STREET, GEORGE FREDERICK, avocat, administrateur scolaire, fonctionnaire, homme politique et juge, né le 21 juillet 1787 à Burton, Nouveau-Brunswick, cinquième des 12 enfants de Samuel Denny Street* et d’Abigail Freeman ; le 26 mars 1818, il épousa Frances Maria Stratton (Straton), et ils eurent un fils et une fille qui vécurent jusqu’à l’âge adulte ; décédé le 10 juillet 1855 à Londres.
Même si le père de George Frederick Street avait servi dans l’armée britannique dans les Treize Colonies, s’était vu octroyer une vaste concession de terre dans le comté de Sunbury au Nouveau-Brunswick et avait été député à l’Assemblée législative de cette province, il était Anglais de naissance et, pour cette raison, ne compta jamais parmi les membres du cercle intime des loyalistes nés Américains, qui avaient le monopole des faveurs du gouvernement dans le Nouveau-Brunswick des premiers temps. À plusieurs reprises, on l’oublia tout simplement quand vint le temps de combler des postes à la magistrature, au profit de loyalistes qui comptaient moins d’années que lui comme avocat, au grand chagrin de ses enfants. N’ayant pas accès au favoritisme des puissants, il s’efforça d’assurer un enseignement supérieur à ses enfants en envoyant ses fils John Ambrose Sharman* et George Frederick étudier le droit aux Inns of Court à Londres. George Frederick fréquenta l’Inner Temple en 1808 et pratiqua le droit comme attorney à la Cour du banc du roi jusqu’en 1818, année au cours de laquelle il épousa la fille d’un major du génie royal et revint au Nouveau-Brunswick pour se joindre au cabinet de son père à Fredericton. En raison de l’expérience qu’il avait acquise en Angleterre, on lui permit de plaider devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick, même s’il ne fut officiellement admis au barreau de la province comme barrister que deux ans plus tard.
Dans les années 1820, Fredericton était à peine plus grand qu’un village, et la recherche de clients donnait lieu à une très forte concurrence parmi les quelques avocats qui y pratiquaient. Le procureur général Thomas Wetmore* et son fils George Ludlow* étaient les principaux rivaux des Street. Comme les Wetmore faisaient partie de l’élite loyaliste, les rapports entre les deux familles n’étaient pas cordiaux. Lors d’un procès en 1821, les deux fils poursuivirent leurs discussions à l’extérieur du tribunal, et Wetmore provoqua Street en duel. Le matin du 2 octobre 1821, Street tua son opposant d’une balle. Les amis de Wetmore convainquirent le shérif de lancer contre Street un mandat d’arrêt pour meurtre. Après s’être enfui aux États-Unis à la suite du duel, ce dernier revint à Fredericton pour y subir son procès en février 1822, et il fut acquitté.
Après la nomination de son père au Conseil du Nouveau-Brunswick en 1819, l’avenir de Street fut assuré. Le 24 juin 1822, il fut nommé trésorier et greffier du Collège of New Brunswick et, en 1829, lorsque celui-ci fut constitué juridiquement sous l’appellation de King’s Collège, il en devint le secrétaire-archiviste, poste lucratif qu’il occupa jusqu’au 25 juin 1846. Le 12 avril 1825, Street fut nommé avocat général par le lieutenant-gouverneur sir Howard Douglas*, qui admirait beaucoup son père. Il occupa aussi différents postes administratifs de moindre importance et, en février 1825, il siégea avec Ward Chipman comme membre du comité de direction de la nouvelle association provinciale des barristers qui venait d’être mise sur pied. Cependant, il ne réussit pas à se faire élire député à la chambre d’Assemblée, ni en 1827 ni en 1830. Il est possible qu’une des raisons de cet échec ait été ses rapports étroits avec le commissaire des Terres de la couronne, Thomas Baillie*, qui ne jouissait pas de la faveur populaire. Vers la fin des années 1820, une violente dispute éclata entre les grandes familles loyalistes et Baillie, Anglais d’origine, qui établit un réseau concurrent de familles alliées par des mariages. Il va de soi que Street se lia à Baillie et que ce dernier prit sur lui de confier une grande partie des affaires juridiques du bureau des Terres de la couronne à la Cour de vice-amirauté. À titre de procureur de cette cour, Street commença à toucher des honoraires élevés. Baillie vit à ce que Street soit nommé conseiller juridique de la New Brunswick and Nova Scotia Land Company, fondée en 1831, et, en 1837, les deux hommes unirent leurs efforts pour obtenir la reconnaissance juridique d’une succursale de la Banque de l’Amérique septentrionale britannique. Contrairement à Douglas, qui avait tenté d’arbitrer les différends entre les factions ennemies de la colonie, son successeur, sir Archibald Campbell*, agit avec moins de réserve. En 1833, il divisa le Conseil du Nouveau-Brunswick en deux et nomma Street, Baillie et son beau-père William Franklin Odell* au Conseil exécutif où ils se trouvèrent en position de force. L’année suivante, Campbell choisit Street comme solliciteur général et lui promit de le nommer juge dès la prochaine vacance. Après 1833, l’Assemblée chercha à restreindre les pouvoirs qu’exerçait Baillie dans l’administration des terres de la couronne et à avoir la haute main sur les revenus imprévus et fonciers sans cesse croissants, mais Campbell fit la sourde oreille, en partie à cause des avis juridiques de Street. Le frère de ce dernier, John Ambrose Sharman, fut un des rares députés à défendre la façon d’agir du lieutenant-gouverneur.
Malheureusement pour les Street, la cause qu’ils défendaient était perdue d’avance. Dès 1836, le ministère des Colonies avait résolu de trouver un terrain d’entente avec l’Assemblée du Nouveau-Brunswick, et Campbell reçut l’ordre de renoncer aux revenus en échange d’une liste civile relativement modeste. À l’instigation de Street, qui souleva un certain nombre de fausses objections d’ordre légal relativement à l’entente, Campbell refusa d’accepter le projet de loi établissant la liste civile adoptée par l’Assemblée et, en février 1837, il envoya Street à Londres justifier sa décision. La mission de Street dans la capitale s’avéra un échec total. Au mois de mai suivant, Campbell fut remplacé par sir John Harvey, qui accepta sans délai le projet de loi. Harvey destitua Baillie de son poste au Conseil exécutif et en élargit la composition de façon à y faire siéger plusieurs des principaux députés de l’Assemblée, dont le président Charles Simonds. Ces gestes furent presque unanimement approuvés, si ce n’est par un groupe restreint de fonctionnaires, dont Baillie, Odell, Charles Jeffery Peters* et Street. Ce dernier fut le conseiller juridique de Baillie qui fit appel de la décision de Harvey de réduire son salaire, et il fut destitué, en 1837, de son poste au Conseil exécutif par Harvey qui allégua avoir eu à subir « plus d’opposition de la part de M. Street pendant les séances du Conseil que de tout autre membre ». Street faillit aussi perdre son poste de solliciteur général quand Harvey l’accusa, à tort, en l’occurrence, d’avoir écrit un article dans le Chronicle de Saint-Jean, dans lequel on considérait que la loi relative à la liste civile était illégale.
Street se rendit bien compte que son opposition tenace à Harvey lui était désavantageuse lorsqu’il devint manifeste que c’était un protégé de Harvey, John Simcoe Saunders*, qui pourrait pourvoir au premier poste de juge qui se libérerait. Faisant de nécessité vertu, Street se dissocia de ceux qui critiquaient le gouverneur et, en octobre 1838, Harvey fit savoir qu’il était « très satisfait » de la conduite de Street et proposa sa nomination au Conseil législatif. Après avoir pris possession de son siège, en 1839, Street appuya une motion visant à intenter un procès au Chronicle pour diffamation à l’endroit de Harvey et, l’année suivante, il plaida cette cause sans succès. Pendant les cinq années qui suivirent, il s’abstint de faire de la politique active, mais, le 22 février 1845, sir William MacBean George Colebrooke*, alors lieutenant-gouverneur de la province, le nomma de nouveau au Conseil exécutif, après que les membres les plus éminents de ce conseil eurent démissionné pour protester contre la décision de Colebrooke de confier le poste de secrétaire de la province à son gendre, Alfred Reade. Quand un poste de juge se libéra plus tard au cours de l’année, Colebrooke proposa la candidature de Street comme juge puîné et, en janvier 1846, le secrétaire d’État aux Colonies, William Ewart Gladstone, confirma sa nomination.
Au cours de la décennie qui suivit, Street s’acquitta sans interruption de ses fonctions judiciaires jusqu’à ce qu’il tombe malade en 1855. Il mourut la même année, au cours d’un voyage à Londres. Même si le New Brunswick Reporter de Fredericton rapporte dans sa notice nécrologique que Street avait été « un bon avocat et un juge impartial », rien ne permet d’affirmer qu’il fit quoi que ce soit d’important pour améliorer l’ensemble des lois ou le système judiciaire de la colonie. Il forma plusieurs avocats, tels Charles Fisher* et William Hayden Needham*, qui devinrent de notables citoyens du Nouveau-Brunswick, et il fut un excellent plaideur, mais ne put donner toute sa mesure comme juge à cause d’une surdité partielle.
L’historien William Stewart MacNutt* décrit George Frederick Street comme « un des rares descendants des familles loyalistes les plus en vue qui s’opposèrent à la réforme » au cours des années 1830. De fait, on ne peut vraiment pas dire que les Street étaient des loyalistes ou, tout au moins, ils n’étaient pas perçus comme tels par l’élite loyaliste, et leur comportement politique plutôt instable en était la preuve. Samuel Denny Street commença sa carrière politique comme « tribun du peuple », mais, après sa nomination au conseil en 1819, il appuya indéfectiblement le pouvoir exécutif contre l’Assemblée ; John Ambrose Sharman Street, pour sa part, termina sa carrière politique en 1851, à la tête d’un gouvernement auquel il venait tout juste de s’attaquer. Si George Frederick Street fut moins changeant, il n’en demeure pas moins qu’il est difficile de croire qu’il fut d’abord motivé par des considérations idéologiques. Dans le Nouveau-Brunswick loyaliste, il était considéré comme un étranger et, contrairement à son père et à son frère, il ne réussit pas à se faire élire à l’Assemblée. Son seul espoir d’avancement étant l’exécutif, il appuya tour à tour George Stracey Smyth*, Douglas, Harvey et Colebrooke, ce qui lui permit d’être récompensé par différents postes, dont le plus important fut celui de juge. Le zèle qu’il manifesta envers Baillie ainsi que son grand besoin de provoquer ses adversaires en duel trahissaient son insécurité. Même s’il affirmait regretter d’avoir tué Wetmore, il scandalisa la population en provoquant en duel Henry George Clopper*, en 1834. Street était sans aucun doute un homme de talent, mais sa contribution effective à l’histoire du Nouveau-Brunswick reste très limitée.
Le Musée du N.-B. conserve une petite collection de papiers de la famille Street et quelques lettres se trouvent dans les papiers Saunders à l’UNBL, MG H11. Cependant, la principale source de renseignements utilisée pour cette biographie demeure les documents du Colonial Office, au PRO, particulièrement CO 188/21 : 67–68 ; 188/43 : 222–231, 272–274 ; 188/46 : 9–11 ; 188/50 : 13, 131, 370 ; 188/52 : 93–98 ; 188/57 : 50–51, 74–78, 114–123, 140–143, 176–177, 227–228, 258–266 ; 188/58 : 348–362, 365–367, 373–375, 379–382 ; 188/59 : 172–175, 178–185 ; 188/60 : 2–5, 19–22, 202–207, 246–249, 278–280, 311–315 ; 188/64 : 253–254 ; 188/65 : 210–211 ; 188/69 : 313–316, 328–330 ; 188/92 : 70–75, 93–97, 381–382 ; et CO 323/165 : 494–496. Les procès-verbaux du New Brunswick Executive Council, conservés aux APNB, RG 2, RS6, A3–4, 1833–1837 ; A5, 1845 ; et le Legislative Council Journal, 1839–1845, constituent aussi des sources utiles.
Le lecteur trouvera des informations biographiques utiles aux APNB, RG 7, RS75, 1855, G. F. Street, et au Musée du N.-B., Street family, cb doc, C. F. Street, « Historical notes on the Street family of New Brunswick » (copie dactylographiée, s.d.). Les journaux de la période mentionnent souvent Street, mais les références suivantes sont les plus pertinentes : Royal Gazette (Fredericton), 2 oct. 1821, 12 avril 1825, 6 oct. 1830 ; New-Brunswick Courier, 8 mars 1834 ; et New Brunswick Reporter and Fredericton Advertiser, 3 août 1855. Le chapitre que Lawrence consacre à Street dans Judges of N.B. (Stockton et Raymond) et les pages 250–252, 256, 262, de MacNutt, New Brunswick, sont aussi très utiles. [p. b.]
Phillip Buckner, « STREET, GEORGE FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/street_george_frederick_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/street_george_frederick_8F.html |
Auteur de l'article: | Phillip Buckner |
Titre de l'article: | STREET, GEORGE FREDERICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 13 nov. 2024 |