REEVE, WILLIAM ALBERT, avocat, juge de paix, professeur et administrateur scolaire, né le 4 janvier 1842 à Toronto, fils de William Reeve et de Sarah Bielby ; en juin 1866, il épousa à Little Falls, état de New York, sa cousine germaine Sarah Theresa Bielby, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 2 mai 1894 dans sa ville natale.

Les parents de William Albert Reeve se rencontrèrent et se marièrent en 1832, dans le comté d’York, au Haut-Canada, peu après avoir émigré d’Angleterre. Son père s’établit d’abord dans une ferme mais se lança bientôt dans la fabrication d’outillage agricole à Toronto. C’était une famille non conformiste sur le plan religieux et ouverte aux réformes dans le domaine politique. William Reeve mourut en 1846, laissant sa femme avec une famille nombreuse et une maigre succession.

Comme ses frères, Richard Andrews et John, qui devinrent des médecins et professeurs de médecine renommés, William Albert fréquenta le Victoria College, à Cobourg. Il y étudia de 1856 à 1858, obtint un diplôme de la University of Toronto en 1861 puis s’inscrivit comme étudiant à la Law Society du Haut-Canada. Il commença son stage de clerc chez Stephen Richards de Toronto, mais passa ensuite chez Byron Moffatt Britton de Kingston. Autorisé à exercer comme solicitor le 24 novembre 1864, il fut reçu au barreau au trimestre d’automne de 1865. Reeve commença à travailler la même année à Napanee, en s’associant à William Henry Wilkison, procureur de la couronne dans Lennox and Addington et juge de paix. En 1869, il lui succéda à ces postes mais remit sa démission en 1882 pour retourner à Toronto.

Peu de temps avant son retour, Reeve était devenu avocat-conseil au prestigieux cabinet de Beatty, Chadwick, Thomson and Blackstock, mais cette association ne dura guère. Vers le milieu des années 1880, il pratiqua le droit criminel à son compte et à titre d’associé de James A. Mills ; à l’occasion, il agit en qualité d’avocat-conseil auprès de la Law Society pour des questions disciplinaires. Ses fonctions les plus importantes furent sans doute celles de maître de conférences et d’examinateur à temps partiel en droit criminel, maritime et civil au Trinity College et à Osgoode Hall en 1882 ; les six années suivantes, il figura sur la liste des chargés de cours de la Law Society. On le nomma conseiller de la reine en octobre 1885.

En février 1889, la décision des conseillers de la Law Society de rétablir à Osgoode Hall un programme de cours obligatoires pour compléter la formation pratique en droit mit temporairement fin à la controverse au sujet de la place des cours théoriques dans la formation juridique en Ontario. La direction de l’école, confiée au moins pour la quatrième fois à l’extérieur d’Osgoode Hall depuis son ouverture en 1832, fut d’abord proposée à Samuel Henry Strong*, de la Cour suprême du Canada, qui déclina l’offre. On l’offrit ensuite à Reeve, relativement peu connu, qui accepta. Les raisons de cette nomination, le 3 juillet, demeurent obscures. Son ancien associé à Kingston, Byron Moffatt Britton, ainsi que Britton Bath Osler* et D’Alton McCarthy, avocats au criminel et membres comme lui du cercle étroit que constituait cette section du barreau de Toronto, figurent parmi les conseillers qui l’engagèrent. Sa première tâche consista à passer deux mois de l’été à visiter les universités Columbia, Harvard, Yale et Boston avec les conseillers Edward Martin et Charles Moss*. Les observations favorables de Reeve sur le renouveau de la formation juridique aux États-Unis, ajoutées à sa connaissance des Commentaries on the laws of England de William Blackstone, constituèrent le fond de l’allocution inaugurale qu’il prononça le 7 octobre 1889.

Contrairement à ses successeurs, Newman Wright Hoyles, John Delatre Falconbridge* et Cecil Augustus Wright*, Reeve reçut un accueil favorable dans la plupart des constituantes pendant ses quatre années à la direction. On s’accorde à dire que le retard qui, selon certains, caractérisa la formation juridique sous les auspices de la Law Society au xxe siècle aurait pu être évité si le décès de Reeve, survenu en 1894 à la suite d’un arrêt du cœur à l’âge de 52 ans, n’avait pas mis brusquement fin à sa carrière de directeur. Cette opinion repose, entre autres, sur la nature du contenu du programme de la première année, élaboré dans la foulée des efforts déployés par Christopher Columbus Langdell à Harvard dans les années 1870, qui mettait l’accent sur certains aspects du droit privé, comme les contrats et les biens immobiliers. On introduisit aussi à titre expérimental l’enseignement socratique pratiqué aux États-Unis et l’étude de cas, le nombre d’enseignants à temps partiel fut graduellement multiplié par deux, et l’on offrit chaque année trois fois plus de cours. Finalement, la création d’une bonne bibliothèque et des rénovations importantes permirent de mieux répondre aux besoins d’une population étudiante en expansion.

Reeve orchestra la mise sur pied du programme de formation, sous la vigilance du comité de formation juridique de la Law Society, que présidait Charles Moss. La mainmise du comité sur l’engagement du personnel, les programmes, les questions d’examen, les manuels, les admissions, la discipline, ainsi que l’organisation de l’horaire en fonction des exigences de la formation pratique, limitait cependant la liberté de Reeve. Il donnait davantage l’impression d’être un commis salarié qu’un doyen d’études. Son école, cependant, fut le premier établissement permanent de la Law Society, et il y occupa le premier poste de professeur à temps plein. Au Canada nouvellement confédéré, il fut le deuxième, semble-t-il, après Richard Chapman Weldon* de l’école de droit de la Dalhousie University. Cependant, à la différence d’éminents professeurs à temps partiel de droit criminel au Canada au xixe siècle, tels John King, sir Henri-Elzéar Taschereau*, William Badgley* ou Jacques Crémazie*, Reeve ne participa à aucun projet de réforme du droit, ni ne publia dans son domaine. À l’exception de son allocution inaugurale et de quelques plaidoiries, il ne semble pas avoir écrit, ne serait-ce qu’une lettre dans le courrier des lecteurs d’un journal. Toutefois, son adresse inaugurale constitue un éloquent, fascinant et savant exposé de 12 pages, qui se démarque du cadre routinier de la pratique du droit en Ontario à la fin du xixe siècle par sa perspicacité et son absence de sectarisme.

La réputation de William Albert Reeve est donc fondée sur l’exposé de sa doctrine et sur sa mise en œuvre d’un régime hybride et monopolistique d’apprentissage et de formation théorique extra-universitaire, qui devança et concurrença l’enseignement du droit dans les universités ontariennes et demeura intact jusqu’en 1957. Reeve apparaît aussi comme une figure dominante de sa famille qui, d’abord non conformiste et orientée vers l’industrie artisanale locale, comptait, trois générations plus tard, des médecins, des professeurs et des membres du clergé anglican de réputation internationale.

G. Blaine Baker

Aucun papier de William Albert Reeve ne semble subsister, mais une importante collection privée qui renferme des documents et des souvenirs de famille se trouve en la possession de William Frederick Reeve de Port Hardy, C.-B.

Law Soc. of Upper Canada Arch. (Toronto), Barristers’ roll ; Common roll ; Legal Education Committee, records ; Minutes of the Convocation of Benchers, 1882–1894.— Canada Law Journal (Toronto), nouv. sér., 30 (1894) : 292.— Canadian Law Times (Toronto), 9 (1889) : 162, 241–255.— Law Soc. of Upper Canada, Convocation of Benchers, Journal of proc. [...] [1879–1904] (3 vol., Toronto, 1885–1904), 1–2.— Globe, 3 mai 1894.— Toronto Daily Mail, 3 mai 1894.— The Ontario law list and solicitors agency book [...], J. L. Rordans, compil. ([6e–9e éd.], Toronto, 1870–1882).— The Upper Canada law list [...], J. L. Rordans, compil. ([5e éd.], Toronto, 1866).— G. B. Baker, « Legal education in Upper Canada, 1785–1889 : the law society as educator », Essays in the history of Canadian law, D. H. Flaherty, édit. (2 vol., Toronto, 1981–1983), 2 : 49, 107–112.— C. J. Cole, « A learned and honorable body : the professionalization of the Ontario bar, 1867–1929 » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ontario, London, 1987), particulièrement 166–226.— C. I. Kyer et J. E. Bickenbach, The fiercest debate : Cecil A. Wright, the benchers, and legal education in Ontario, 1923–1957 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1987), particulièrement 28–34.— B. D. Bucknall et al., « Pedants, practitioners and prophets : legal education at Osgoode Hall to 1957 », Osgoode Hall Law Journal (Toronto), 6 (1968) :137, 157–172.— W. F. Reeve, « William Albert Reeve, Q.C. : the first principal, 1889–1894 », Continuum (North York [Toronto]), 15 (1987), n° 1 : 3–4.

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G. Blaine Baker, « REEVE, WILLIAM ALBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/reeve_william_albert_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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