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COGSWELL, HENRY HEZEKIAH, avocat, financier, fonctionnaire, homme politique et philanthrope ; né le 12 avril 1776 dans le canton de Cornwallis, Nouvelle-Écosse, fils de Mason Cogswell et de Lydia Huntington ; en juin 1805, il épousa à Windsor, Nouvelle-Écosse, Isabella Ellis, et ils eurent dix enfants ; décédé le 9 novembre 1854 à Halifax.
Issu de la Nouvelle-Écosse rurale, Henry Hezekiah Cogswell devait devenir l’un des plus grands entrepreneurs de Halifax, dont la fortune égalerait celles d’Enos Collins* et de Samuel Cunard*. La famille Cogswell avait quitté le Connecticut en 1761 pour s’établir dans une terre du canton de Cornwallis, qui appartenait auparavant à des colons acadiens. Le père de Cogswell donna une telle expansion à sa ferme qu’elle en vint à se classer dans le premier vingtième des propriétés du canton au chapitre de l’étendue. Trois des fils de Mason Cogswell demeurèrent à la ferme, mais Henry Hezekiah, le cadet, fut destiné aux professions libérales. Envoyé au King’s College de Windsor en 1789, peu après son ouverture, le jeune Cogswell acquit les rudiments d’une éducation supérieure. Fait tout aussi important, il se fit, tant parmi les étudiants que parmi le corps enseignant, des relations qui jouèrent probablement un rôle décisif dans son admission au sein de l’oligarchie de Halifax.
Une fois diplômé, Cogswell s’installa à Halifax, où il reçut une formation juridique comme clerc dans le cabinet de Richard John Uniacke*, solliciteur général de la Nouvelle-Écosse. Admis au barreau en 1798, Cogswell connut apparemment un succès rapide : les concurrents étaient rares et, en raison des litiges soulevés par les butins, en ces années de guerres napoléoniennes, les tribunaux de Halifax étaient beaucoup plus occupés qu’à l’habitude. En juin 1805, il épousa Isabella Ellis, fille d’un ministre anglican, et le premier de leurs dix enfants naquit cinq mois plus tard. À mesure qu’il gravissait les échelons de la société, Cogswell abandonna le presbytérianisme pour adhérer à l’Eglise d’Angleterre, ce qui était mieux vu. Se conformer aux normes de l’oligarchie était important, puisque, très tôt, Cogswell avait manifesté le désir d’occuper une position officielle. N’ayant pas réussi à se faire nommer greffier de la chambre d’Assemblée, il cultiva avec soin ses relations parmi les membres du barreau jusqu’à ce que, en 1812, grâce à l’intervention du juge en chef Sampson Salter Blowers*, il soit nommé sous-secrétaire de la province. Ce poste, que Cogswell occupa pendant les six années suivantes, lui assurait, avec ses honoraires, un revenu annuel de plus de £1 000. Mais surtout il lui permettait de côtoyer chaque jour le lieutenant-gouverneur, premier dispensateur des faveurs du gouvernement.
Il semble que Cogswell ne retourna plus à la pratique privée après 1812, parce qu’il tirait un revenu largement suffisant de ses fonctions officielles et de ses investissements personnels. En 1818, son mandat de sous-secrétaire de la province prit fin, mais, en compensation, il fut nommé greffier de la Cour de la chancellerie, fonction qu’il exerçait apparemment à titre intérimaire depuis 1814. Un contemporain signala plus tard que ce poste rapportait un revenu annuel de £500 à £600 ; de plus, il permettait à Cogswell de conserver ses entrées auprès du lieutenant-gouverneur. À ce moment, Cogswell n’était pas loin de s’être constitué un substantiel portefeuille d’investissements, composé surtout d’hypothèques et de titres de terres en franche tenure. Il s’était aussi engagé dans la spéculation comme entrepreneur, jouant notamment un rôle de premier plan dans la fondation de deux des premières sociétés de Halifax constituées juridiquement, la Halifax Fire Insurance Company (1809) et la Halifax Steam Boat Company (1815). Après les guerres napoléoniennes, tout en poursuivant ses autres activités, il fit une brève incursion sur la scène politique. Élu député du canton de Halifax à la chambre d’Assemblée en 1818, il s’attaqua avec enthousiasme aux questions financières, préconisant l’augmentation du volume de la monnaie de papier émise par la province, cherchant à augmenter le crédit offert aux fermiers et faisant valoir l’urgence de constituer juridiquement une banque à Halifax. Aucune de ces mesures, conçues pour mettre un frein à la dépression économique qui sévissait en Nouvelle-Écosse après les années de guerre, ne fut adoptée par l’Assemblée. Les positions de Cogswell sur les questions bancaires contribuèrent peut-être à sa défaite aux élections de 1820, car des membres importants de la communauté des marchands de Halifax craignaient que pareil établissement ne nuise à leurs activités de banquiers privés.
Cogswell continua néanmoins de s’intéresser à ces questions et, en 1825, après plusieurs vaines tentatives visant à obtenir de l’Assemblée une charte pour une banque publique qui aurait été constituée en banque par actions, il se joignit à Enos Collins, Samuel Cunard, William Pryor et à quatre autres grands marchands de Halifax pour former la Halifax Banking Company, association non enregistrée et pourvue d’un capital de £50 000. Première véritable banque de la province, cet établissement recevait les dépôts, émettait des billets de banque et accordait un crédit à court terme aux hommes d’affaires de la région. Sans charte, les associés demeuraient entièrement responsables des dettes de la banque et n’avaient pas la sécurité que leur aurait garantie un monopole légal dans la province. Pourtant, grâce à la croissance à long terme du commerce néo-écossais, la banque prospéra. Moins d’une décennie après sa fondation, les associés touchaient un rendement de 20 p. cent sur leurs investissements. Cogswell, qui avait versé le cinquième du capital original, fut le premier président de la banque et conserva ce poste jusqu’à sa mort. Présidant les réunions hebdomadaires du conseil d’administration, il fut bientôt surnommé « lord Hezekiah » et, selon Joseph Howe*, il régentait la communauté avec une « férule de papier », exploitant le « travail et [la] sueur du peuple ».
Avec les années, Cogswell et ses associés parvinrent à intégrer encore davantage le pouvoir économique et le pouvoir politique de la province, ce qui ne manqua pas de susciter un antagonisme de plus en plus aigu. En 1831, par exemple, Cogswell se fit nommer au Conseil de la Nouvelle-Écosse, ce qui signifiait que cinq des douze sièges étaient occupés par des membres de la Halifax Banking Company. Au même moment, la banque, qui n’avait encore aucune concurrente réelle, détenait plus du tiers de la dette provinciale, Cogswell en détenant à lui seul plus de 10 p. cent. Cette situation ne pouvait manquer de faire soupçonner l’existence de conflits d’intérêts, surtout depuis la querelle du Brandy, en 1830, où Enos Collins avait eu une conduite douteuse. Les soupçons se transformèrent en accusations lorsque, en 1832, le conseil opposa des obstacles à ceux qui voulaient obtenir une charte publique pour créer une deuxième banque à Halifax. Celle-ci, la Banque de la Nouvelle-Écosse, obtint sa charte en 1832, mais le conflit avait encore terni la réputation de Cogswell et de ses associés. Le mécontentement de la population atteignit de nouveaux sommets pendant les quatre années suivantes, la concurrence entre les deux banques déséquilibrant le crédit et contribuant à une vague de faillites parmi les petits hommes d’affaires. En pareilles circonstances, le « vieux Coggy » fut dénoncé avec véhémence. Ainsi, d’après Joseph Howe, il suffisait d’« un signe de tête de l’astucieux président pour faire monter ou descendre la valeur de n’importe quelle sorte de biens. Tout ce que les banquiers voulaient acheter perdait soudainement de la valeur et tout ce qu’ils voulaient vendre en prenait aussi soudainement. »
Plus important dans les affaires de la communauté qu’un simple banquier ou conseiller, Cogswell constituait une cible idéale pour tout nouveau mouvement réformiste. Au milieu des années 1830, il occupait toute une gamme de postes publics : président de la Halifax Street Commission, donc responsable des fonds affectés aux grands travaux publics ; commissaire de la Cour de vice-amirauté et des Halifax Commons ; président du Halifax Board of Health et membre de la Revenue Commission, organisme chargé de veiller sur le trésor public. En outre, Cogswell était omniprésent dans le monde des affaires : président de l’Albion Fire and Life Insurance Company et de l’Annapolis Iron Mining Company, il siégeait aussi au conseil d’administration de la Nova Scotia Marine Insurance Company, de la Nova Scotia Whaling Company et de la Halifax Hotel Company. Ironie du sort, Joseph Howe devait personnellement £1 200 à Cogswell au moment où il lança sa campagne en faveur du gouvernement responsable, aux élections générales de 1836.
À compter de cette année-là, l’agitation réformiste ne cessa de prendre de l’ampleur et poussa peu à peu Cogswell à se retirer de la scène publique. En 1838, il dut quitter le Conseil législatif, récemment constitué en entité distincte, et, deux ans plus tard, il se trouva exclu du Conseil exécutif. Halifax ayant été érigé en cité en 1841, il perdit aussi ses fonctions municipales. Le coup final survint quand, en 1843, le lieutenant-gouverneur lord Falkland [Cary*] le démit de ses fonctions à la Revenue Commission parce qu’il avait tenté d’empêcher Howe d’être nommé receveur de l’accise. En réclamant une audience auprès du secrétaire d’État aux Colonies, Cogswell, furieux, se plaignit de ce que la réforme avait tellement anéanti les « principes constitutionnels » que la constitution de la province offrait « une forte ressemblance avec celle de la Turquie où, pour contenter de bruyants agitateurs ou pour satisfaire les caprices d’un pacha, on lan[çait] des têtes par-dessus le mur ». Ni la rhétorique ni les généreuses sommes d’argent qu’il versa apparemment à des hommes politiques conservateurs comme James William Johnston* ne permirent toutefois à Cogswell d’empêcher l’avènement du gouvernement responsable. Sa défaite, cependant, blessa plus son orgueil personnel qu’elle n’affaiblit sa position financière.
Les réformistes profitèrent de leur nouveau pouvoir en refusant pendant un court moment de confier des fonds publics à la Halifax Banking Company, mais ce fut leur seule vengeance contre Cogswell. Leur modération provenait en partie du respect que lui valaient ses activités de bienfaiteur public – car Cogswell était le plus grand philanthrope de Halifax. Il était membre de la Poor Man’s Friend Society de la ville ; vice-président de la Nova Scotia Bible Society et de la Diocesan Church Society de l’Église d’Angleterre ; président de la Royal Acadian Society, de l’Association for the Aid of the Colonial Church Society et du Halifax Library Committee et administrateur de la Halifax Agricultural Society. Il aida aussi le Mechanics’ Institute en lui versant des dons et en faisant aménager une sortie d’urgence dans la salle de réunion. De plus, il participa à la création de la King’s College Alumni Association et fit au collège des dons si généreux qu’ils lui valurent un doctorat honorifique en droit civil en 1847. Toutes ces activités, auxquelles Cogswell se consacrait peut-être par attachement aux préceptes évangéliques, contribuèrent à nuancer son image de chef rapace des financiers de Halifax. Toutefois, il se peut que les réformistes victorieux aient avant tout cherché à s’entendre avec lui parce qu’ils avaient besoin de son appui pour poursuivre le développement économique.
Howe et Cogswell étaient d’ailleurs à peu près d’accord sur un point important, un seul : la construction de chemins de fer en Nouvelle-Écosse. Au milieu des années 1840, tous deux se laissèrent emporter par l’enthousiasme que suscitait une ligne ferroviaire Halifax-Québec. Cogswell présida un lobby d’hommes d’affaires qui, à Halifax, tenta de convaincre l’Assemblée d’affecter des fonds publics à la construction ferroviaire. Cette tentative donna peu de résultats immédiats, mais Cogswell demeura convaincu que ce nouveau moyen de transport stimulerait la croissance économique. En 1852, il publia Views : relative to the construction of a railway from Halifax to Quebec [...], brochure dans laquelle il pressait le gouvernement impérial de contribuer plus généreusement au chemin de fer intercolonial. Cogswell y affirmait que le projet dépassait les possibilités de l’entreprise privée, mais, au lieu de proposer que les gouvernements coloniaux concernés aient la responsabilité des travaux, il favorisait la création d’une fédération à la grandeur de l’Amérique du Nord britannique, estimant que le leadership en serait probablement confié à des hommes guidés par des considérations supérieures à l’esprit de clocher et au favoritisme local. Il proposait aussi que le chemin de fer soit construit par une masse d’immigrants placés sous la surveillance d’officiers de l’armée britannique et soumis au « commandement et [au] contrôle militaires ».
Cette brochure, expression de l’élitisme tory et des ambitions d’un entrepreneur, constitue la dernière intervention publique de Cogswell. Il mourut deux ans plus tard ; malgré sa perspicacité d’homme d’affaires, il n’avait pas laissé de testament. Ses biens furent évalués à £116 905 : plus de £40 000 en hypothèques, £30 000 de biens immobiliers en franche tenure et le reste en espèces, actions et obligations. Partisan du développement industriel de la région, Cogswell avait quand même concentré la plus grande part de ses investissements dans l’immobilier et les entreprises commerciales. En outre, près de 20 p. cent de ses épargnes étaient allées dans des titres de banques américaines. Toute sa fortune passa à une demi-douzaine de personnes, ses enfants ou petits-enfants. Deux de ses enfants, Isabella Binney Cogswell* et James Colquhoun Cogswell, acquirent de la notoriété à Halifax au xixe siècle, la première comme philanthrope, le second comme marchand-banquier et président de la Halifax Banking Company.
On peut dire qu’en Nouvelle-Écosse, trois hommes dominèrent le monde des affaires au début de l’époque victorienne : Enos Collins, Samuel Cunard et Henry Hezekiah Cogswell. Même s’il est difficile de percer le masque de sa froide probité, Cogswell avait probablement une personnalité plus complexe que ses deux pairs. À la fois tory inflexible, homme d’affaires intuitif et administrateur consciencieux des affaires de la communauté, il demeure un représentant mémorable de son époque.
Henry Hezekiah Cogswell est l’auteur de : Views : relative to the construction of a railway from Halifax to Quebec, by the British government [...] (Halifax, 1852).
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David A. Sutherland, « COGSWELL, HENRY HEZEKIAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cogswell_henry_hezekiah_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cogswell_henry_hezekiah_8F.html |
Auteur de l'article: | David A. Sutherland |
Titre de l'article: | COGSWELL, HENRY HEZEKIAH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |