READY, JOHN, fonctionnaire, officier, homme politique et administrateur colonial, né vers 1777 ; le 18 juin 1804, il épousa à East Grinstead, Angleterre, Susanna Bromley, et ils eurent deux fils et deux filles, puis le 13 décembre 1836 à Malew, île de Man, Sarah Tobin, fille de sir John Tobin, et de ce mariage naquirent un fils et une fille ; décédé le 10 juillet 1845 à Castletown, île de Man.
John Ready entra dans l’armée britannique à titre d’enseigne le 6 janvier 1796, à l’âge de 19 ans ; c’est la plus ancienne précision que l’on a à son sujet. En 1813, sans avoir acheté aucune commission, il détenait le grade de lieutenant-colonel. Peut-être devait-il son avancement à ses états de service, mais ses nominations ultérieures dans l’administration coloniale étayent l’hypothèse selon laquelle il avait des amis influents. Ainsi d’après la tradition familiale, l’un de ses enfants eut le duc de Wellington pour parrain. Au licenciement de son bataillon, en 1815, Ready fut inscrit sur la liste irlandaise des demi-soldes et devint le secrétaire du lord-lieutenant d’Irlande, Charles Lennox*, duc de Richmond et Lennox. Quand celui-ci devint gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique, en mai 1818, il choisit Ready comme secrétaire militaire puis, peu après leur arrivée à Québec en juillet, comme secrétaire civil. Chargé la même année, en qualité de commissaire, d’administrer les biens des jésuites, il entra l’année suivante au comité de surveillance de la construction du canal de Lachine [V. François Desrivières*] et devint curateur de la succession de Richmond à la mort de celui-ci, en août 1819.
Le successeur de Richmond, le comte de Dalhousie [Ramsay], avait fait la connaissance de Ready à l’occasion d’une visite à Québec en 1819 et, ainsi que le montre son journal personnel, celui-ci l’avait favorablement impressionné. Il l’engagea donc à titre de secrétaire civil lorsqu’il revint à Québec l’année suivante et le nomma par la suite aide de camp, secrétaire intérimaire de la province et conseiller exécutif. Cependant, son enthousiasme tomba quand il se mit à travailler avec lui. Ready, nota-t-il dans son journal, cumulait trop de charges et semblait avoir du mal à s’en acquitter, ce qui suscitait du mécontentement. En outre, se plaignait Dalhousie, il ignorait aussi bien les pratiques commerciales que le droit et ne parlait pas français. Mais ce qui indisposait peut-être tout autant le gouverneur, ce sont les liens d’amitié probables de Ready avec les leaders de l’opposition en chambre, John Neilson et Louis-Joseph Papineau*, et sa sympathie pour leurs idées. Quoi qu’il en soit, Dalhousie décida au début de 1822 de l’écarter ; mis au courant le 29 janvier, Ready demanda qu’on présente sa démission comme une initiative de sa part, motivée par le désir de retourner avec sa famille en Angleterre. En novembre, après avoir mis ses affaires en ordre, il était en mer. Andrew William Cochran lui avait succédé au poste de secrétaire civil.
On nomma Ready lieutenant-gouverneur de l’Île-du-Prince-Édouard en avril 1824, mais il différa son départ à cause du mauvais état de santé de sa femme, qu’il dut laisser à Brighton. Des comptes rendus favorables circulaient déjà à son sujet dans la colonie ; à son arrivée à Charlottetown, le 21 octobre 1824, une foule nombreuse, ravie du remplacement de l’impopulaire Charles Douglass Smith*, lui réserva un accueil exubérant.
Ready dut dissoudre bientôt la chambre d’Assemblée, qui n’avait pas siégé depuis 1820, et annonça la tenue d’élections. Le nouveau Parlement se réunit le 14 janvier 1825. Dans son discours inaugural, Ready précisa que, s’il avait convoqué les députés, c’était avant tout pour renouveler ou modifier des lois dont l’échéance était proche ou déjà passée et proposa de ne consacrer la session qu’à l’essentiel. L’Assemblée promit de ne présenter « aucune question susceptible de soulever des doutes ou des difficultés ». Avant la clôture de la session, le 24 mars, le président de la chambre, John Stewart*, déclara que celle-ci avait adopté le projet de loi sur le revenu ou projet de loi de finances (qu’elle avait déposé pour percevoir des fonds destinés à l’usage du gouvernement) en raison de la confiance qu’elle avait en Ready, mais il ajouta en guise d’avertissement : « la colonie attend avec beaucoup d’impatience le moment où [Son] Excellence se sentira libre de donner [son] assentiment à une loi annuelle qui viserait l’affectation de l’ensemble du revenu ». Le Novascotian, or Colonial Herald de Halifax observa : « la chambre souhaite avant tout la révocation de la loi sur le revenu permanent, qui rendait l’ancien gouverneur indépendant d[‘elle], et le peuple n’aura de cesse qu’elle ne l’ait accompli ».
Deux lois étaient enjeu : adoptées en 1785 et 1795, elles imposaient des droits sur les spiritueux et la bière. Les fonds ainsi perçus s’appelaient le revenu permanent, dont la gestion relevait du lieutenant-gouverneur et du Conseil de l’Île-du-Prince-Édouard. À l’entrée en vigueur de ces lois, l’île était peu peuplée, et les modestes recettes qui en découlaient suffisaient à peine à régler les dépenses gouvernementales. Cependant, à l’époque de Ready, la population était beaucoup plus nombreuse, et le revenu permanent s’était accru jusqu’à représenter près des deux tiers du revenu total. Ready écrivit à lord Bathurst, secrétaire d’État aux Colonies, pour lui exposer le changement législatif que proposait l’Assemblée. Bathurst lui répondit sans détour qu’il pouvait utiliser tout le revenu au bénéfice de la colonie, mais qu’il était hors de question de modifier les lois. Armé de cette réponse, Ready convoqua le Parlement à une brève session qui se tint à compter du 12 octobre 1825, avant son départ pour l’Angleterre. L’Assemblée avait été avisée de la décision de Bathurst, mais Stewart, tenace, remit la question sur le tapis à la clôture de la session. La confiance que l’Assemblée avait mise d’emblée en Ready, avança-t-il, s’était trouvée justifiée par la manière dont il avait géré les dépenses publiques jusque-là et, tant que ce serait lui qui les administrerait, elle n’aurait aucune inquiétude ; cependant, il partirait un jour et, comme on avait gaspillé ou mal employé le revenu permanent sous certains gouvernements antérieurs, l’Assemblée souhaitait encore en obtenir la mainmise.
Pour faire pression, l’Assemblée décida ensuite d’empêcher le conseil de s’immiscer dans l’affectation du dernier tiers du revenu, qu’elle-même administrait, tant qu’elle n’aurait pas la mainmise sur le revenu permanent. En conséquence, elle ne lui donna pas l’occasion de délibérer séparément de chacun des postes inscrits au projet de loi qui portait affectation de crédits, dans lequel elle précisait à quoi elle consacrerait le revenu. Le conseil adopta le projet à contrecœur mais envoya à l’Assemblée une résolution : dans l’avenir, il refuserait de sanctionner tout projet de loi portant affectation de crédits dont les postes ne lui auraient pas été « soumis auparavant par la chambre d’Assemblée sous forme de résolutions distinctes [...] et n’aur[aient] pas tous été entérinés » par lui. Sur ce, le débat cessa pendant quelque temps. Ready prorogea le Parlement le 27 octobre 1825 puis s’embarqua pour l’Angleterre le 10 décembre afin de régler des questions familiales ; sa femme était morte là-bas en mars. C’est George Wright qui administra la colonie en son absence.
Tout comme Stewart, lui aussi en visite en Angleterre, et l’ancien lieutenant-gouverneur Smith, Ready comparut devant un comité de la chambre des Communes sur l’immigration dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique et on le présenta à la cour. Il rentra à l’Île-du-Prince-Édouard le 10 décembre 1826 en compagnie de ses deux filles, dont l’une mourut quelques mois plus tard. Au printemps, il apprit que son fils aîné était mort en Angleterre au mois de janvier.
Comme l’Assemblée n’avait pas encore eu l’occasion de réagir à la résolution qu’avait adoptée le conseil en octobre 1825, elle s’empressa, à l’ouverture de la session, le 20 mars 1827, de lui rappeler que les projets de loi de finances étaient de son ressort à elle et qu’il n’avait pas le droit de les amender. À la fin de la session, elle inclut une clause d’affectation dans chacun de ces projets de loi afin d’obliger le conseil à « les adopter ou les rejeter en bloc ». Le conseil approuva certains des projets et en refusa d’autres, ce qui engendra un déficit. Le Parlement fut prorogé le 7 mai 1827 sans qu’on n’ait adopté aucun projet de loi de finances.
Ready écrivit à Bathurst pour lui demander des instructions et lui fit part de sa sympathie pour l’Assemblée qui, disait-il, ne faisait qu’observer « l’usage invariable [... suivi] depuis l’époque de la première session ». En outre, si les conseillers de la Nouvelle-Écosse, capables et respectés, avaient « voix au chapitre au moment de l’affectation des crédits », Ready ne prêtait pas autant de compétence et d’intégrité aux conseillers de l’île et doutait qu’il soit sage de leur donner « le droit d’intervenir dans l’affectation du revenu additionnel qui [pouvait] être perçu (d’autant plus que la gestion du revenu permanent relev[ait] exclusivement du gouverneur et du conseil) ».
Dans sa réponse, le nouveau secrétaire d’État aux Colonies, William Huskisson, appuya la position de l’Assemblée et déplora que le conseil « ait jugé bon à ce moment, pour la première fois, de donner suite à une prétention dont la légitimité [était] à tout le moins douteuse ». Cependant, dans une lettre personnelle à Ready, il laissa entendre que l’Assemblée, par courtoisie, pourrait autoriser le conseil à examiner le projet de loi de finances article par article, comme c’était la coutume en Nouvelle-Écosse. Ready était donc laissé à lui-même, et à l’ouverture de la session, le 20 mars 1828, il ne put qu’inviter les deux parties à s’entendre, pour le bien de la colonie. L’Assemblée maintint sa position devant le conseil mais lui soumit séparément le projet de loi qui portait affectation de crédits et les projets de loi de finances. Comme le conseil n’était autorisé à modifier aucun des projets de loi de finances auxquels il s’objectait, il refusa d’adopter le projet de loi portant affectation de crédits. Sur ce, le 5 mai, la session prit fin.
Le 27 mai, dans une lettre à Huskisson, Ready émit l’avis que le litige ne se réglerait pas à moins de changements au conseil. Il reconnaissait cependant que l’Assemblée n’était pas irréprochable et recommandait de dissoudre le conseil ou l’Assemblée, ou encore les deux. Le cabinet de Grande-Bretagne avait changé une nouvelle fois, et le 3 juillet ce fut le deuxième sous-secrétaire du ministère des Colonies, Robert William Hay, qui répondit à Ready. Il lui fit voir que céder à l’Assemblée engendrerait « de graves embarras ». Probablement estimait-il nécessaire de dissuader la chambre afin d’éviter des revendications semblables dans les colonies voisines. Enfin, selon lui, on ne pouvait dissoudre le conseil car ses membres avaient été nommés à vie par le roi. Ready rétorqua en septembre que les insulaires avaient une opinion différente : selon eux, puisque les conseillers avaient été nommés par des lieutenants-gouverneurs, un lieutenant-gouverneur pouvait les démettre.
Le ministère des Colonies refusa tout de même de sanctionner la dissolution intégrale du conseil mais accepta, sur l’avis de Ready, de révoquer l’un des antagonistes, Samuel George William Archibald, juge en chef et président du conseil, et de le remplacer par Edward James Jarvis*, qui fut assermenté le 30 août 1828. En récompensant les conseillers disposés à coopérer et en se débarrassant d’Archibald, Ready amena le conseil à changer de cap et à se montrer plus conciliant. On adopta en 1829 le projet de loi portant affectation de crédits, et les deux organismes entretinrent des relations harmonieuses pendant le reste du mandat de Ready.
Les redevances perçues par le gouvernement britannique demeurèrent un sujet chaud durant cette période, comme elles l’avaient été sous les prédécesseurs de Ready. Lui-même achemina consciencieusement des requêtes en faveur de leur remise, mais obtint seulement l’autorisation d’user de leur produit au bénéfice de l’île.
En juin 1830, Ready apprit que son mandat tirait à sa fin ; en avril 1831, la nouvelle de son départ prochain n’était plus un secret pour personne. L’Assemblée, par crainte que son successeur ne dépense le revenu permanent moins judicieusement que lui, résolut en mai de demander au roi de révoquer les lois sur ce revenu. De plus, elle affecta £400 à l’achat d’un cadeau d’adieu – des pièces d’orfèvrerie – pour remercier Ready de sa bienveillante administration. En août, on reçut la nouvelle que le successeur de Ready, sir Murray Maxwell, était mort avant de quitter la Grande-Bretagne ; on fit alors circuler une pétition pour demander que Ready demeure à son poste. Cependant, avant l’envoi du document, la colonie apprit la nomination d’Aretas William Young*, et Ready se prépara à plier bagage.
Pendant son mandat, Ready n’était donc pas parvenu à résoudre le problème des redevances ni celui des lois sur le revenu régulier. Par contre, il avait largement contribué à améliorer la vie quotidienne du colon moyen en favorisant de grands progrès dans trois secteurs fondamentaux : l’agriculture, la voirie et l’éducation. Il avait promu une société d’agriculture qui continua pendant des années à soutenir et à encourager les fermiers. Il avait importé à ses frais du coûteux bétail de race qui améliora graduellement les troupeaux locaux. En favorisant les travaux de voirie, il avait transformé de « simples pistes cavalières » en de bonnes routes ; ce vaste réseau facilita grandement les communications à l’intérieur de l’île. Il partageait le souci qu’avait l’Assemblée d’étendre les services éducatifs jusqu’à ce qu’il y ait une école dans presque toutes les localités. Le fait qu’il affectait une grande part du revenu permanent au financement de toutes ces réalisations avait sans doute été fort apprécié.
Ready quitta la colonie le 10 octobre 1831, mais pendant des mois avant cette date la Royal Gazette de Charlottetown publia maints éloges sur lui-même et son gouvernement. Le rédacteur en chef, James Douglas Haszard*, observait par exemple : « peut-être aucun fonctionnaire n’a-t-il jamais quitté un poste aussi élevé en laissant derrière lui des regrets aussi sincères et aussi universels ».
Nommé lieutenant-gouverneur de l’île de Man en 1832, John Ready fut assermenté à Castletown le 11 décembre. Une adresse de bienvenue faisait état des commentaires favorables qui avaient précédé son arrivée. En novembre 1841, il reçut le grade de major général. Pendant les neuf derniers mois de sa vie, une grave maladie l’empêcha de s’acquitter de ses fonctions. On lui prescrivit alors deux médicaments : de la morphine, et de l’atropine pour usage externe. Le 10 juillet 1845, on lui administra de l’atropine par voie orale ; il succomba quelques heures plus tard. L’enquête du coroner conclut à un empoisonnement accidentel. On inhuma Ready le 17 juillet à Malew avec tous les honneurs militaires. Selon la notice nécrologique parue dans le Manx Sun, il avait gouverné avec justice et impartialité, sans se mêler des querelles de factions, et avait été un gentleman indéfectiblement généreux, aimable et courtois, toutes choses qui lui avaient mérité la haute estime des insulaires.
Les archives demeurent silencieuses au sujet des parents de John Ready de même qu’au sujet du lieu et de la date de sa naissance. Les sources habituellement consultées pour trouver ces informations sont tellement discrètes à propos de Ready qu’un chercheur professionnel, mandaté par l’auteure, fit la remarque suivante : « J’ai l’impression que cet homme n’a voulu laisser aucune trace de ses origines. » Une mention dans le dossier militaire de Ready (PRO, WO 25/772 : 94) – l’information ayant été fournie par Ready – nous laisse croire qu’il serait né vers 1777, et cela vient en contradiction avec le renseignement donné dans sa nécrologie publiée dans le Manx Sun (voir plus bas) qui situe l’événement 5 ans plus tôt. Lord Dalhousie, dans son journal personnel, signale, le 11 mai 1828, qu’il est persuadé que Ready, même s’il « passait pour le frère naturel du comte Bathurst », était plus probablement son fils. Un simple calcul démontre la fausseté de l’affirmation puisque Bathurst était âgé de dix ans en 1772, et on doit demeurer plus sceptique encore puisque Dalhousie, le même jour, fait une remarque semblable au sujet de sir John Harvey*. [e. b. v.]
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Elinor B. Vass, « READY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ready_john_7F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/ready_john_7F.html |
Auteur de l'article: | Elinor B. Vass |
Titre de l'article: | READY, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |