le papier-monnaie de la province. Avec sa femme, il fut admis dans l’entourage du lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland*, et le bruit commença à courir que peut-être on le nommerait de nouveau au conseil. En 1823, il avait assez de capital pour acheter £1 000 d’actions de la Bank of Nova Scotia, rivale toute nouvelle de la Halifax Banking Company [V. William Lawson].

Cependant, Belcher n’avait pas les reins assez solides pour résister à la dislocation du commerce et affronter la rivalité des autres entrepreneurs. Comme il avait contracté des emprunts à longue échéance, il ne put faire face à la récession des années 1833–1834. Samuel Cunard* manœuvra avec succès pour le remplacer à titre de représentant de la General Mining Association. Au début de 1834, trois de ses gros créanciers, dont Cunard, exigèrent un remboursement de plus de £12 000 : ce fut le coup fatal. Une foule de plus petits créanciers suivirent. Un contemporain, qui parlait des victimes de la récession, alla jusqu’à dire « le plus à plaindre de tous est ce pauvre vieux Belcher qui, après avoir tout cédé à ses créanciers, a reçu mandat d’arrêt sur mandat d’arrêt à cause des bouchers, des boulangers, et autres ». Moins d’un an plus tard, la famille Belcher s’enfuit de Halifax ; elle finit par trouver refuge en France, où Belcher et sa femme moururent dans une pauvreté relative. Ce qui subsistait du prestige familial échut largement à leur fils Edward*, capitaine dans la marine royale et commandant de l’expédition controversée qui partit en 1852 à la recherche de sir John Franklin.

Andrew Belcher finit sa carrière un peu comme il l’avait commencée : sans le sou. Mais son échec ne découle pas uniquement de faiblesses personnelles. Autant les amis puissants, les contrats militaires et la prospérité. engendrée par les commandes de guerre avaient aidé sa réussite, autant l’instabilité économique des années 1820 à 1840 le desservit. Laissé à lui-même, il ne put soutenir la concurrence. Comme son père, il fut victime du changement.

David A. Sutherland

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, B37 (mfm aux PANS).— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 33 : 238 ; 34 : 247.— PANS, MG 1, 334, nos 22a–22c ; 793, nos 77, 80a, 81–83, 91–93, 99 ; RG 1, 172 : 122 ; 174 : 311 ; 305, no 56 ; 312, nos 3, 56 ; 413, no 2 ; RG 4, LC, 25 févr. 1811 ; RG 5, P, 121, 31 janv. 1832 ; RG 39, HX, J, 38 : 293.— PRO, CO 217/64 : 97 ; 217/68 : 197 ; 217/74 : 11 ; 217/84 : 92 ; 217/87 : 127 ; 217/88 : 102 ; 217/102 : 241 ; 217/144 : 143 ; 217/145 : 320 ; 217/150 : 351.— N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 21 juin 1798, 21 févr. 1800, 25 févr. 1811.— Acadian Recorder, 21 févr., 18 juill. 1818, 20 nov. 1824.— Novascotian, or Colonial Herald, 20 janv., 3 févr., 17 mars 1831, 10 mai 1832, 23 janv. 1834, 30 avril 1835, 8 août 1839.— Nova-Scotia Royal Gazette, 1er sept. 1808, 25 avril 1809, 13 févr., 27 nov. 1811.— Royal Gazette and the Nova Scotia Advertiser, 16 déc. 1794, 12 janv. 1796, 2 avril, 26 nov. 1799, 1er, 15 avril 1800.— A calendar of the White collection of manuscripts in the Public Archives of Nova Scotia, Margaret Ells, compil. (Halifax, 1940).— Annals, North British Society, Halifax, Nova Scotia, with portraits and biographical notes, 1768–1903, J. S. Macdonald, compil. ([3e éd.]. Halifax, 1905).— Directory of N.SMLAs.— Halifax almanac, 17971812.— N.Scalender, 1794. R. V. Harris, The Church of Saint Paul in Halifax, Nova Scotia : 1749–1949 (Toronto, 1949).— History of the Bank of Nova Scotia, 1832–1900 : together with copies of annual statements ([Halifax, 1901]). Murdoch, Hist. of N.S., 3. Victor Ross et A. St L. Trigge, A history of the Canadian Bank of Commerce, with an account of the other banks which now form part of its organization (3 vol., Toronto, 19201934), 1. C. J. Townshend, « Jonathan Belcher, first chief justice of Nova Scotia [...] », N. S. Hist. Soc., Coll., 18 (1941) : 2557. T. B. Vincent, « The Inquisition » : Alexander Croke’s satire of Halifax society during the Wentworth years », Dalhousie Rev., 53 (19731974) : 404430.

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David A. Sutherland, « BELCHER, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/belcher_andrew_7F.html.

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