PINSENT, ROBERT JOHN, magistrat et juge, né en 1797 dans la région de la baie de la Conception, à Terre-Neuve, décédé le 28 novembre 1876 à Pimlico, Londres.
Robert John Pinsent appartenait à l’une des familles les plus anciennes et les plus en vue de la région de la baie de la Conception et, de ce fait, fit probablement ses études en Angleterre. Il épousa Louisa Broom ; le seul enfant qu’on leur connaisse, sir Robert John Pinsent*, fit à Terre-Neuve une carrière remarquable dans la politique et dans le droit.
Robert Pinsent fut nommé magistrat « stipendiaire » à Brigus en 1836, et à un poste semblable à Harbour Grace en 1843. En 1851, le gouvernement de Terre-Neuve fut averti que les habitants de la baie de Saint-Georges, sur la côte occidentale de l’île, éprouvaient de graves difficultés. Jusqu’en 1850, aux termes d’un traité avec la France, la baie de Saint-Georges avait été considérée comme une région « fermée au peuplement » et, à cet endroit, le gouvernement de Terre-Neuve n’était représenté par aucun magistrat ni par aucun receveur de l’accise [V. Kent]. En 1850, James Tobin y fut nommé magistrat et receveur des douanes, et la population fut appelée à payer des impôts, y compris des taxes sur les bateaux et sur les filets de pêche. Les Français cependant continuaient à pêcher le long des côtes sans payer d’impôts, et le gouvernement français allait même jusqu’à leur payer une prime pour leur prise. La population de la baie de Saint-Georges protesta et il y eut des arrestations et des mises à l’amende ; certaines personnes furent envoyées en prison à St John’s, ce qui provoqua de violentes manifestations. On alla jusqu’à lapider un magistrat, on tint des réunions publiques et on fit signer des pétitions qui furent envoyées aux autorités. Le 15 juillet 1851, le gouvernement nomma Robert John Pinsent et le capitaine George Ramsay, juges de paix pour Terre-Neuve et ses dépendances ; ils s’embarquèrent sur l’Alarm, le bateau de Ramsay, pour enquêter sur les troubles qui avaient eu lieu dans la région de la baie de Saint-Georges. Le journal catholique Newfoundlander commenta ainsi la nomination de Pinsent : « Nous approuvons entièrement que le gouvernement ait choisi M. Pinsent. La réputation bien méritée de cet homme nous garantit qu’il assumera ses responsabilités de façon impartiale et efficace. »
Pinsent et Ramsay passèrent plusieurs semaines à la baie de Saint-Georges et recommandèrent que le magistrat James Tobin, un catholique, soit remplacé par un « protestant, doué de sens commun, patient et ayant une assez bonne connaissance du droit ». Le gouverneur John Gaspard Le Marchant passa outre à cette recommandation, en déclarant : « Bien que Tobin ne soit pas des plus judicieux, son remplacement ne causerait que des disputes, car c’est un catholique acharné et un ami de l’évêque qui ne manquerait pas d’épouser sa cause. »
En 1861, Pinsent fut mêlé à une situation particulièrement difficile à Harbour Grace. Il y avait eu, depuis 1859, trois élections législatives qui avaient été déclarées nulles. Le 26 avril 1861, jour de la présentation des candidatures aux élections, les luttes partisanes, envenimées par l’antagonisme religieux, causèrent une grave émeute, malgré la présence d’une centaine d’hommes de troupe venus de St John’s. Pinsent, ayant lu en vain le texte de la loi contre les attroupements, essaya de persuader la foule de se disperser. Il fut accusé plus tard, par les protestants de l’endroit, d’avoir failli à son devoir et refusé de faire repousser par la troupe les 300 à 400 personnes armées. Pinsent expliqua qu’il aurait pu ordonner aux troupes de faire feu mais qu’il « ne s’était pas senti autorisé à recourir à cette dernière et terrible solution [...] car, bien que les dommages matériels aient été considérables, presque personne, pour ainsi dire, n’avait eu à subir de violence ». Le Conseil exécutif envoya Joseph Peters, magistrat stipendiaire d’Old Perlican, à Harbour Grace pour seconder Pinsent, mais ce dernier refusa de reconnaître Peters dans ses fonctions officielles. Le conseil décida alors de révoquer Pinsent, qui était cependant « appelé à occuper un autre poste digne de sa compétence, en raison des services rendus dans le passé ».
En 1862, Pinsent était membre du Conseil législatif et, en 1863, il fut nommé juge du tribunal du Labrador, poste qu’il conserva jusqu’à sa retraite en 1874. En 1866, il prit une part très active à l’organisation d’une réunion de marchands et autres citoyens de St John’s, en vue de la rédaction de résolutions s’opposant à l’entrée de Terre-Neuve dans une confédération groupant les autres provinces de l’Amérique du Nord britannique.
Pendant toute sa vie, Pinsent fut un fidèle zélé de l’Église d’Angleterre et appartint également à la Newfoundland Church Society. En sa qualité de membre d’une très ancienne famille de la baie de la Conception et grâce aux relations qu’il entretenait à St John’s avec les gens en place, Pinsent jouait parfaitement son rôle de juge et de seigneur du village, respecté à la fois par les catholiques et par les protestants. Son refus de prendre des mesures draconiennes pendant les émeutes de Harbour Grace en 1861, bien qu’il lui ait fait perdre son poste de magistrat, montre l’attitude humaine dont il faisait preuve envers la population de l’endroit, et l’intérêt qu’il lui témoignait.
PANL, Newfoundland, Executive Council, Minutes, 1861, 563–629.— PRO, CO 194/133–194/134, 194/135–194/136.— Journal of the House of Assembly of Newfoundland, 1852, appendice.— Evening Telegram (St John’s), 28 avril 1893.— Newfoundlander (St John’s), 10 juill., 24 juill. 1851.— Newfoundland Patriot (St John’s), 30 juin 1866.— Public Ledger (St John’s), 27 juin 1865.— Royal Gazette (St John’s), 12 déc. 1876.
Elinor Senior, « PINSENT, ROBERT JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pinsent_robert_john_10F.html.
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Auteur de l'article: | Elinor Senior |
Titre de l'article: | PINSENT, ROBERT JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |