LAIDLAW, GEORGE, marchand de grains, transitaire et promoteur de chemins de fer, né le 28 février 1828 dans le Sutherlandshire (région de Highland, Écosse), fils de George Laidlaw ; en juin 1858, il épousa Ann Middleton de Toronto, et ils eurent cinq fils et trois filles ; décédé le 6 août 1889 près de Coboconk, Ontario.

George Laidlaw manifesta, dans sa jeunesse, un esprit aventureux et anticonformiste : il abandonna des études de droit entreprises à Édimbourg pour se joindre aux rebelles de don Carlos en Espagne ; il participa à la guerre entre les États-Unis et le Mexique en 1848, et se rendit dans les terrains aurifères de la Californie l’année suivante. Venant d’Écosse où il avait passé les cinq dernières années, le jeune homme qui immigra au Canada en 1855 était un peu plus rangé. Arrivant à Toronto durant une vague de prospérité, il obtint un poste d’acheteur de blé au sein de la Gooderham and Worts, firme de distillateurs et de marchands de grains. En 1865, malgré sept années d’instabilité économique, il avait mis sur pied sa propre compagnie d’expédition.

Ce fut le commerce des grains qui permit à Laidlaw de discerner les imperfections du système de transport intérieur de l’Ontario. En 1867, pour exposer ses vues, il publia deux brochures. Dans la première, il compila les Reports & letters on light narrow gauge railways [...], de Charles Fox et autres, y préconisant l’utilisation de chemins de fer moins coûteux, dont l’écartement des rails serait réduit à trois pieds et six pouces, au lieu des cinq pieds et six pouces exigés pour les voies ferrées de la province, et y proposant qu’on les construise en accordant de petits contrats à des gens de l’endroit, chacun d’eux étant chargé de l’aménagement de la voie et de la pose des rails sur une longueur de quelques milles. Il envisageait même le recours à une main-d’œuvre engagée à long terme qui serait formée d’immigrants ; ceux-ci construiraient les chemins de fer en paiement de leur traversée et de la concession d’un terrain. Selon ses prévisions, un chemin de fer à voie étroite, construit et muni de tout l’équipement nécessaire à un coût de 60 p. cent inférieur au prix courant, allait durer 50 ans.

Laidlaw est l’auteur d’une seconde brochure, intitulée Cheap railways [...], dans laquelle il suggéra de recourir au système des voies étroites pour la construction de deux chemins de fer. Le Toronto, Grey and Bruce Railway ferait le service en direction nord-ouest, de Toronto à Orangeville et au lac Huron avec un embranchement à Owen Sound ; le Toronto and Nipissing Railway mènerait au nord-est, de Toronto à Markham et à la région des lacs Kawartha jusqu’à une localité située au lac Nipissing. « Votre ciel d’été est assombri par la fumée de l’argent qui brûle », rappela Laidlaw aux habitants des secteurs devant être desservis par ces chemins de fer. Dans les endroits éloignés de la province, on brûlait des arbres, tandis qu’à Toronto un monopole faisait monter le prix du bois de chauffage. À maintes reprises, Laidlaw insista pour que les chartes accordées aux nouvelles compagnies ferroviaires comportent l’interdiction de fixer des prix excessifs pour le transport du bois de chauffage. Et il s’en prit violemment à la Compagnie du Grand Tronc et à la Northern Railway Company of Canada qui assuraient en Ontario le transport des marchandises américaines en entrepôt à un tarif inférieur à celui demandé pour les marchandises locales.

Le projet des deux chemins de fer canalisa les sentiments d’opposition au Grand Tronc, obtenant ainsi la faveur des Torontois de même que celle des colons isolés. Le fait de briser le monopole du bois à brûler, estimait-on, allait réduire les prix du combustible et le Toronto, Grey and Bruce Railway aurait la possibilité de détourner du réseau du canal Érié vers celui du Saint-Laurent les marchandises d’entrepôt destinées aux marchés internationaux. Ces deux faits nouveaux pouvaient renforcer la position de Toronto en tant que centre métropolitain, et des hommes d’affaires influents, notamment George Gooderham*, James Gooderham Worts et John Gordon, appuyèrent les projets de Laidlaw. Jusqu’au moment de sa rupture avec les Grits, Laidlaw trouva en George Brown* un fidèle allié ; le Globe le qualifia de prophète et publia sans tarder des extraits de cette « brochure vigoureuse » et certaines lettres qu’il avait rédigées.

Durant les années 1867 et 1868, Laidlaw se dépensa sans compter pour la mise sur pied des deux compagnies, et, en 1868, l’Assemblée de l’Ontario vota les lois créant la Toronto, Grey and Bruce Railway Company et la Toronto and Nipissing Railway Company. Il était prévu dans chacune des chartes que le transport du bois de chauffage serait effectué à un tarif bas et fixe, et que les marchandises étrangères ne devaient pas être transportées à un prix moindre que celui demandé pour des produits locaux de même nature.

La levée des premières pelletées de terre inaugurant la construction des deux lignes eut lieu en octobre 1869 à Weston et à Cannington, deux localités situées en des points intermédiaires des tracés. Au sud de ces endroits, le projet de voies ferrées resta en suspens, et l’accès au centre de la ville de Toronto devint la question la plus pressante des années 1870. Le Toronto, Grey and Bruce Railway ne pouvait être choisi pour le transport des marchandises américaines en entrepôt que s’il se rendait au port de Toronto. En 1873, ce chemin de fer et le Toronto and Nipissing Railway purent se rendre au port, mais ils se trouvaient éloignés du centre de la ville, ce qui compliquait l’échange des wagons et le partage des ateliers de réparation.

Les chemins de fer à voie étroite brisèrent en fait le monopole du bois de chauffage et contribuèrent dans une grande mesure à la croissance de Toronto durant les années 1870. Les dirigeants du Grand Tronc – on pouvait s’y attendre – critiquèrent l’utilisation des voies étroites, et, pendant de nombreuses années, il exista un profond désaccord entre Laidlaw et Frederic William Cumberland, administrateur-gérant de la Northern Railway Company. Engagés dans la lutte qu’ils livraient pour obtenir la haute main sur le territoire entourant Toronto, ces groupes rivaux ne manifestèrent la volonté de s’unir que lorsque la suprématie de la ville se trouva menacée par une entreprise de l’extérieur, la Wellington, Grey and Bruce Railway Company, établie à Guelph et à Hamilton.

Laidlaw s’abstint de participer à la construction des deux chemins de fer et s’intéressa plutôt à la région de Fenelon Falls où, en 1870–1871, on était à bâtir le Toronto and Nipissing Railway. Il proposa un plan de colonisation suivant lequel un chemin de fer menant au nord à partir du Toronto and Nipissing Railway serait construit par des immigrants engagés à long terme qui recevraient, en guise de paiement, des terrains en bordure de la voie ferrée. Toutefois, la législature provinciale n’accepta pas le plan et le projet de chemin de fer et de colonisation de Fenelon Falls ne fut jamais réalisé. Mais Laidlaw ne pouvait se défaire de l’idée d’aller construire au nord, dans la zone du bouclier précambrien. Il soutenait que les terres situées à 200 milles au nord du lac Nipissing devaient être cultivables puisqu’elles ne se trouvaient pas plus au nord que la Manche ; cette affirmation paraît bien naïve aujourd’hui, mais elle était l’objet d’une sérieuse attention au siècle dernier. En plus d’ouvrir le secteur à la colonisation, Laidlaw espérait établir une liaison entre Toronto et le chemin de fer transcontinental, qui faisait l’objet de discussions au parlement et qui semblait devoir passer par la région de Nipissing. Laidlaw, fort de l’appui des commerçants torontois, devint ainsi en 1872 président de la Victoria Railway Company, dont la ligne prolongeait celle du Toronto and Nipissing de Lindsay à la vallée du cours supérieur de l’Outaouais. Le chemin de fer atteignit le village de Haliburton en 1878, mais n’alla pas plus loin, et servit au transport du minerai et du bois. La collaboration de Laidlaw à la réalisation du Victoria Railway avait cessé en 1876, et le rêve qu’il caressait de voir Toronto devenir le terminus oriental du chemin de fer canadien du Pacifique s’évanouissait. Toutefois, deux de ses collègues, James Ross* et George Stephen*, qui avaient fait leurs premières armes dans la construction ferroviaire avec le Victoria Railway, devaient acquérir la renommée en 1881 lorsqu’ils furent associés à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique.

La Credit Valley Railway Company, constituée en société au mois de février 1871, fut un autre projet élaboré par Laidlaw. Cette ligne allait mener de Toronto à St Thomas, situé à l’ouest, avec des embranchements devant traverser la vallée de la rivière Credit et se terminer aux localités d’Orangeville et d’Elora. L’attitude de Laidlaw à l’égard de la Credit Valley Railway Company fut différente de celle qu’il avait adoptée lors des entreprises précédentes : il resta avec la compagnie jusqu’à la fin de la construction et occupa le poste de président pendant dix ans. Au milieu des années 1870, il mena des campagnes dans les milieux ruraux afin de recueillir des fonds et il fit du lobbying à Ottawa et à Londres. En 1877, dans cette dernière ville, alors que l’économie était en pleine dépression, il émit des obligations malgré les efforts accomplis, dit-on, par le Grand Tronc pour faire échouer cette initiative ; il remporta un succès qui lui valut d’être surnommé « le Prince des chasseurs d’actions ».

La construction du Credit Valley Railway s’avéra, cependant, une suite ininterrompue de frustrations et d’échecs. En 1874, la législature ontarienne avait établi à quatre pieds, huit pouces et demi la norme de l’écartement des rails dans la province et avait fait du respect de cette règle une condition pour obtenir une aide financière. Ainsi furent mises de côté les recommandations de Laidlaw visant à faire des économies. Les frais se trouvaient accrus à un moment où la prospérité diminuait, et les entrepreneurs de la région n’étaient pas en mesure de se lancer dans de gros projets. Enfin, l’épineuse question de l’accès au centre de la ville de Toronto n’était toujours pas réglée, en dépit du combat mené « avec une volonté tenace » par Laidlaw contre le Grand Tronc, puis contre le conseil municipal en 1879–1880. En 1883, deux ans après que Laidlaw eut abandonné la lutte, le Credit Valley Railway passa finalement par Toronto, mais en empruntant une voie tracée à deux milles dans l’intérieur des terres, c’est-à-dire en longeant ce qui était alors la banlieue de la ville.

Les frustrations éprouvées à cause de la situation prévalant à Toronto et l’attitude méprisante des autorités municipales à son endroit eurent sans aucun doute quelque chose à voir avec le dernier projet de Laidlaw dans le domaine ferroviaire. Présenté en 1880, ce plan voulait qu’un réseau de chemins de fer – le Credit Valley, le Toronto, Grey and Bruce, le Northern, et une nouvelle ligne entre Toronto et Ottawa – fût rattaché à une ligne reliant, sur la rive nord, Québec, Montréal et Ottawa, de manière à rivaliser avec le Grand Tronc. Toronto allait ainsi partager avec Montréal le rôle de métropole du Canada. Un projet excluant le Northern Railway devait plus tard servir de point de départ à la création du chemin de fer canadien du Pacifique dans le sud de l’Ontario, mais Laidlaw ne fut pas mêlé à cette entreprise.

Laidlaw abandonna la carrière de promoteur de chemins de fer en 1881. Marqué par les vicissitudes de la vie, il souffrait de troubles cardiaques ; la secrète ambition de se faire gentleman-farmer aurait également influencé sa décision. En 1871, il avait acheté plusieurs milliers d’acres de terrain dans le canton de Bexley, sur les rives du lac Balsam. Ses terres, sur lesquelles passait le Toronto and Nipissing Railway, constituaient sans aucun doute une réserve de bois pour la ville de Toronto. Durant les années 1880, il éleva des troupeaux de bovins et sut jouir de sa retraite.

Laidlaw était davantage un visionnaire qu’un homme d’affaires. Même lorsqu’il s’occupait de recueillir des fonds, il donnait l’impression d’être un homme énergique attaché à une image idéaliste de fermiers prospères, d’une ville en plein essor et d’une nation acquérant la mainmise sur son territoire. En moins de dix ans, c’est-à-dire bien avant les 50 années prédites par Laidlaw, le Toronto, Grey and Bruce Railway et le Toronto and Nipissing Railway se virent tous deux convertis en chemins de fer à voie normale. Loin d’avoir été mal conçues sur le plan technique, ces lignes, telles qu’on les avait construites, convenaient admirablement bien à un pays de pionniers où les capitaux se faisaient rares. Une fois ramenées à la norme, elles furent intégrées au réseau ferroviaire dans les années 1880 et, le trafic des marchandises devenant plus intense, elles rendirent encore de précieux services. En prononçant des discours et en recueillant des fonds, Laidlaw permit la construction de 500 milles de voie ferrée qui rayonnèrent de Toronto. Lorsqu’il prit sa retraite, on ne reconnut pas son mérite, et c’est plus tard seulement qu’on lui rendit hommage. Il ne fit pas d’argent, semble-t-il, avec ses entreprises : en 1883, il connut des difficultés financières personnelles et reçut l’aide de George Stephen. Dans les notices nécrologiques, on le décrit comme un homme modeste, sans prétention et d’une honnêteté scrupuleuse. Il fut « de loin le promoteur de chemins de fer le plus audacieux », « la vie et l’âme » du développement de Toronto sur le plan ferroviaire et, de toute évidence, le catalyseur de la croissance de cette ville et de son arrière-pays durant une période critique.

Thomas F. McIlwraith

George Laidlaw est l’auteur de Cheap railways : a letter to the people of Bruce and Grey, showing the advantages, practicability and cost of a cheap railway from Toronto through these counties [...] (Toronto, 1867), et il commenta et compila les Reports & letters on light narrow gauge railways [...] de Charles Fox et al. (Toronto, 1867).

AO, MU 20, Laidlaw à J. C. Bailey, 9 déc. 1874, 30 mai, 9 août 1876, 16 avril, 6, 8, 11, 15 sept. 1877, 28 mars, 17 mai, 9, 17, 26 juin 1879.— Evening Telegram (Toronto), 7 août 1889.— Globe, févr.–juill. 1867, mai 1869, mars 1871, sept. 1879, févr.–mars 1880, 8 août 1889.— Toronto World, 14 juin, 8, 9 août 1889.— Masters, Rise of Toronto, 64, 75, 110–114, 149.— Alfred Price, « George Laidlaw – pioneer railway builder », Canadian Magazine, 68 (juill.–déc. 1927), no 6 : 21–23, 34–37.

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Thomas F. McIlwraith, « LAIDLAW, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/laidlaw_george_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    1 déc. 2024