LE BORGNE DE BELLE-ISLE, ALEXANDRE, gouverneur suppléant de l’Acadie, seigneur de Port-Royal, né en 1640 ou en 1643, à La Rochelle, d’Emmanuel Le Borgne et de Jeanne François, mort à Port-Royal vers 1693.
Emmanuel Le Borgne avait consenti des avances considérables à Menou d’Aulnay, ancien gouverneur de l’Acadie, pour favoriser ses projets de colonisation. À la mort de d’Aulnay en 1650, Le Borgne voulut rentrer dans ses fonds. Les réclamations et les démarches qu’il entreprit dans ce but devaient l’impliquer dans des querelles acerbes qui ont entaché l’histoire de la colonie à cette époque. Le jeune Alexandre grandit ainsi dans une atmosphère de litige entre des personnes dont le rôle est encore diversement apprécié par les historiens.
En automne 1656, deux ans après la capitulation de Port-Royal à Sedgwick, l’Acadie était cédée par Charles de Saint-Étienne de La Tour à deux colonels anglais, Thomas Temple et William Crowne. L’année d’ensuite, Emmanuel Le Borgne était nommé gouverneur de l’Acadie par le roi de France, mais, ne pouvant quitter l’Europe, il envoya dans la colonie son fils Alexandre avec une cinquantaine d’hommes pour entrer en possession de ses biens. Le petit bataillon s’empara du fort de La Hève en mai 1658 et s’appropria les provisions et les pelleteries que Temple y avait entreposées. Poursuivant ensuite la campagne, il attaqua, sans succès, le fort Temple, bâti à Port-La-Tour. Thomas Temple, désireux de venger l’insulte, accourut de Boston et assaillit le fort improvisé d’Alexandre Le Borgne. Celui-ci fut blessé lors de cet engagement puis amené à Londres où il fut retenu captif pendant quelques années. Lorsque, en 1667, le traité de Bréda rendit l’Acadie à la France, Emmanuel Le Borgne récupéra ses anciennes possessions. L’année suivante, il confia le gouvernement de la colonie à son fils Alexandre, qui se fit désormais appeler Le Borgne de Belle-Isle.
Le 9 octobre 1668, Alexandre Le Borgne, accompagnant Morillon Du Bourg, délégué du roi de France pour l’exécution du traité de Bréda et représentant de la Compagnie des Indes occidentales, vint côtoyer le rivage de l’Acadie. Avant de continuer vers la Nouvelle-Angleterre, le délégué installa officiellement Belle-Isle au commandement de la colonie. Une fois à Boston, Morillon Du Bourg apprit que Temple avait reçu une nouvelle lettre de Charles II lui enjoignant de ne pas céder les postes acadiens avant que certaines îles des Antilles n’aient été rendues par la France à l’Angleterre en exécution du traité ; Temple se plaignait aussi de la capture de Port-Rossignol effectuée entre-temps par Belle-Isle. Acceptant les arguments de Temple, Morillon écrivit à Alexandre Le Borgne pour l’avertir de rentrer en France jusqu’à ce que le litige concernant les îles soit réglé. Belle-Isle suivit le conseil de Du Bourg, mais estima qu’il avait perdu 20 000# pour l’approvisionnement de ses hommes. Il revint en Acadie en 1670, avec le gouverneur D’andigné de Grandfontaine, pour défendre les intérêts acadiens de sa famille.
Très peu de choses sont connues de l’activité de Belle-Isle entre 1670 et 1693 en rapport avec l’Acadie. On fait mention de lui dans un acte de concession de 1679. En 1690, lui et Pierre Melanson font fonction d’interprètes dans les négociations concernant la reddition de Port-Royal à William Phips ; ce dernier nomme Belle-Isle membre du conseil établi sur place pour gouverner le territoire conquis.
Quelques rapports provenant de gouverneurs de l’Acadie permettent de déduire tant et plus sur la conduite et le caractère de Belle-Isle. Grandfontaine avait essayé de limiter ses pouvoirs Selon Perrot, Belle-Isle s’adonnait au vin. Ivre, il lui arrivait de concéder simultanément la même terre à plusieurs colons, ce qui ne manquait pas de causer bien des désagréments aux habitants. Des Friches* de Meneval, en novembre 1689, était allé jusqu’à l’emprisonner, pendant quelques jours, pour des désordres de cette nature. Joseph Robinau de Villebon écrivait en 1699 que d’anciens colons lui avaient dit que Belle-Isle avait retiré des registres tous les documents pouvant l’incriminer. Enfin, Villebon était également convaincu que Belle-Isle n’avait pas rempli son devoir seigneurial de veiller au développement de ses terres.
Bien qu’il semble avoir joui des privilèges de la concession de son père jusque vers 1686, Alexandre Le Borgne fut menacé par les poursuites entreprises en France en 1671 par Dame Marie de Menou d’Aulnay, chanoinesse de Poussay, qui tentait de reprendre possession des terres qui avaient été concédées à son père. D’un autre côté, une lettre du ministre à Des Friches de Meneval en 1688 révèle que les Le Borgne contestaient à ce moment-là l’expulsion qu’ils avaient subie de quelques-unes de leurs propriétés en Acadie. Quand Dame Marie d’Aulnay mourut, en 1691, le procès fut poursuivi par ses demi-frères et ses demi-sœurs, les enfants de Charles de Saint-Étienne de La Tour et de Jeanne Motin. C’est surtout un de leurs fils, Charles*, qui continua, vigoureusement, le litige en France contre André Le Borgne Du Coudray, frère de Belle-Isle-, le due de Vendôme et le marquis de Chevry, membre de la Compagnie des Pêches sédentaires de l’Acadie.
Alexandre Le Borgne mourut vers 1693 à Port-Royal. B avait épousé Marie de Saint-Étienne de La Tour (décédée en 1739). Ils avaient eu sept enfants. Les descendants de cette famille furent rudement éprouvés lors de la dispersion ; on trouve aujourd’hui des Le Borgne et des Belisle au Canada et aux États-Unis.
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Clément Cormier, « LE BORGNE DE BELLE-ISLE, ALEXANDRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/le_borgne_de_belle_isle_alexandre_1F.html.
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Auteur de l'article: | Clément Cormier |
Titre de l'article: | LE BORGNE DE BELLE-ISLE, ALEXANDRE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 7 nov. 2024 |