HIBBARD, ASHLEY, manufacturier, marchand, entrepreneur de chemins de fer et officier de milice, né le 27 mars 1827 à Stanstead, Bas-Canada, fils de Pliny V. Hibbard et de Hannah Labaree, décédé le 23 mars 1886 près de Frelighsburg, Québec.

La famille d’Ashley Hibbard qui figure parmi les plus anciennes de Stanstead était originaire de la Nouvelle-Angleterre. En effet, les grands-parents de Hibbard étaient venus du New Hampshire pour s’installer dans la région de Stanstead dès 1807. Quant à l’éducation et aux occupations du jeune Hibbard, nous en connaissons très peu de chose.

Durant la première moitié du xixe siècle, la région de Stanstead connaît un essor économique rapide ; les échanges commerciaux s’y multiplient à un rythme accéléré et de nombreuses industries locales, très spécialisées pour l’époque, s’y implantent. Cette situation engendrera une accumulation primitive du capital et cette nouvelle richesse sera souvent détournée en dehors du circuit économique régional. Ainsi, lorsqu’on retrouve Hibbard à Montréal en 1849, il possède déjà une quincaillerie et, en 1854, il investit une somme de £6 000 dans une fabrique de chaussures en caoutchouc. Dans cette affaire, il est associé à William Brown et à George Boum, sous la raison sociale de Brown, Hibbard, Boum and Co. En 1856, la fabrique comprend six bâtiments et elle est munie d’une machinerie complexe actionnée par un engin à vapeur ; on y emploie alors 158 ouvriers produisant plus de 1 500 paires de chaussures, 1 000 livres de ressorts (pour les voitures) et de courroies par jour. Cette production est destinée en partie à un marché local, et, périodiquement, le Sarah Sands, navire à vapeur appartenant à la compagnie, achemine les commandes en provenance de clients du Haut-Canada, des provinces Maritimes, des États-Unis et de l’Angleterre. Cette société est à l’origine de la Dominion Rubber Company Limited, formée en 1910 grâce à une fusion d’entreprises de fabrication d’articles en caoutchouc. En 1862, ses deux associés ayant décidé de vendre leurs actions à un groupe en qui il n’a pas confiance, Hibbard, qui est président, quitte la fabrique, connue alors sous le nom de Compagnie de manufacture britannique américaine ; il s’installe en Angleterre et fonde à Manchester une importante usine de caoutchouc. À la suite de ce départ, des accusations de détournements de fonds auraient été lancées contre lui. Revenu au Canada en 1865, il est mis en accusation l’année suivante à Montréal par un grand jury de la Cour du banc de la reine. Hibbard publie alors la seule brochure qu’on lui connaisse, A narrative and exposure of the evil of secret indictments, by grand juries, dans laquelle il réfute toutes les accusations portées contre lui et dénonce l’usage qui, sous le système des grands jurys, permet d’accuser quelqu’un sans qu’il en soit informé. De 1866 à 1869, les annuaires de Montréal le décrivent comme un marchand-importateur de caoutchouc dont les bureaux sont situés rue Saint-Paul, près du port.

Durant les années qui suivent, Hibbard devient actif dans le secteur des chemins de fer. En 1871, il figure parmi les administrateurs du chemin de fer de Montréal, Chambly et Sorel, qui deviendra, en 1875, le chemin de fer de Montréal, Portland et Boston. Après cette réorganisation, la Montréal, Portland et Boston confie le contrat de construction de la section entre Saint-Lambert et Farnham à Francis A. Hibbard, ingénieur civil. Par acte notarié, ce dernier donne une procuration à Ashley Hibbard qui, de fait, devient l’entrepreneur de ce tronçon, dont l’ouverture a lieu en 1877. Entre-temps, les journaliers préposés à la construction de ce tronçon protestent contre les mesures despotiques exercées par la compagnie, qui refuse de leur verser les salaires dus, malgré les subventions obtenues du gouvernement provincial. Mais, en 1877, la Montréal, Portland et Boston est en faillite et deux conseils d’administration différents se disputent la possession de la ligne. Au début de 1878, Hibbard prie le gouvernement de la province de Québec d’intervenir pour sauver le chemin de fer de la ruine. Hibbard a emprunté $75 000 de la Banque de Montréal pour financer la construction de la section entre Saint-Lambert et Farnham-Ouest, et il a, de plus, endossé un emprunt de $2 000 obtenu par l’ancien président de la compagnie ferroviaire ; le gouvernement provincial accorde alors à la Banque de Montréal la somme de $20 419 pour couvrir une partie de l’avance faite à Hibbard. À la fin de 1878, puis de nouveau au début de 1879, celui-ci soumet des mémoires au gouvernement sur les affaires de la Montréal, Portland et Boston. Grâce à de nouvelles subventions publiques, la section reliant Farnham-Ouest à Stanbridge sera achevée en 1879 et Hibbard l’exploitera jusqu’en 1883. Le chemin de fer de Montréal, Portland et Boston ne sera jamais terminé et les sections déjà construites seront graduellement abandonnées par leurs propriétaires respectifs ; celle qui reliait Saint-Lambert à Farnham était entrée, en 1878, dans le réseau du Grand Tronc, après avoir été fermée par le gouvernement du Québec qui la jugeait trop dangereuse.

Hibbard s’est également mêlé d’affaires publiques durant sa carrière. En 1849, il figure parmi les signataires du Manifeste annexionniste [V. Luther Hamilton Holton*]. En 1858, il se présente comme candidat dans la division d’Alma, aux élections du Conseil législatif, mais il est défait par Joseph-François Armand. En 1863, deux ans après l’affaire du Trent [V. Charles Hastings Doyle], Hibbard forme le 6e bataillon de milice (Hochelaga Light Infantry), qu’il commande, comme lieutenant-colonel, jusqu’à sa mort. En 1870, ce bataillon sera mobilisé à la frontière canado-américaine pour neutraliser une invasion fénienne sur Eccles Hill, Québec [V. John O’Neill*].

À sa mort en 1886, Hibbard, qui avait la réputation d’être très riche, vivait dans le domaine familial de Commeston, près de Frelighsburg, dans les Cantons de l’Est. Il laissait 16 enfants, nés de ses deux mariages, dont le premier, au début des années 1860, à Sarah Ann Lane, originaire de Manchester, Angleterre.

Gaétan Gervais

Ashley Hibbard est l’auteur de A narrative and exposure of the evil of secret indictments, by grand juries (Montréal, [1866]) et d’un mémoire sur les affaires de la Compagnie du chemin de fer de Montréal, Portland et Boston, déposé aux ANQ-Q, PQ, TP, Bureau des chemins de fer.

APC, RG 30, 2 790–2 793.— Débats de l’Assemblée législative (M. Hamelin), [III], 2 : 51.— Montreal in 1856 ; a sketch prepared for the celebration of the opening of the Grand Trunk Railway of Canada (Montréal, 1856).— Gazette, 25 mars 1886.— Atherton, Montreal, III : 198s.— Canadian men and women of the time (Morgan, 1912), 531.— Dominion annual register, 1886 : 271.— Montreal directory, 1842–1871.— P.-G. Roy, Les juges de la prov. de Québec, 569.— Gaétan Gervais, « L’expansion du réseau ferroviaire québécois (1875–1895) » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1978).— M. Hamelin, Premières années du parlementarisme québécois, 195s.— B. F. Hubbard, Forests and clearings ; the history of Stanstead County, province of Quebec, with sketches of more than five hundred families, John Lawrence, édit. (2e éd., Montréal, 1963), 91s., 96, 120s.— Leslie Roberts, From three men (s.l., 1954).— G. F. G. Stanley, Canada’s soldiers ; the military history of an unmilitary people (éd. rév., Toronto, 1960), 229s.

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Gaétan Gervais, « HIBBARD, ASHLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hibbard_ashley_11F.html.

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Auteur de l'article:    Gaétan Gervais
Titre de l'article:    HIBBARD, ASHLEY
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    2 nov. 2024