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CANNIFF, WILLIAM, médecin, professeur de médecine, auteur, administrateur scolaire et fonctionnaire, né le 20 juin 1830 dans le canton de Thurlow, Haut-Canada, fils de Jonas Canniff et de Letitia Flagler ; le 20 juin 1857, il épousa Grace Hamilton (décédée en 1858), et ils eurent un fils, puis le 15 septembre 1859, à Toronto, Elizabeth Foster (décédée en 1908), et ils eurent six fils et une fille ; décédé le 18 octobre 1910 à Belleville, Ontario.

Petit-fils de loyalistes installés tardivement dans la baie de Quinte, William Canniff grandit dans une relative aisance à la ferme familiale, au nord de Belleville. (Son père et ses frères aînés étaient aussi propriétaires et exploitants d’un moulin à farine et d’une scierie.) Étant le plus jeune survivant d’une famille de neuf enfants, il réussit à convaincre ses parents, méthodistes wesleyens, de l’envoyer au Victoria College de Cobourg après qu’il eut terminé ses études primaires dans des écoles locales. En 1852, il entra à la Toronto School of Medicine de John Rolph*, où il eut comme professeurs William Thomas Aikins* et Joseph Workman*. La formation médicale était alors en pleine transition : la scolarité était en train de remplacer le régime d’apprentissage. C’est pourquoi on encourageait Canniff et ses condisciples à aller faire de la clinique aux États-Unis pendant les vacances d’été et à poursuivre leurs études en Europe après avoir obtenu la qualification nécessaire pour exercer.

Reçu à l’examen du Medical Board of Upper Canada le 2 janvier 1854, Canniff fréquenta la University of the City of New York, obtint son diplôme de médecine et fit un internat en chirurgie à New York jusqu’au printemps de 1855. Ensuite, il étudia au St Thomas’s Hospital de Londres et, avant la fin de 1855, fut admis au Royal College of Surgeons of England. Attiré par le poste de médecin militaire, il passa les examens du bureau médical de l’armée britannique en vue d’obtenir un brevet de chirurgien adjoint suppléant dans la Royal Artillery. La guerre de Crimée ayant pris fin en 1856, il put visiter des hôpitaux à Édimbourg, à Dublin et à Paris. En 1857, il rentra au Canada, se maria et ouvrit un cabinet dans la région de Belleville.

Sa femme, Grace Hamilton, ayant succombé à la tuberculose l’année suivante, Canniff accepta d’enseigner à l’école de Rolph à Toronto, qui était devenue la faculté de médecine du Victoria College. Engagé comme chargé de cours en pathologie, il ne tarda pas à devenir professeur de chirurgie et à faire partie de l’équipe qui soignait la clientèle du dispensaire ouvert en 1861 par Rolph et sa seconde femme, Grace Haines. Cependant, dès la fin de 1862, un conflit l’opposa à Rolph au sujet de l’utilisation du dispensaire pour la formation clinique. En mars 1863, à l’âge de 33 ans, il fut contraint d’abandonner le professorat.

Canniff se trouvait donc privé d’un revenu régulier ; or, il s’était remarié en 1859 – avec Elizabeth Foster – et sa famille s’agrandissait. À cause de l’éclatement de la guerre de Sécession, il avait suivi un entraînement dans la milice au moment de l’affaire du Trent [V. sir Charles Hastings Doyle*]. Pourtant, après sa démission, ce fut à l’armée du Potomac qu’il offrit ses services, car il avait visité des hôpitaux de campagne nordistes en 1862. En mai 1863, il reçut de l’armée un brevet de chirurgien, mais dès le mois de juin, il démissionna et retourna à Belleville pour ouvrir encore une fois un cabinet. En 1866, il publia à Philadelphie A manual of the principles of surgery, based on pathology for students, un des premiers manuels canadiens de médecine, et aida à soigner les blessés du raid fénien de Ridgeway [V. Alfred Booker*]. En 1867, il assista au Congrès international de médecine de Paris, où il présenta une communication sur la mortalité due à la tuberculose en Amérique du Nord. En octobre de la même année, il participa à l’assemblée de fondation de la Canadian Medical Association.

En 1861–1862, époque des premières manifestations du nationalisme canadien, Canniff avait tenté, avec George Coventry* et d’autres, de mettre sur pied une société d’histoire du Haut-Canada. Dans les années suivantes, il termina les travaux de recherche et de rédaction qui aboutirent en 1869 à la publication, à Toronto, de History of the settlement of Upper Canada (Ontario), with special reference to the Bay Quinte. Cet ouvrage, qu’il disait avoir commencé en 1862 à l’instigation de l’éphémère société historique, est une étude monumentale dans laquelle deux sujets suscitant chez lui un intérêt de plus en plus marqué – l’histoire des loyalistes et « les perspectives d’avenir du dominion » – se fondent et engendrent un nationalisme typiquement canado-britannique. La rébellion de 1869–1870 à la Rivière-Rouge (Manitoba) [V. Louis Riel*] poussa Canniff à militer, avec son beau-frère William Alexander Foster*, dans ce qui allait devenir le groupe Canada First. Fermement convaincu que l’avenir du Canada passait par la mise en valeur du Nord-Ouest, Canniff participa à l’organisation du mouvement ontarien de protestation contre le « meurtre » de Thomas Scott* par le gouvernement provisoire de la Rivière-Rouge. En août 1870, il devint président de la North West Emigration Aid Society. Cet organisme exerçait des pressions sur le gouvernement fédéral de sir John Alexander Macdonald* pour que le dominion adopte une politique foncière qui attirerait des fermiers ontariens dans l’Ouest et ferait en sorte que cette région refléterait les nouvelles valeurs nationales. En 1872, Canniff publia, à Toronto, History of the province of Ontario [...], qu’il dédia à Macdonald, tout comme son histoire du Haut-Canada. Dès l’année suivante pourtant, il aida Foster à organiser le parti Canada First, en lequel les membres voyaient un antidote au genre de politique partisane dont le scandale du Pacifique était un exemple. En 1875, Canniff fit paraître à Toronto Canadian nationality : its growth and development, vibrant plaidoyer en faveur d’une identité authentiquement canadienne qui permettrait au pays d’occuper, au sein de l’Empire britannique, la place qui lui revenait de droit : celle de partenaire égal.

Par ailleurs, dans les années 1860, les médecins de la génération de Canniff avaient commencé à envisager la formation et la pratique dans une perspective plus professionnelle [V. William Thomas Aikins]. Ils avaient fondé des périodiques, des sociétés et des associations d’anciens pour promouvoir la cohésion parmi les praticiens orthodoxes, dont le statut était mis en cause par des groupes dissidents, les homéopathes et les éclectiques par exemple [V. Robert Dick*]. Sachant que la santé de John Rolph déclinait et que la faculté de médecine du Trinity College allait bientôt rouvrir (ce qui menaçait son alma mater), Canniff retourna à Toronto en 1868 pour devenir professeur de chirurgie et vice-doyen de la faculté de médecine du Victoria College. L’année suivante, il s’intégra au personnel du Toronto General Hospital. En 1870, il devint chirurgien consultant auprès de la Toronto Eye and Ear Infirmary. Toujours en 1870, on le nomma doyen parce que Rolph dut prendre sa retraite. Puis, en dépit d’un programme dynamique qui prévoyait la construction d’une nouvelle école à proximité de l’hôpital général, le Victoria College perdit des étudiants, et le revenu indispensable à sa survie, lorsqu’un bon nombre des plus anciens professeurs de sa faculté de médecine passèrent à l’école rivale, la Trinity Medical School. En 1874, les administrateurs du Victoria College refusèrent que l’école de médecine se réorganise en société par actions. Le personnel de la faculté de médecine démissionna en bloc, ce qui mit fin à la carrière de Canniff dans l’enseignement de la médecine. Néanmoins, il demeura consultant au Toronto General Hospital ; en outre, il continua de présenter des communications en médecine et de publier ses études de cas sous forme d’articles.

Canniff eut des réactions tantôt progressistes, tantôt rétrogrades à la professionnalisation de la médecine. À titre de président de la section médicale du Canadian Institute en 1870–1871, il avait commencé à faire campagne pour l’adoption de lois et règlements fédéraux, provinciaux et municipaux d’hygiène publique. Au moins à compter de 1868, dans des articles et des discours, il afficha son scepticisme – attitude qu’il partageait avec d’autres chirurgiens conservateurs – à propos de l’antisepsie listérienne. Cette manifestation d’opposition n’empêcha pas ses collègues de l’élire président de la Canadian Medical Association en 1880. Une fois à ce poste, il poursuivit sa longue bataille en vue d’obtenir des fonds fédéraux pour recueillir des statistiques sur la mortalité urbaine, comme on le faisait en Grande-Bretagne. Finalement, en 1882, le gouvernement Macdonald offrit des subventions sous condition. Pour y avoir droit, les municipalités devaient avoir un bureau de santé et des officiers de santé salariés. Le 12 mars 1883, Canniff devint le premier médecin hygiéniste permanent de Toronto. Dès lors, durant sept ans, il inculqua patiemment à ses concitoyens les principes de base de l’hygiène et de la lutte contre les maladies. Il s’efforça de moderniser les réseaux d’égout et de distribution d’eau de la ville, de réglementer l’approvisionnement alimentaire, et de promouvoir la vaccination et l’isolement des malades – ce qui menaçait bien des droits acquis, notamment ceux de ses collègues médecins [V. Alexander Milton Ross*]. Déçu et frustré, il démissionna le 17 septembre 1890, mais il avait réussi à intégrer la prévention à la vie municipale.

Tout en travaillant comme officier de santé, Canniff continua de s’intéresser à l’histoire du Canada et à la médecine dans l’armée. En 1884, il présida les fêtes du centenaire des loyalistes à Adolphustown et à Toronto. La même année, il commença à amasser de la documentation pour son dernier ouvrage important, The medical profession in Upper Canada, 1783–1850 [...], qui allait paraître à Toronto en 1894. Pendant la rébellion du Nord-Ouest en 1885, il aida les Sisters of St John the Divine à mettre sur pied, à Moose Jaw (Saskatchewan), un hôpital pour les blessés du ruisseau Fish – parmi lesquels se trouvait son fils aîné, William Hamilton.

Après avoir démissionné du poste de médecin hygiéniste, Canniff essaya de se relancer dans la pratique privée, mais il échoua, à cause de la dépression du début des années 1890 et, vraisemblablement, de sa conception traditionnelle de la médecine curative. En juillet 1894, après s’être vu refuser un poste d’agent de la santé dans l’administration fédérale, il tentait de prendre un nouveau départ dans la région de Muskoka. La tradition familiale laisse entendre qu’il avait quitté Toronto en partie parce qu’il était alcoolique. Malgré ces difficultés et une diminution de ses facultés physiques, il s’intéressait toujours à l’histoire du Canada. En 1893–1894, il fut président de la section d’histoire du Canadian Institute. Dans son discours inaugural, en novembre 1893, il plaida pour que le gouvernement provincial subventionne un musée qui abriterait des objets rappelant le passé de l’Ontario. Il écrivit un article sur la rébellion haut-canadienne de 1837 pour Canada, an encyclopœdia de John Castell Hopkins*. De plus, il entreprit des démarches pour faire rééditer Settlement of Upper Canada, qu’il avait aussi rédigé. Cependant, même si la United Empire Loyalist Association of Ontario le fit membre honoraire en 1898, ni cet organisme ni l’Ontario Historical Society n’avaient d’argent pour financer la réédition. Peu après 1900, William Canniff et son frère aîné, Philip Flagler, retournèrent à Belleville. Ils habitèrent ensemble jusqu’à ce que, en 1908, William entre dans un foyer ouvert depuis peu, la House of Refuge. Il mourut là deux ans plus tard, laissant une modeste succession d’une valeur de 500 $.

L’histoire de William Canniff permet de voir certaines des forces qui modelèrent la vie ontarienne dans la seconde moitié du xixe siècle. Sa carrière médicale illustre l’importance grandissante des organisations et de la formation professionnelles ainsi que l’expansion de nouvelles spécialités, l’hygiène publique surtout. En tant que chercheur et auteur, Canniff est un bon exemple du nationalisme idéaliste, visionnaire et légèrement naïf qui caractérisa la génération de la Confédération. Néanmoins, il préserva de l’oubli un grand nombre de documents importants. Dans son histoire du Haut-Canada, il affirmait avec force : « on ne saurait contester la valeur de l’histoire ; l’éclairage qu’elle apporte est toujours précieux et quiconque l’étudie bien y trouvera de la matière qui peut le préparer à exercer n’importe quelle fonction dans la vie publique ».

Heather MacDougall

En plus des ouvrages mentionnés dans le texte, les publications de William Canniff comprennent : The effects of alcohol upon the human system ; an essay upon the cause, nature and treatment of alcoholism (Toronto, 1872) ; une deuxième édition de History of the province of Ontario (Toronto, 1874) ; « Fragments of the War of 1812 : the Rev. George Ryerson and his family », Belford’s Monthly Magazine (Toronto), 2 (1877) : 299–308 ; et « An historical sketch of the county of York [...] », Illustrated historical atlas of the county of York [...] (Toronto, 1878), v–xxii. L’atlas historique a été réimprimé trois fois : ([Toronto], 1969), (Belleville, Ontario, 1972), et ([Port Elgin, Ontario, 1975]). L’ouvrage de Canniff intitulé History of the settlement of Upper Canada a été réimprimé avec une introduction de Donald Swainson sous le titre The settlement of Upper Canada (Belleville, 1971) ; le Hannah Institute for the Hist. of Medecine a réimprimé son ouvrage intitulé Medical profession in Upper Canada, introd. de C. G. Rolland ([Toronto], 1980).

Les comptes rendus rédigés par Canniff pour des revues médicales de l’époque comprennent : « Experience among some of the wounded who fell at the battle of Limestone Ridge, June 2nd », « Tuberculization in various countries and its influence on general mortality », et « Some remarks upon carbolic acid as a remedial agent in the treatment of wounds », dans le Canada Medical Journal and Monthly Record of Medical and Surgical Science (Montréal), 2 (1865–1866) : 529–534 et 4 (1867–1868) : 97–101 et 307–311, respectivement.

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Heather MacDougall, « CANNIFF, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/canniff_william_13F.html.

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Auteur de l'article:    Heather MacDougall
Titre de l'article:    CANNIFF, WILLIAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    3 déc. 2024