GRAY, JOHN WILLIAM DERING (souvent connu sous le nom de I. W. D. Gray), ministre de l’Église d’Angleterre et rédacteur en chef, né le 23 juillet 1797 à Preston, Nouvelle-Écosse, fils du révérend Benjamin Gerrish Gray* ; il épousa Avis Phillips Easson de la Jamaïque ; décédé le 1er février 1868 à Halifax, Nouvelle-Écosse.
Le père de John William Dering Gray était venu à Preston en qualité de missionnaire de l’Église d’Angleterre ; il travailla auprès d’un groupe d’esclaves noirs amenés à Preston après la conquête de la Jamaïque par les Anglais. En 1818, Gray obtint un baccalauréat du King’s College de Windsor, Nouvelle-Écosse. (Il devait par la suite obtenir du même établissement une maîtrise ès arts en 1826 ainsi qu’un baccalauréat et un doctorat en théologie en 1846.) Il passa un an en Angleterre où il fut ordonné en 1820.
À son retour en Nouvelle-Écosse, quelques années plus tard, Gray a peut-être assumé la charge de la paroisse d’Amherst. En 1826, on le nomma vicaire de l’église Trinity de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, dont son père était maintenant rector. Gray accéda à la même fonction en 1840 et la conserva jusqu’en novembre 1867, au moment où son mauvais état de santé l’obligea à prendre sa retraite. Il alla vivre chez son fils, Benjamin Gerrish Gray, à Halifax, et y mourut quelques mois plus tard. Il s’était acquitté consciencieusement de ses fonctions de ministre. Il fut, au dire de ses contemporains, un pasteur actif et influent.
Les convictions de Gray et son caractère le poussèrent à prendre part aux controverses religieuses qui marquèrent son époque et à prendre la tête du groupe évangélique, ou Low Church, de l’Église d’Angleterre dans les Maritimes. Au début, ses écrits visaient avant tout à enrayer les défections au sein de l’Église d’Angleterre au profit de l’Église baptiste [V. James Walton Nutting] ; par la suite, il chercha à mettre la communauté anglicane à l’abri des tendances puseyistes ou catholiques. La consécration de John Medley* comme évêque de Fredericton en 1845 et celle de l’évêque Hibbert Binney* en Nouvelle-Écosse en 1851, tous deux on ne peut plus High Church, déclenchèrent un conflit au sein de la communauté anglicane au sujet de questions théologiques et administratives. Néanmoins, les origines de ce conflit, les passions qu’il souleva et les questions enjeu étaient tout autant le reflet de la vie sociale, économique et politique de Saint-Jean que l’écho des convictions religieuses. Dans un certain nombre de paroisses anglicanes des Maritimes, et particulièrement à Saint-Jean, le désir d’autonomie avait été stimulé par l’isolement où se trouvait la région, désir d’autonomie que les évêques, absents du pays ou surchargés de travail, n’avaient pas su contrecarrer. De plus, même si Saint-Jean connaissait un accroissement de population et de prospérité, l’élite de la ville voyait le pouvoir politique lui échapper au profit de Fredericton. Les préoccupations d’ordre religieux ou d’ordre politique se trouvèrent accrues par l’affluence d’immigrants irlandais au cours des années 30 et 40 et, en 1845, par le choix de Saint-Jean comme siège du premier évêque catholique du Nouveau-Brunswick, William Dollard*. Gray était le rector de la plus riche paroisse de Saint-Jean et ses déclarations de principes religieux dans des brochures et des lettres aux journaux, en particulier dans le New Brunswick Courier, reflétaient la lutte que menait Saint-Jean pour accroître son autonomie et son influence. Les querelles atteignirent leur point culminant vers la fin des années 40 et au début des années 50 ; lorsque l’avènement du libre-échange et du gouvernement responsable ébranlèrent profondément le statu quo économique et politique de la ville.
II y avait eu une première agitation en 1836 lorsque les paroissiens de Gray avaient refusé de se joindre à la Church Society de l’archidiaconé du Nouveau-Brunswick, sous prétexte qu’ils désapprouvaient la constitution de la société. Les adversaires de Gray avaient toutefois prétendu que c’était plus vraisemblablement parce que la paroisse refusait de partager son aisance avec les paroisses et les missions plus démunies. Quelques-uns des paroissiens de Gray et d’autres ministres de la ville firent des dons individuels à la société et formèrent un noyau dissident dans Saint-Jean, noyau qui deviendra plus agissant et plus violent dans les années qui suivront. Le docteur LeBaron Botsford, le juge Robert Parker et le docteur Robert Bayard appuyèrent Gray contre des hommes comme William Wright, avocat général et marguillier, le révérend Richard Berrian Wiggins et le révérend Frederick Coster.
Au début des années 40, Gray était, semble-t-il, du nombre des ecclésiastiques des Maritimes qui caressaient l’espoir de devenir évêque (parmi ses concurrents, il y avait l’archidiacre George Coster* de Fredericton, l’archidiacre Robert Willis de la Nouvelle-Écosse et le révérend Edwin Jacob du King’s College de Fredericton). Après la consécration de Medley comme évêque, en 1845, Gray et ses partisans s’opposèrent sans succès à sa décision d’installer l’évêché à Fredericton de préférence à Saint-Jean. Quand la paroisse de Gray se joignit à la Church Society, en 1846, les revenus de la société doublèrent par suite de sa contribution de £1 400, mais les rivalités intestines augmentèrent et des menaces de scission commencèrent à se faire jour. Gray s’opposa à Medley sur des questions telles que le rituel liturgique, les livres de prières, la construction de la cathédrale et de la chapelle St Anne à Fredericton, la demande d’une somme d’argent pour réaliser ces projets, les « abus de pouvoir » de l’évêque dans la nomination du clergé, pratique qui venait à l’encontre de la coutume établie au Nouveau-Brunswick de laisser aux paroisses le soin de choisir elles-mêmes leur clergé ; il reprochait également à l’évêque de chercher à introduire des synodes qui ne feraient qu’« augmenter les pouvoirs dont étaient investis les évêques coloniaux ». Derrière cette opposition, dont Gray était le meneur, il y avait toutefois beaucoup plus qu’une querelle théologique ; elle reflétait les inquiétudes d’une ville frontière prise dans un réseau centralisateur et qui voyait lui échapper la maîtrise de son destin.
En 1850, Gray décida de publier un journal, le Church Witness, dont il serait le rédacteur en chef. Il assuma cette responsabilité pendant six ans après quoi le journal passa en d’autres mains pour, en fin de compte, faire faillite en 1860. Gray le relança en 1865 et y collabora jusqu’à peu de temps avant sa mort. L’éditorial du premier numéro révélait jusqu’à quel point les idées de Gray s’identifiaient aux idéaux de l’époque de la Réforme : « Nous [...] nous proposons d’orienter notre journal d’après ce que nous considérons en toute conscience comme les vrais principes de l’Église [...] tels qu’ils ont été établis par les réformateurs du seizième siècle [...]. Les opinions nouvelles et étranges qui peuvent surgir de temps à autre [...] pour ébranler la foi seront l’objet de notre résistance vigilante et indéfectible. Nous désirons tout simplement dire la vérité, par amour de la vérité, et lutter pour la foi naguère confiée aux saints. » Les pages de l’hebdomadaire étaient consacrées à la lutte contre le danger de « déviation » vers le catholicisme que recelait le mouvement High Church et contre la « tyrannie » de i’évêque. Dans les années ultérieures, Gray s’inquiéta de la menace de rationalisme que cachait le mouvement de l’Église libérale (Broad Church).
La prise de position rigide du journal, en faveur de la tendance Low Church, gagna des adhérents à Gray dans toutes les Maritimes et en même temps lui attira l’inimitié féroce de l’establishment anglican de Fredericton et de Halifax. Binney, l’évêque de la Nouvelle-Écosse, fut tout autant que l’évêque Medley la cible des attaques de Gray ; ainsi, en s’occupant activement des affaires du King’s College de Windsor, Gray essaya d’empêcher Binney de prendre la maîtrise absolue de l’enseignement de la théologie dans cet établissement. Pendant de nombreuses années Gray avait fait partie du conseil d’administration ; il fonda une division de l’Alumni Society au Nouveau-Brunswick et passa un certain temps en Angleterre en 1838 et en 1839 puis en 1846, et de nouveau en 1860, y recueillant des fonds pour la soutenir.
Gray jouissait de la fidélité et du respect de bon nombre de gens et, après sa mort, le Morning Chronicle de Halifax fit son éloge en déclarant qu’il était « un humaniste consommé et le théologien le plus accompli de l’Église dans ces colonies ». Même Medley avait dit de lui un jour qu’il était « un homme zélé, intelligent et utile ». Toutefois, parce que ses opinions allaient à l’encontre des initiatives prises par Medley et ses collaborateurs et disciples, certains historiens locaux ont eu tendance à le considérer comme un fauteur de troubles ou, à tout le moins, comme un meneur sincère mais mal éclairé. L’admiration que Gray portait aux ecclésiastiques du xvie siècle, à leur franchise et à leur indépendance est peut-être l’indice le plus révélateur de la tradition qu’il représentait.
Les publications de J. W. D. Gray comprennent : A brief view of the scriptural authority and historical evidence of infant baptism ; and a reply to objections urged in the treatise of E. A. Crawley, A.M. (Halifax, 1837) ; A letter to members of the Church of England, in reply to a letter from Edmund Maturin, M.A., late curate St. Paul’s, Halifax, N.S. (Saint-Jean, N.-B., 1859) ; A reply to the Rev. F. Coster’s defence of the Companion to the Prayer Book (Saint-Jean, N.-B., 1849) ; A reply to the statement of the Rev. Mr. Wiggins, A.M., showing the causes which have led to his retirement from the curacy of Saint John (Saint-Jean, N.-B., 1851) ; A sermon, preached at Trinity Church, in the parish of St. John, N.B., on the 8th December, 1857, and designed to recommend the principles of the loyalists of 1783 (Saint-Jean, N.-B., 1857) ; A sermon, preached at Trinity Church, Saint John, N.B., on Sunday, 24th November, 1839, upon resuming his duties in the parish, after an absence of twelve months in England (Saint-Jean, 1839) ; A sermon, preached at Trinity Church, Saint John, New-Brunswick, on Sunday, January 22, 1837 (Saint-Jean, 1837) ; Sermon, preached in Christ’s Church, Fredericton, on Sunday, 8th February, 1846, being the day before the anniversary meeting of the society, Diocesan Church Soc. of N.B., Report of proc. (Saint-Jean), 1846 ; A sermon preached in Trinity Church, Saint John, March 4, 1849, on the providential rescue of that church from fire, on the night of the 26th February, 1849 (Saint-Jean, N.-B., 1849) ; A sermon, upon the death of [...] William IV [...] (Saint-Jean, N.-B., 1837) ; Sermons upon the second Advent of our Lord, preached at Trinity Church, St. John, in December, 1864 (Saint-Jean, N.-B., 1865) ; Trinity Church and its founders : a sermon preached on New Year’s Day, 1854 [...] (Saint-Jean, N.-B., 1854).
N.B. Museum, Jarvis family papers, William Jarvis, The Church of England in New Brunswick in its relations with the state (11 mars 1863) ; Trinity Anglican Church (Saint-Jean, N.-B.), baptismal records, 1835–1867.— Robert Bayard, A statement of facts, as they occurred at the late annual meeting of the Diocesan Church Society : with a reply to some misstatements and expositions in the Rev’d F. Coster’s defence of the Companion to the Prayer Book (Saint-Jean, N.-B., 1849 ; 1875).— Fenety, Political notes and observations.— R. B. Wiggins, A review of the Rev. Dr. Gray’s « Reply » to the Statement of some of the causes which have led to the late dissention in the Episcopal Church in this city (Saint-Jean, N.-B., 1851) ; Statement of some of the causes which have led to the late dissention in the Episcopal Church, in the city of Saint John (Saint-Jean, N.-B., 1851).— William Wright, Observations on Dr. Bayard’s mis-called Statement of facts, as they occurred at the late annual meeting of the Diocesan Church Society (Saint-Jean, N.-B., 1849).— Church Witness (Saint-Jean, N.-B.), févr. 1850–mars 1868.— Morning News (Saint-Jean, N.-B.), nov. 1867, févr. 1868.— F. G. H. Brigstocke, History of Trinity Church, Saint John, New Brunswick, 1791–1891 (Saint-Jean, N.-B., 1892).— Philip Carrington, The Anglican Church in Canada, a history (Toronto, 1963).— S. D. Clark, The developing Canadian community (2e éd., Toronto, 1968) ; The social development of Canada, an introductory study with select documents (Toronto, 1942).— V. G. Kent, The Right Reverend Hibbert Binney, colonial Tractarian bishop of Nova Scotia, 1851–1887 (thèse de m.a., University of New Brunswick, Fredericton, 1969).— W. Q. Ketchum, The life and work of the Most Reverend John Medley, D.D., first bishop of Fredericton and metropolitan of Canada (Saint-Jean, N.-B., 1893).— Leaders of the Canadian church, W. B. Heeney, édit. (3 séries, Toronto, 1918–1943), 1re sér.— MacNutt, New Brunswick.— L. N. Harding, John, by divine permission : John Medley and the church in New Brunswick, Canadian Church Hist. Soc., Journal, VIII (1966) : 76–87.
Geneviève Laloux Jain, « GRAY, JOHN WILLIAM DERING (I. W. D. Gray) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gray_john_william_dering_9F.html.
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Auteur de l'article: | Geneviève Laloux Jain |
Titre de l'article: | GRAY, JOHN WILLIAM DERING (I. W. D. Gray) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 6 déc. 2024 |