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SPRAGGE, JOHN GODFREY, avocat et juge, né le 16 septembre 1806 à New Cross, Lewisham (maintenant partie de Londres), fils aîné de Joseph Spragge* ; en 1831, il épousa Catherine Rosamund Thom, fille d’Alexander Thom*, chirurgien militaire, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 20 avril 1884 à Toronto.
John Godfrey Spragge fit ses études à la maison, sous la direction de son père qui avait immigré au Canada en 1820 pour occuper le poste de directeur de l’Upper Canada Central School. Par la suite, il fréquenta la Home District Grammar School de John Strachan* à York (Toronto). En 1823, il étudia le droit chez l’éminent juriste James Buchanan Macaulay*, puis chez Robert Baldwin*. Spragge fut reçu au Barreau du Haut-Canada le 14 novembre 1828 et il commença immédiatement à exercer à York. Il eut du succès dans le domaine du droit en equity, qui s’appliquait aux causes civiles ne relevant pas de la common law, et sa clientèle s’élargit. En 1838, John Hillyard Cameron* fut reçu au barreau et, peu de temps après, les deux hommes s’associèrent pour former l’étude d’avocats Spragge and Cameron.
De 1836 à 1841, Spragge exerça les fonctions de juge subrogé du district de Home, mais il connut une carrière plus longue à la Cour de la chancellerie. En Grande-Bretagne, où elle avait subi des modifications, et dans le Haut-Canada où elle fut établie en 1837, la Cour de la chancellerie avait juridiction dans les causes concernant les droits de propriété, les biens, les testaments, les successions, les fidéicommis et les hypothèques, les biens des enfants, des aliénés et des autres personnes jugées inaptes à prendre leurs affaires en main, les accidents, les sociétés en nom collectif, les pensions alimentaires, les baux ou les ventes, et les fausses déclarations. Elle pouvait exiger le respect des contrats et faire interner les personnes déclarées folles. Sa compétence s’étendait également aux lettres patentes émises par la couronne. Premier à être nommé maître en chancellerie (master) le 20 juin 1837, Spragge eut la tâche de mettre sur pied la nouvelle cour et d’établir un ensemble de règles déterminant la conduite des affaires de cette institution. En vertu de ses fonctions, il assistait aux réunions du Conseil législatif. Il devint greffier de la cour le 13 juillet 1844 et vice-chancelier le 27 décembre 1850. Finalement, le 27 décembre 1869, il remplaça l’honorable Philip Michael Matthew Scott VanKoughnet* au poste de chancelier. L’année suivante, il entreprit de réorganiser la cour, qui devint plus efficace et moins coûteuse.
Au cours de ces années, Spragge acquit une réputation de rédacteur expert en equity et de juge consciencieux. Sans être brillant, il avait les qualités d’un bon juriste. Ses jugements étaient fondés sur une analyse sérieuse et détaillée des faits dans chaque cause, et il avait le don de saisir les mobiles humains. La sagesse de ses décisions suscita le respect de ses collègues. Il se mêla de près aux diverses activités de la magistrature et aux affaires de la Law Society of Upper Canada. En 1835, il fut élu membre du conseil de cette association d’hommes de loi et il en devint le trésorier en 1841. Il fut membre de plusieurs comités de l’association et obtint que celle-ci puisse affecter un sténographe à la Cour de la chancellerie. Les comptes rendus de la cour furent publiés sous le titre d’Upper Canada Jurist.
Le 2 juin 1847, Spragge fit paraître une lettre adressée au procureur général dans laquelle il proposait la création d’une nouvelle cour d’appel au Haut-Canada. En suivant un raisonnement serré, il affirmait que la Cour d’appel qui existait alors n’était pas assez forte et ne possédait pas de véritable pouvoir d’appel, et qu’il fallait en créer une autre qui serait formée de juges appartenant aux cours du banc de la reine et de la chancellerie. Dans la même lettre, il défendait la Cour de la chancellerie contre ceux qui voulaient l’abolir. Il estimait que les cours de common law ne pouvaient pas administrer le droit en equity et que l’abolition de la Cour de la chancellerie déformerait le système judiciaire du Haut-Canada. Tout au long de son exposé, il affichait un profond respect pour le système judiciaire anglais et démontrait le souci de faciliter l’accès aux tribunaux.
Avec la considération dont il jouissait en tant que juriste et ses nombreuses années de service dans la magistrature, Spragge était l’homme tout désigné pour remplacer Thomas Moss au poste de juge en chef de la Cour d’appel. Il fut assermenté le 19 mai 1881, et, plus tard cette année-là, du fait de l’adoption de l’Ontario Judicature Act qui créait la Cour suprême de l’Ontario, il devint juge en chef de cette province, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. Il remplit les fonctions d’administrateur du 7 juillet au 6 septembre 1882, en l’absence du lieutenant-gouverneur.
Spragge ne fit pas carrière en politique, mais il eut à juger certaines causes et à trancher certaines questions reliées à la vie politique de son temps. Le 8 juillet 1881, il rendit son jugement dans la cause opposant Boyd Caldwell à Peter McLaren, marchand de bois, qui voulait empêcher Caldwell, un concurrent établi en aval du même cours d’eau, d’utiliser ses « glissoires » pour le flottage de son bois. Spragge jugea que Caldwell avait le droit de se servir de la propriété de McLaren à cette fin. Pendant que l’affaire était en instance, le gouvernement de l’Ontario, dirigé par Oliver Mowat*, vota le Rivers and Streams Act qui renforçait la position de Caldwell. Toutefois, lorsque la loi fut soumise à l’examen du gouvernement canadien, sir John Alexander Macdonald* y mit son veto parce qu’elle empiétait sur les droits de propriété privée qui étaient, selon lui, de compétence fédérale. Ces décisions alimentèrent le conflit qui opposait déjà le gouvernement fédéral et celui de la province ; la loi fut revotée et de nouveau révoquée en 1882 et 1883. Pendant ce temps, la Cour suprême du Canada annula le jugement de Spragge, mais en 1884, finalement, le comité judiciaire du Conseil privé le confirma, et la loi fut maintenue. Cette controverse donne une idée juste des tentatives faites par les tribunaux pour obtenir un nouveau partage des pouvoirs sous le régime de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.
En 1883, Spragge entendit la cause Hodge contre la reine. Archibald Hodge, propriétaire d’une taverne à Toronto, contestait le droit de la législature de l’Ontario à nommer des commissaires aux licences des débits de boissons. Ces commissaires avaient retiré à Hodge sa licence, parce qu’il avait toléré l’utilisation d’une table de billard dans sa taverne après sept heures du soir. Spragge donna raison aux commissaires, et le comité judiciaire du Conseil privé maintint son jugement une fois de plus. Cette cause s’avéra, comme la précédente, un événement significatif dans l’évolution de la lutte que se livrèrent les deux gouvernements pour le partage des pouvoirs.
En sa qualité de juge en chef, Spragge s’efforça de faire hausser le traitement des juges de la Cour d’appel afin d’intéresser des hommes de talent à la plus haute cour de l’Ontario. En outre, il proposa de mettre un terme aux tournées que les juges devaient effectuer dans leurs circonscriptions et qui causaient des interruptions et des retards inutiles dans les activités de cette cour. Les deux changements visaient à accroître l’efficacité de la cour et à améliorer sa situation dans la hiérarchie des tribunaux de la province. Spragge obtint l’appui d’Oliver Mowat, mais le ministre fédéral de la Justice, Alexander Campbell*, et sir John Alexander Macdonald s’opposèrent à ses vues. Après un débat qui dura plusieurs années, il eut finalement gain de cause.
Les mérites de Spragge en tant qu’avocat et juriste furent largement reconnus au moment de son décès. La Law Society of Upper Canada fit un résumé de sa carrière en louant son zèle, son intégrité, son érudition et sa compétence, et elle affirma qu’il ne le cédait en rien aux plus grands juges de tous les pays. Il était « le dernier de l’ancien régime ».
John Godfrey Spragge est l’auteur de : A letter on the subject of the courts of law, of Upper Canada, addressed to the attorney general and solicitor general (Toronto, 1847).
AO, MU 301–309 ; MU 469–487.— Canadian Law Times (Toronto), 4 (1884) : 233.— « Chief Justice Spragge », Canada Law Journal, nouv. sér., 20 (1884) : 160s.— « Recent judicial changes », Canada Law Journal, nouv. sér., 17 (1881) : 199–201.— Globe, 21 avril 1884.— Toronto Daily Mail, 21 avril 1884.— Dominion annual register, 1884.— Read, Lives of judges.— W. R. Riddell, The legal profession in Upper Canada in its early periods (Toronto, 1916).— Waite, Canada, 1874–96.— « Obituary : Hon. John Godfrey Spragge », Canada Law Journal, nouv. sér., 20 (1884) : 233s.
Brian H. Morrison, « SPRAGGE, JOHN GODFREY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/spragge_john_godfrey_11F.html.
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Auteur de l'article: | Brian H. Morrison |
Titre de l'article: | SPRAGGE, JOHN GODFREY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 1 déc. 2024 |