ARMOUR, ROBERT, homme d’affaires, officier de milice et fonctionnaire, né le 13 juin 1781 à Kilmarnock, Écosse, fils de Robert Armour, cordonnier, et de Jean Shaw ; en 1806, il épousa Elizabeth Harvie, de Kilmarnock, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 16 avril 1857 à Montréal.
Robert Armour arriva à Montréal en 1798, probablement avec ses frères Hugh et Shaw. Il se fit encanteur et, ensuite, du moins jusqu’en 1816, il fut associé à la firme de marchands généraux Henderson, Armour and Company. En 1815, il fut nommé syndic de la Maison de la Trinité à Montréal, organisme qui réglementait le transport sur le Saint-Laurent. L’année suivante, il devint commissaire chargé d’améliorer la navigation intérieure et s’associa à la Québec Steamboat Company qui construisit le Lauzon, premier bateau à vapeur à faire le service entre Québec et Pointe-Lévy (Lauzon et Lévis). En 1820, Armour possédait des intérêts dans un autre bâtiment, le vapeur Car of Commerce, qui faisait la navette entre Québec et Montréal.
En mai 1816, Armour s’était associé à George Davis (Davies) et, en juin de l’année suivante, il fonda la Banque de Montréal avec huit autres hommes d’affaires, dont George Moffatt*, James Leslie* et Augustin Cuvillier*. La banque ouvrit ses portes en décembre 1817 dans un local qui avait originellement appartenu à Armour et à son associé, mais qui était alors sous séquestre. Leur entreprise commerciale se trouvait aux prises avec de sérieuses difficultés financières : Armour avait fait mauvais usage d’une somme de £5 024 provenant des fonds publics qu’on lui avait confiés et il était poursuivi en justice par le gouvernement. Bien que l’on ignore le dénouement de cette affaire, il semble qu’Armour se soit sorti de ce mauvais pas. Deux ans plus tard, il était caissier (directeur général) de la Banque du Canada, dont l’existence fut de courte durée. À la fin des années 1820, Armour vendait de l’assurance et des marchandises sèches à Montréal.
Armour se trouva aussi engagé dans de nombreuses activités tout à fait étrangères à ses opérations commerciales. Par exemple, il fut lieutenant dans le 1er bataillon de milice de la ville de Montréal, tout au moins de 1815 à 1821. Il eut aussi, de 1815 à 1817, la charge de trésorier de la congrégation Scotch Presbyterian, connue plus tard sous le nom de St Gabriel Street, et fut ordonné conseiller presbytéral en 1819. Quand, en 1832, la communauté se divisa en deux groupes, l’un prenant parti pour le révérend Henry Esson, traditionaliste, et l’autre pour le révérend Edward Black*, de tendance évangélique, les Armour suivirent ce dernier pour former la congrégation St Paul. Cependant, Robert, ami d’Esson, aida à calmer les esprits.
En avril 1827, Armour fut nommé imprimeur du roi pour le district de Montréal, poste qu’il occupa jusqu’à sa destitution le 1er décembre 1832. Se servant de l’argent provenant de la succession de sa défunte épouse et qui aurait dû être gardé en fiducie pour ses enfants, Armour acheta, en mai 1827, de son ami Thomas Andrew Turner l’anémique Montreal Gazette pour la somme de £750 et il investit un autre montant de £1 150 dans l’imprimerie et la maison d’édition. À la fin de l’année suivante, il transféra à ses enfants les titres de propriété en garantie du remboursement progressif de la somme de £1 900. Il devait continuer à exploiter l’entreprise par fidéicommis, à verser un loyer annuel de £100 et à assumer l’entière direction de l’affaire une fois que l’argent dû à la succession serait totalement remboursé. Sous sa direction, la nouvelle Montreal Gazette adopta un format attrayant, porta de quatre à cinq les colonnes de chaque page et parut trois fois par semaine dès le milieu des années 1830. Le journal se fit aussi le promoteur des activités culturelles et littéraires de la communauté. En outre, lorsque l’agitation politique s’amplifia après 1828, la Gazette, qui était alors le principal journal tory du Bas-Canada, prit fait et cause pour les marchands qui se plaignaient des restrictions imposées par l’Acte constitutionnel de 1791, et se prononça même en faveur de l’annexion de Montréal au Haut-Canada. Le journal insista pour qu’un nombre accru d’immigrants britanniques viennent s’établir dans les deux Canadas et recommanda que le Saint-Laurent joue un plus grand rôle dans le transport des produits canadiens et américains destinés à la Grande-Bretagne. En fait, il accusait l’Assemblée, dominée par les francophones, de s’opposer au commerce en refusant de s’endetter pour améliorer les voies fluviales. Blâmant Louis-Joseph Papineau*, la Gazette combattait le nationalisme canadien-français pour son « républicanisme », sa « féodalité » et sa « corruption ». Elle appuyait ouvertement les constitutionnalistes tories et se montrait favorable aux organismes paramilitaires créés par les Britanniques du pays. En mars 1836, la Gazette alla jusqu’à prédire une « guerre civile » et, en juin, irritée par l’attitude du gouverneur Gosford [Acheson*] qui cherchait à gagner l’appui du parti patriote afin d’obtenir une réconciliation sur le plan politique, elle insista pour que ce dernier quitte le pays.,
Au cours des années 1830, il y eut de nombreux changements à la Gazette. En mai 1831, Armour forma une association avec son fils Andrew Harvie (né en 1809), et la firme prit le nom d’Andrew H. Armour and Company. Il se peut qu’à cette époque Robert Armour ait joué un rôle plus effacé dans l’entreprise, mais il continua à exploiter son commerce de marchandises sèches et agit aussi à titre de courtier en immeubles et d’agent d’assurances contre l’incendie. De 1828 à 1831, son fils aîné, Robert (né en 1806), dirigea le Montreal almanack, or Lower Canada register [...], fondé et publié par son père. Robert fils fut aussi le « principal rédacteur en chef » de la Gazette jusqu’en 1836. Il avait étudié à l’University of Edinburgh, suivi les cours de droit de Samuel Gale* et avait été reçu avocat en 1829. En 1832, il fut nommé secrétaire et greffier de la Maison de la Trinité. En septembre 1837, il fit l’acquisition du Farmer’s Advocate and Townships Gazette de Sherbrooke et, après avoir changé le nom de ce journal en celui de Sherbrooke Gazette and Townships Advertiser, il le mit au service des tories. Après la disparition de ce journal en 1839, Robert fils remplit les fonctions d’inspecteur d’écoles en 1839–1840, puis de greffier en loi et de traducteur au Conseil législatif de 1841 jusqu’à sa mort en 1845.
Dans l’intervalle, Andrew Harvie avait mis fin en mai 1835 à son association avec son père et s’était associé à son beau-frère Hew Ramsay, libraire-éditeur. En mai 1836, la firme Armour and Ramsay acquit les intérêts que Robert Armour possédait dans la Montreal Gazette, journal qu’elle publia jusqu’au 1er août 1843. Avec des rédacteurs en chef tels David Chisholme* et David Kinnear*, tous deux francophobes et possédant une connaissance approfondie des lois constitutionnelles, la Gazette continua à défendre les intérêts des Britanniques et des tories à Montréal. Elle s’opposait à l’établissement d’un gouvernement responsable parce qu’elle y voyait un affaiblissement de la mainmise de l’Empire sur les affaires canadiennes, une invitation à la corruption engendrée par les partis politiques et à la prise du pouvoir par des démagogues. La Gazette s’attaqua aussi à Robert Baldwin et s’éleva contre l’entrée au Conseil exécutif, en 1842, des Canadiens français dirigés par Louis-Hippolyte La Fontaine*. Selon le journal, cela signifiait pour les tories la perte de tout ce qu’ils avaient obtenu après 1837 et marquait la fin des tentatives visant à assimiler les Canadiens français.
Armour et Ramsay furent imprimeurs de la reine pour le compte du Conseil spécial de 1838 à 1840. Quand ils cédèrent la Montreal Gazette à Robert Abraham en 1843, le journal paraissait quotidiennement pendant les mois d’été. Durant les années 1840, Armour et Ramsay furent les principaux libraires de la province du Canada ; ils avaient des succursales à Kingston et à Hamilton, et leur commerce s’étendait jusqu’aux États-Unis. Ils firent échec à l’invasion croissante des éditions pirates de livres et de périodiques américains en important des « éditions coloniales » bon marché d’ouvrages classiques écrits par des auteurs britanniques. De plus, ils publièrent des réimpressions de manuels scolaires de l’Irish National Series afin de satisfaire à la demande de plus en plus forte pour cette catégorie de livres. Pour faire connaître leurs initiatives dans le commerce du livre, ils publièrent en 1845 Armour and Ramsay’s literary news-letter, and general record of British literature. En outre, ils fabriquèrent des livres comptables, tels des grands-livres, des journaux et des livres de caisse, et firent paraître le Presbyterian lancé en 1848 pour servir de porte-parole à l’Église presbytérienne du Canada affiliée à l’Église d’Écosse. Auparavant, en 1840, ils avaient publié le roman historique intitulé The Canadian brothers ; or, the prophecy fulfilled, de John Richardson, événement qui suscita l’espoir de voir apparaître une littérature indigène. Après la dissolution de son association avec Armour en 1850, Ramsay administra l’entreprise de Montréal jusqu’en 1857, année de sa mort. Quant à Andrew Harvie, il dirigea une librairie à Toronto jusqu’à son décès survenu en 1859.
Robert Armour père poursuivit son activité dans la vente des marchandises sèches. En 1843, en plus d’exploiter la Robert Armour and Company, il semble qu’il se soit associé à William Whiteford dans un autre commerce en gros de marchandises sèches ayant comme raison sociale Armour, Whiteford and Company. Au cours des années 1840, Armour fut membre du conseil d’administration de diverses entreprises, dont la Compagnie de l’éclairage par le gaz de Montréal, la Compagnie d’assurance de Montréal contre les accidents du feu, la Banque de la cité (à Montréal) et la Banque d’épargnes et de prévoyance de Montréal. En 1850, il avait abandonné la vente des marchandises sèches et cessa probablement ses activités commerciales peu après. Il continua néanmoins jusqu’à sa mort en 1857 d’exercer les fonctions de maître de la Maison de la Trinité, poste qu’il occupait depuis 1834.
Robert Armour et ses fils, Robert et Andrew Harvie, appartenaient à ce groupe d’hommes d’affaires écossais de Montréal, dont les activités politiques et commerciales se heurtèrent aux aspirations nationalistes des Canadiens français. Les Armour devinrent des personnages en vue au cours des dernières décennies où régna le vieux régime mercantile britannique. C’est sans aucun doute grâce à leur clairvoyance qu’ils réussirent dans les affaires, le journalisme et le commerce du livre, ce qui ne les empêcha pas de prêter une voix éloquente aux tories qui appuyaient la classe commerçante britannique dans les deux Canadas. Malheureusement pour ce groupe, l’image qu’il se faisait d’une société coloniale s’était déjà évanouie en 1850 par suite d’une série de changements de nature politique et commerciale survenus au pays et à l’étranger.
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George L. Parker, « ARMOUR, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/armour_robert_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/armour_robert_8F.html |
Auteur de l'article: | George L. Parker |
Titre de l'article: | ARMOUR, ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |