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ROBINSON, JOHN BEVERLEY, sportif, officier, avocat, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 20 février 1820 à York (Toronto), deuxième fils de John Beverley Robinson* et d’Emma Walker ; le 30 juin 1847, il épousa au même endroit Mary Jane Hagerman, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 19 juin 1896 dans sa ville natale.
Comme son père, qui joua un rôle de premier plan dans l’histoire du Haut-Canada, John Beverley Robinson avait un penchant pour la vie publique mais, contrairement à celui-ci, il aimait la bagarre politique. Entre 1830 et 1836, il avait fréquenté l’Upper Canada College, où il s’était fait davantage remarquer par son talent au cricket que par sa connaissance des classiques. Il demeurerait d’ailleurs un fervent sportif toute sa vie. Robinson fit partie de la première équipe canadienne de cricket à livrer un match à une équipe américaine. Considéré en son temps comme le meilleur boxeur de Toronto, il inaugura le Toronto Athletic Club en 1891 et en fut président jusqu’en 1895.
Aide de camp de sir Francis Bond Head* en décembre 1837, durant la rébellion, Robinson se vit confier, après la défaite des rebelles, la tâche de livrer des dépêches à Washington. À son retour, il poursuivit son service dans l’armée britannique à titre de lieutenant à Sandwich (Windsor) durant un an. Il entreprit ensuite des études de droit, et se fit engager en qualité de clerc chez Christopher Alexander Hagerman*, dont il épouserait la fille, puis au cabinet de James McGill Strachan* et John Hillyard Cameron*. On l’admit au barreau en 1844. Ses origines, son stage de clerc et son mariage le mirent en relation avec des familles riches et influentes du Haut-Canada.
Robinson était cependant trop indépendant pour se plier aux exigences de son célèbre père. Comme son frère Christopher* le nota dans son journal en février 1845, un jour que John était rentré ivre à la maison, leur « père lui dit [qu’]il devait partir ». Désormais seul à subvenir à ses besoins, John se lança dans le commerce avec son oncle William Benjamin Robinson* à Newmarket, mais en 1850 il était revenu à la pratique du droit. Toutefois, c’est à la promotion et à l’administration des chemins de fer qu’il consacrerait la plus grande partie de son temps. En 1850, il forma un comité, avec Strachan, Cameron et d’autres, pour inciter la ville de Toronto à investir £100 000 en billets de loterie, au moyen de débentures, dans le futur Ontario, Simcoe and Huron Union Rail-road, qui deviendrait plus tard le Northern Railway. Cependant, la population rejeta catégoriquement par référendum ce projet conçu par Frederick Chase Capreol*.
Sa fréquentation du milieu des affaires amena Robinson à se mêler de politique municipale et, en 1851, 1853–1854 et 1856–1857, il fut échevin du quartier St Patrick. Pour les hommes politiques comme lui, les chemins de fer étaient de toute évidence synonymes de prospérité. En 1851, Robinson proposa donc que la municipalité verse une subvention à la Toronto and Guelph Railway Company, que le Grand Tronc racheta deux ans plus tard. En 1853–1854, alors qu’il présidait le comité permanent du conseil municipal sur les chemins de fer, il n’appréciait guère l’influence que l’entrepreneur du Grand Tronc, Casimir Stanislaus Gzowski, exerçait dans la province et craignait l’abandon du projet d’une ligne qui relierait Toronto à Sarnia en passant par Guelph. C’est cependant à l’Ontario, Simcoe and Huron Union Rail-road qu’il s’intéresserait le plus car, d’après lui, ce pouvait être le moyen de relier Toronto à la baie Géorgienne et aux marchés de l’Ouest américain. En 1854, après qu’il eut fait voter au conseil municipal une prime pour le chemin de fer, on le nomma représentant de la ville au conseil d’administration de la compagnie ferroviaire. Durant les 25 années suivantes, il serait un promoteur enthousiaste de la Northern Railway Company of Canada et, de 1862 à 1875, en serait le président.
En 1856, élu maire par ses collègues du conseil avec une faible majorité, Robinson, toujours soucieux de favoriser le progrès, appuya la construction d’une usine de distribution d’eau pour la ville et l’achat de terrains destinés à une prison et à une ferme industrielle. Il se montrait également favorable à l’aménagement d’une esplanade au bord de l’eau, pour laquelle Gzowski avait signé un contrat que la ville avait cependant annulé. En tentant de conserver sa charge de maire en 1857, il dut faire face aux accusations selon lesquelles le family compact cherchait à s’accrocher au pouvoir. Malgré de multiples manœuvres de dernière minute, il perdit l’élection par une voix, mais demeura cependant au conseil ou il poursuivit ses interventions en faveur du progrès. Il appuya le plan de Kivas Tully* pour relier la baie Géorgienne à Toronto par un canal – il fut d’ailleurs directeur provisoire du projet –, mais le conseil refusa de financer une entreprise aussi ambitieuse.
Aux élections provinciales de 1857–1858, Robinson, William Henry Boulton*, John George Bowes* et George Brown* se portèrent candidats dans la circonscription de Toronto, représentée par deux députés. Robinson, qui était conservateur, se vit accuser par Brown, réformiste et rédacteur en chef du puissant Globe, de « servilité » envers le gouvernement de John Alexander Macdonald et de George-Étienne Cartier* ainsi qu’envers les catholiques. Il prit grand plaisir à la campagne et tenta de perturber les assemblées favorables à Brown en s’y présentant lui-même ou en y envoyant ses partisans. Il fut élu, mais Brown aussi et avec plus de voix que lui. L’historien Barrie Dyster a très justement décrit Robinson comme un « occupant naturel de la deuxième place que son nom, les talents de son épouse, sa bourse profonde et son énergie animale combinés ont élevé au-dessus d’autres plus doués que lui ».
Durant ses premières années au Parlement, Robinson dut trouver le juste équilibre entre son appui au gouvernement Macdonald-Cartier, maintenu au pouvoir dans une large mesure par les « bleus » du Bas-Canada, et sa défense des intérêts du Haut-Canada, souvent contraires à la politique gouvernementale. Pour survivre en politique, il fut donc forcé d’adopter des positions semblables à celles de Brown sur des questions aussi populaires que la représentation basée sur la population, à laquelle il était néanmoins favorable lui aussi. D’une manière générale cependant, il se contenta d’intervenir sur les questions qui concernaient Toronto. Pour aider la ville à se sortir de la dépression de la fin des années 1850, il recommanda de verser une autre subvention à la Northern Railway Company of Canada, « seule chose propre à raviver le commerce languissant à Toronto ». La question controversée de l’emplacement de la future capitale du Canada mit cependant sa loyauté à rude épreuve en 1859. Au déplaisir des grandes villes comme Toronto, la reine Victoria avait choisi Ottawa. On s’attendait évidemment que Robinson appuie le choix de la reine, et par conséquent celui du gouvernement, mais on espérait aussi de lui qu’il défende les intérêts de sa ville. Il s’en tira en soulignant que la décision avait été prise par la couronne et qu’il serait presque déloyal de ne pas l’accepter.
Pendant la campagne électorale de 1861, son adversaire libéral dans Toronto West, Adam Wilson, ancien échevin qui, au conseil municipal, s’était opposé aux intérêts ferroviaires, tenta de dépeindre Robinson comme un instrument aux mains de John Alexander Macdonald et un faux défenseur de la représentation proportionnelle. Robinson réussit à faire dévier le débat en présentant les libéraux comme ceux qui voulaient briser le Canada-Uni et, par conséquent, laisser le Haut-Canada sans défense devant l’annexion par les États-Unis. Il fut facilement réélu.
Robinson devait peut-être une partie de ce succès politique à sa récente participation à une importante vente de terres de la couronne. Il était devenu en janvier 1859 conseiller juridique de la Canada Agency Association, organisme que l’on avait autorisé à vendre 439 000 acres dans l’actuel comté de Haliburton. Robinson se rendit plusieurs fois en Angleterre afin de prendre les dispositions relatives à la vente de ces terres à un groupe de capitalistes. À l’automne de 1860, lorsque l’un des principaux investisseurs se retira, Robinson retourna à la hâte en Angleterre pour reformer le groupe, qui prit le nom de Compagnie canadienne des terres et d’immigration. Cette vente – qui équivalait à presque trois fois les ventes de toutes les autres terres de la couronne en 1860 – lui valut les éloges du commissaire des Terres de la couronne, Philip Michael Matthew Scott VanKoughnet*. Robinson rompit cependant ses liens avec l’association et la compagnie foncière en 1861, après une mésentente sur ses honoraires.
Peut-être pour le récompenser de cette vente, ou pour souligner l’importance des conservateurs de Toronto, on nomma Robinson président du Conseil exécutif le 27 mars 1862. Comme l’écrivit en termes caustiques mais non inexacts le Globe, Robinson devenait le « dispensateur des faveurs gouvernementales » dans la région. Il ne resta cependant au cabinet que deux mois puisque le gouvernement fut renversé le 21 mai.
Aux élections de 1863, le parti conservateur, condamné pour s’être plié aux demandes des catholiques qui exigeaient des écoles séparées, avait perdu la faveur populaire. Robinson lui-même n’avait pas échappé à la critique en s’absentant de la chambre au moment du vote sur le projet de loi sur les écoles séparées, en mars [V. sir Richard William Scott*]. Il fut défait l’été même. Toutefois, ses relations étaient encore suffisamment puissantes pour qu’il obtienne, en 1864, la charge lucrative de conseiller juridique de la ville de Toronto, qu’il conserverait jusqu’en 1880.
Après sa défaite politique, Robinson se consacra à la pratique du droit et à ses affaires. Il fonda une société de prêt, qui devint la Western Canada Building and Loan Association, et il investit dans la construction de l’un des principaux hôtels de Toronto, Rossin House. En 1872, en apprenant qu’on songeait à lui comme candidat conservateur dans Toronto aux élections fédérales, il s’enfuit à Sault-Sainte-Marie, où les tories, insatisfaits de leur député Frederic William Cumberland*, directeur général de la Northern Railway Company of Canada, voulurent en faire leur candidat dans Algoma. Comme Robinson était bien connu pour ses entreprises minières dans la région, on le pria d’accepter la nomination « au nom du Northern Railway » qui, par l’intermédiaire de Cumberland, s’engageait à le défrayer de ses dépenses électorales. Il accepta et remporta la victoire.
Robinson se présenta de nouveau dans Toronto West en 1874 mais, dans la débâcle du gouvernement Macdonald qui suivit le scandale du Pacifique, il ne parvint pas à l’emporter sur le député sortant Thomas Moss*. Élu à l’élection partielle de novembre 1875, il passait inaperçu à l’arrière-ban jusqu’à ce qu’une commission royale d’enquête sur la Northern Railway Company of Canada s’interroge, en 1877, sur le paiement de ses dépenses électorales en 1872. Pour justifier la générosité de la compagnie ferroviaire, Robinson expliqua qu’il lui avait obtenu une subvention municipale de 200 000 $. Qu’il ait lui-même profité directement de cette subvention ne semblait nullement le gêner, ni ennuyer les électeurs. En 1878, il remporta facilement la victoire et s’avéra l’un des tories les plus populaires et les plus stables de l’Ontario.
Sauf pour une brève période en 1862, Robinson ne fit néanmoins jamais partie d’un cabinet de Macdonald. Peut-être parce qu’il avait des liens très étroits avec les chemins de fer et que Macdonald craignait que son gouvernement ne puisse survivre à un autre scandale ferroviaire, et sûrement à cause de sa personnalité combative. Il continua cependant à distribuer les faveurs gouvernementales dans la région de Toronto avant d’obtenir, en 1880, la charge qui viendrait couronner sa carrière, celle de lieutenant-gouverneur de l’Ontario. Il s’occuperait alors de protocole et devrait, assez ironiquement d’ailleurs, faire valoir les vues du gouvernement libéral d’Oliver Mowat* auprès du gouvernement conservateur d’Ottawa. En 1887, il se retira à Sleepy Hollow, sa maison de la rue College, près de l’avenue University, qui bien à-propos donnait sur les terrains de cricket de Toronto.
John Beverley Robinson avait toujours exercé son influence dans le domaine des affaires et de la politique à Toronto, et sa mort ponctua de manière spectaculaire la vie qu’il avait vouée à la cause conservatrice. En 1896, le premier ministre sir Charles Tupper*, cherchant désespérément à tenir à distance les libéraux renaissants, convoqua une assemblée au Massey Music Hall et invita Robinson, alors le vétéran des conservateurs torontois, à prendre la parole. Le 19 juin, une foule nombreuse et hostile se rassembla autour du bâtiment pour huer l’arrivée des dignitaires. Robinson, qui s’était retiré dans une antichambre avant de prononcer son discours, eut une attaque d’apoplexie et mourut au moment où l’assemblée commençait.
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Patrick Brode, « ROBINSON, JOHN BEVERLEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/robinson_john_beverley_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/robinson_john_beverley_12F.html |
Auteur de l'article: | Patrick Brode |
Titre de l'article: | ROBINSON, JOHN BEVERLEY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 12 déc. 2024 |