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DIONNE, AMABLE, marchand, officier de milice, homme politique et seigneur, né le 30 novembre 1781 à Kamouraska, Québec, fils d’Alexandre Dionne, cultivateur et capitaine de milice, et de Magdelaine Michaud ; le 10 juin 1811, il épousa à Rivière-Ouelle, Bas-Canada, Catherine Perrault, nièce et fille adoptive du seigneur de l’endroit, Jacques-Nicolas Perrault*, et ils eurent 13 enfants ; décédé le 2 mai 1852 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière (La Pocatière, Québec).
Issu d’une des premières familles à s’établir à Kamouraska, Amable Dionne fréquente l’école pendant un an et demi environ. En 1802, il signe un contrat d’engagement avec un marchand de Rivière-Ouelle, Pierre Casgrain*, dont il devient d’abord le commis, puis l’associé en 1812. Un an après son mariage, Dionne quitte Rivière-Ouelle avec sa femme pour aller s’établir à Kamouraska où il devient marchand pour la société Casgrain et Dionne dans une maison appartenant à son associé. En 1818, la société est dissoute à l’amiable, et Dionne s’installe à son compte.
Les talents et la discipline de Dionne, qui est un homme éminemment autoritaire, ne sont pas les seuls responsables de sa réussite financière. En effet, son commerce est situé au cœur d’une seigneurie en pleine expansion démographique, qui compte vers 1820 quelque 5 000 habitants. Il s’agit, par rapport à 1790, d’une augmentation exceptionnelle d’environ 300 p. cent, favorisée peut-être autant par l’immigration que par l’accroissement naturel. Par ailleurs, selon les observations de l’arpenteur Joseph Bouchette*, six goélettes transportent sur le marché de Québec entre 1815 et 1820 d’appréciables quantités de poisson, de bois, de blé et d’un beurre dont la qualité est renommée dans la capitale. Le volume des échanges avec l’extérieur assure une rentrée nette de numéraire disponible pour l’achat de biens de consommation. Voilà l’origine de la prospérité des notables du commerce, de la médecine et du droit à Kamouraska, qui le disputent en prestige et en pouvoir aux résidents du presbytère.
La carrière politique de Dionne s’amorce en 1830, au moment où il est élu député de la circonscription de Kamouraska à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. En 1834, il est un des signataires des Quatre-vingt-douze Résolutions rédigées par Augustin-Norbert Morin* et où se trouvaient exposés les principaux griefs et demandes de l’Assemblée. Il est réélu la même année. Dionne en vient cependant à se démarquer de la pensée de Louis-Joseph Papineau* et se fait le défenseur de l’ordre au moment des troubles de 1837. Il accède au Conseil législatif en août 1837 et y siège jusqu’en mars 1838. En avril, il est appelé au Conseil spécial et y demeure jusqu’en février 1841. Par la suite, le Conseil législatif le compte de nouveau parmi ses membres d’août 1842 à mai 1852.
À l’époque où Dionne se lance en politique, il entreprend également une série de transactions par lesquelles il deviendra propriétaire des seigneuries La Pocatière et de la Grande-Anse, dont la gestion sera confiée à des représentants. Durant les années 1830, Dionne dispose de liquidités et de biens fonciers considérables. En outre, il a accumulé au cours des ans un capital symbolique fait d’estime sociale et de respectabilité. Cela se voit notamment par le rang qu’il occupe dans la milice. Nommé capitaine dans le bataillon de Rivière-Ouelle en 1818, il obtient le grade de major le 10 août 1830. Il est donc en mesure de combiner l’actif de sa réussite financière et de son prestige pour mettre en œuvre des stratégies matrimoniales appropriées à son rang social. Les 8 000 $ de dot que recevra chacune de ses huit filles suffit à marquer l’influence prépondérante exercée par le marchand dans le choix de ses gendres. Parmi ceux-ci figureront Olivier-Eugène Casgrain, notaire et propriétaire de la seigneurie de L’Islet, fils de Pierre Casgrain, l’ancien associé de Dionne ; l’avocat Pierre-Elzéar Taschereau, collègue de Dionne à l’Assemblée ; George-Paschal Desbarats*, imprimeur et éditeur de Québec ; Jean-Thomas Taschereau*, fils du juge Jean-Thomas Taschereau* ; le marchand Jean-Charles Chapais* ; le docteur Ludger Têtu et le commerçant Cirice Têtu, les fils d’un ami de Dionne. Quant à ses propres fils, ils délaissent tous deux la pratique du droit au bout de quelques mois et s’installent sur leurs terres après la mort de leur père.
En plus de distribuer des biens à ses enfants de son vivant, Dionne assume certaines responsabilités vis-à-vis de sa parenté. Ainsi, une adoption devait être à l’origine d’un drame familial particulièrement douloureux. En 1821, une sœur de Mme Dionne perd son mari, et les Dionne décident alors de prendre en charge son fils Charles-Paschal-Télesphore Chiniquy*. Banni de la maison quatre ans plus tard parce qu’il aurait attenté à la vertu d’une de ses sœurs adoptives, Chiniquy vouera jusqu’à sa mort une haine profonde à son oncle. Dans ses mémoires publiés en 1885, il écrira que Dionne « avait fait une fortune colossale » aux dépens des paroissiens de Kamouraska : « le curé [Jacques] Varin, enchaîné aux pieds de M. Dionne par des dettes énormes, n’osait pas aller à d’autres magasins. Tout ce dont il avait besoin pour lui-même et pour la fabrique était acheté chez lui à crédit, à des taux exorbitants. » Par ailleurs, en 1824, Dionne verse une pension au père biologique de sa femme, l’instituteur Michel Perrault, devenu inapte au travail. Après avoir quitté un mari ivrogne et brutal, une des sœurs du marchand se réfugie chez lui et y passe une bonne partie de sa vie. Un petit-fils de Dionne, devenu orphelin de mère en 1838, est recueilli dans la maison du grand-père.
Amable Dionne demeure à Kamouraska jusqu’à ce qu’il fasse aménager son manoir de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1849. Il ne l’habite cependant que durant trois ans, car il meurt le 2 mai 1852, laissant à son épouse 150 000 $ en héritage. Ses funérailles ont lieu le 6 mai, en présence de quelque 2 000 personnes venues des environs. Son corps est inhumé dans l’église paroissiale à la suite d’un service funèbre chanté par les élèves du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, dont il était l’un des bienfaiteurs.
AP, Notre-Dame-de-Liesse (Rivière-Ouelle), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 10 juin 1811 ; Sainte-Anne (La Pocatière), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 6 mai 1852 ; Saint-Louis (Kamouraska), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 30 nov. 1781.— P.-B. Casgrain, Mémorial des familles Casgrain, Baby et Perrault du Canada (Québec, 1898).— C.[-P.-T.] Chiniquy, Cinquante ans dans l’Église de Rome (Montréal, 1885).— Alexandre Paradis, Kamouraska (1674–1948) (Québec, 1948).— Henri Têtu, Histoire des familles Têtu, Bonenfant, Dionne et Perrault (Québec, 1898).— F.-J. Audet, « Membres du Conseil spécial », BRH, 7 (1901) : 82–83.— Serge Gagnon, « le Clergé, les Notables et l’Enseignement privé au Québec : le cas du collège de Sainte-Anne, 1840–1870 », Hist. sociale (Ottawa), n° 5 (avril 1970) : 45–65.— W. J. Price, « Aux origines d’un schisme ; le centenaire d’une réconciliation avortée », RHAF, 12 (1958–1959) : 519–520.— P.-G. Roy, « Trois Hommes de bien », BRH, 34 (1928) : 28–31.
Bibliographie de la version révisée :
La Gazette de Québec, 4 juin 1812.
Serge Gagnon, « DIONNE, AMABLE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/dionne_amable_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/dionne_amable_8F.html |
Auteur de l'article: | Serge Gagnon |
Titre de l'article: | DIONNE, AMABLE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 2020 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |