WALLBRIDGE, LEWIS, avocat, homme politique et juge, né le 27 novembre 1816 à Belleville, Haut-Canada, fils de William Wallbridge et de Mary Everett, décédé célibataire le 20 octobre 1887 à Winnipeg.

Le grand-oncle et le grand-père paternels de Lewis Wallbridge s’étaient établis dans la région de la baie de Quinte, Haut-Canada, au tournant du siècle, et ils se considéraient comme des Loyalistes de la Nouvelle-Angleterre. Le père de Wallbridge exerça les occupations de fermier, négociant et marchand de bois à Belleville. Après avoir fréquenté l’école du docteur Benjamin Workman, à Montréal, pendant deux ans, Lewis étudia à l’Upper Canada College, à York (Toronto), de 1831 à 1833. Il fit l’apprentissage du droit quelque temps à Belleville, puis chez Robert Baldwin* à Toronto. Reçu au barreau en 1839, il exerça à Belleville où il s’occupa principalement des affaires de terrains, des causes criminelles et des cas relevant de la Cour de la chancellerie. Il fut élu membre de la Law Society of Upper Canada en 1855 et nommé conseiller de la reine l’année suivante.

Après avoir été défait par le Clear Grit Billa Flint* aux élections de 1854, en briguant les suffrages comme réformiste modéré dans Hastings South, Wallbridge remporta la victoire sur un candidat conservateur dans cette circonscription en 1857. Au cours de cette seconde campagne, il se fit le défenseur de la représentation basée sur la population et de l’école publique, et il proposa de favoriser la libre entreprise en réduisant l’aide accordée à la Compagnie du Grand Tronc et en ouvrant le Nord-Ouest à la concurrence commerciale ; le Globe, de Toronto, se réjouit de sa victoire. Wallbridge usa de son influence pour que la région de Belleville délègue des modérés au congrès réformiste de 1859, auquel il n’assista pas lui-même. Se consacrant surtout aux questions de la représentation basée sur la population et de la réduction des dépenses plutôt qu’aux aspects plus radicaux du programme réformiste, il n’était pas mal disposé envers John Alexander Macdonald* en tant que personne ; il considérait un grand nombre de ses collègues de l’Assemblée comme des « bavards » enclins à prononcer d’interminables discours théoriques. En 1861, il hésitait à briguer de nouveau les suffrages et il ne le fit, a-t-on affirmé, que pour empêcher la circonscription de passer aux mains d’un gouvernement qui ne voulait pas de la représentation basée sur la population.

À l’instar de George Brown*, Wallbridge manifesta une attitude ambivalente envers le premier ministère réformiste formé par John Sandfield Macdonald* en mai 1862, qui défendait le principe de la double majorité ; en 1863, il s’abstint de voter sur le projet de loi gouvernemental, présenté par Richard William Scott*, visant à augmenter le nombre des écoles « séparées ». En mai 1863, toutefois, avec d’autres réformistes modérés, il entra au ministère remanié de Sandfield Macdonald et d’Antoine-Aimé Dorion*, et il devint solliciteur général du Haut-Canada. En août 1863, il fut réélu, après avoir fait porter sa campagne une fois de plus sur la réduction des dépenses et le capitalisme libéral, de même que sur la prohibition et l’observance du dimanche. À l’ouverture de la session, le premier ministre s’empressa de proposer sa nomination au poste d’orateur (président) de la chambre. L’ancien orateur, Joseph-Édouard Turcotte*, éleva immédiatement de bruyantes protestations, accusant Wallbridge d’être hostile aux catholiques et aux francophones. Les députés du Bas-Canada s’opposèrent majoritairement à cette nomination, mais elle fut acceptée grâce à l’appui des réformistes du Haut-Canada. Même si John A. Macdonald et la plupart des conservateurs avaient voté contre Wallbridge, le Daily British Whig, journal conservateur de Kingston, le présenta comme un « homme sensible, intelligent [...] peut-être le meilleur que le parti grit pouvait choisir », un homme véritablement « conservateur dans l’âme ». Il garda son poste en 1864 sous le gouvernement de sir Étienne-Paschal Taché* et de John A. Macdonald, et pendant la Grande Coalition, formée plus tard cette année-là.

Dernier orateur à l’Assemblée de la province du Canada, Wallbridge exerça ses fonctions avec tact, habileté et fermeté tout au long des orageux débats de 1865 qui menèrent à la Confédération. Pendant la période de la coalition, bien que toujours réformiste, il resserra ses liens avec John A. Macdonald et il eut avec celui-ci une influence considérable sur le « patronage » local. En juin 1867, Wallbridge fit bien comprendre que, la représentation basée sur la population étant chose acquise, il allait délaisser Brown et l’opposition réformiste pour appuyer la coalition qui se poursuivait sous la direction de Macdonald. Il ne se présenta pas aux élections de 1867, voulant éviter une confrontation avec son frère Thomas Campbell, adversaire de la confédération et voué à la cause des Grits, qui fut député de Hastings North de 1863 à 1867. Dix ans plus tard, en 1877, il annonça son intention d’être candidat conservateur dans Hastings West lors du scrutin fédéral de l’année suivante. Il croyait que son élection allait être une simple formalité, mais le vote des catholiques était contre lui et les vieux conservateurs étaient nombreux à lui tenir rigueur des liens qu’il avait entretenus avec les réformistes. S’il aida des candidats à se faire élire dans les circonscriptions voisines, il fut lui-même battu. Par la suite, il écrivit souvent à Macdonald pour lui communiquer « l’opinion des campagnards ».

Wallbridge connaissait des succès par ailleurs. Il avait été membre du conseil d’administration de la Bank of Upper Canada de 1862 à 1865, et son cabinet d’avocat était le plus fréquenté et le plus respecté de la région de Belleville. En 1880, on disait de lui qu’il était « l’un des plus anciens et des plus éminents avocats [...] de la province d’Ontario ». Devenu un gentleman-farmer de renom, il fut élu, cette année-là, second vice-président d’une société d’apiculteurs nouvellement créée, la Beekeepers’ Association. Wallbridge était un membre actif de l’Église d’Angleterre, mais il fit partie du « sénat » de l’Albert Collège, tenu par les méthodistes épiscopaux, où son frère avait institué un cours sur les mines et l’agriculture en 1869.

Bien qu’il n’eût jamais occupé un poste de magistrat auparavant, Wallbridge fut nommé juge en chef du Manitoba par le gouvernement de John A. Macdonald en décembre 1882. Le ministre de la Justice, sir Alexander Campbell*, expliqua cette nomination par le fait que Wallbridge connaissait bien les avocats manitobains, dont un grand nombre venaient de l’Ontario, et qu’il possédait une vaste expérience des questions de droit relatives aux biens fonciers, lesquelles étaient fort importantes au Manitoba. Mackenzie Bowell*, qui avait été battu par Thomas Campbell Wallbridge dans Hastings North en 1863 et avait ensuite défait celui-ci en 1867, ne se laissa pas convaincre et il écrivit à Macdonald une lettre amère où il souligna l’« égotisme extrême » de Lewis Wallbridge. Lorsqu’il quitta Belleville, ce dernier reçut néanmoins de chaleureux témoignages d’estime, dont certains lui furent offerts par des Canadiens français de l’endroit auxquels il déclara qu’il allait observer le principe de l’« égalité parfaite » de tous devant la loi.

Au Manitoba, Wallbridge gagna rapidement le respect des hommes de loi. Il continua de jouer le rôle d’informateur local auprès de Macdonald et il s’efforça d’apaiser les querelles qui éclatèrent parfois entre celui-ci et le premier ministre conservateur, John Norquay. En 1886, il accepta, après certaines hésitations, de mener une enquête, à titre de commissaire royal, sur les accusations de corruption portées contre le premier ministre du Manitoba ; dans son rapport, il disculpa Norquay de tout écart de conduite. Wallbridge mourut l’année suivante et fut inhumé à Belleville.

Bruce W. Hodgins

AO, Wallbridge family papers.— APC, MG 26, A.— Canada Law Journal, nouv. sér., 18 (1882) : 429.— Manitoba, Assemblée législative, Journals, 1886 : 189–195.— Daily British Whig, 14 août 1863.— Globe, 1882, 1887.— Hastings Chronicle (Belleville, Ontario), 1857, 1861, 1867.— Intelligencer (Belleville), 1880, 1887.— Canadian biog. dict., I : 185s.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), II : 374.— Illustrated historical atlas of the counties of Hastings and Prince Edward, Ont. (Toronto, 1878 ; réimpr., Belleville, 1972).— G. E. Boyce, Historic Hastings (Belleville, 1967).— « Hon. Lewis Wallbridge, chief justice of Manitoba », Canada Law Journal, nouv. sér., 23 (1887) : 361s.

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Bruce W. Hodgins, « WALLBRIDGE, LEWIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wallbridge_lewis_11F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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