JUNEAU, LAURENT-SALOMON, trafiquant de fourrures, fonctionnaire, homme d’affaires et homme politique, né le 9 août 1793 à Repentigny, Bas-Canada, fils de François Juneau, dit Latulippe, et de Thérèse Galarneau ; en 1818 ou 1819, probablement, il épousa Josette Vieau, et ils eurent 15 enfants ; décédé le 14 novembre 1856 à Shawano, Wisconsin.

Laurent-Salomon Juneau fut élevé à L’Assomption, au Bas-Canada. Encore adolescent, il partit faire la traite des fourrures pour le compte de Louis Reaume (Eaume), à titre de voyageur. Un peu plus tard, il semble avoir travaillé pour la Hudson’s Bay Company, puis, en 1818, il signa un contrat d’engagement en qualité de commis au service de l’American Fur Company au fort Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). Au début de 1819, il prit la relève de son beau-père, Jacques Vieau, à la direction du poste de traite situé là où se jette la rivière Milwaukee dans le lac Michigan. Juneau était de taille imposante, mesurant plus de six pieds deux pouces, et avait un tempérament bien adapté au mode de vie des trafiquants de fourrures. Ses voisins et les Indiens avec qui il était en relations d’affaires au poste de Milwaukee lui accordaient leur confiance et le respectaient parce qu’il se montrait généreux et honnête.

En 1832, après la défaite des Renards et des Sauks conduits par Black Hawk, la région comprise entre le lac Michigan et le fleuve Mississippi fut jugée sûre, donc favorable au peuplement par les Américains. Parce qu’il habitait depuis longtemps le poste de Milwaukee, Juneau, qui avait pris la citoyenneté américaine en 1831, détenait des droits de préemption sur des terres s’étendant du côté est de la rivière. En octobre 1833, il vendit la moitié de ces droits à Morgan Lewis Martin, qui habitait la région de la baie des Puants (baie Green, Wisconsin) depuis 1827, et revendiqua 132 acres de terre en son nom et 157 acres au nom de son frère Pierre qui s’était fixé à Milwaukee un peu avant 1830. Le gouvernement des États-Unis reconnut le bien-fondé de sa demande en août 1835, et Juneau et Martin purent acheter des terres, qu’ils payèrent 361 $. Cette année-là, ils dressèrent un plan du village de Milwaukee, qui devait être construit sur leurs terres.

Entre 1835 et 1839, Juneau et Martin dépensèrent des sommes considérables pour ouvrir des rues et améliorer les services publics. Un bureau de poste fut accordé à Milwaukee en 1835 et bâti sur un terrain appartenant à Juneau. Ce dernier fut nommé maître de poste et exerça cette fonction jusqu’en 1843. Il avait construit un palais de justice au coût d’environ 8 000 $ en 1836, afin que son village devienne le chef-lieu du comté. L’année suivante, il lança un journal, le Milwaukee Sentinel, participa à la fondation de la Bank of Milwaukee et, avec Martin, construisit un hôtel, le Milwaukee House. La spéculation fit grimper le prix des terrains, et dès 1836 on évaluait la fortune de Juneau à plus de 100 000 $ en monnaie qualifiée de « wild cat », c’est-à-dire que la valeur de celle-ci était gonflée artificiellement.

Gagné par la fièvre de la spéculation, Juneau commença à racheter à des prix exagérés les lots qu’il avait déjà cédés, pour les revendre ensuite en assurant aux acheteurs que la valeur des terrains allait doubler en moins d’un an. Mais une circulaire du président Andrew Jackson, publiée en juillet 1836 et portant sur le numéraire, déclencha une panique dans le monde de la finance en 1837 et mit un terme à la spéculation, ce qui eut comme conséquence de faire chuter brutalement le prix des lots à Milwaukee. Juneau, qui n’avait guère le sens des affaires, avait emprunté de fortes sommes d’argent pour améliorer les services municipaux et exécuter d’autres travaux, comme la construction du bateau à vapeur Milwaukee, terminée en 1837. Avec l’effondrement du prix des terrains, il perdit à peu près tout ce qu’il possédait. Alors qu’en 1836 il était en pourparlers avec l’American Fur Company en vue d’acheter les intérêts détenus par cette société au fort Michillimakinac, en 1838 il ne pouvait même plus payer les marchandises dont il avait besoin pour faire la traite des fourrures.

En dépit de ses pertes financières et de ses lourdes dettes, Juneau conserva le respect de la population de Milwaukee qui l’élut président du village en 1839. Sept ans plus tard, quand on érigea Milwaukee en municipalité, il en fut élu premier maire et servit la durée d’un mandat. Juneau quitta Milwaukee en 1848 pour aller vivre à Theresa, dans le Wisconsin, village qu’il établit sur les bords de la rivière Rock et auquel il donna le nom de sa mère. À Theresa, il tint magasin, exerça la fonction de maître de poste et exploita un moulin.

La mort de sa femme en 1855 laissa Laurent-Salomon Juneau abattu, et sa santé s’altéra rapidement. Il mourut en novembre 1856 à Shawano, où il se trouvait en voyage d’affaires. Sa dépouille fut transportée à Milwaukee pour y être inhumée, et 10 000 personnes s’alignèrent le long des rues afin de rendre un dernier hommage au disparu. Aujourd’hui, une rue, un parc et un imposant monument rappellent la mémoire de Juneau, le fondateur de Milwaukee.

Paul Trap

Milwaukee County Hist. Soc. (Milwaukee, Wis.), Solomon Juneau papers.— Wis., State Hist. Soc. (Madison), Juneau files, 1836–1837 ; M. L. Martin papers.— Wis., State Hist. Soc., Coll., 1 (1855) : 130–134 ; 11 (1888) : 218–337, 385–407 ; 15 (1900) : 458–469.— Daily Wisconsin (Milwaukee), 28 nov. 1856.— Milwaukee Sentinel, 14, 18 nov. 1856.— DAB.— Tanguay, Dictionnaire, 5 : 38.— J. S. Buck, Pioneer history of Milwaukee [...] (4 vol., Milwaukee, 1876–1886).— Isabella Fox, Solomon Juneau ; a biography with sketches of the Juneau family (Milwaukee, [1916]).— Joseph Tassé, les Canadiens de l’Ouest (2 vol., Montréal, 1878), 1 : 213–237.

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Paul Trap, « JUNEAU, LAURENT-SALOMON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/juneau_laurent_salomon_8F.html.

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Auteur de l'article:    Paul Trap
Titre de l'article:    JUNEAU, LAURENT-SALOMON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    5 déc. 2024