FAHEY, JAMES A., journaliste et homme politique, né en 1849 ou 1850 à Smithville, Haut-Canada, fils de F. Fahey, tonnelier catholique irlandais ; il se maria et eut sept enfants ; décédé le 2 juin 1888 à Toronto.
James A. Fahey passa son enfance dans les villes haut-canadiennes d’York (comté de Haldimand), de Grimsby et de Dundas, avant de faire son apprentissage comme imprimeur au True Banner de Dundas, journal réformiste de James Somerville. Il fit là ses premières armes de reporter puis quitta ce journal quelque temps avant 1870, année durant laquelle il fit un bref séjour à Toronto comme « chroniqueur aux affaires municipales ». Il était déjà devenu à l’époque le conservateur convaincu qu’il allait rester jusqu’à la fin de sa vie ; il avait aussi acquis dans les cercles irlandais de Hamilton un certain renom en tant qu’orateur politique doué. Au début de 1872, il fonda le Hamilton Standard, qui ne tarda pas à devenir l’organe du mouvement en faveur de la journée de travail de neuf heures ; le secrétaire correspondant de ce mouvement, James Ryan*, parla alors de « l’esprit protecteur et des affinités conservatrices » du journal. Le Standard cessa bientôt son activité, de même que le mouvement pour la réduction des heures de travail, que Fahey avait appuyé, malgré que quelques membres de la Hamilton Typographical Union aient accusé le Standard de payer ses typographes au-dessous des tarifs fixés par le syndicat.
Fahey entra alors au Guelph Daily Herald, où il fut probablement appelé à travailler avec Alexander Fraser Pirie, et lorsque ce dernier déménagea à Toronto, en 1874, il devint directeur du journal. Passant l’hiver de 1874–1875 en Californie pour soigner la fluxion de poitrine dont il souffrait depuis sa jeunesse, il se prit à douter des bienfaits de ce climat et, à son retour en Ontario, il déclara que ceux qui restaient en Californie pour leur santé se faisaient « duper par les agents d’émigration ». Il se joignit à l’équipe du Hamilton Spectator au milieu de 1875, probablement aux informations générales. En août 1876, il commença d’envoyer régulièrement des lettres au Mail de Toronto, sous le pseudonyme de Rupert ; il y traitait de toutes sortes de sujets sur un ton léger et humoristique. En 1877, il avait quitté Hamilton pour Stratford, où il prit la direction du Stratford Weekly Herald. Il appuya vigoureusement le parti conservateur lors des élections fédérales de 1878 et se fit, à cette occasion, une réputation d’orateur public toujours prêt à prendre la parole. Cela ne l’empêcha cependant pas d’être battu la seule fois qu’il chercha à obtenir une fonction élective, alors qu’il brigua les suffrages des électeurs de Grey South, comme candidat conservateur, aux élections provinciales de 1879.
Fahey atteignit le sommet de sa brève carrière lorsque, après avoir quitté le Herald en décembre 1880, il entra à titre d’éditorialiste au Toronto Daily Mail (ainsi appelé depuis 1880), où il fut chargé de la page éditoriale du nouveau quotidien du soir, l’Evening News, lancé par le Mail en mai 1881. Même si ses détracteurs affirmaient que ce n’était qu’un torchon, le journal fit son possible pour présenter un type de journalisme plus vivant, plus facilement accessible. Fahey possédait d’ailleurs une solide expérience dans la plupart des formes de ce nouveau journalisme qui s’adressait à un public de plus en plus nombreux en faisant appel à des genres comme la lettre humoristique, les rapports de cour de police, le couplet satirique et d’actualité, et les histoires en dialecte. Ses articles se caractérisaient par une perception juste de la trame de la vie urbaine et par un style toujours ironique et détaché. Son opposition avouée à la tempérance l’amena à être considéré comme faisant partie de la bohème journalistique du Canada central, dans les années 1870 et 1880 ; il compta parmi ses amis et associés des gens comme Robert Kirkland Kernighan, surnommé « The Khan », Alexander Whyte Wright* (qui débuta comme journaliste au Herald de Guelph, sous la direction de Fahey), Edward Farrer* et Pirie. Ses collègues le décrivaient comme un homme « toussant sans cesse, squelettique, ayant peu d’appétit », « les cheveux gris » et « l’air vieux ». Mais même sa mauvaise santé était pour lui matière à plaisanterie ; il confessa un jour à ses lecteurs que sa toux l’amusait car elle avait de quoi « chasser une hyène d’un cimetière ».
Fahey ne resta même pas un an au News, qu’il quitta soit pour des raisons de santé, soit à cause de frictions avec la direction. Il passa l’hiver de 1881–1882 à Winnipeg comme rédacteur en chef au Sun, mais, lorsqu’il découvrit que le journal était encore en moins bonne santé que lui, il retourna à Toronto plus tard cette année-là pour entrer à la rédaction de l’Evening Canadian de Patrick Boyle*. Il y demeura jusqu’en 1886, année où il devint éditorialiste au Toronto World de William Findlay Maclean*, le moins prestigieux et le plus mal payé des quotidiens torontois. Sa santé ne cessa de décliner dans ses dernières années, qui furent assombries par des problèmes d’argent et les soucis qu’il se faisait pour l’avenir de ses sept enfants, orphelins de mère depuis 1885. Il chercha en vain à obtenir des faveurs de ses alliés politiques, en récompense de sa « loyauté sans faille » au parti conservateur et il se plaignit à ses amis que les hommes politiques conservateurs, y compris sir John Alexander Macdonald*, faisaient semblant « de ne plus le reconnaître » maintenant qu’il était dans le besoin. Il mourut des complications d’un mauvais rhume, le 2 juin 1888. Ses amis de la presse torontoise constituèrent un fonds pour venir en aide à ses enfants.
L’un des pionniers du nouveau journalisme destiné à des lecteurs qui devenaient de plus en plus nombreux dans le Canada de la fin du xixe siècle, Fahey était devenu expert dans l’art d’écrire des éditoriaux, rédigeant des paragraphes plus courts, plus directs, faisant ainsi appel aux nouvelles techniques de persuasion qui allaient transformer la publicité au début du xxe siècle. Les colonnes, ou « paragraphes », comme on les appelait à l’époque, dans lesquelles écrivaient Fahey et ses collaborateurs, avaient un contenu plus léger, plus digestible que les pages éditoriales plus formalistes des organes politiques en place. L’humour, la poésie et l’anecdote tenaient une grande place dans le journalisme de Fahey, et son intérêt en tant qu’écrivain réside en partie dans le fait d’avoir su faire partager sa vision ironique de la vie à ses lecteurs. Fahey fit partie de ces personnages pittoresques dont la personnalité devint familière aux lecteurs de journaux canadiens-anglais des décennies 1870 et 1880, et le rôle qu’il joua, bien que limité, n’en fut pas moins important du fait qu’il rendit les journaux canadiens accessibles à un plus grand nombre de lecteurs.
AO, MU 2 307, J. A. Fahey à T. C. Patteson, 1er sept. 1876.— APC, MG 26, A ; MG 30, C97.— Evening News (Toronto), 2 mai, 8 juill. 1881, 6 juin 1888.— Globe, 4, 5 juin 1888.— Grip (Toronto), 11 déc. 1880.— Hamilton Spectator, 29 janv. 1872.— Irish Canadian (Toronto), 16 févr. 1882.— National (Toronto), 26 août, 23 sept. 1875.— Stratford Weekly Herald (Stratford, Ontario), 4, 25 août 1880.— Toronto Daily Mail, août 1876–janv. 1877, 4–6 juin 1888.— Toronto World, 16 mars, 2, 13, 21, 26 avril, 14 mai, 4–6 juin 1888.— P. D. Ross, Retrospects of a newspaper person (Toronto, 1931).— P. F. W. Rutherford, « The people’s press : the emergence of the new journalism in Canada, 1869–99 », CHR, 56 (1975) : 169–191.
Russell G. Hann, « FAHEY, JAMES A », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fahey_james_a_11F.html.
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Auteur de l'article: | Russell G. Hann |
Titre de l'article: | FAHEY, JAMES A |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 7 déc. 2024 |