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GAULT, ANDREW FREDERICK, marchand, industriel et philanthrope, né le 14 avril 1833 à Strabane (Irlande du Nord), dernier fils de Leslie Gault, marchand et propriétaire de navires, et de Mary Hamilton ; le 12 juillet 1864, il épousa Louisa Sarah Harman, et ils eurent une fille et un fils qui vécurent au delà de la petite enfance ; décédé le 7 juillet 1903 à Georgeville, Québec, et inhumé à Montréal.
Andrew Frederick Gault, le « roi du coton au Canada », naquit dans le comté de Tyrone. Sa famille, anglo-irlandaise, était nombreuse et aisée. Ses parents eurent neuf enfants (cinq garçons et quatre filles) qui atteignirent l’âge adulte, et Andrew Frederick était le huitième. Sa mère appartenait à l’une des vieilles familles de Donegal (république d’Irlande). Son père avait bâti à Strabane une solide entreprise de commerce qui, dans les années 1820, dominait une bonne part du marché de Tyrone et d’un ou de deux autres comtés. Peu après, il se mit à faire aussi du transport maritime. Ses navires, remplis d’émigrants, allaient au Nouveau-Brunswick et aux États-Unis, puis en revenaient chargés de bois et de céréales.
Au début des années 1840, les choses tournèrent mal pour Leslie Gault. Trois de ses navires se perdirent en mer ; l’effondrement des marchés du bois et des céréales lui causa de lourdes pertes. Alors, en 1842, il fit un geste audacieux. Avec sa femme, ses sept plus jeunes enfants et une partie du capital qui lui restait, il se mit en route pour le Bas-Canada, espérant recommencer à neuf à Montréal, le foyer commercial de l’Amérique du Nord britannique. Moins de neuf mois après son arrivée, il mourut du choléra. Sa femme tomba malade et retourna en Irlande pour se rétablir. L’aîné des garçons qui se trouvaient à Montréal, Mathew Hamilton*, alors âgé de 20 ans, prit la tête de la famille. La mort de Henry Stuart, l’aîné des enfants, en 1844, puis celle de John James, le cadet, l’année suivante, le consacrèrent dans ce rôle.
Le malheur continua de s’abattre sur les Gault jusqu’à la fin des années 1840. Ils subsistaient grâce à la vente de propriétés situées en Irlande, mais la faillite d’une banque montréalaise leur porta quand même un dur coup. Ils tâtèrent de l’agriculture, mais finirent par y engloutir 7 000 $. Leur horizon commença à s’éclaircir seulement lorsque Mathew devint mandataire de deux compagnies d’assurances, en 1851, puis d’une troisième l’année suivante. On ignore tout à fait les incidences que ces événements eurent sur la vie du jeune Andrew Frederick. Il avait neuf ou dix ans lorsque Mathew devint chef de la famille. Il fréquenta la High School of Montreal, mais il dut peut-être la quitter avant de terminer ses études. Pendant un temps, semble-t-il, il fit de l’exploitation agricole avec les siens.
Andrew Frederick opta pour une carrière dans les affaires, ce qui n’est guère étonnant. Il s’initia au métier dans l’entreprise de nouveautés de Walter McFarlane (MacFarlane). Puis, en 1853, il se lança dans le commerce avec un associé nommé James B. Stevenson. Leur entreprise, la Gault, Stevenson and Company, fut dissoute à la fin de 1857 ou au début de 1858. Andrew Frederick forma alors une nouvelle compagnie avec son frère Robert Leslie. Par la suite, un de leurs beaux-frères, Samuel Finley, se joignit à la Gault Brothers and Company.
La R. G. Dun and Company observait attentivement les efforts de Gault. En janvier 1858, les agents de cette société le décrivaient ainsi : « célibataire, environ 30 ans [il en avait 24] [...] hautement respectable [...] bien sous tous rapports, homme d’affaires honnête, intelligent, industrieux, doué, a un capital de 25 000 $, est très prudent ». Selon ces agents, Robert Leslie était lui aussi « prudent, soigneux, honnête et digne de confiance », mais il avait seulement un capital de 3 000 $ ou 4 000 $. On ne peut guère douter que l’associé principal était Andrew Frederick.
L’entreprise mit du temps à grossir. En 1860, son capital avait fondu et n’atteignait plus que 24 000 $, et son chiffre d’affaires se situait entre 75 000 $ et 100 000 $. En 1861, l’agence notait que les Gault avaient été « pas mal « à sec » durant tout l’automne et [qu’]on a[vait] beaucoup parlé d’eux ». Les Gault sollicitaient des fonds ailleurs que dans les banques (par exemple, leur mère leur avança 8 000 $), mais, d’après les agents de la R. G. Dun, la seule solution était de « faire moins d’affaires et de se serrer la ceinture ». Les années 1862 et 1863 furent difficiles aussi. En juin 1863, la valeur nette de l’entreprise totalisait 31 000 $, selon une estimation prudente ; quant au chiffre d’affaires, il se situait encore entre 75 000 $ et 100 000 $.
Dix ans plus tard, le tableau était tout différent. En 1873, la Gault Brothers and Company affichait un chiffre d’affaires de 2 millions de dollars, ce qui était 20 fois plus élevé qu’en 1863. La valeur nette de l’entreprise avait grimpé au point de se situer entre 150 000 $ et 400 000 $. Manifestement, les Gault ne s’étaient pas contentés de « faire moins d’affaires et de se serrer la ceinture ». Leur situation avait beaucoup progressé dans les deux années précédentes. Ils avaient élargi leur marché en tenant un gros inventaire, « [en] distribu[ant] une très grande quantité de marchandises » et « [en] pren[ant] de gros risques » dans tout le Canada. Après, l’entreprise continua de prendre de l’expansion et ouvrit des succursales à Manchester, en Angleterre, ainsi qu’à Winnipeg et Victoria. En 1896, elle se constitua juridiquement sous le nom de Gault Brothers’ Company Limited ; son capital avoisinait alors le million de dollars. En 1922, elle installerait son siège social à Winnipeg, sa succursale alors la plus prospère.
Hommes d’affaires perspicaces, les Gault n’avaient pas raté une chance d’obtenir des rendements importants qui feraient plus que compenser leurs nombreuses petites pertes. Cette nouvelle stratégie leur apporta la richesse grâce à laquelle Andrew Frederick put entrer au conseil d’administration de plusieurs compagnies d’assurances, banques et manufactures de cotonnades. Son frère Mathew, premier directeur administratif de la Compagnie d’assurance mutuelle sur la vie, de Montréal, dite du Soleil, de même que président de la Banque d’échange du Canada, dut lui faciliter l’accès aux conseils d’administration des banques et compagnies d’assurances, mais il ne tarda pas à faire son chemin seul. Les conseils d’administration auxquels il appartint à divers moments à compter de 1873 sont nombreux : Compagnie d’assurance mutuelle sur la vie, de Montréal, dite du Soleil, Liverpool and London and Globe Insurance Company, Compagnie d’assurance sur la vie la Royal Victoria, Compagnie d’assurance sur la vie, dite des Manufacturiers, Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal, Royal Trust Company, Banque Molson et Banque de Montréal.
Grossiste et homme d’affaires de plus en plus important, Gault devint bien en vue au Bureau de commerce de Montréal, au conseil d’arbitrage duquel il appartint pendant un temps. Cependant, il se tint toujours à l’écart de l’arène politique : il refusa trois fois un siège de sénateur, déclina des invitations à se porter candidat au Parlement et refusa de se présenter à la mairie de Montréal. Son frère Mathew, élu deux fois aux Communes, représentait fort bien ses intérêts.
Ce fut en investissant dans la fabrication de cotonnades, industrie en pleine expansion au Canada, que Gault devint à la fois de plus en plus riche et de plus en plus renommé. Andrew Frederick et Mathew Gault commencèrent à s’intéresser à cette industrie au début des années 1870. En 1872, Andrew Frederick investit plus de 100 000 $ dans la construction d’une filature de coton à Cornwall, en Ontario, la Stormont Manufacturing Works. Un incendie la détruisit en 1874. L’assurance remboursa 38 000 $, mais la reconstruction de l’usine et le remplacement de la machinerie auraient coûté environ 250 000 $. Le conseil municipal de Cornwall fit des « offres attrayantes » aux Gault pour qu’ils reconstruisent – concessions de taxes, promesse d’acheter des actions de la compagnie, ou les deux – mais les Gault concentrèrent leur attention ailleurs. Dès 1879, cependant, ils feraient la promotion de la construction d’une nouvelle filature à Cornwall, qu’on appellerait la Stormont Cotton Manufacturing Company Limited.
En fait, les Gault voulaient une filature plus près de chez eux. Victor Hudon* avait formé un groupe d’hommes d’affaires montréalais afin d’investir dans une société du nom de Compagnie des moulins à coton de V. Hudon, Hochelaga, qui commença à produire en 1874. Trois ans plus tard, les machines démarraient aussi à la Compagnie des cotons de Montréal, usine de 400 000 $ que James Kewley Ward avait pu construire à Salaberry-de-Valleyfield grâce à des appuis financiers. Andrew Frederick et ses frères Robert et Mathew Gault achetèrent des actions de ces deux entreprises et entrèrent aux conseils d’administration. Dès la fin des années 1870, Andrew Frederick était président des deux firmes, les plus grosses de l’industrie.
Lorsque la Politique nationale du gouvernement de sir John Alexander Macdonald* entra en vigueur, en 1879, le tarif sur la cotonnade blanchie et non blanchie passa de 17,5 % ad valorem à une moyenne de 27 %. De plus, en vertu d’un arrêté en conseil, le droit de 10 % sur les importations de machines servant à la fabrication des cotonnades ne s’appliqua pas du 15 mars 1879 au 1er octobre 1881. Les Gault étaient dans une position idéale pour profiter de ces nouvelles mesures protectionnistes.
De 1879 à 1883, les investissements dans le secteur des cotonnades connurent une augmentation spectaculaire. Selon une série d’estimations, l’industrie comprenait, en 1879, 7 usines dotées de 128 000 fuseaux et ayant une production estimée à 3 745 000 $ ; en 1883, elle comptait 21 usines dotées de 461 350 fuseaux et dont on évaluait la production à 10 400 000 $. En 1882, le Globe de Toronto, qui ne chérissait pas la Politique nationale, publia une série d’articles de Thomas Phillips Thompson* à propos des effets du nouveau tarif sur la croissance et la rentabilité de l’industrie. Thompson rangeait les Gault et l’homme d’affaires montréalais David Morrice parmi les investisseurs qui avaient réalisé de « jolis bénéfices » même « sous un faible tarif », dans les années 1870, et qui ensuite, en profitant « pleinement du nouveau tarif, qui permettait] de voler l’ensemble de la population du dominion », étaient devenus des « barons du coton ». Bon nombre d’hommes d’affaires avaient réalisé de gros profits, disait Thompson, mais Andrew Frederick et Mathew Gault étaient « les plus riches d’entre les riches ». Les actions qu’Andrew Frederick détenait à la Compagnie des moulins à coton de V. Hudon, Hochelaga, lui auraient rapporté un rendement de 41,5 % en 1878 (avant la Politique nationale), de 61,3 % en 1879, de 77 % en 1880 et de 82 % en 1881.
Dès 1883, toutefois, le « filon » était épuisé. Regardant l’industrie glisser vers la dépression, la presse des affaires parlait d’« orgie du coton » à propos du boom de 1879–1883. La surcroissance avait engendré une « surproduction », particulièrement dans les cotons écrus (non finis). Les principaux investisseurs, administrateurs et directeurs de l’industrie passeraient le reste de la décennie à se débattre pour réaliser un « bénéfice suffisant » sur leurs investissements, que la Politique nationale avait peut-être trop favorisés. Étant président d’usines situées à Hochelaga, Salaberry-de-Valleyfield et Cornwall, Andrew Frederick Gault jouerait un rôle prépondérant dans cette lutte.
« C’est un truisme parmi les manufacturiers de coton, disait en 1883 le Journal of Commerce, que, si fabriquer des cotons écrus est à la portée de presque tout le monde, c’est tout autre chose que de faire de l’argent avec [cette activité]. » Gault recourut à trois solutions pour rentabiliser ses compagnies. Premièrement, il diversifia leur production. Ses usines d’Hochelaga et de Cornwall, par exemple, abandonnèrent les cotons écrus pour fabriquer des cotons blanchis et des cotons de couleur. Deuxièmement, il tenta de trouver de nouveaux débouchés pour les cotons écrus en poussant les exportations en Chine et au Japon (certains diraient : en y faisant du dumping). Troisièmement, il fit en sorte que les usines s’entendent pour réglementer la production, soit en formant des cartels, soit en réalisant des fusions.
Ce fut en organisant la production que Gault acquit le titre de « roi du coton » au Canada. À l’occasion de congrès sur le coton, il s’occupa d’abord de former des cartels : la Canadian Cotton Manufacturers’ Association de 1883 et un autre dont il fut président, la Dominion Cotton Manufacturers’ Association de 1886. On connaît bien la difficulté que présente l’administration des cartels : les restrictions imposées à la production profitent à l’industrie dans son ensemble, mais chacune des entreprises est très tentée de tricher en offrant des prix inférieurs au minimum convenu afin de s’approprier une part beaucoup plus grande du marché. L’industriel néo-brunswickois Alexander Gibson*, par exemple, refusa de participer aux cartels ; il préférait profiter de leurs efforts sans prendre d’engagements. On trouve en outre, dans la presse des affaires, des articles selon lesquels certaines entreprises offraient des escomptes « spéciaux » et de généreuses facilités de crédit pour masquer leurs infractions aux règles des cartels. Bien que ces derniers aient peut-être réussi pendant un temps (en 1886, semble-t-il) à réduire la production et à faire monter les prix, Gault était convaincu, dès 1889, que les fusions étaient la seule véritable solution.
Gault et Morrice organisèrent deux fusions d’envergure. La première eut lieu en 1890 et donna naissance à la Dominion Cotton Mills Company Limited, qui rassemblait sept entreprises produisant principalement des cotons écrus. Deux autres entreprises s’y ajoutèrent l’année suivante. La deuxième fusion se fit en 1892. Elle déboucha sur la création de la Canadian Colored Cotton Mills Company Limited, qui rassemblait sept entreprises dans lesquelles les cotons de couleur constituaient une forte portion de la production. En plus, par des ententes de mise en marché, la Canadian Colored Cotton Mills Company acquit le droit de fixer le volume de production de deux compagnies en principe indépendantes, dont celle de Gibson. Ces fusions transformèrent la structure de l’industrie. En 1888, avant qu’elles ne surviennent, le coefficient de concentration de l’industrie – c’est-à-dire la capacité de production des fuseaux installés dans les quatre plus grandes entreprises – était de 52,2 %, et une autre mesure du risque de collusion dans la fixation des prix, l’indice de Herfindahl, était de 0,11. En 1892, le coefficient de concentration était passé à 97,6 % et l’indice de Herfindhal, à 0,30.
Donc, comme l’a dit l’historien Michael Bliss, « pendant la plus grande partie des années 1890, les deux entreprises résultant d’une fusion [la Dominion Cotton Mills Company Limited et la Canadian Colored Cotton Mills Company] furent en mesure de réglementer les prix et la production dans l’industrie ». Gault, qui avait alors atteint la soixantaine, était au faîte de sa carrière d’homme d’affaires. Il occupait la présidence des trois plus grosses entreprises de cotonnades du Canada : la Dominion Cotton Mills Company, la Canadian Colored Cotton Mills Company et la Montreal Cotton Company. Selon le Canadian Magazine, les usines de ces sociétés « foisonnaient entre Brantford, au centre de l’Ontario, et Halifax, au bord de la mer ». Pour affronter la nouvelle concurrence, on réaliserait une autre fusion importante en 1905, après la mort de Gault ; cette fusion donnerait naissance à la Dominion Textile Company.
Celui que les agents de la R. G. Dun avaient qualifié de « jeune homme hautement respectable » était devenu, d’après le Canadian Magazine, « plus que deux fois millionnaire » et présentait la particularité d’être « une sorte d’industriel fort exotique – un roi du coton au Canada ». Naturellement, ses contemporains attribuaient sa réussite à son « énergie », à sa « force de caractère naturelle », à son « talent manifeste », à son « instinct des affaires » ou à d’autres qualités personnelles. En outre, ils le disaient « aussi doué pour la bataille que pour l’amitié ». En voyant ses portraits, on n’a aucune difficulté à croire qu’il était parvenu au sommet grâce à sa seule volonté : grand, bien fait et sûr de lui, la moustache fournie et la mâchoire carrée, il avait l’allure d’un boxeur professionnel. D’ailleurs, selon la légende familiale, si ses portraits le présentent toujours de trois quarts, le côté gauche du visage tourné vers l’objectif, c’est parce que son oreille droite portait des cicatrices. Il avait surpris un cambrioleur dans sa résidence de Montréal et s’était battu contre lui.
Ce fut dans l’industrie des cotonnades que Gault se fit connaître comme « un grand organisateur », comme l’administrateur inventif de plusieurs entreprises et groupes d’entreprises. Il ne mit pas l’industrie sur pied, mais il la transforma. Il ne s’occupait pas des aspects techniques de la production. En 1888, devant la Commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail, il répondit ainsi à une question sur sa participation à la gestion de la filature d’Hochelaga : « Quant à l’administration intérieure de l’usine, je ne m’en occupe nullement, je veux dire d’une manière active. » Les conditions de travail qui régnaient dans les filatures choquaient parfois les membres de la commission. Gault abordait ces sujets, comme un auteur contemporain l’a noté, « d’un esprit calme, avec philosophie ». Comme on lui demandait s’il avait ou non dit à un journal montréalais que les enfants employés dans ses usines avaient « de trop longues journées de travail », il répliqua : « J’ai dit qu’il était dommage qu’ils eussent à travailler si longtemps. »
Gault exerça son activité non seulement à la Gault Brothers and Company, dans l’industrie du coton et dans les conseils d’administration de compagnies d’assurances et de banques, mais aussi dans un bon nombre d’autres entreprises. On peut citer par exemple l’Association des commis voyageurs de la puissance (1875), la Farnham Beet Root Sugar Company (1879), la Corriveau Silk Manufacturing Company (1883), la Citizens Gas Company of Montreal (1883), la Globe Woollen Mills Company Limited (1887), la Canadian Woolen Mills Limited (1887), la Campbellford Woolen Mills Company (1887), la Crescent Manufacturing Company (1896), la Havana Electric Tramway Company (1898), la Boas Manufacturing Company (1900) et la Trinidad Electric Light and Tramway Company (1901).
Par ailleurs, Gault consacrait ses énergies et sa fortune à sa famille, à l’Église d’Angleterre et à la collectivité. En 1864, il avait épousé Louisa Sarah Harman, fille de Henry B. Harman du Surrey, en Angleterre. Seulement deux de leurs enfants atteignirent l’âge adulte : Lillian Mary Louisa, née en 1877, et Andrew Hamilton*, né en 1882. Les Gault eurent aussi cinq enfants morts-nés (quatre garçons et une fille) et deux garçons qui moururent en très bas âge. Selon la tradition familiale, Gault espérait tellement avoir un héritier – un fils en bonne santé – qu’il promit à l’évêque de Montréal, William Bennett Bond, que, si Dieu lui accordait cette faveur, il fournirait un immeuble pour le Montreal Diocesan Theological College. Gault remplit sa promesse. Cette histoire ne manque pas d’intérêt, mais est peut-être apocryphe, car l’immeuble fut acheté en 1881 et le fils de Gault naquit en 1882. Ce dernier n’avait pas la passion des affaires comme son père. Dès qu’il le put, Andrew Hamilton Gault fit carrière dans l’armée, où il accéda au grade de brigadier ; il fit aussi de la politique, à titre de député en Angleterre. Peut-être est-il connu surtout parce qu’il utilisa la fortune paternelle pour lever le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, un des plus fameux régiments de la Première Guerre mondiale.
Pour sa famille, Gault fit bâtir vers 1875 une résidence appelée Rokeby, à l’angle des rues Sherbrooke et Mountain. Œuvre de l’architecte montréalais John James Browne*, elle était de style « manoir écossais » et arborait « des créneaux médiévaux, des tours et des motifs gothiques ». Cette maison fut démolie dans les années 1920. Gault avait également une maison d’été, Glenbrook, à Georgeville, dans les Cantons-de-l’Est.
En raison de ses succès en affaires, Gault pouvait se permettre d’être grand philanthrope ; il donnait une part de son argent et – ce qui revenait au même – de son temps à son Église et à sa communauté. Ainsi, il fonda le Gault Institute à Salaberry-de-Valleyfield ; il fut trésorier du synode du diocèse de Montréal et délégué au synode général de l’Église d’Angleterre au Canada. En outre, il fut trésorier du Robert Jones Memorial Convalescent Hospital, président de la Maison protestante d’industrie et de refuge de Montréal, vice-président du Andrews Home, membre du United Board of Outdoor Relief et membre du conseil universitaire de McGill. Il soutint fidèlement son église, St George, en tant que marguillier et surintendant de l’école du dimanche.
Il est difficile de déterminer combien d’argent Gault donna à des bonnes causes. À sa mort, la plus grande partie de sa fortune passa, en fiducie, à sa femme et à ses deux enfants. Lorsque sa succession fut enfin réglée, en décembre 1915, son fils et sa fille reçurent chacun 1 307 888,35 $. En outre, il légua par testament un total de 54 000 $ à des œuvres : McGill, le synode du diocèse de Montréal et la Maison protestante d’industrie et de refuge de Montréal reçurent chacun 10 000 $ ; le Montreal Diocesan Theological College, 12 000 $ ; le Montreal General Hospital, 5 000 $ ; l’hôpital protestant des aliénés à Verdun, 2 000 $ ; enfin, la mission de Sabrevois [V. Bond], le Sheltering Home, la Young Men’s Christian Association, l’Association chrétienne des jeunes femmes de Montréal et une certaine Mme Frost, pour son travail d’évangélisation, 1 000 $ chacun.
Gault avait donné bien davantage de son vivant. Il versa au total entre 150 000 $ et 200 000 $ au Montreal Diocesan Theological College, notamment pour un nouvel immeuble inauguré en 1896. Six ans plus tard, il donna 5 000 $ à l’église St George pour l’érection du clocher. En 1899, il paya les cloches, l’horloge extérieure et le carillon. En plus, il fit beaucoup de dons sous le couvert de l’anonymat. L’évêque James Carmichael lui rendit hommage en disant qu’il avait été « l’un des hommes les plus aimés à avoir jamais vécu [à Montréal] ». « Pas une fois, précisait Carmichael, je ne lui ai demandé en vain de l’aide pour les pauvres, les malades et les nécessiteux. À maintes reprises, il m’a donné cette assistance spontanément, et pas seulement dans ses dernières années, où il était fort à l’aise, mais aussi dans les premières heures de notre amitié, à l’époque où il avait l’avenir devant lui [...] C’est ainsi que je l’ai connu, c’est ainsi que des centaines de gens l’ont connu : cet homme bon et généreux faisait souvent le bien littéralement à la dérobée. »
Andrew Frederick Gault mourut en juillet 1903 d’une inflammation rénale, le mal de Bright. Il fut inhumé au cimetière du Mont-Royal le 10 du mois ; selon le Montreal Daily Star, on n’avait guère vu de funérailles « plus imposantes [...] à Montréal depuis des années ». Le cortège funèbre était gonflé, peut-être à juste titre, par « tous les employés de la Gault Brothers et de la Dominion Cotton Mills ».
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Michael Hinton, « GAULT, ANDREW FREDERICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/gault_andrew_frederick_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/gault_andrew_frederick_13F.html |
Auteur de l'article: | Michael Hinton |
Titre de l'article: | GAULT, ANDREW FREDERICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 10 déc. 2024 |