EAGAR, WILLIAM, homme d’affaires, peintre et professeur, né vers 1796 en Irlande, fils de William Eagar ; le 23 janvier 1819, il épousa à St John’s Maria Saunders, et ils eurent six fils et trois filles ; décédé le 24 novembre 1839 à Halifax, à l’âge de 43 ans.
William Eagar s’était installé à Terre-Neuve quelque temps avant d’épouser Maria Saunders, issue d’une grande famille de l’île. Peut-être avait-il traversé l’Atlantique en vue d’occuper un poste administratif dans les pêches et non pour travailler comme artiste. Le règlement rapide d’une faillite personnelle en 1821 et le fait de posséder, dès avant la fin de cette décennie, une ferme de 20 acres aux abords de St John’s indiquent qu’il avait accès à des ressources financières considérables.
Dès la fin de 1829, Eagar offrait ses services en qualité d’artiste et de professeur d’art. Il avait sans aucun doute appris le dessin et le croquis en Irlande, pendant ses études régulières (rien n’étaye l’affirmation, lancée en 1914, selon laquelle il aurait étudié en Italie), et peut-être aussi en travaillant avec un artiste professionnel. Ses scènes urbaines révèlent une solide compréhension des principes du dessin topographique. Le fait de solliciter le poste d’arpenteur général de Terre-Neuve (qui alla à Joseph Noad* en 1832) suggère qu’il avait aussi quelques connaissances en arpentage.
Eagar se rendit à Londres en 1831, vraisemblablement pour superviser la gravure d’un imposant dessin de sa main, Town and harbour of St. John’s, taken from Signal Hill, June 1st, 1831. Il y étudia les grands aquarellistes puis, à son retour, avant la fin de l’année, loua une classe en vue d’enseigner la technique de l’aquarelle. Mais il constata bientôt que l’enseignement n’était pas rentable à St John’s et se mit à annoncer qu’il était disposé à faire des portraits à l’huile ou à l’aquarelle. On ignore cependant combien il en peignit à Terre-Neuve.
Eagar élut domicile à Halifax en septembre 1834 et se remit à enseigner et à peindre. Ses élèves venaient de familles distinguées pour qui l’art faisait nécessairement partie de l’éducation. En peu de temps, on le reconnut comme un excellent professeur et comme le meilleur paysagiste de la ville. En 1836, le Novascotian, or Colonial Herald de Joseph Howe* publia un long article sur lui et son œuvre. Par la suite, le nombre de ses élèves se multiplia ; il donna au moins une conférence au Halifax Mechanics’ Institute et réalisa un transparent fort impressionnant de la reine Victoria, qui servit à clôturer le feu d’artifice organisé en l’honneur du couronnement de la souveraine. En outre, il louait un entrepôt où il vendait des marchandises à commission.
En 1836, Eagar annonça son projet le plus ambitieux : une série de paysages de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du Haut-Canada. Le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, sir Colin Campbell, appuya ce projet et la presse encouragea Eagar. Gravé à Édimbourg, le premier jeu, qui comprenait trois scènes néo-écossaises, arriva dans la province en décembre 1837. Eagar signala sa parution prochaine sous le titre de Landscape illustrations of British North America. Encouragé par la critique, il annonça le même mois son deuxième volume, composé de scènes du Nouveau-Brunswick. Il avait déclaré en 1836 que, « pour rendre l’ouvrage plus parfait », il offrirait une description de chaque scène aux acheteurs une fois le travail achevé. Il est douteux qu’on ait jamais publié ces textes.
Toutefois, les gravures d’Eagar ne se vendirent pas, et l’artiste, aidé de Hugh Bell*, demanda en février 1838 à l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse de le subventionner. En attendant une réponse, il prépara à Halifax une vaste exposition artistique, peut-être en partie pour recueillir de l’argent. En mars, il exposa 125 œuvres, dont certaines de lui-même et de ses élèves, cinq toiles de William Valentine ainsi que des tableaux européens empruntés à des collections locales. Quand, le mois suivant, il devint évident que le gouvernement ne le financerait pas, Eagar retira sa requête et décida de lithographier ses derniers paysages. À la fin d’avril, il se rendit donc à Boston pour se procurer du matériel et pour engager un lithographe et un distributeur. Cette décision se révéla particulièrement judicieuse lorsque, au mois d’octobre, parvinrent à Halifax les deux premières parties de Sketches in Nova Scotia and New Brunswick, drawn from nature and on stone, de Robert Petley. Officier en garnison à Halifax de 1832 à 1836, celui-ci avait publié ses lithographies à Londres après son retour là-bas. Elles se vendirent deux fois moins chères que les lithographies d’Eagar.
En juillet 1839, dans la capitale néo-écossaise, on mit en vente les premières lithographies d’Eagar, trois scènes de Halifax avec vignette sur la page de titre. Publiées sous le titre de Nova Scotia illustrated in a series of views taken on the spot and on stone, elles se vendaient à un prix comparable à celui des Sketches de Petley. La deuxième partie de cette série, mise sur le marché en août, contenait trois vues de Halifax et des environs. Les parties trois et quatre parurent à titre posthume en mai et août 1840. Eagar avait préparé les pierres de la troisième partie, deux scènes de la région de Windsor et un panorama de Grand-Pré ; après sa mort, causée par une pneumonie, on décalqua sur pierre ses dessins de la quatrième partie, trois vues de Pictou.
À l’époque, on considérait les publications de William Eagar comme des expressions de patriotisme. D’une part, espérait-on, elles contribueraient à faire connaître la province en Europe ; d’autre part, et cela importait tout autant, elles devaient renseigner les Néo-Écossais sur le potentiel de leur colonie. Joseph Howe, Thomas Chandler Haliburton*, John Young et d’autres croyaient que l’avenir serait radieux si seulement la population se rendait compte des possibilités qui s’offraient à elle. Nova Scotia illustrated dévoila à bien des contemporains d’Eagar des coins de la province qui autrement leur seraient peut-être demeurés inconnus. Aujourd’hui, ce document visuel témoigne d’un temps où les Néo-Écossais croyaient que, bientôt, ils se suffiraient à eux-mêmes.
L’ouvrage 200 years of art in Halifax ; an exhibition prepared in honour of the bicentenary of the founding of the city of Halifax, N.S., 1749–1949 (Halifax, 1949) suggère que William Eagar puisse avoir un second prénom, car on l’y appelle William H. Eagar ; bien que cette forme soit utilisée à l’occasion, aucun document n’en justifie l’authenticité. [a. e. c.]
Les principales collections des œuvres d’Eagar se trouvent à la Dalhousie Univ. (Halifax), au Dartmouth Heritage Museum (Dartmouth, N.-É.), au Musée McCord, à la MTRL, au Musée du N.-B., au N.S. Museum (Halifax), aux APC, aux PANS et au Royal Ontario Museum (Toronto). Les ouvrages suivants reproduisent une ou plusieurs de ses gravures, lithographies ou peintures : A. E. Carter, « William H. Eagar : drawing master of Argyle Street, Halifax », Journal of Canadian Art Hist. (Montréal), 7 (1983–1984) : 138–155 ; C. P. De Volpi, Nova Scotia, a pictorial record ; historical prints and illustrations of the province of Nova Scotia, Canada, 1605–1878 ([Toronto], 1974), planches 76–93 (chaque reproduction est accompagnée de citations tirées de récits de voyage contemporains à Eagar) ; Harper, Painting in Canada ; Nova Scotia scenery : an exhibition of works by William H. Eagar (1796–1839) ([Halifax, 1983]) ; A pageant of Canada ; the European contribution to the iconography of Canadian history ; an exhibition arranged in celebration of the centenary of confederation (Ottawa, 1967) ; Harry Piers, « Artists in Nova Scotia », N.S. Hist. Soc., Coll., 18 (1914) : 141–145, 161–162 ; et Mary Sparling, Great expectations ; the European vision in Nova Scotia, 1749–1848 (Halifax, 1980).
Cathedral of St John the Baptist (Anglican) (St John’s), Reg. of marriages, 23 janv. 1819.— PANL, GN 2/1, 3 avril 1832.— St Paul’s Anglican Church (Halifax), Reg. of burials, 1839 (mfm aux PANS).— Catalogue of Mr. Eagar’s exhibition of paintings (Halifax, 1838).—N.-É., House of Assembly, Journal and proc., 1838 : 25.— Colonial Pearl (Halifax), 16 déc. 1837, 29 nov. 1839.— New-Brunswick Courier, 9 déc. 1837.— Novascotian, or Colonial Herald, 3 sept. 1834, 11 mai, 28 sept. 1836, 3 juill., 7 août, 27 nov. 1839.— Nova-Scotia Royal Gazette, 27 nov. 1839.— Public Ledger, 3 janv., 29 juin, 10 août 1832.— Times (Halifax), 21 mars, 19 déc. 1837, 10 avril, 3 juill., 23 oct. 1838, 26 nov. 1839.— Harper, Early painters and engravers.— Landmarks of Canada ; what art has done for Canadian history [...] (2 vol., Toronto, 1917–1921 ; réimpr., en 1 vol., 1967), nos 45, 2139, 2152, 2154, 2169–2175, 2177–2178, 2181–2184, 3622, 3627, 3629.— A. E. Carter, « William H. Eagar : « sensibilities of no common order » (thèse de m.a., Concordia Univ., Montréal, 1979).— J. W. Reps, Views and viewmakers of urban America [...] (Columbia, Mo., 1984).
Alexandra E. Carter, « EAGAR, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/eagar_william_7F.html.
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Auteur de l'article: | Alexandra E. Carter |
Titre de l'article: | EAGAR, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 8 déc. 2024 |