Thomas Ritchie (1777–1852) hérita d’un cabinet d’avocat lucratif et connut une brillante carrière à la chambre d’Assemblée de la Nouvelle-Écosse (il gagna toutes ses élections sans opposition). Il y présenta un projet de loi concernant l’esclavage des Noirs, puis un autre, avec plus de succès, qui introduisit dans la colonie les premiers bons du Trésor ; ceux-ci apporteraient des revenus, et seraient une protection pour le budget durant la guerre de 1812. De la chambre d’Assemblée, Ritchie passa à la magistrature. Dans la région, on disait : « Annapolis appartient au diable, à l’Église et au juge Ritchie. »

RITCHIE, THOMAS, avocat, homme politique, juge, fonctionnaire et officier de milice, né le 21 septembre 1777 à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, fils de John Ritchie* et d’Alicia Maria Le Cain (Le Quesne) ; le 30 juin 1807, il épousa Elizabeth Wildman Johnston (décédée en 1819), fille d’Elizabeth Lichtenstein* (Johnston), et ils eurent cinq fils, dont John William*, et deux filles, puis le 20 mai 1823 Elizabeth Best (décédée en 1825), et finalement le 21 septembre 1831, Anne Bond, fille de Joseph Norman Bond*, et de ce mariage naquirent un fils et une fille ; décédé le 13 novembre 1852 à Annapolis Royal.

On possède peu de renseignements sur les premières années de Thomas Ritchie. Il étudia le droit chez Thomas Henry Barclay*, à Annapolis Royal, et, lorsque celui-ci devint consul général britannique à New York en 1799, Ritchie hérita de sa clientèle lucrative. Pendant la seule année 1815, il joua un rôle direct dans plus des trois quarts des 600 causes qui furent portées devant les tribunaux dans le comté d’Annapolis. James William Johnston*, pupille de Ritchie, reçut sa formation juridique dans le cabinet de ce dernier.

En 1806, Ritchie fut élu sans opposition à la chambre d’Assemblée comme député de la circonscription d’Annapolis. À l’occasion des élections suivantes et jusqu’à sa démission en 1824, il n’eut jamais d’opposant et fut chaque fois réélu « sans une voix dissidente ». En 1808, il proposa un projet de loi pour réglementer l’esclavage des Noirs selon lequel le Trésor public indemniserait les propriétaires qui affranchiraient leurs esclaves ; d’une sagesse discutable, le projet ne fut jamais adopté. Ritchie avait l’ambition d’être élu président de l’Assemblée, mais il n’obtint jamais ce poste. En dépit de ces premiers revers, il fut un membre actif de l’Assemblée et, selon Beamish Murdoch*, il dirigea avec Simon Bradstreet Rosie, William Hersey Otis Haliburton* et Samuel George William Archibald* les débats majeurs au cours des années 1820. Le 30 juillet 1812, il présenta le projet de loi introduisant en Nouvelle-Écosse les premiers bons du Trésor qui allaient apporter des revenus. Ces bons furent une protection pour le budget de la colonie durant la guerre de 1812. Sept ans plus tard, il guida à l’Assemblée les débats qui aboutirent à l’adoption d’une loi sur les prêts pour les fermiers des comtés d’Annapolis et de Kings. En 1819, il fut aussi président d’un comité de l’Assemblée qui prépara un rapport sur la convention de 1818 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Cette entente avait réadmis les Américains dans les pêches de la Nouvelle-Écosse, ce qui amena le comité à rédiger un rapport dans lequel il s’opposait à cette convention et en faisait une critique vigoureuse. L’historien Daniel Cobb Harvey* décrivit ce rapport comme l’une des étapes importantes de l’évolution constitutionnelle des colonies britanniques. Plus tard, Ritchie présida aussi le comité qui allait consolider les lois sur le revenu et, en 1821, il joua un rôle de premier plan dans les modifications apportées à la loi sur la milice qui étaient attendues depuis longtemps. L’année suivante, il fut président du comité sur les pêches, l’agriculture et le commerce. Manifestement, ses collègues de l’Assemblée entendaient reconnaître par cette nomination l’expérience qu’il avait acquise en présidant le comité qui avait fait rapport sur la convention de 1818, ainsi que ses efforts fructueux pour créer un système de prêts aux fermiers de la vallée d’Annapolis.

Le 10 mars 1824, Ritchie devint le premier juge de la Cour inférieure des plaids communs de la division ouest ; trois postes semblables avaient été créés par l’Assemblée et Nathaniel Whitworth White les qualifia de « fauteuils confortables ». Le projet de loi à l’origine de ces postes avait suscité une opposition publique bruyante et soutenue et il avait été adopté par une seule voix de majorité. Trois des membres de l’Assemblée qui avaient appuyé le projet de loi, Jared Ingersoll Chipman, W. H. O. Haliburton et Ritchie, occupèrent ces fonctions. Ce dernier conserva son poste jusqu’à l’abolition de la cour en 1841 ; il reçut à ce moment-là une indemnité substantielle, soit une pension de £240 qui atteignit £300 en 1851. En 1830, Ritchie avait fait des pressions pour être nommé procureur général, mais la vacance fut remplie par S. G. W. Archibald. Le 2 mars 1831, on nomma Ritchie président de la Cour des sessions générales du district ouest de la Nouvelle-Écosse. Il remplit ces fonctions avec diligence et compétence et remit régulièrement au lieutenant-gouverneur des rapports détaillés sur la situation dans l’ouest de la Nouvelle-Écosse.

Ritchie avait construit sa résidence, appelée Grange, à Annapolis Royal vers 1810. Elle convenait bien à la stature, à la richesse et à l’importance des biens fonciers d’un des plus éminents citoyens de l’ancienne capitale. La maison de trois étages comprenant 11 chambres à coucher faisait face à un jardin qui s’étendait sur trois niveaux. Par malheur, cet endroit agréable fut la scène de tragédies. La première femme de Ritchie fut victime d’un incendie dans sa chambre, quelques jours après la naissance d’un fils, et sa deuxième femme mourut des suites d’une chute de cheval.

Toute sa vie, Thomas Ritchie fut un homme très influent dans sa communauté. Il occupa divers postes tels que commissaire de la grammar school et de l’Annapolis Academy, président du bureau de santé, lieutenant-colonel dans la milice locale, custos rotulorum, ainsi que membre du conseil paroissial, secrétaire et trésorier de la congrégation anglicane St Luke. Un dicton de la région disait même : Annapolis appartient au diable, à l’Église et au juge Ritchie. Cet homme doué d’un zèle inlassable et d’un esprit d’analyse pénétrant était connu pour ses idées justes et sa logique. Le « vieux juge » et ses descendants jouèrent un rôle remarquable dans la vie politique, judiciaire et diplomatique de la Nouvelle-Écosse et du Canada.

Allan C. Dunlop

PANS, RG 1, 236, no 90 ; RG 5, U, 4, 1808, « An Act for regulating Negro servitude within and throughout the province ».— Elizabeth Lichtenstein Johnston, Recollections of a Georgia loyalist, by Elizabeth Lichtenstein Johnston, written in 1836, A. W. H. Eaton, édit. (New York et Londres, 1901).— W. A. Calnek, History of the county of Annapolis, including old Port Royal and Acadia [...], A. W. Savary, édit. (Toronto, 1897 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972).— B. [C. U.] Cuthbertson, The old attorney general : a biography of Richard John Uniacke (Halifax, [1980]).— C. I. Perkins, The romance of old Annapolis Royal, Nova Scotia [...] (s.l., 1934).— M. C. Ritchie, « The beginnings of a Canadian family », N.S. Hist. Soc., Coll., 24 (1938) : 135–154.— C. St C. Stayner, « John William Ritchie, one of the fathers of confederation », N.S. Hist. Soc., Coll., 36 (1968) : 183–277.

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Allan C. Dunlop, « RITCHIE, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ritchie_thomas_8F.html.

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Auteur de l'article:    Allan C. Dunlop
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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