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WOOD, ALEXANDER, homme d’affaires, officier de milice, juge de paix et fonctionnaire, né en janvier 1772 et baptisé le 25 à Fetteresso, près de Stonehaven, Écosse, fils de James Wood et de Margaret Barclay ; décédé célibataire le 11 septembre 1844 à Woodcot, dans sa paroisse natale.
Alexander Wood arriva jeune dans le Haut-Canada et, vers 1793, s’installa à Kingston où il investit £330 dans l’achat de la Kingston Brewery ; ses associés étaient Joseph Forsyth* et Alexander Aitken*. En 1797, il partit pour York (Toronto) afin d’y ouvrir un commerce et s’associa à William Allan*. « Aucun des deux n’avança de fonds, ce qui [les] mettait sur un pied d’égalité », mais ils construisirent leur magasin sur la terre d’Allan. Après que l’association fut dissoute, le 13 avril 1801, le partage des biens fut pénible au point qu’ils refusèrent tous les deux de renouer, « ne serait-ce que par un simple mot ».
Wood ne tarda pas à ouvrir son propre magasin. Tous les automnes, il commandait un vaste assortiment de marchandises de Glasgow et de Londres ; il se souciait moins du prix que de la qualité du produit et du soin apporté à l’emballage. Il faisait presque tout venir de Grande-Bretagne, à l’exception du thé et du tabac. Avant que l’Embargo Act des États-Unis ne vienne entraver la navigation intérieure en 1808, il faisait venir ces produits de ce pays par l’entremise de Robert Nichol*. Quant aux menus articles nécessaires à la vie courante, il les commandait à Montréal et à New York. Wood avait la chance d’avoir en Écosse son frère aîné, James, qui payait les sommes qu’il devait à ses fournisseurs britanniques en attendant qu’il puisse expédier le paiement total du Haut-Canada. Il comptait parmi ses clients le lieutenant-gouverneur Francis Gore*, une bonne partie des gens aisés d’York, des officiers et l’intendance, mais personne ne payait dans les délais que Wood aurait souhaités. Il faisait aussi affaire avec les fermiers des environs ; il leur fournissait des vivres et exportait leur farine. Malgré les fréquentes fluctuations dans les stocks et les prix, Wood fit tout de même de bonnes affaires avec la farine. Il ne fut cependant pas aussi chanceux avec la potasse et le chanvre ; quant à la traite des fourrures, il ne s’y risqua qu’une seule fois et ce fut sans succès.
Avant la guerre de 1812, Wood était l’un des principaux marchands d’York, avec William Allan et Laurent Quetton* St George. Cet endroit n’était guère plus qu’une éclaircie dans la brousse lorsqu’il s’y installa, et le commerce était loin d’être aussi développé qu’à Kingston ou que dans les villes de la presqu’île du Niagara mais, grâce aux mises de fonds du gouvernement et à la colonisation de l’arrière-pays, la croissance fut rapide. Wood faisait partie des « colporteurs écossais » dont le juge Robert Thorpe déplorait tant l’influence. « Ils forment une chaîne qui relie Halifax à Québec, Montréal, Kingston, York, Niagara et ainsi de suite jusqu’à Detroit », écrivait-il en 1806. Wood entretenait une correspondance régulière avec James Irvine*, de Québec, James Dunlop* et James Leslie*, de Montréal, Joseph Forsyth, de Kingston, Robert Hamilton* et Thomas Clark*, de la presqu’île du Niagara, Robert Nichol, du fort Erie (Fort Erie) et de Dover (Port Dover), et autres marchands écossais. Leur correspondance avait pour but d’échanger des services et de donner des nouvelles du commerce et de leur région.
Wood était l’un des rares marchands admis dans l’élite d’York ; ses meilleurs amis étaient William Dummer Powell* et sa famille, dont il était « un invité régulier », et George Crookshank* et sa famille. De sa correspondance suivie avec le révérend John Strachan*, de Cornwall, naquit une vive amitié entre les deux hommes. En 1807, Strachan écrivait : « Nous nous entendons à peu près sur tout. » On publia la nomination de Wood au grade de lieutenant dans la milice d’York en 1798 ; deux ans plus tard, il devenait juge de paix et, en 1805, commissaire de la Cour des requêtes. Il s’intéressait de près à tous les mouvements qui cherchaient à améliorer la vie communautaire et prenait part aux divertissements sociaux. Wood n’avait qu’un seul problème, sa santé. Le docteur Alexander Thom déclarait en 1806 qu’il souffrait « d’un trop-plein dans les vaisseaux sanguins du cerveau ». Anne Powell [Murray] précisait dans une lettre : « sa maladie [...] quoique sans danger pour sa vie, demeure, j’en ai bien peur, une menace pour ses facultés intellectuelles ». Les Powell consultèrent d’ailleurs des médecins à New York et à Londres à son sujet.
En juin 1810, le monde de Wood s’écroula. La rumeur courut à York qu’il avait, en sa qualité de juge de paix, interrogé individuellement plusieurs jeunes hommes, en leur disant qu’une certaine Mlle Bailey les avait accusés de viol. À son dire, la plaignante avait égratigné les organes génitaux de son assaillant. Pour prouver son innocence, chacun des accusés permit donc à Wood de procéder à un examen intime. John Beverley Robinson* qualifia Wood « d’inspecteur général des comptes privés, [...] nom que le public ne manqua pas de lui servir à l’occasion pour l’injurier dans la rue ». Selon le commis de Quetton St George, même si Wood avait reçu une cargaison de Grande-Bretagne, personne ne s’approchait de son magasin. Le juge Powell s’enquit de l’authenticité de cette histoire auprès de son ami et fut horrifié devant les aveux de Wood : « Je me suis exposé au ridicule et à la malveillance [et] je ne sais plus comment m’en sortir ; j’ai tout lieu de craindre qu’on en fera des gorges chaudes et que mes ennemis ne manqueront pas l’occasion de se moquer de moi. » Powell lui riposta que l’offense était plus grave encore, puisqu’il était passible d’amende et d’emprisonnement pour avoir abusé de son pouvoir de juge de paix. On fit une déposition au ministère public « mais, à cause de son caractère odieux, l’affaire fut étouffée », à condition que Wood quitte le Haut-Canada. Il s’embarqua donc pour l’Écosse le 17 octobre 1810 en laissant son commerce à la garde de son commis.
Malgré le scandale, Wood revint à York le 25 août 1812, juste après la déclaration de la guerre, et reprit toutes ses occupations, y compris celles de juge de paix. Il avait perdu l’estime des Powell mais, par contre, l’amitié des Crookshank s’avéra à l’épreuve de tout. Quant à Strachan, établi à York, il écrivait en 1816 : « Monsieur Wood passe généralement une couple de soirées avec nous et dîne à la maison une fois la semaine. » Même si les transports et le ravitaillement étaient devenus difficiles à cause de la guerre, Wood arrivait à s’en tirer. Toutefois, les livres de comptes de la garnison d’York témoignent de l’état de ses affaires : le montant de ses ventes atteignait à peine le tiers de celles de Quetton St George et d’Allan. Même si son magasin demeura ouvert jusqu’en 1821, il était pratiquement retiré de ce commerce depuis 1815.
En 1817, Wood hérita du domaine familial et partit pour l’Écosse, mais il revint dans le Haut-Canada en 1821 pour régler ses affaires. Il allait demeurer encore 21 ans à York, où il s’occuperait davantage des intérêts des autres que des siens. Depuis son premier séjour dans cette ville, Wood y avait joué le rôle d’agent d’affaires pour des propriétaires absentéistes et d’autres investisseurs comme D’Arcy Boulton* père, James Macaulay*, lord Selkirk [Douglas*], George Okill Stuart* et la veuve du juge en chef John Elmsley*. Wood n’investit ni ne spécula jamais sur les terres pour son propre compte, mais il passa beaucoup de temps à faire des transactions et à administrer les propriétés de ses amis ou de ses clients. Tout le temps qu’il vécut dans le Haut-Canada, il fut membre du conseil d’administration ou directeur de nombreux organismes, comme la Bank of Upper Canada, la Home District Agricultural Society, la St Andrew’s Society et la Toronto Library, de même que trésorier ou secrétaire dévoué d’autres organisations, telles la Home District Savings Bank, la Loyal and Patriotic Society of Upper Canada et la Society for the Relief of the Orphan, Widow, and Fatherless.
Entre autres engagements publics, Wood participa à plusieurs commissions qu’avait instituées le gouvernement. Nommé à la seconde Commission des héritiers et légataires en 1808, il était le seul commissaire à n’être ni conseiller exécutif ni juge de la Cour du banc du roi. Sans doute à cause des nombreux services qu’il rendait à titre de président du jury d’accusation du district de Home, on le nomma à des commissions chargées de la construction de prisons (1838) et d’un asile d’aliénés (1839). En 1837, il était membre de la commission spéciale chargée de faire enquête sur les personnes accusées de haute trahison pendant la rébellion. Sur la recommandation de Strachan, on le nomma en 1823 à la commission chargée d’examiner les réclamations en dommages de guerre, mais le juge en chef Powell refusa de l’assermenter pour des raisons de moralité. Wood intenta immédiatement une poursuite en dommages et intérêts contre Powell, et le scandale de 1810 refit surface. Wood eut gain de cause, et on condamna Powell à £120 d’amende plus les frais ; ce dernier refusa cependant de payer et publia une brochure sur cette histoire en 1831. Après la mort de Powell, Wood alla rendre visite à sa veuve et lui fit grâce de la dette. Madame Powell, qui d’habitude réagissait violemment contre quiconque s’était déjà opposé à son mari, écrivit alors : « Cette générosité est tout à l’honneur de [celui qui fut] naguère notre ami dévoué et sincère. »
Wood fit un voyage en Écosse en 1842. Il avait l’intention de revenir, mais il y mourut intestat en 1844. Tous ses frères et sœurs étaient déjà morts, célibataires, y compris Thomas qui était parti de la Jamaïque pour venir s’établir à York avant 1810 et qui était décédé en 1818. Comme la loi canadienne qui régissait les successions ab intestat différait de celle de l’Écosse, il fallut d’abord établir le lieu de résidence de Wood. On présenta la cause à la Court of Session (Cour suprême d’Écosse) en 1846 et à la chambre des Lords deux ans plus tard. En 1851, il fut finalement établi que Wood était demeuré un résident d’Écosse malgré ses 45 années passées au Canada et, selon la loi écossaise, son importante fortune passa aux mains d’un cousin éloigné « dont il ignorait probablement l’existence ».
Alexander Wood était arrivé dans le Haut-Canada nanti d’une bonne éducation et d’un certain capital, avec en plus l’assurance de l’appui financier de son frère en Écosse. Il devint un ami intime de Powell et de Strachan, les deux hommes les plus influents de la province à cette époque. À titre de marchand, il évita généralement la spéculation et les risques démesurés, probablement parce qu’il était un conservateur-né et qu’il avait le sentiment que son séjour au pays était temporaire. Grâce à son sens des affaires, à l’influence de ses puissants amis et à la qualité de son travail de fonctionnaire, il réussit à ne pas se laisser stigmatiser à tout jamais par le scandale de 1810. À sa mort, le British Colonist le décrivit comme l’un des « habitants les plus respectés » de Toronto.
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Edith G. Firth, « WOOD, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wood_alexander_7F.html.
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Auteur de l'article: | Edith G. Firth |
Titre de l'article: | WOOD, ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |